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Date : 20100111

Dossier : T-702-08

Référence : 2010 CF 27

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2010

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

TARGET EVENT PRODUCTION LTD.

demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

PAUL CHEUNG ET LIONS COMMUNICATIONS INC.

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 


TABLE DES MATIÈRES

 

 

Paragraphes

 

 

INTRODUCTION

1

 

LES PARTIES

6

 

LE MARCHÉ NOCTURNE DE RICHMOND DE 2000 À 2007

9

 

LES DOCUMENTS RELATIFS AU MARCHÉ NOCTURNE DE RICHMOND

34

 

LE MARCHÉ NOCTURNE DES DÉFENDEURS

37

 

LES ALLÉGATIONS DE LA DEMANDERESSE

 

 

       (i)         Les allégations particulières de violation du droit d’auteur et de

commercialisation trompeuse

55

            (ii)        Target a trouvé un emplacement convenable pour 2008

57

            (iii)       Target aurait pu ouvrir un marché en 2008

73

            (iv)       L’omission d’ouvrir de Target était due à une pénurie de vendeurs

78

 

 

DROIT D’AUTEUR

 

 

            (i)         Les revendications

84

            (ii)        Les enregistrements

85

            (iii)       L’application de la Loi sur le droit d’auteur

86

            (iv)       Le contrat de Target

102

            (v)        Les règles de Target

104

            (vi)       Le plan du site du marché de Target

109

 

MARQUES DE COMMERCE ET COMMERCIALISATION TROMPEUSE

 

 

            (i)         Les admissions

113

            (ii)        L’enregistrement

117

            (iii)       L’emploi des noms de Target de 2000 à 2007

120

(iv)       Conclusion quant à l’acquisition et à la perte du caractère distinctif

159

            (v)        La Loi sur les marques de commerce

161

            (vi)       Les circonstances de l’espèce

 

163

                        a)         Le comportement de Raymond Cheung

164

                        b)         La couverture médiatique

168

                        c)         Le site Web de Lions

 

187

            (vii)      Analyse

 

                        a)         Les vendeurs

189

                        b)         Les visiteurs

202

                        c)         Les documents accessoires

211

                                    La convention d’indemnisation personnelle

212

                                    Les règles et règlements

214

                                    Les renseignements sur le stationnement des vendeurs

215

                                    La liste des pénalités et amendes pour le marché nocturne 2008

216

                                    Les renseignements sur le recyclage et les ordures pour le marché nocturne 2008

217

                        d)         Le site Web de Lions

219

                        e)         La correspondance de Lions

 

222

(viii)           Conclusions sur les marques de commerce et la commercialisation

Trompeuse

 

227

 

LA RESPONSABILITÉ PERSONNELLE DE PAUL CHEUNG

229

 

MESURES RÉPARATRICES

235

 

JUGEMENT

 


INTRODUCTION

[1]               Les marchés nocturnes sont des événements publics où les vendeurs vendent une grande variété de produits alimentaires et de marchandises. Il s’agit d’une forme traditionnelle de divertissement familial qui a cours en Asie et est apparue pour la première fois en Colombie‑Britannique en 1996 lors de l’ouverture du marché nocturne dans le quartier chinois de Vancouver.

 

[2]               Le marché nocturne de la demanderesse, qui a débuté en l’an 2000, s’est tenu à divers endroits dans la ville de Richmond (Richmond).

 

[3]               De 2004 à sa fermeture en 2007, le marché nocturne a eu lieu sur une propriété louée au 12631 Vulcan Way (la propriété de Vulcan Way). Cependant, le bail a expiré à la fin de 2007 et la demanderesse a décidé de se relocaliser plutôt que de renouveler le bail. Malheureusement, la demanderesse n’a pas trouvé de nouvel emplacement et n’a pas exploité de marché nocturne ni en 2008 ni en 2009.

 

[4]               Les défendeurs ont profité de l’occasion d’affaires libérée par la demanderesse. Ils ont signé un bail et ouvert, en 2008, un marché nocturne sur la propriété de Vulcan Way (le Marché Lions).

 

[5]               La présente affaire porte sur les allégations de violation du droit d’auteur et de commercialisation trompeuse de la demanderesse fondées sur l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13, relativement à l’exploitation du Marché Lions par les défendeurs.

 

LES PARTIES

 

[6]               La demanderesse, Target Event Production Ltd. (Target), est une société constituée en vertu des lois de la Colombie‑Britannique. Le président de Target est M. Raymond Cheung.

 

[7]               La défenderesse, Lions Communications Inc. (Lions), est également une société de la Colombie‑Britannique. Elle a été constituée en société le 11 mars 2008.

 

[8]               Le défendeur, M. Paul Cheung, est l’actionnaire majoritaire de Lions et son directeur des opérations. Il n’a aucun lien de parenté avec Raymond Cheung. L’autre actionnaire de Lions est Mme Grace Au. Elle est l’épouse de M. Alvin Au, qui a agi comme conseiller de Paul Cheung au moment de la création du Marché Lions. Il était bien placé pour jouer ce rôle car il avait possédé des marchés à Richmond pendant plusieurs années en liaison avec la célébration de la fête de la mi‑automne et du Nouvel an chinois. M. Philip Moy, qui était le comptable de Lions, a aussi conseillé Paul Cheung lors de l’établissement du Marché Lions.

 

LE MARCHÉ NOCTURNE DE RICHMOND DE 2000 À 2007

 

[9]               Raymond Cheung a décrit les vendeurs comme l’élément clé de son Marché nocturne de Richmond. Il a témoigné que 80 à 85 % d’entre eux étaient d’ascendance asiatique. Il a déclaré que les vendeurs sont surtout des travailleurs à temps partiel qui se divisent en trois catégories. Certains sont des gens d’affaires dont les magasins ont des stocks excédentaires, certaines sont des mères seules qui souhaitent obtenir un revenu saisonnier et les autres sont des jeunes qui considèrent les kiosques comme une occasion de lancer leur première entreprise.

 

[10]           Le Marché nocturne de Richmond était ouvert de 19 h à 1 h les vendredi, samedi et dimanche ainsi que le lundi lors des longs weekends, et ce, de mai à octobre.

 

[11]           Le revenu de location perçu des vendeurs pour leurs kiosques représentait environ 90 % du revenu que Target tirait du Marché nocturne de Richmond. L’événement était gratuit pour les visiteurs.

 

[12]           En octobre, à la fin de la saison, il arrivait souvent que les vendeurs versent un acompte en vue de la location d’un kiosque pour l’année suivante. Puis, au mois de février ou mars suivant, ils se présentaient au bureau de Target pour choisir un kiosque, remplir un formulaire de demande et effectuer un paiement final.

