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Cour fédérale

Federal Court

 

Date : 20100108

Dossier : T-1600-05

Référence : 2010 CF 26

Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2010

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

CAMI AUTOMOTIVE, INC.

et AISIN WORLD CORPORATION

OF AMERICA

 

                                                                                                                        demanderesses

et

 

WESTWOOD SHIPPING LINES INC.,

AS BORGESTAD SHIPPING et

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

                                                                                                                                    défenderesses

ET ENTRE :

WESTWOOD SHIPPING LINES INC.      

                                                                                                            auteur de la mise en cause

et

 

COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER NATIONAUX DU CANADA

 

mise en cause

 


MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

[1]               Le 24 juin 2009, j’ai prononcé les motifs de jugement et le jugement à l’égard des questions préliminaires de la limitation de la responsabilité des défenderesses et de la nature du document d’expédition en cause dans la présente action. La question des dépens a été mise en délibéré . Il a été enjoint aux parties, faute d’entente, de déposer des observations écrites relatives aux dépens.

 

[2]               Les défenderesses ont signifié et déposé leurs observations écrites le 18 septembre 2009, et les demanderesses les leurs le 30 septembre 2009. Toutes les parties ont déposé des observations écrites supplémentaires le 18 novembre 2009 et, le lendemain, les plaidoiries ont été entendues par voie de vidéoconférence. Les présent motifs ont trait à ma décision quant aux dépens.

 

Contexte

[3]               Le fondement factuel de l’action et la relation existant entre les diverses parties sont exposés en détail dans ma décision du 24 juin 2009 (Cami Automotive, Inc. c. Westwood Shipping Lines Inc., 2009 CF 664). En résumé, Cami Automotive Inc. (Cami) a acheté d’Aisin Corporation of America (Aisin) des transmissions d’automobiles et elle a conclu un contrat afin que celles-ci soient expédiées vers le Canada par les défenderesses WSL Shipping Lines Inc. et AS Borgestad Shipping (collectivement WSL), qui ont transporté ces marchandises par mer. Le transport ferroviaire des marchandises de Vancouver à Toronto a été confié en sous-traitance à la défenderesse Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN). Les demanderesses, Cami et Aisin, réclament des dommages-intérêts des défenderesses, d’un montant de 1 213 386,20 $ US, leurs marchandises ayant été endommagées lors d’un déraillement survenu le 5 janvier 2005 dans le nord de l’Ontario.

 

[4]               Le 5 mars 2008, il a été ordonné sur consentement des parties que les questions touchant les dommages-intérêts soient jugées de manière distincte et que les parties soumettent les questions restantes à procès. À la suite du procès, par ordonnance datée du 14 mars 2009, l’ordonnance de disjonction du 5 mars 2008 a été modifiée comme suit :

[traduction]

En vertu de l’article 107 de la Règles des Cours fédérales, toutes les questions touchant la limitation de la responsabilité des défenderesses en lien avec les réclamations de la demanderesse seront jugées séparément des questions concernant la responsabilité générale des défenderesses et l’évaluation des dommages-intérêts. On se prononcera sur la limitation éventuelle de la responsabilité en présumant que la responsabilité des défenderesses est engagée envers la demanderesse, sans préjudice toutefois de tout moyen de défense que les défenderesses pourront par la suite faire valoir si sont instruites les questions de la responsabilité générale et de l’évaluation des dommages-intérêts.

 

 

[5]               Par suite de l’ordonnance sur consentement, je n’ai traité dans ma décision que des questions concernant la limitation de la responsabilité de WSL et de CN.

 

[6]               J’ai conclu que le document d’expédition de WSL, que j’ai établi être une lettre de transport, conférait une limitation de responsabilité à WSL. La lettre de transport prévoyait une limitation de responsabilité de 500 $, en monnaie argent cours légal aux États-Unis, par paquet. Ayant conclu que le document d’expédition de WSL était une lettre de transport, j’ai également conclu que la limitation de responsabilité de 500 $ US par paquet prévue dans la Carriage of Goods by Sea Act  (la COGSA) des États-Unis était également applicable. J’ai en outre conclu que 100 paquets avaient été endommagés et qu’ainsi, la responsabilité de WSL se limitait à 50 000 $ pour les marchandises endommagées.

 

[7]               En ce qui concerne la limitation de la responsabilité de CN, j’ai rejeté l’argument de celle-ci selon lequel le tarif CN 7589 (le tarif CN) venait restreindre cette responsabilité. J’ai toutefois estimé que la limitation de responsabilité prévue dans le Règlement sur la responsabilité à l’égard du transport ferroviaire des marchandises, incorporé par renvoi dans le contrat confidentiel conclu entre CN et WSL, s’appliquait aux demanderesses. En outre, la lettre de transport de WSL renfermait une clause Himalaya valide et, cette clause recevant application, CN pouvait se prévaloir de la limitation de responsabilité énoncée dans la lettre de transport conclue entre WSL et les demanderesses. J’ai résumé ma conclusion comme suit :

[traduction]

En résumé, tel qu’il est prescrit dans l’ordonnance de disjonction modifiée, je conclus de la manière ci-après exposée au sujet de la limitation de responsabilité des défenderesses CN et WSL. Je conclus que les conditions de la lettre de transport limitent la responsabilité de WSL, et que le contrat de transport est régi par la COGSA. À ce titre, la limitation de responsabilité de WSL est de 500 $ US par paquet, ce que je considère désigner en l’espèce une palette. Pour sa part, CN peut se prévaloir de la limitation de responsabilité convenue dans son contrat confidentiel, ou de celle opposable aux demanderesses prévue dans la lettre de transport. Dans ce dernier cas, la limitation de responsabilité de CN est la même que celle de WSL (Cami, paragraphe 95).

