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Cour fédérale

Federal Court

 


Date : 20100112

Dossier : IMM-2640-09

Référence : 2010 CF 37

Toronto (Ontario), le 12 janvier 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

ENTRE :

ALFRED GJELAJ

ALEKS GJELAJ    

demandeurs

 

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande concerne la demande de protection en vertu de l’article 97 que les demandeurs ont faite sur le fondement de la crainte du risque qu’ils pourraient courir en raison d’une guerre de clans mettant leur famille en cause en Albanie. La Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande des demandeurs en s’appuyant sur une conclusion défavorable quant à la crédibilité, fondée sur de nombreuses conclusions d’invraisemblance.

 

[2]               Les demandeurs ont présenté des éléments de preuve selon lesquels, bien que les origines de la guerre de clans remontent à 1942, ce n’est qu’en 1996 qu’elle est devenue une source de préoccupation pour eux, et ils l’ont alors signalée aux autorités. Ces éléments de preuve ont été rejetés sur le fondement des conclusions clés d’invraisemblance suivantes :

 

[TRADUCTION] « Les origines de la guerre de clans remontent à 1942, lorsque le grand-père des deux demandeurs a tué cinq personnes. Pareilles guerres de clans n’étaient pas tolérées à l’ère communiste, mais elles ont resurgi au début des années 1990, en 1991 pour la plupart. C’est ce que le premier demandeur a confirmé et a affirmé dans l’exposé circonstancié de son FRP. Cependant, en l’espèce, l’explication du premier demandeur quant à savoir ce qui a ravivé cette guerre de clans en 1996, soit cinq ans après des guerres de clans latentes semblables, n’est pas acceptable. Lorsque le premier demandeur a été interrogé à ce sujet, il a affirmé : “Parce qu’en 1991, il y a eu un échange de guerres de clans.” Lorsqu’on lui a demandé plus de précisions, il a affirmé : “Je veux dire des guerres de clans entre d’autres familles”; et d’ajouter : “ Après 1990, les gens avaient peur. Nous avions peur et nous étions craintifs. En 1991, nous avons signalé qu’il y avait des guerres de clans entre différentes familles.” J’estime que cette explication n’est pas raisonnable pour expliquer l’écart chronologique de six ans.

 

[Je souligne.]

(Décision, pp. 2-3)

 

[…]

 

En l’espèce, les demandeurs allèguent que des gens ont demandé aux voisins d’espionner la famille des demandeurs. Cela semble contraire aux traditions relatives aux guerres de clans, et même si cela s’est produit, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, aucune guerre de clans n’a été déclarée. »

 

[Je souligne.]

(Décision, p. 3).

 

 

[3]               La norme juridique à appliquer pour pouvoir tirer une conclusion d’invraisemblance est celle que le juge Muldoon a énoncée dans Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1131:

 

 

6.                Le tribunal a fait allusion au principe posé dans l'arrêt. Maldonado c M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, suivant lequel lorsqu'un revendicateur du statut de réfugié affirme la véracité de certaines allégations, ces allégations sont présumées véridiques sauf s'il existe des raisons de douter de leur véracité. Le tribunal n'a cependant pas appliqué le principe dégagé dans l'arrêt Maldonado au demandeur et a écarté son témoignage à plusieurs reprises en répétant qu'il lui apparaissait en grande partie invraisemblable. Qui plus est, le tribunal a substitué à plusieurs reprises sa propre version des faits à celle du demandeur sans invoquer d'éléments de preuve pour justifier ses conclusions.

 

 

7.                Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu'il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l'invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c'est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu'il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu'on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu'on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22].

 

[Je souligne.]

 

 


[4]               J’estime que les conclusions d’invraisemblance précitées ne s’accordent pas avec la norme juridique parce que la SPR n’a pas invoqué d’éléments de preuve fiables et vérifiables au regard

desquels la vraisemblance des témoignages des demandeurs pourraient être appréciés. En conséquence, l’affirmation selon laquelle l’écart chronologique et l’espionnage auquel se seraient livrés des voisins sont invraisemblables n’est que de la spéculation non fondée. Je conclus donc qu’une erreur susceptible de révision a été commise dans la décision contestée.


ORDONNANCE

 

Par conséquent, j’annule la décision faisant l’objet de contrôle, et je renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire.

 

Il n’y a aucune question à certifier.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Colette Dupuis

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2640-09

 

INTITULÉ :                                                  ALFRED GJELAJ, ALEKS GJELAJ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 janvier 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 janvier 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Yerzy

 

POUR LES DEMANDEURS

Suran Bhattacharyya

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Yerzy

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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