 

[13]           Une réunion d’orientation des vendeurs, à laquelle assistaient les vendeurs et des représentants des services de santé, de circulation et de prévention des incendies de Richmond, était tenue annuellement à la fin de mars ou au début d’avril. Les vendeurs se voyaient remettre les formulaires dont ils avaient besoin pour se conformer aux exigences de Richmond en matière d’octroi de licences et de permis. Une fois ces documents déposés, le Marché nocturne de Richmond ouvrait ses portes au début de mai.

 

[14]           En l’an 2000, par le truchement de Starlight Event Limited, une société dont il était propriétaire, Raymond Cheung a tenu son premier marché nocturne sur une partie louée du stationnement extérieur du centre commercial Continental, à Richmond.

 

[15]           Le premier Marché nocturne de Richmond comptait de 60 à 80 kiosques qui étaient loués par des vendeurs qui vendaient des marchandises et de la nourriture. L’événement fut couronné de succès, mais le marché dépassait les capacités du centre commercial. Il fallait donc trouver un nouvel emplacement pour 2001.

 

[16]           En 2001, Raymond Cheung a constitué la demanderesse en société et exploité le Marché nocturne de Richmond sur un plus grand emplacement au centre commercial Landsdowne. Ce marché comptait plus de kiosques et pouvait recevoir les manèges qui étaient ajoutés plusieurs weekends. Cependant, il n’y avait pas suffisamment de stationnement.

 

[17]           En 2002, Raymond Cheung a créé un logo pour le Marché nocturne de Richmond (le logo). Il se compose d’un cercle bleu contenant le texte « Richmond Night Market Summer Festival » (Festival d’été du Marché nocturne de Richmond) en anglais et le nom « Richmond Summer Night Market » (Marché nocturne estival de Richmond) en caractères chinois. Une autre version du logo mentionne également le nom de Target et son adresse Web.

 

[18]           En 2003, le Marché nocturne de Richmond a été transféré au marché Bridge Point. L’événement fut un succès, mais l’emplacement était trop petit.

 

[19]           En 2004, Target a loué le terrain vague situé sur la propriété de Vulcan Way. Le locateur était Cathay Importers 2000 Limited (le locateur). De 2004 à 2007, Target a tenu son Marché nocturne de Richmond à cet endroit.

 

[20]           La propriété de Vulcan Way s’étendait sur environ dix acres. Elle comprenait un entrepôt de 100 000 pi. ca. Le reste de l’emplacement consistait en un terrain vacant s’étendant de part et d’autre de l’entrepôt. Target utilisait la parcelle de terrain située près de River Road pour y tenir son Marché nocturne de Richmond. Elle était dotée de plusieurs caractéristiques existantes, dont le quai de chargement du locateur, une rangée de grands pylônes en acier ayant jadis fait partie d’un pont roulant et un hangar ouvert. Ces caractéristiques seront collectivement appelées les « structures ». Target utilisait le terrain situé de l’autre côté de l’entrepôt comme stationnement. D’autres espaces de stationnement avaient été obtenus chez les détaillants des environs.

 

[21]           Pour établir le marché nocturne sur la propriété de Vulcan Way, la demanderesse a installé de la tuyauterie, du câblage, un transformateur, une scène dans le hangar, des toilettes, une roulotte de type bureau et des auvents pour protéger les kiosques des vendeurs et des commanditaires.

 

[22]           De 2004 à 2007, le Marché nocturne de Richmond a remporté un franc succès. En 2004, la Chambre de commerce de Richmond a souligné l’excellence en affaires de Raymond Cheung. Le 9 juillet 2005, un article paru dans le Vancouver Sun plaçait le Marché nocturne de Richmond au premier rang d’une liste de 50 événements estivaux se tenant en Colombie‑Britannique. À l’automne 2006, Raymond Cheung figurait parmi les 100 Sino‑canadiens les plus importants de la province et le réseau de télévision CBC s’intéressait à Target dans son émission d’affaires nationale intitulée « Venture ». Les défendeurs ont formellement admis qu’en 2007 le Marché nocturne de Richmond était reconnu comme l’un des principaux événements culturels en Colombie‑Britannique.

 

[23]           Ce succès était dû, en partie, aux activités de mise en marché et de promotion de Target, qui comprenaient :

a.                    un site Web qui, après 2005, permettait aux vendeurs de télécharger des formulaires de demande et des plans montrant l’aménagement des kiosques;

b.                  une série d’annonces placées, en 2007, à l’intérieur (80 annonces) et à l’extérieur (15 annonces) des autobus de Vancouver;

c.                   des cartes postales qui étaient remises aux visiteurs du Marché nocturne de Richmond et qui contenaient des photos du marché et les nom, numéro de téléphone et adresse Web de Target. Cinquante mille cartes étaient imprimées chaque année et elles ont été remises de 2001 à 2005. Elles parlaient du Richmond Night Market (Marché nocturne de Richmond) en anglais et du Richmond Summer Night Market (Marché nocturne estival de Richmond) en caractères chinois;

d.                  des porte‑clés, des radios à transistor et des sacs de magasinage arborant le logo de Target qui étaient donnés aux visiteurs;

e.                   des annonces diffusées en mandarin et en cantonnais sur les ondes de stations de radio appartenant à Fairchild Radio. En 2005, les noms Richmond Summer Night Market (Marché nocturne estival de Richmond) et Richmond Night Market (Marché nocturne de Richmond) étaient tous deux utilisés dans ces annonces;

f.                    des annonces placées dans des journaux japonais, vietnamiens et coréens du Lower Mainland ainsi que dans le Georgia Strait – un hebdomadaire anglophone de Vancouver. En 2006, il contenait douze annonces d’une demi‑page;

g.                   des annonces diffusées sur OMNI TV en chinois, japonais, coréen et punjabi.

 

[24]           Le Marché nocturne de Richmond a fait l’objet d’articles dans le Vancouver Sun et des journaux de la province. De plus, des quotidiens comme le Ming Pao et le Singtao (en chinois), le World General (en taïwanais) et le Vancouver Shinpo (en japonais) ont publié des articles sur le Marché nocturne de Richmond.

 

[25]           À mesure que le Marché nocturne de Richmond se développait, Raymond Cheung gardait son marché frais et intéressant au moyen de divers événements et divertissements. Chaque année, il y avait des cérémonies d’ouverture et de fermeture auxquelles étaient conviés des dignitaires. En 2004, le maire et le député fédéral de Richmond étaient présents pour couper le ruban d’ouverture devant une enseigne sur laquelle on pouvait lire « Richmond Night Market » (Marché nocturne de Richmond).

 

[26]           Le Marché nocturne de Richmond était également connu à l’extérieur de la Colombie‑Britannique. Raymond Cheung a accordé des entrevues à des représentants des médias de Toronto, Seattle et Hong Kong.