 

 

[8]               On a convenu des faits suivants aux fins de la présente procédure relative aux dépens : 100 paquets ont été endommagés par suite du déraillement; conformément à la décision Cami, la valeur de chaque paquet est limitée à 500 $ US en vue de l’établissement de la responsabilité; la responsabilité des défenderesses est limitée à 50 000 $ US.

 

[9]               Les renseignements additionnels suivants ne sont pas non plus contestés : les demanderesses réclament des dommages-intérêts de 1 213 386,20 $ US; les demanderesses ont reçu une indemnité de sauvetage d’environ 18 905,69 $ US pour la cargaison endommagée; le 9 janvier 2006, CN a versé aux demanderesses, sans préjudice de tout recours, un paiement de 50 000 $ CAN (41 542,05 $ US); le 7 février 2008, WSL a présenté une offre écrite de règlement établie à 50 001 $ CAN, plus les intérêts courus à compter de la date d’acceptation de l’offre ainsi que les dépens; WSL a retiré l’offre de règlement lorsqu’a débuté le procès (le 26 février 2009).

 

Argumentation des parties quant aux dépens

[10]           CN soutient que les demanderesses devraient être condamnées à lui payer les dépens et qu’elle a droit aux dépens en vertu des paragraphes 400(1) et 400(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/2004-283, art. 2 (les Règles), pour les motifs ci-après exposés.

a.       Dans la décision Cami, CN a eu gain de cause à l’égard de tous les éléments de l’action, ce qui milite pour l’octroi en sa faveur des dépens en vertu de l’alinéa 400(3)a) des Règles.

 

b.       Le montant réclamé par les demanderesses était de l’ordre de 1 500 000 $ US, tandis que le montant attribué par jugement était de 50 000 $ US. Les demanderesses ont été entièrement indemnisées par l’indemnité de sauvetage et le paiement effectué par CN, et elles ne peuvent ainsi recouvrer aucun montant (alinéa 400(3)b)).

 

c.       Les questions en litige étaient importantes et complexes (alinéa 400(3)c)).

 

d.      Le paiement versé par CN aux demanderesses devrait être considéré constituer une offre de règlement aux termes de l’alinéa 400(3)e).

 

 

[11]           CN soutient avoir eu gain de cause parce que la Cour a souscrit à l’essentiel de son argumentation sur la limitation de responsabilité, et ce, même si son premier argument quant à l’incidence du tarif CN a été rejeté. CN invoque également le paiement qu’elle a versé aux demanderesses le 9 janvier 2006 pour affirmer avoir droit, en vertu du paragraphe 420(2) des Règles, au double des dépens à compter de la date de ce paiement. Le paiement, si l’on y ajoute la somme recouvrée par les demanderesses à titre d’indemnité de sauvetage, est plus avantageux que la somme maximale qui pourrait être recouvrée par celles-ci du fait de la limitation de responsabilité des défenderesses.

 

[12]           WSL soutient avoir droit aux dépens en vertu des paragraphes 400(1) et 400(3) des Règles pour les motifs énoncés ci-après.

a.       WSL a eu entièrement gain de cause quant à toutes les questions en litige entre elle et les demanderesses, ce qui milite pour l’octroi en sa faveur des dépens en vertu de l’alinéa 400(3)a) des Règles.

 

b.      Les demanderesses ont réclamé une somme de plus de 1 000 000 $ US. Or la Cour a désormais conclu que, si les défenderesses devaient être reconnues responsables, leur responsabilité serait limitée à la somme maximale de 50 000 $; la somme de 41 542,05 $ US, en outre, a déjà été recouvrée (le paiement de CN). Cet écart entre les sommes réclamées et les sommes pouvant être recouvrées devrait être pris en compte en vertu de l’alinéa 400(3)b).

 

c.       La question de la limitation de la responsabilité était la plus importante dans la présente cause et elle a eu un caractère déterminant. Ce facteur milite en faveur de l’octroi des dépens à WSL en vertu de l’alinéa 400(3)c).

 

d.      WSL a soumis avant l’audience aux demanderesses une offre valide de règlement, ce qui devrait être pris en compte en vertu de l’alinéa 400(3)e).

 

WSL soutient également avoir droit au double des dépens à compter du 7 février 2008, soit la date de la présentation de son offre de règlement, en vertu du paragraphe 420(2) des Règles. Elle prétend que son offre, si l’on y ajoute le paiement de CN précédemment reçu par les demanderesses, est plus avantageuse que la somme maximale que les demanderesses pourraient recouvrer du fait de la limitation de responsabilité des défenderesses.