 

[27]           Les commanditaires étaient très satisfaits du Marché nocturne de Richmond et ont écrit à Raymond Cheung pour le féliciter de son succès. Ils se sont également réjouis des retombées positives du marché sur le tourisme à Richmond. Parmi les commanditaires, il y avait OMNI TV, le Four Points Sheraton, Fairchild Radio, le Richmond Review, un journal local bimensuel et la Chambre de commerce de Richmond. En 2004, Costco Wholesale a écrit à Raymond Cheung pour lui dire que le Marché nocturne de Richmond était devenu [traduction] un « événement à ne pas manquer » à Richmond.

 

[28]           Les politiciens l’appuyaient également. En 2005, M. John Yap, député provincial de Richmond-Steveston, a décrit le Marché nocturne de Richmond comme une [traduction] « destination de choix ».

 

[29]           En 2007, l’organisation du Marché nocturne de Richmond était devenue une entreprise complexe. Le marché recevait environ 30 000 visiteurs par soir et le nombre de vendeurs était passé de 60 à 80 en l’an 2000 à 280 à 300 en 2007.

 

[30]           En mars 2007, Raymond Cheung a réalisé qu’il allait avoir de la difficulté à renouveler son bail à un loyer acceptable avant son expiration à la fin de 2007. Au printemps 2007, Target s’est donc mise à la recherche d’un nouvel emplacement pour le Marché nocturne de Richmond de 2008.

 

[31]           En mai 2007, un article a été publié dans le Richmond Review. On pouvait y voir une photo de Raymond Cheung suivie d’un texte qui se lisait ainsi : [traduction] « L’organisateur du Marché nocturne de Richmond, Raymond Cheung, est prêt pour la semaine prochaine, mais l’année prochaine est une autre histoire ». Raymond Cheung a confirmé dans son témoignage qu’à cette date il avait déjà parlé à ses vendeurs de l’expiration du bail et de son incertitude quant à la possibilité de trouver un nouvel emplacement pour son marché nocturne en 2008.

 

[32]           En octobre2007, Target a présenté une offre de location, que le locateur a rejetée, et comme ils n’ont pu s’entendre sur les conditions, le bail de Target a expiré. Target a ensuite remboursé tous les acomptes reçus des vendeurs qui avaient prévu louer un kiosque sur la propriété de Vulcan Way en 2008.

 

[33]           Par un communiqué de presse, daté du 7 avril 2008, qui a été envoyé aux médias (le communiqué de presse), Target annonçait l’annulation du Marché nocturne de Richmond de 2008. Le site Web de Target, qui contenait une annonce semblable, indiquait également que Target caressait de grands projets pour 2009. La preuve démontre que Target espérait signer un bail à long terme pour une propriété de 15 âcres située à Richmond. Ses projets ne s’étant pas réalisés, Target n’a pas tenu de marché nocturne ni en 2008 ni en 2009.

 

LES DOCUMENTS RELATIFS AU MARCHÉ NOCTURNE DE RICHMOND

 

[34]           À mesure que le Marché nocturne de Richmond se développait, Raymond Cheung rédigeait et révisait les différents contrats et bulletins d’information nécessaires pour permettre aux 300 vendeurs et 30 000 visiteurs d’interagir en toute sécurité et de manière productive.

 

[35]           Ces documents comprenaient :

a.       un formulaire de demande du vendeur à deux côtés (le formulaire de demande du vendeur), qui existait en deux versions, l’une pour les vendeurs de nourriture et l’autre pour les vendeurs de marchandises. Chaque formulaire contenait :

·        un contrat, qui figurait au recto du formulaire de demande du vendeur (le contrat de Target);

·        les règles et règlements, qui figuraient au verso du formulaire de demande du vendeur (les règles de Target);

b.      un plan du marché indiquant les endroits où se trouvaient les kiosques de vente de nourriture et de marchandises, les kiosques des commanditaires, les toilettes, le bureau et la scène (le plan du site du marché). Les vendeurs s’en servaient pour choisir le kiosque qu’ils souhaitaient louer. Il y avait une version plus grande du plan du site du marché au bureau de Target, et on pouvait aussi le consulter sur le site Web de Target;

c.       des formulaires d’indemnisation personnelle préparés par l’avocat de Raymond Cheung en 2003;

d.      les règles et règlements;

e.       des renseignements sur le stationnement des vendeurs;

f.        une liste des pénalités payables par les vendeurs;

g.       un avis spécial aux vendeurs concernant le recyclage du carton.

 

[36]           Les allégations de violation du droit d’auteur de Target concernent seulement les documents a) et b) ci-dessus. La demanderesse affirme toutefois que les autres documents sont pertinents quant à ses allégations de commercialisation trompeuse. Ces documents (c.‑à‑d. les documents c) à g) ci‑dessus) seront collectivement appelés les « documents accessoires ».

 

LE MARCHÉ NOCTURNE DES DÉFENDEURS

 

[37]           À l’âge de seize ans, Paul Cheung a commencé à travailler pour son frère aîné, M. Johnny Cheung, et sa société Paradise Entertainment (Paradise). Paul est par la suite devenu actionnaire de la société.

 

[38]           Pendant huit ans, Paradise s’est occupée d’organiser les événements tenus à la Place des Nations (la Place). Il s’agit d’une installation située sur False Creek se composant d’un pavillon intérieur et d’un espace extérieur couvert doté d’une scène.

 

[39]           En 1996, la Place était l’endroit où se tenait le Canadian Airlines Chinese New Year’s Market (Marché du Nouvel an chinois de Canadian Airlines). Ce marché durait plusieurs jours et comptait environ 300 vendeurs qui vendaient de la nourriture et des marchandises sous des auvents. Les vendeurs de nourriture devaient obtenir un certificat sanitaire et les règlements de sécurité incendie devaient être respectés. Des activités de bienfaisance organisées par Paradise pour l’honorable Raymond Chan au Parc Cambie, à Vancouver, s’accompagnaient aussi de marchés chinois. Paul Cheung a travaillé sur ces événements.

 

[40]           Le contrat de Paradise à la Place a pris fin en 1998 et, pendant toute la décennie suivante, Paul Cheung n’a pas été appelé à s’occuper de marchés chinois dans le cadre de son emploi. Cependant, en 2008, son frère a entendu dire que la propriété de Vulcan Way était à louer comme emplacement pour un marché nocturne. Johnny a demandé à Paul s’il avait envie de gérer un tel événement. Lorsque Paul a manifesté son intérêt, Johnny a organisé une rencontre avec le locateur.

 

[41]           On a convenu des conditions et un bail entrant en vigueur le 1er mars 2008 a été signé. Paul Cheung a toutefois témoigné que le bail avait en fait été signé avant le 28 février 2008. Cela est logique parce que la demande de permis d’usage temporaire (PUT) présentée à Richmond était datée du 25 février 2008 et signée par le locateur (la demande de PUT).