 

[13]           Les demanderesses soutiennent pour leur part qu’il est prématuré de fixer les dépens puisque la question de la responsabilité n’a pas encore été tranchée. Elles font valoir de manière subsidiaire que, si la Cour devait taxer les dépens à l’égard du procès sur la limitation de responsabilité, ces dépens devraient lui être attribués, ni CN ni WSL n’y ayant droit.

 

[14]           Les demanderesses soutiennent que les dépens devraient être attribués comme si un jugement avait été rendu en leur faveur contre les défenderesses, chacune de celles-ci devant verser la somme de 50 000 $ US. Les demanderesses auraient ainsi droit, en vertu de l’article 400 des Règles, de taxer leurs dépens sur la base des frais partie-partie conformément au tarif B. Elles prétendent avoir droit aux dépens parce que les défenderesses ont rejeté toute responsabilité à l’égard de tout dommage, parce qu’elles obtiendront jugement contre chacune des défenderesses pour la somme de 50 000 $ US, et parce que les offres de règlement présentées par les défenderesses sont d’un montant n’atteignant pas celui du jugement.

 

[15]           Les demanderesses font valoir subsidiairement que, si la Cour devait décider d’attribuer les dépens aux défenderesses, CN ne devrait se voir octroyer aucuns dépens, et WSL se voir octroyer des dépens sur une base partie-partie. Les demanderesses ajoutent que l’argument principal de CN était que le tarif CN venait limiter sa responsabilité. Or la Cour a rejeté cet argument de CN; c’est à l’égard de sa prétention selon laquelle elle pouvait tirer profit de la limitation de responsabilité énoncée dans la lettre de transport que la Cour a donné raison à CN. Le succès des parties étant ainsi partagé, des dépens ne devraient pas être octroyés. Quant à WSL, les demanderesses reconnaissent que l’argument de celle-ci concernant la limitation de responsabilité a été couronné de succès. WSL devrait ainsi se voir attribuer les dépens, mais uniquement les dépens partie-partie.

 

[16]           Les demandeurs soutiennent, en ce qui concerne le paiement de CN, qu’il n’atteint pas le seuil établi de la limitation de responsabilité. Selon les demanderesses, il n’y aurait pas lieu de tenir compte de l’indemnité de sauvetage tel que le fait CN pour prétendre que son paiement était suffisant. Les demanderesses ayant ainsi toujours une somme à recouvrer des défenderesses, l’offre de règlement ne satisfait pas les critères prévus au paragraphe 420(2) des Règles, de sorte que CN n’a pas droit au double des dépens. Quant à l’offre de règlement de WSL du 7 février 2008, cette fois, les demanderesses soutiennent qu’elle n’atteignait pas le seuil établi par la Cour pour la limitation de responsabilité. Ainsi, comme dans le cas de CN, l’offre ne satisfait pas les critères du paragraphe 420(2), de sorte que WSL n’aurait pas droit non plus au double des dépens.

 

Questions en litige

[17]           Les questions en litige quant aux dépens sont celles qui suivent :

a.       La Cour peut-elle décider de la question des dépens, alors que les questions de la responsabilité et des dommages n’ont pas été tranchées? De plus, quelle est l’incidence de l’ordonnance modifiée de disjonction des questions en litige, et du non-règlement de la question des dommages?

 

b.      Doit-on tenir compte de l’indemnité de sauvetage au titre des sommes à recouvrer? Comment convient-il de calculer l’incidence de cette indemnité aux fins de l’alinéa 400(3)b) et du paragraphe 420(2) des Règles?

 

c.       Le paiement de CN et l’offre de règlement de WSL suffisent-ils pour que soient satisfaits les critères du paragraphe 420(2) des Règles, et qu’ainsi les défenderesses aient droit au double des dépens?

 

Cadre législatif

[18]           Les dispositions pertinentes des Règles sont reproduites ci-après.

 

400. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

 

[…]

 

 (3) Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en application du paragraphe (1), la Cour peut tenir compte de l’un ou l’autre des facteurs suivants :

 

a) le résultat de l’instance;

b) les sommes réclamées et les sommes recouvrées;

c) l’importance et la complexité des questions en litige;

d) le partage de la responsabilité;

e) toute offre écrite de règlement;

 

[…]

 

(6) Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut :

 

a) adjuger ou refuser d’adjuger les dépens à l’égard d’une question litigieuse ou d’une procédure particulières;

b) adjuger l’ensemble ou un pourcentage des dépens taxés, jusqu’à une étape précise de l’instance;

c) adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat-client;

d) condamner aux dépens la partie qui obtient gain de cause.

 

[…]

 

420. (1) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve du paragraphe (3), si le demandeur fait au défendeur une offre écrite de règlement, et que le jugement qu’il obtient est aussi avantageux ou plus avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite, au double de ces dépens mais non au double des débours.

 

 (2) Sauf ordonnance contraire de la Cour et sous réserve du paragraphe (3), si le défendeur fait au demandeur une offre écrite de règlement, les dépens sont alloués de la façon suivante :

 

a) si le demandeur obtient un jugement moins avantageux que les conditions de l’offre, il a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et le défendeur a droit, par la suite et jusqu’à la date du jugement au double de ces dépens mais non au double des débours;

 

b) si le demandeur n’a pas gain de cause lors du jugement, le défendeur a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de signification de l’offre et, par la suite et jusqu’à la date du jugement, au double de ces dépens mais non au double des débours.

 

 

400. (1) The Court shall have full discretionary power over the amount and allocation of costs and the determination of by whom they are to be paid.

 

 

(3) In exercising its discretion under subsection (1), the Court may consider

 

 

 

(a) the result of the proceeding;

(b) the amounts claimed and the amounts recovered;

(c) the importance and complexity of the issues;

(d) the apportionment of liability;

(e) any written offer to settle;

 

 …

 

 (6) Notwithstanding any other provision of these Rules, the Court may

 

(a) award or refuse costs in respect of a particular issue or step in a proceeding;

(b) award assessed costs or a percentage of assessed costs up to and including a specified step in a proceeding;

(c) award all or part of costs on a solicitor-and-client basis; or

(d) award costs against a successful party.

 

 

 

 

420. (1) Unless otherwise ordered by the Court and subject to subsection (3), where a plaintiff makes a written offer to settle and obtains a judgment as favourable or more favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and costs calculated at double that rate, but not double disbursements, after that date.

 

 

(2) Unless otherwise ordered by the Court and subject to subsection (3), where a defendant makes a written offer to settle,

 

 

(a) if the plaintiff obtains a judgment less favourable than the terms of the offer to settle, the plaintiff is entitled to party-and-party costs to the date of service of the offer and the defendant shall be entitled to costs calculated at double that rate, but not double disbursements, from that date to the date of judgment; or

 

(b) if the plaintiff fails to obtain judgment, the defendant is entitled to party-and-party costs to the date of the service of the offer and to costs calculated at double that rate, but not double disbursements, from that date to the date of judgment.

 

 

[19]           Le paragraphe 400(1) des Règles confère à la Cour un large pouvoir discrétionnaire en matière de dépens. On énumère au paragraphe 400(3) un certain nombre de facteurs dont la Cour peut tenir compte dans l’exercice de ce pouvoir. La Cour peut également considérer toute autre question qu’elle juge pertinente (alinéa 400(3)o)). Les dépens ne doivent être ni punitifs ni extravagants, et leur allocation doit représenter un compromis entre l’indemnisation de la partie qui a gain de cause et la non-imposition d’une charge excessive à la partie qui succombe (Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., (1998), 159 F.T.R. 233, conf. (2001), 199 F.T.R. 320(C.A.)). Selon l’article 407, les dépens sont, par défaut, taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B. Celui-ci est formulé en fonction du principe général que les frais entre parties devraient raisonnablement correspondre aux dépens réels du litige (Apotex Inc., paragraphe 5). Dans la décision Dimplex North America Limited c. CFM Corporation., 2006 CF 1403, le juge Mosley a déclaré ce qui suit, au paragraphe 12, sur le sujet :

Les valeurs de la colonne III du tarif B s’appliquent toujours par défaut pour l’adjudication des dépens. Lorsqu’une majoration des dépens est justifiée, la Cour doit d’abord décider s’il est possible d’adjuger des dépens raisonnables en s’en tenant au tarif B. Ce n’est que lorsque le résultat est déraisonnable ou insatisfaisant que la Cour doit envisager l’adjudication d’un montant supérieur aux valeurs du tarif.

 

 

Analyse

a.      La Cour peut-elle décider de la question des dépens, alors que les questions de la responsabilité et des dommages n’ont pas été tranchées? De plus, quelle est l’incidence de l’ordonnance modifiée de disjonction des questions en litige, et du non-règlement de  la question des dommages?

 

[20]           Les demanderesses soutiennent qu’il est prématuré de rendre une décision sur la question des dépens, et qu’il conviendrait de la différer jusqu’à ce qu’aient été tranchées les questions de la responsabilité ou des dommages-intérêts. Selon elles, il n’est pas possible au stade actuel de statuer sur les dépens. Puisque les questions de la responsabilité et des dommages-intérêts n’étaient pas en cause, aucun jugement définitif n’a été rendu quant aux dommages-intérêts qui puisse être exécuté par les demanderesses. De plus, il n’y a pas eu, après instruction de la question de la limitation de responsabilité, une partie gagnante ni une partie perdante. Avant qu’elle ne puisse apprécier les facteurs d’attribution des dépens prévus aux paragraphes 400(1) et 400(3) des Règles, selon les demanderesses, la Cour doit établir qui a eu gain de cause et qui a succombé dans le litige.