 

[42]           Richmond exigeait un nom pour le Marché Lions dans le cadre de la demande de PUT. Paul Cheung a donc réfléchi à la question et, le 22 janvier 2008, a envoyé à son frère et à Philip Moy un courriel leur suggérant différents noms. Il a témoigné qu’il voulait un nom différent de celui que Target avait employé. Tous les noms qu’il a suggérés contenaient le mot « Events » (événements). Cependant, aucune de ses idées n’a été retenue et le nom « Summer Night Market » (Marché nocturne estival) en anglais a fini par figurer dans la demande de PUT. Alvin Au a témoigné qu’il avait choisi ce nom après en avoir discuté avec Paul Cheung. Quant aux caractères chinois, ils ont choisi le nom « Richmond Summer Night Market » (Marché nocturne estival de Richmond). Il s’agissait du même nom que celui qui avait figuré en caractères chinois dans le logo de Target. Ils ont aussi décidé d’employer le nom « Summer Night Market » (Marché nocturne estival) en caractères chinois. Tous ces noms ont été employés abondamment dans la promotion du Marché Lions.

 

[43]           Paul Cheung a témoigné qu’il avait envisagé la possibilité de construire le Marché Lions à l’endroit où Target avait situé son stationnement. Cependant, lorsqu’il a réalisé que les conduites d’eau, les canalisations d’égouts et les fournitures électriques (collectivement appelées les « services ») se trouvaient du côté de l’entrepôt du locateur se trouvant sur River Road, il a réalisé que Target avait tenu son marché au meilleur endroit et a décidé d’établir son marché nocturne au même endroit. Chose qu’il avait le droit de faire.

 

[44]           Cependant, en plus de se servir de l’emplacement de Target, Paul Cheung a également utilisé son plan du site du marché. Il s’agissait du plan que Raymond Cheung avait conçu et qui montrait l’aménagement des kiosques et des autres installations du Marché nocturne de Richmond tenu sur la propriété de Vulcan Way. Target détenait les droits d’auteur sur le plan du site du marché, droits qu’il avait enregistrés le 22 avril 2008.

 

[45]           Paul Cheung a utilisé le plan du site du marché de Target de quatre façons :

·        pour accélérer la signature d’un contrat de location avec le locateur. Le locateur en a donné une copie à Paul Cheung en insistant pour qu’il s’en serve comme condition pour louer la propriété de Vulcan Way;

·        pour accélérer la présentation de la demande de PUT. Comme la signature du locateur était nécessaire dans la demande de PUT, Paul Cheung a accepté d’utiliser le plan du site du marché de Target et l’a soumis dans le cadre de la demande PUT. Pour ce faire, il l’a téléchargé du site Web de Target et a demandé à Alvin Au de travailler dessus. Alvin Au n’a modifié que l’en‑tête. Il a supprimé les mentions de Target et inséré les mots « Summer Night Market Richmond B.C. 2008 » (Marché nocturne estival de Richmond, C.‑B., 2008);

·        pour accélérer l’approbation de la demande de PUT. J’estime qu’il est raisonnable d’inférer que les employés de Richmond ont été en mesure d’accélérer le traitement de la demande parce qu’ils examinaient un plan du site qu’ils avaient déjà approuvé à l’endroit de Target;

·        pour passer des contrats avec 40 vendeurs à la mi‑mars 2008 (les quarante premiers vendeurs). Ils ont choisi leurs kiosques à l’aide du plan du site du marché de Target.

 

[46]           Lorsqu’elle a découvert que son plan du site du marché avait été soumis dans le cadre d’une demande de PUT, Target s’est plainte et le plan a été retiré. Peu de temps après, Paul Cheung a fait dresser un autre plan par M. Francis Yau de la société Andrew Cheung Architects Inc. Lions a soumis cette version à Richmond le 10 mai 2008 (le plan du site de Lions).

 

[47]           Paul Cheung a témoigné que le plan du site de Lions avait été dressé par son architecte en consultation avec un ingénieur en plomberie, un ingénieur de structures et le personnel de Richmond. Il a déclaré que, après ces consultations, il était devenu manifeste que Target avait aménagé le marché de la manière la plus pratique et la plus efficace possible compte tenu des endroits où étaient situés les services et les structures et des exigences de Richmond quant aux voies d’évacuation en cas d’incendie. Paul Cheung a néanmoins témoigné que le plan du site de Lions était fort différent du plan du site du marché de Target.

 

[48]           Cependant, à mon avis, les plans n’étaient pas très différents. J’estime que le plan du site de Lions constituait une reproduction d’une partie importante du plan du site du marché de Target. L’aménagement de base du marché n’avait pas changé – les endroits où étaient situées la scène, les toilettes, les installations d’entreposage et l’aire de restauration étaient demeurés les mêmes. Aucun kiosque n’avait été relocalisé. On a utilisé des polices de caractères différentes, certaines icônes ont été remplacées par des mots et certains mots ont été supprimés. Toutefois, il s’agit là de modifications de pure forme qui ne touchent pas au fond. La seule modification importante a été d’éliminer environ quarante‑huit kiosques pour aménager une voie de secours menant directement de l’entrée des autos située sur River Road à l’entrée des visiteurs sur Vulcan Way. Paul Cheung n’a pas précisé si cette modification était l’idée de Lions, mais elle a probablement été effectuée à la demande de Richmond.

 

[49]           Les défendeurs se sont servis du plan du site de Lions pour compléter la demande de PUT et l’ont montré à une soixantaine de vendeurs lorsqu’ils ont loué leurs kiosques après l’approbation de ladite demande. Ils l’ont également utilisé pour construire le Marché Lions.

 

[50]           Alvin Au a élaboré une campagne publicitaire en chinois visant à trouver des vendeurs pour le Marché Lions. Les annonces ont été diffusées à la mi‑mars 2008. Il a témoigné que, peu de temps après la diffusion des annonces, il a téléphoné aux vendeurs qu’il avait connus dans le cadre de ses marchés chinois précédents. Il a affirmé que certains d’entre eux ont réservé un kiosque et présenté d’autres vendeurs à Lions à cette même fin. C’est à cette époque que Lions a recruté les quarante premiers vendeurs. Il a également affirmé avoir contacté tous les vendeurs qui ont loué des kiosques de Lions en 2008.

 

[51]           Paul Cheung a affirmé que les quarante premiers vendeurs lui ont fourni des copies des documents accessoires de Target. Après que la présente poursuite eut été engagée, il les a fait retaper en format « Microsoft Word ». Je suppose que ce travail a été effectué dans le but de permettre aux employés de Lions de les remanier facilement pour son propre usage.