 

[21]           Tout en concédant que les questions de la responsabilité et des dommages-intérêts restent en litige, CN soutient qu’en tranchant les questions en litige dans le jugement sur la limitation de la responsabilité, on a en fait disposé, compte tenu du paiement fait par elle aux demanderesses, de l’objet de l’action. Puisqu’on a conclu que la responsabilité de CN se limitait à un montant de 50 000 $ US et que celle-ci a effectué un paiement de 41 542,05 $ US, il est peu probable que les demanderesses iront en procès quant aux questions de la responsabilité et des dommages-intérêts. Et comme cela est peu probable, la fixation des dépens jusqu’à ce que soit rendue une décision sur la responsabilité et sur les dommages-intérêts reviendrait à empêcher CN de réclamer des dépens. CN ajoute que, même si les demanderesses décidaient de soumettre ces questions à procès et devaient avoir gain de cause, la somme maximale qui leur serait attribuée serait de 8 457,98 $ US (soit 50 000 $ US moins le paiement déjà effectué par elle). Comme alors le montant pouvant être  attribué serait si minime, il serait peu ou nullement probable que des dépens soient de nouveaux octroyés. Compte tenu des conclusions tirées sur la limitation de la responsabilité, les défenderesses pourraient aussi simplement consentir à verser aux demanderesses le montant maximal dont ils pourraient être tenus responsables, ce qui mettrait un terme à toutes les questions encore en litige entre les parties.

 

[22]           WSL soutient, tout comme CN, qu’en tranchant les questions touchant la limitation de la responsabilité, on a en fait disposé du litige en son entier. WSL soutient également qu’au procès sur la limitation de la responsabilité, on a en fait décidé de la question des dommages-intérêts, et que les dépens devraient suivre l’issue de l’affaire, peu important l’issue de tout procès ultérieur sur la question de la responsabilité.

 

[23]           Je souscris à l’argument de WSL selon lequel les dépens devraient suivre l’issue de l’affaire, peu importe l’issue d’un procès ultérieur portant sur la responsabilité, voire sur les dommages‑intérêts. Je rejette par ailleurs l’argument des demanderesses quant au caractère prématuré d’une décision sur la question des dépens. À l’égard de la question distincte de la limitation de la responsabilité, les parties ont fait valoir leur position respective, et cette question a été tranchée par la Cour. Les défenderesses ont soutenu pour l’essentiel que leur responsabilité se limitait à la somme de 50 000 $ US, et c’est en ce sens qu’on en a décidé au procès. Les défenderesses ont ainsi eu gain de cause quant à la question de la limitation de la responsabilité. Que les parties décident ou non de soumettre à procès les questions de la responsabilité et des dommages-intérêts, on peut ainsi statuer dès maintenant sur la question des dépens découlant du procès sur la limitation de responsabilité.

 

(2) Doit-on tenir compte de l’indemnité de sauvetage au titre des sommes à recouvrer? Comment convient-il de calculer l’incidence de cette indemnité aux fins de l’alinéa 400(3)b) et du paragraphe 420(2) des Règles?

 

[24]           Les demanderesses ont recouvré une indemnité de sauvetage de 18 905,69 $ US pour leur cargaison endommagée. La question de savoir si le montant de cette indemnité doit être imputé sur les sommes à recouvrer des défenderesses par les demanderesses a une incidence sur la question des dépens, particulièrement en ce qui touche l’offre de règlement et la question de savoir, par conséquent, si la règle du doublement des dépens doit recevoir application.

 

[25]           Les demanderesses font valoir qu’à titre de propriétaires des marchandises endommagées, elles sont les seules parties pouvant liquider ces marchandises et tirer profit de l’indemnité de sauvetage. Selon les demanderesses, cette indemnité d’un montant de 18 905,69 $ US doit être imputée sur sa réclamation totale, portant ainsi à 1 213 386,20 $ US sa réclamation nette en dommages-intérêts.

 

[26]           CN établit une distinction entre la valeur réputée et la limitation de responsabilité. CN soutient que la lettre de transport de WSL renferme deux clauses distinctes, l’une concernant la valeur réputée des marchandises et l’autre la limitation de la responsabilité. CN ajoute que la Cour a tiré deux conclusions, elles aussi distinctes, la première relative à la valeur réputée des marchandises, la seconde relative à la limitation de responsabilité des défenderesses. Quant à la valeur réputée, la Cour a conclu que chaque paquet était réputé valoir 500 $ US et que 100 paquets avaient été endommagés. La valeur des marchandises endommagées ne saurait par conséquent être supérieure à 50 000 $ US. Selon CN, le produit tiré de l’effort de limitation des dommages devrait être imputé sur cette valeur réputée. CN s’appuie en outre sur la décision Redpath Industries Ltd. c. Cisco, [1994] 2 C.F. 279 pour prétendre qu’à titre de défenderesse, elle a le droit de tirer profit de l’effort de limitation des dommages des demanderesses.