 

[52]           Richmond a tenu deux assemblées publiques dans le cadre du processus d’approbation de la demande de PUT. La première a eu lieu le 5 mai 2008. Il s’agissait de la réunion du comité des questions générales du conseil municipal de Richmond. À cette réunion, une résolution recommandant l’approbation de la demande de PUT de Lions à la prochaine assemblée publique du conseil a été prise. Cette assemblée a eu lieu le 20 mai et la demande de PUT a été approuvée.

 

[53]           Après l’approbation, Lions a passé un contrat avec 60 à 80 vendeurs de plus de sorte que le Marché Lions comptait 100 à 120 vendeurs en 2008.

 

[54]           Chaque vendeur devait remplir les conditions d’obtention d’un permis d’exploitation commerciale de Richmond et s’en procurer un, et ceux qui vendaient de la nourriture devaient aussi obtenir un certificat sanitaire. Pour faciliter le processus, Lions a tenu une réunion d’orientation des vendeurs le 30 avril 2008. Une partie du Marché Lions a ouvert ses portes le 30 mai 2008. L’ouverture des kiosques situés dans l’aire de restauration a cependant été reportée faute de plomberie. La totalité du Marché Lions a ouvert ses portes à la fin de juin 2008.

 

LES ALLÉGATIONS DE LA DEMANDERESSE

(i)         Les allégations particulières de violation du droit d’auteur et de commercialisation trompeuse

 

[55]           La demanderesse conteste les activités suivantes qui, allègue‑t‑elle, constituent une violation du droit d’auteur et/ou de la commercialisation trompeuse :

a.       l’emploi par les défendeurs des noms Richmond Night Market (Marché nocturne de Richmond), Richmond Summer Night Market (Marché nocturne estival de Richmond) et Summer Night Market Festival (Festival d’été du Marché nocturne de Richmond) en anglais et en caractères chinois dans les circonstances suivantes :

                                                               i.      au moment de contacter les voisins pour obtenir leurs commentaires au sujet du Marché Lions;

                                                             ii.      au moment de contacter les fournisseurs de services et d’espaces de stationnement;

                                                            iii.      au moment de faire de la publicité auprès des vendeurs et du public;

                                                           iv.      au moment de la gestion du site Web de Lions;

                                                             v.      au moment de la radiodiffusion d’annonces en chinois;

                                                           vi.      au moment de l’inscription dans l’annuaire 738;

b.      l’utilisation par les défendeurs d’une photo du marché de la demanderesse sur la page d’accueil de leur site Web;

c.       l’utilisation par les défendeurs du plan du site du marché de la demanderesse;

d.      l’utilisation par les défendeurs du formulaire de demande du vendeur de la demanderesse;

e.       l’utilisation par les défendeurs des documents accessoires de la demanderesse.

 

[56]           J’examinerai chacune de ces allégations particulières au fur et à mesure que je révélerai les motifs. Cependant, j’estime que les allégations générales suivantes doivent être examinées en premier parce qu’elles sous‑tendent la demande de dommages‑intérêts de la demanderesse.

 

(ii)               Target a trouvé un emplacement convenable pour 2008

 

[57]           Target affirme avoir trouvé un emplacement convenable pour le Marché nocturne de Richmond en 2008. L’emplacement se composait de 5 parcelles de terrain s’étendant sur environ 2 ¼ acres (le nouvel emplacement). Le nouvel emplacement, qui appartenait à M. Norman Tam, était situé sur Bridgeport Road et Sea Island Way à Richmond. Pour les motifs exposés ci‑après, je ne suis pas convaincue que Raymond Cheung ait jamais conclu que le nouvel emplacement convenait au Marché nocturne de Richmond.

 

[58]           Le communiqué de presse que Raymond Cheung a émis le lundi 7 avril 2008 se lisait en partie ainsi :

[traduction] Le fondateur du Marché nocturne de Richmond, Raymond Cheung, a annoncé que sa société, Target Events, ne tiendra pas le fameux Marché nocturne de Richmond, aussi appelé Festival d’été du Marché nocturne de Richmond, en 2008.

 

Nous avons l’immense regret d’annoncer que nous n’avons pas été en mesure de trouver un autre emplacement pour le Marché nocturne de Richmond de cette année. Après avoir donné naissance au Marché nocturne de Richmond en l’an 2000, c’est avec plaisir que nous l’avons vu devenir l’une des principales attractions du Lower Mainland au cours des huit dernières années.

 

Nous continuons à discuter activement avec la ville de Richmond pour trouver un autre emplacement pour 2009.

[Je souligne.]

 

[59]           À mon avis, cette annonce publique portant qu’aucun marché ne serait tenu en 2008 a dû être un événement mémorable, et il est raisonnable de penser que Raymond Cheung ne devait plus avoir aucun doute, à la date du communiqué de presse, sur le résultat de ses efforts pour trouver un nouvel emplacement. Pourtant, dans son premier interrogatoire préalable, il n’a pas été en mesure d’indiquer quand il avait trouvé le nouvel emplacement ni quand il avait conclu une entente avec Norman Tam quant au loyer.

 

[60]           Il a d’abord déclaré avoir trouvé le nouvel emplacement en mars, avril ou février. Puis, il a dit qu’il l’avait trouvé quelque part en février ou mars 2008.

 

[61]           Concernant le loyer pour le nouvel emplacement, il a déclaré que, après les discussions alors en cours, [traduction] « nous avons tout finalisé avant le 11 avril ». Pourtant, il a aussi affirmé que l’entente avait été conclue au début d’avril. Enfin, au cours du même interrogatoire, il a témoigné qu’il croyait qu’une convention en vue d’un bail pour le nouvel emplacement avait été conclue [traduction] « avant le 7 avril ».

 

[62]           Si Raymond Cheung avait effectivement pris part à des discussions en cours susceptibles de porter fruit avec Norman Tam, ou si une convention de location avait effectivement déjà été conclue au début d’avril, il n’aurait logiquement pas émis le communiqué de presse du 7 avril annonçant l’annulation du Marché nocturne de Richmond parce qu’aucun nouvel emplacement n’avait été trouvé.

 

[63]           Raymond Cheung a considérablement modifié son témoignage lors d’un interrogatoire préalable subséquent. Puis il a dit qu’il avait entendu parler du nouvel emplacement pour la première fois le mardi 8 avril, soit le lendemain du communiqué de presse. Au procès, il a aussi dit que Norman Tam lui avait téléphoné pour lui suggérer le nouvel emplacement et que, le mercredi 9 avril, ils avaient eu une longue conversation téléphonique. Norman Tam n’a pas été appelé à témoigner pour corroborer cet élément de preuve et, selon moi, une corroboration était nécessaire vu l’importante modification apportée au témoignage sur un point clé. Le fait que Raymond Cheung n’ait pas été en mesure de fournir un témoignage cohérent quant au moment où il a entendu parler du nouvel emplacement pour la première fois m’amène à penser qu’il n’a jamais considéré qu’il pouvait constituer un endroit convenable pour un marché.