 

[27]           À mon avis, les dispositions sur la valeur réputée et la limitation de responsabilité de la lettre de transport doivent être interprétées conjointement, et elles n’ont à cet égard qu’un objet : limiter à un montant fixe toute responsabilité engagée. Ces dispositions n’ont pas d’incidence sur les pertes réellement subies par les demanderesses. Toute somme recouvrée par sauvetage devrait être imputée sur les pertes réelles subies par les demanderesses ou portée en diminution de ces pertes. En l’espèce, la somme recouvrée ne saurait être imputée sur la valeur réputée des marchandises parce que celle-ci est de beaucoup inférieure aux pertes réelles des demanderesses. Toute limitation additionnelle semblable de la somme recouvrée par les demanderesses devrait être expressément énoncée dans la lettre de transport. Je rejette par conséquent l’argument de CN qui prétend avoir droit, dans les circonstances, au fruit de l’effort consenti par les demanderesses pour limiter leurs dommages.

 

[28]           Je suis également d’avis que la décision Redpath n’aide en rien l’argumentation de CN. Il se dégage plutôt de cette décision, quant à la limitation des dommages, le principe suivant expliqué par le juge Létourneau (au paragraphe 70) :  

Il est bien établi qu’une partie qui subit un préjudice par suite de l’inexécution d’un contrat a l’obligation de limiter ses dommages, c’est-à-dire que l’auteur du délit ne peut être appelé à payer les pertes évitables qui entraîneraient une augmentation du montant des dommages-intérêts payables à la partie lésée.

 

 

Il s’ensuit qu’une partie lésée devrait être compensée des pertes nettes qu’elle a subies. Il résulte de l’obligation de limitation des dommages que le transgresseur n’a pas à acquitter les pertes évitables. En l’espèce, les pertes nettes sont de beaucoup supérieures à toute somme pouvant être recouvrée – du fait de la limitation de la responsabilité des défenderesses – par les demanderesses. Par conséquent, les défenderesses n’auraient à rembourser aucune perte évitable.

 

[29]           Cela étant, comme les pertes des demanderesses ne seront pas remboursées intégralement en raison de la limitation de responsabilité des défenderesses, le produit du sauvetage ne sera pas porté en diminution de la somme pouvant être recouvrée par les défenderesses.

 

(3) Le paiement de CN et l’offre de règlement de WSL suffisent-ils pour que soient satisfaits les critères du paragraphe 420(2) des Règles, et qu’ainsi les défenderesses aient droit au double des dépens?

 

[30]           Quatre critères doivent être respectés pour que s’applique la règle du doublement des dépens. Ils sont résumés comme suit dans la décision M.K. Plastics Corporation c. Plasticair Inc., 2007 CF 1029 (au paragraphe 39) :

Pour que la règle du doublement des dépens s’applique, l’offre doit être claire et sans équivoque, c’est-à-dire qu’elle ne doit laisser à la partie adverse que l’alternative de l’accepter ou de la refuser (Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals, 2001 CAF 137, [2001] A.C.F. no 727 (QL), au paragraphe 10). L’offre doit également comporter un élément de compromis (ou dincitation à l’accepter) (Association olympique canadienne c. Olymel, Société en commandite, [2000] A.C.F. no 1725 (QL), au paragraphe 10). En outre, elle doit être présentée en temps utile de sorte qu’elle soit toujours avantageuse pour la partie adverse si celle-ci l’accepte (Sanmammas Compania Maritima S.A. c. Netuno (Le), Action in rem contre le navire « Netuno », [1995] A.C.F. no 1442 (QL), aux paragraphes 30 et 31). Finalement, si elle est acceptée, l’offre doit mettre fin au litige entre les parties (TRW, précité, à la page 456).

 

 

[31]           L’article 420 des Règles ne s’applique pas en l’espèce, selon les demanderesses, parce que la décision sur la limitation de responsabilité ne permet pas qu’on procède au calcul définitif des sommes recouvrées par elles, puis qu’on compare le résultat obtenu à toute offre de règlement. Les demanderesses soutiennent que, même si la Cour devait conclure que l’article 420 reçoit application, l’offre de règlement et le paiement ne satisfont pas aux critères de la règle du doublement parce qu’ils sont d’un montant inférieur au montant établi de la limitation de responsabilité. Les demanderesses prétendent à cet égard qu’elles auraient le droit, si les défenderesses étaient reconnues responsables, de recouvrer de chacune d’elles la somme de 50 000 $ US.

 

[32]           Selon les demanderesses, le paiement de 41 542,05 $ US de CN n’atteint pas le seuil établi de sa limitation de responsabilité, soit la somme de 50 000 $ US. Les demanderesses prétendent que l’indemnité de sauvetage ne devrait pas être ajoutée au paiement de CN en vue de déterminer si ce seuil a été atteint. Les demanderesses prétendent que l’offre de règlement d’un montant de 50 001 $ CAN présentée par WSL n’atteint pas non plus le seuil établi à 50 000 $ US de la limitation de responsabilité de celle-ci.

 

[33]           Les demanderesses ont fait valoir dans leur plaidoirie que, si la Cour devait additionner le paiement de CN et l’offre de règlement de WSL, la somme en cause de 100 000 $ CAN n’atteindrait pas le seuil établi, à 100 000 $ US, de la limitation de responsabilité réunie des défenderesses.

 

[34]           CN prétend avoir droit au double des dépens (mais non des débours) à compter du commencement de la présente action, en application du paragraphe 420(2) des Règles, en raison de son paiement fait le 6 janvier 2009, sans préjudice de tout recours, de la somme de 50 000 $ CAN (41 542,05 $ US). CN soutient tout d’abord que ce paiement, bien qu’il ne s’agisse pas d’une offre en bonne et due forme de règlement, ne devrait pas avoir le même effet qu’une offre de règlement. Le paiement, si on y ajoute l’indemnité de sauvetage (18 905,69 $ US), atteint et dépasse le seuil établi à 50 000 $ US de la limitation de responsabilité, qui constitue le montant maximal de dommages-intérêts que pourraient recouvrer les demanderesses. CN soutient par suite que les demanderesses n’ont tiré aucun avantage en intentant leur action.

 

[35]           En formulant cette prétention, CN rejette l’argument des demanderesses selon lequel la limitation de responsabilité de 50 000 $ US vaut pour l’une et l’autre défenderesses. CN prétend qu’à titre d’auteurs de délit solidairement responsables, celles-ci peuvent l’une et l’autre s’appuyer sur la même limitation de responsabilité de 50 000 $ US prévue dans la lettre de transport de WSL.

 

[36]           WSL soutient que lorsqu’elle a formulé son offre de règlement de 50 001 $ CAN le 7 février 2008, CN avait déjà versé la somme de 50 000 $ CAN aux demanderesses. WSL prétend que, puisque la limitation de responsabilité réunie des défenderesses correspond à 50 000 $ US, le montant du paiement de CN réuni à son offre de règlement est plus avantageux pour les demanderesses que ne pourrait l’être tout montant éventuellement adjugé à l’issue d’un jugement sur la responsabilité et les dommages-intérêts. WSL prétend par conséquent que la Cour devrait exercer le pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît le paragraphe 400(6) des Règles, et additionner le montant du paiement de CN et celui de son offre, puis, se fondant sur le résultat, lui adjuger le double des dépens à compter du 7 février 2008, soit la date de présentation de son offre. WSL ajoute que les exigences prévues dans la décision M.K. Plastics pour que s’applique la règle du doublement des dépens sont satisfaites en l’espèce lorsque sont calculés ensemble le paiement et l’offre. En ce qui concerne plus particulièrement la quatrième exigence, WSL soutient que si les demanderesses avaient accepté son offre, cela aurait mis fin au litige entre les parties.

 

[37]           Avant d’examiner l’argumentation des parties, je souhaite d’abord dire qu’étant donné mes conclusions ci-dessus concernant le sauvetage et la limitation des dommages, l’indemnité de sauvetage ne sera pas prise en compte pour établir si le paiement de CN satisfait les critères de la règle du doublement des dépens. Il s’agit par conséquent de savoir si le paiement de 50 000 $ CAN versé par CN aux demanderesses satisfait les critères rendant cette règle applicable. Il y a également la question de savoir si les défenderesses sont des auteurs de délit solidairement responsables, question qui a été soulevée pour la première fois à l’audience sur les dépens. Faute d’un dossier et d’une argumentation exhaustifs, je ne suis pas en mesure de conclure s’il y a un bien-fondé quelconque à cette question. Une telle conclusion n’est cependant pas requise, en tout état de cause, pour trancher les questions sur le doublement des dépens soulevées en l’espèce.

 

[38]           Penchons-nous maintenant sur le paiement de CN. Comme il l’a été précisé plus tôt, le 9 janvier 2006, CN a versé aux demanderesses, sans préjudice de tout recours, un paiement de 50 000 $ CAN. La lettre du 9 janvier renferme le passage suivant :

[traduction]

Conformément aux conditions applicables à l’expédition du chargement, le montant maximal de la responsabilité pour le contenu d’un conteneur de 20 pieds est limité à 10 000 $ CAN; comme votre réclamation est exprimée en dollars américains, nous avons rajusté le paiement en fonction du taux de change au moment de l’incident […]. Un paiement de 41 542,05 $ US sera par conséquent joint sous pli séparé.

 

 

[39]           Pour que soient satisfaits les critères de la règle du doublement des dépens, l’offre doit être claire et sans équivoque, c’est-à-dire qu’elle ne doit laisser à la partie adverse que l’alternative de l’accepter ou de la refuser. Alors qu’il donnait des directives à l’officier taxateur dans le cadre de l’appel, le juge Stone a formulé le commentaire suivant dans l’arrêt TWR Inc. c. Walbar of Canada Inc. (1992), 43 C.P.R. (3d) 449 (C.A.F.), à la page 456, sur le sens de l’expression « offre de règlement présentée par écrit » figurant à l’ancien alinéa 344(3)g) :

À mon sens, la Règle exige une offre beaucoup plus précise, c’est-à-dire une offre normalement susceptible d’être acceptée et qui, en cas d’acceptation, mettrait fin au litige entre les parties.