 

[64]           Raymond Cheung a également témoigné, lors de son deuxième interrogatoire préalable que, [traduction] « avant le vendredi 11 avril », il avait conclu une entente avec Norman Tam quant au loyer. Il existe une corroboration pour ce point. Dans une lettre à Richmond datée du 11 avril 2008, Norman Tam a autorisé Raymond Cheung de Target à présenter une demande de PUT pour la tenue d’un marché nocturne sur le nouvel emplacement. Il est donc clair qu’un arrangement quelconque est intervenu avant le 11 avril. Cependant, rien n’indique qu’un bail a été signé.

 

[65]           Raymond Cheung a également témoigné que, entre le 8 et le 11 avril, il a mesuré le nouvel emplacement et acquis la conviction qu’il pouvait contenir suffisamment de kiosques pour établir un marché viable. Il a aussi dit avoir parlé aux propriétaires du nouveau Casino situé à proximité et avoir obtenu le stationnement nécessaire. Il a dit qu’il avait pu se faire rapidement une idée sur la viabilité du nouvel emplacement parce que l’un de ses marchés nocturnes de Richmond avait eu lieu tout près.

 

[66]           À mon avis, ce témoignage n’est pas crédible. Le nouveau Casino n’existait pas à l’époque où Raymond Cheung a tenu son marché précédent. Son ancienne connaissance des environs n’était plus pertinente. Les mouvements de la circulation devaient inévitablement avoir changé et il ne pouvait, sans en avoir discuté avec Richmond, avoir procédé à une évaluation réaliste de la viabilité du nouvel emplacement sur le plan de la gestion de la circulation.

 

[67]           J’estime également que son témoignage au sujet du stationnement n’est pas crédible. En l’absence de toute corroboration, je ne peux conclure, selon la prépondérance des probabilités, que le Grand casino canadien dispose de suffisamment d’espaces de stationnement libres les soirs des weekends d’été pour répondre aux besoins du Marché nocturne de Richmond.

 

[68]           Il y a un autre motif de croire que, sur ce point, Raymond Cheung n’est pas un témoin digne de foi. Lors de son deuxième interrogatoire préalable, il a expliqué qu’il n’avait pas pu dire avec certitude si Target avait entendu parler du nouvel emplacement en février, mars ou avril parce qu’il n’était pas la première personne à avoir parlé à Norman Tam. Il a dit que c’était M. Kiichi Kumagai, un ancien conseiller de Richmond qui aidait Target à trouver un nouvel emplacement, qui avait d’abord discuté avec Norman Tam (l’explication).

 

[69]           Raymond Cheung a reconnu que le courriel de Kiichi Kumagai daté du 8 août 2008 résumait bien les principales propriétés qu’il avait examinées en 2008. Cependant, ce courriel ne faisait aucune allusion au nouvel emplacement.

 

[70]           Au procès, lors de son réinterrogatoire, Raymond Cheung a expliqué cette contradiction en niant que Kiichi Kumagai ait jamais été concerné par le nouvel emplacement, ce qui signifiait, par contre, que l’explication était fausse.

 

[71]           Enfin, les procès‑verbaux indiquent qu’à la réunion du comité des questions générales du conseil municipal de Richmond tenue le 5 mai 2008, Raymond Cheung s’est dit optimiste quant à la possibilité de relancer le Marché nocturne de Richmond à un nouvel endroit en 2009. Au procès, Raymond Cheung a affirmé que, même si le nouvel emplacement était viable le 5 mai, il n’en avait pas parlé au comité, qui était en train d’examiner la demande de PUT de Lions, parce que ce n’était pas pertinent. Cette affirmation n’est tout simplement pas crédible. Si Raymond Cheung avait eu en tête un emplacement viable qu’il croyait susceptible de recevoir une approbation d’usage en 2008, je suis certaine qu’il en aurait parlé à Richmond avec l’espoir que celle‑ci refuse d’accorder un PUT à Lions.

 

[72]           En résumé, je suis arrivée à la conclusion que Raymond Cheung n’a jamais considéré le nouvel emplacement comme un endroit convenable pour un Marché nocturne de Richmond 2008 pour les raisons suivantes :

·        il n’en a pas parlé à la réunion de Richmond tenue le 5 mai 2008;

·        il n’a fourni aucune preuve à l’appui de sa conclusion quant à son caractère convenable;

·        le nouvel emplacement ne figurait pas dans le courriel de Kiichi Kumagai;

·        il n’a pas été en mesure de fournir un témoignage cohérent quant à savoir quand, par qui ou comment le nouvel emplacement a été trouvé;

·        il n’en a pas parlé aux vendeurs lorsqu’il les a appelés à la mi‑avril pour voir s’ils avaient l’intention de louer un kiosque au Marché nocturne de Richmond 2008.

 

(iii)       Target aurait pu ouvrir un marché en 2008

 

[73]           Target affirme également qu’elle aurait pu ouvrir le Marché nocturne de Richmond sur le nouvel emplacement à la fin de juin 2008. La preuve révèle que Target avait l’intention d’utiliser un vieux bâtiment situé sur le nouvel emplacement pour loger les kiosques des commanditaires, ce qui, Raymond Cheung en a convenu, aurait nécessité une demande de changement de zonage. Aucune preuve n’a été fournie quant au temps nécessaire pour obtenir une approbation à l’égard d’une telle demande. Il avait également besoin d’un PUT, et il a convenu que l’examen de la demande aurait pris environ deux mois et demi. Il a reconnu que le processus avait pris trois mois pour la propriété de Vulcan Way.

 

[74]           Cela dit, avant qu’une demande de PUT puisse être soumise, il aurait fallu concevoir un plan d’aménagement. Selon le témoignage de Raymond Cheung, la conception d’un plan d’aménagement aurait à elle seule pris deux mois et demi. Le plan d’aménagement devait indiquer les endroits où se trouvaient les kiosques, les voies de circulation des vendeurs et des véhicules d’urgence, les canalisations d’eau et d’égout, le récupérateur de graisse, les fournitures et fils électriques et les toilettes.

 

[75]           De plus, un permis de construction était nécessaire pour l’installation des services d’aqueduc et d’égout, un plan de gestion de la circulation devait être dressé, le transport public devait être étudié, les voisins devaient être interrogés pour connaître leur opinion sur l’ouverture d’un nouveau marché nocturne et les vendeurs devaient avoir signé un contrat et obtenu un permis. Raymond Cheung a d’abord affirmé que les vendeurs avaient besoin d’un délai de six mois pour se préparer pour un marché. Il s’est ensuite repris pour dire qu’il ne parlait que des « nouveaux » vendeurs. Cependant, un examen de la transcription révèle qu’il n’a pas employé le mot « nouveau » et semblait viser les vendeurs en général. Enfin, une fois approuvé, le marché devait être construit sur le nouvel emplacement.