 

 

[40]           Le paiement de CN fait sans préjudice de tout autre recours ne constituait pas une offre claire et sans équivoque de règlement qui, si elle avait été acceptée, aurait mis fin au litige entre les parties. On ne prévoyait pas dans la lettre en cause que le paiement entraînerait le règlement de l’action. Tout en concédant ne pas avoir présenté aux demanderesses une offre écrite de règlement, CN prétend que le paiement effectué devrait avoir le même effet juridique qu’une telle offre puisqu’il indemnisait intégralement les demanderesses. Cet argument ne me convainc pas. Comme je l’ai noté ci-dessus, on vise avec la règle du doublement des dépens à inciter les parties à s’entendre pour mettre fin à leur litige. Le paiement fait sans préjudice de tout autre recours n’a pas le même effet qu’une offre de règlement, puisque son acceptation ne met fin ni explicitement ni implicitement au litige. Par conséquent, la règle du doublement des dépens ne s’applique pas à la demande de dépens de CN.

 

[41]           WSL a bel et bien présenté aux demanderesses une offre écrite de règlement. L’alinéa 420(2)a) des Règles prévoit que, si le défendeur fait une offre écrite de règlement et que le demandeur n’obtient pas un jugement aussi avantageux que l’offre, ce dernier a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de l’offre. Le défendeur, lui, a droit au double des dépens de la date de l’offre jusqu’à la date du jugement. L’alinéa 420(2)b) prévoit pour sa part que, si le demandeur n’a pas gain de cause lors du jugement, le défendeur a droit aux dépens partie-partie jusqu’à la date de l’offre, puis au double des dépens jusqu’à la date du jugement.

 

[42]           En l’espèce, la question des dommages-intérêts reste en litige. On n’a examiné à ce jour dans le cadre de la présente instance que la question de la limitation de responsabilité des défenderesses. Il n’y a pas eu de jugement définitif permettant de calculer si le montant de l’offre était suffisant. Par conséquent, il n’est pas possible de décider au stade actuel si l’article 420 des Règles reçoit application en l’espèce.

 

[43]           Si les défenderesses obtenaient le rejet de l’action intentée contre elles, il serait loisible à WSL de faire valoir son droit aux doubles dépens en vertu de l’alinéa 420(2)b). Si par contre les demanderesses devaient avoir gain de cause et les défenderesses devaient être reconnues responsables, le montant attribué par jugement serait tout au moins de 50 000 $ US. Dans un tel cas, l’offre de WSL ne serait pas plus avantageuse que le montant pouvant être obtenu par jugement, et ainsi ne s’appliquerait pas la règle du doublement des dépens prévue à l’alinéa 420(2)a). Je rejette l’argument de WSL voulant qu’il faille additionner le montant de son offre à celui du paiement de CN, de manière que le résultat obtenu atteigne le seuil d’application de l’alinéa 420(2)a). Cette disposition n’y donne tout simplement pas ouverture.

 

[44]           Avant de conclure, j’aborderai deux autres questions. Tout d’abord, l’argument de CN selon lequel le tarif CN limitait le montant de sa responsabilité a été rejeté. Les demanderesses soutiennent que CN n’a par conséquent pas droit à ses dépens, puisqu’elle n’a pas eu gain de cause quant à toutes les questions qu’elle avait soulevées. Je ne partage pas cet avis. CN a obtenu gain de cause pour l’essentiel dans son argumentation sur la limitation de responsabilité. Elle ne devrait pas être punie parce que tous ses arguments n’ont pas été accueillis favorablement par le tribunal (R. c. IPSCO Recycling Inc., 2004 CF 1083).

 

[45]           Finalement, compte tenu de toutes les circonstances et dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, j’estime qu’aucun autre ajustement des dépens n’est justifié en application des paragraphes 400(1) et 400(3) des Règles.

 

Conclusion

[46]           Quant aux questions que j’avais à trancher, les défenderesses ont obtenu essentiellement gain de cause et ont droit à leurs dépens, tout au long de la procédure, contre les demanderesses, ces dépens étant fixés en fonction de la médiane de la colonne III du Tarif B et compte tenu des motifs de l’ordonnance ci-dessus.

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que les défenderesses obtiennent leurs dépens, tout au long de la procédure, contre les demanderesses, ces dépens étant fixés en fonction de la médiane de la colonne III du Tarif B et compte tenu des motifs de l’ordonnance ci-dessus.

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSISER :                                     T-1600-05

 

INTITULÉ :                                      Cami Automotive, Inc. et al. c. Westwood Shipping et al. et entre Westwood Shipping (auteur de la mise en cause) et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (mise en cause)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Conférence de gestion de cas pour traiter de la question des dépens

 

DATE DE L’AUDIENCE :              LE 19 NOVEMBRE 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                            LE 8 JANVIER 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Barry Oland

 

POUR LES DEMANDERESSES

Thomas Keast et

Andrew Epstein

 

POUR LA DÉFENDERESSE CN

Graham Walker et

Dionysios Rossi

POUR LES DÉFENDERESSES WESTWOOD SHIPPING et AS BORGESTAD SHIPPING

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Oland and Co.

 

POUR LES DEMANDERESSES

Watson Gopel Maledy

 

POUR LA DÉFENERESSE CN

Borden Ladner Gervais

POUR LES DÉFENDERESSES WESTWOOD SHIPPING et

AS BORGESTAD SHIPPING

 

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