 

[76]           Personne de Richmond n’a été appelé à témoigner quant à savoir si elle aurait été prête à accélérer le traitement des demande de changement de zonage et de PUT de Target à l’égard du nouvel emplacement.

 

[77]           Je conclus donc que, à aucun moment au printemps 2008, Raymond Cheung n’aurait pu procéder à l’ouverture d’un marché nocturne sur le nouvel emplacement à la fin de juin 2008.

 

(iv)       L’omission d’ouvrir de Target était due à une pénurie de vendeurs

 

[78]           L’épouse de Raymond Cheung est Mme Karen Wan. Elle a témoigné en tant qu’adjointe administrative de son époux et s’est occupée de la disponibilité des vendeurs au printemps 2008. Elle a dit que, au fil des ans, Target avait établi une liste d’environ 400 vendeurs. À la mi‑avril 2008, Raymond Cheung lui a demandé d’appeler tous leurs anciens vendeurs (le sondage de Target). Elle devait les informer que Target avait trouvé un nouvel emplacement convenable pour un marché nocturne en 2008. Cependant, elle ne devait pas leur dire où le nouvel emplacement était situé. À cet égard, il convient de souligner que Mme Louisa Fung, vendeuse et témoin de la demanderesse, n’a pas corroboré le témoignage de Karen Wan. Louisa Fung n’a pas dit qu’on lui avait dit qu’un emplacement avait été trouvé. Elle a plutôt dit qu’on lui avait demandé si elle serait prête à louer un kiosque « si » emplacement il y avait.

 

[79]           Karen Wan a aussi dit que, lors du sondage de Target, on lui avait donné instruction de ne pas discuter du montant de l’acompte exigé par Target avec les vendeurs éventuels. Si je comprends bien, cela signifie qu’on lui avait interdit de parler de loyer.

 

[80]           Le témoignage de Karen Wan n’indiquait pas clairement combien de vendeurs elle avait contacté, mais elle a dit avoir parlé à « beaucoup » de vendeurs et appris que peu d’entre eux étaient prêts à se joindre à Target en 2008. Le témoignage de Raymond Cheung était plus précis. Il a dit que son personnel l’avait informé qu’il ressortait du sondage de Target que seulement 50 à 60 vendeurs étaient disposés à venir à son marché en 2008. Compte tenu de ce chiffre, il a conclu qu’il ne pourrait pas exploiter un marché rentable en 2008.

 

[81]           Target se fonde sur la preuve apportée par le sondage de Target pour étayer son allégation voulant que la seule raison pour laquelle il n’a pas pu ouvrir un marché nocturne en 2008 soit attribuable au comportement de Lions. Target affirme que, par la violation d’un droit d’auteur et la commercialisation trompeuse, Lions a amené les vendeurs à penser qu’ils faisaient affaire avec Target et les a convaincus de louer des kiosques à son marché, ce qui, selon Raymond Cheung, a laissé un nombre insuffisant de vendeurs disponibles pour le marché de Target en 2008.

 

[82]           À mon avis, la preuve apportée par le sondage de Target n’étaye pas cette allégation. Les médias avaient abondamment rapporté les propos de Raymond Cheung voulant qu’il ait de la difficulté à trouver un emplacement pour son marché nocturne à Richmond parce qu’il souhaitait louer 15 acres. De plus, environ une semaine avant le sondage de Target, le communiqué de presse annulant la tenue du marché de 2008 faute d’emplacement avait été émis. En outre, deux vendeurs ont témoigné que l’emplacement constituait un facteur important pour eux lorsque venait le temps de décider s’ils allaient participer à un marché nocturne. La première était Louisa Fung, l’un des témoins de la demanderesse, qui avait loué un kiosque au marché de Target de 2005 à 2007. L’autre était Raymond Lee, l’un des témoins des défendeurs. Il a renoncé à un acompte de 2 000 $ au marché nocturne du quartier chinois pour se joindre au Marché Lions en 2008 parce qu’il préférait un emplacement à Richmond. Dans ces circonstances, on ne pouvait s’attendre à ce qu’un sondage visant à obtenir des manifestations d’intérêt pour 2008 qui ne dévoilait ni l’emplacement ni le loyer produise des résultats concluants.

 

[83]           C’est aussi une question de nombre. Si Target connaissait 400 vendeurs et que Lions n’avait loué des kiosques qu’aux quarante premiers vendeurs avant que sa demande de PUT soit approuvée le 20 mai 2008, il aurait dû y avoir suffisamment de vendeurs disponibles pour Target lors du sondage effectué à la mi‑avril si elle avait été disposée à révéler qu’elle avait trouvé un emplacement intéressant et exigeait un loyer compétitif.

 

DROIT D’AUTEUR

(i)         Les revendications

 

[84]           Les revendications de droit d’auteur de la demanderesse se rapportent aux documents suivants :

·        le formulaire de demande du vendeur pour les vendeurs de nourriture;

·        le formulaire de demande du vendeur pour les vendeurs de marchandises;

·        le plan du site du marché.

 

(ii)        Les enregistrements

 

[85]           Le 22 avril 2008, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada a enregistré les certificats d’enregistrement de droit d’auteur suivants à l’égard des trois documents énumérés ci‑dessus (collectivement appelés les « enregistrements ») :

·        no 1057825 pour « Richmond Night Market Summer Festival – Food Vendor Application and Contract » (Festival d’été du Marché nocturne de Richmond – Demande et contrat du vendeur de nourriture) en tant qu’œuvre littéraire, indiquant la demanderesse comme propriétaire et le 1er mai 2005 comme date de première publication;

·        no 1057826 pour « Richmond Night Market Summer Festival – Merchandise Vendor Application and Contract » (Festival d’été du Marché nocturne de Richmond – Demande et contrat du vendeur de marchandises) en tant qu’œuvre littéraire, indiquant la demanderesse comme propriétaire et le 1er mai 2005 comme date de première publication;

·        no 1057824 pour « Richmond Night Market Site Plan » (Plan du site du Marché nocturne de Richmond) en tant qu’œuvre littéraire/artistique, indiquant la demanderesse comme propriétaire et le 1er mai 2006 comme date de première publication.

 

 

            (iii)       L’application de la Loi sur le droit d’auteur

 

 

[86]           Les défendeurs ont fait valoir qu’il n’existe pas de droit d’auteur sur le plan du site du marché en raison de sa fonctionnalité alléguée. Ils soutiennent que, dans son arrêt Delrina Corp. c. Triolet Systems Inc. (2002), 58 O.R. (3d) 309, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé que, lorsqu’il n’existe qu’une manifestation possible d’une idée ou d’une fonction, reconnaître l’existence d’un droit d’auteur sur cette manifestation reviendrait à accorder au titulaire du droit d’auteur un monopole sur l’idée ou la fonction.

 

[87]           Paul Cheung a témoigné que le plan du site de Lions représentait la seule façon possible de disposer les kiosques des vendeurs, les toilettes et la scène compte tenu des endroits où étaient situés les services et les structures. Cependant, il n’a aucune expérience dans la conception de marchés nocturnes et son témoignage n’a pas été corroboré par son architecte, un employé de Richmond ou l’un quelconque des experts qu’il aurait consultés. Par conséquent, je refuse de croire que les défendeurs n’auraient pas pu concevoir un nouvel aménagement pour leur marché qui ne reproduisait pas une partie importante du plan du site du marché de Target. Pour ce motif, l’arrêt Delrina de la Cour d’appel de l’Ontario ne s’applique pas.

 

[88]           La demanderesse s’appuie sur l’alinéa 27(2)b) de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑42, qui précise ceci :

27. (2) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement de tout acte ci‑après en ce qui a trait à l’exemplaire d’une œuvre, d’une fixation d’une prestation, d’un enregistrement sonore ou d’une fixation d’un signal de communication alors que la personne qui accomplit l’acte sait ou devrait savoir que la production de l’exemplaire constitue une violation de ce droit, ou en constituerait une si l’exemplaire avait été produit au Canada par la personne qui l’a produit :

[…]

 

b) la mise en circulation de façon à porter préjudice au titulaire du droit d’auteur;

 

27. (2) It is an infringement of copyright for any person to

 

[…]

 

(b) distribute to such an extent as to affect prejudicially the owner of the copyright,

 

[…]

 

a copy of a work, sound recording or fixation of a performer’s performance or of a communication signal that the person knows or should have known infringes copyright or would infringe copyright if it had been made in Canada by the person who made it.

 

 

[89]           La demanderesse allègue le préjudice suivant :

·        lorsque Lions a donné à certains vendeurs les règles de Target et son plan du site du marché, ces vendeurs ont été amenés à penser à tort qu’ils faisaient affaire avec Target, ce qui lui a causé un préjudice découlant de la perte de vendeurs éventuels. Cependant, comme j’ai conclu que Target n’aurait pas pu ouvrir un marché en 2008, une pénurie de vendeurs, eut‑elle existé, ne lui aurait pas été préjudiciable;

·        lorsque Lions a donné à certains vendeurs les règles et le plan du site du marché de Target, cette dernière a subi un préjudice parce que cette activité a facilité la tâche de Lions sur le plan de la concurrence avec Target. Cependant, le problème avec cette allégation est que Target et Lions n’étaient pas réellement des concurrents en 2008 ou 2009 parce que Target n’a pas réussi à trouver un emplacement pour son marché;

·        lorsque Paul Cheung a soumis le plan du site du marché de Target, en inscrivant le nom de Lions dessus, dans le cadre de la demande de PUT, Target a subi un préjudice du fait qu’il était un concurrent. Cependant, Target n’était pas, à vrai dire, le concurrent de Lions en 2008.

 

[90]           Parce Target n’a subi aucun préjudice, l’alinéa 27(2)b) ne s’applique pas.

 

[91]           La demanderesse s’appuie également sur les présomptions qui, dans la Loi sur le droit d’auteur, découlent des enregistrements. L’une de ces présomptions figure au paragraphe 53(2), qui se lit ainsi :

53. (2) Le certificat d’enregistrement du droit d’auteur constitue la preuve de l’existence du droit d’auteur et du fait que la personne figurant à l’enregistrement en est le titulaire.

53. (2) A certificate of registration of copyright is evidence that the copyright subsists and that the person registered is the owner of the copyright.

 

[92]           Une présomption connexe se trouve au paragraphe 34.1(1), qui précise ceci :

34.1 (1) Dans toute procédure pour violation du droit d’auteur, si le défendeur conteste l’existence du droit d’auteur ou la qualité du demandeur :

a) l’œuvre, la prestation, l’enregistrement sonore ou le signal de communication, selon le cas, est, jusqu’à preuve contraire, présumé être protégé par le droit d’auteur;

b) l’auteur, l’artiste-interprète, le producteur ou le radiodiffuseur, selon le cas, est, jusqu’à preuve contraire, réputé être titulaire de ce droit d’auteur.

34.1 (1) In any proceedings for infringement of copyright in which the defendant puts in issue either the existence of the copyright or the title of the plaintiff thereto,

(a) copyright shall be presumed, unless the contrary is proved, to subsist in the work, performer’s performance, sound recording or communication signal, as the case may be; and

(b) the author, performer, maker or broadcaster, as the case may be, shall, unless the contrary is proved, be presumed to be the owner of the copyright.

 

[93]           À la date des enregistrements, le droit d’auteur sur la version papier du plan du site du marché et des règles de Target avait déjà été violé. La présente instance a été engagée le 2 mai 2008 et je suis arrivée à la conclusion que les enregistrements reposent essentiellement sur des considérations d’ordre stratégique. Pour ce motif, j’ai accordé peu de poids aux présomptions. Par contre, la preuve décrite ci‑après révèle qu’il existe un droit d’auteur sur les règles de Target et le plan du site du marché.

 

[94]           Les défendeurs ont admis ce qui suit :

[traduction] À la date de création des formulaires de demande, Raymond Cheung et Tony Kwan étaient tous deux des citoyens canadiens. À la date de sa participation à la création du formulaire de demande, Raymond Cheung était le directeur, un dirigeant et un employé de la demanderesse et il a participé à la création des formulaires de demande dans le cadre de […].

 

Les défendeurs ont cependant refusé d’admettre que [traduction] « Raymond Cheung et Tony Kwan étaient les coauteurs des formulaires de demande utilisés par Target Events depuis mai 2005 ».

 

[95]           Durant les parties de son interrogatoire préalable qui ont été considérées comme lues au procès, Raymond Cheung a affirmé que, à compter de l’an 2000, il a élaboré le contenu des formulaires de demande du vendeur et que son avocat, M. Tony Kwan, a pris les renseignements en note. Raymond Cheung a dit qu’ils ont collaboré à la création de la version actuelle, en 2005, et les défendeurs ont admis que Tony Kwan a cédé son droit d’auteur à Target.

 

[96]           Cependant, Lions nie qu’ils soient les auteurs parce que les règles figurant dans les formulaires de demande du vendeur du marché nocturne du quartier chinois de Vancouver semblent être les mêmes que les règles de Target. Pourtant, Raymond Cheung a témoigné qu’il n’a jamais examiné d’autres règles. Il a émis l’hypothèse que le marché nocturne du quartier chinois avait copié les règles de Target. En l’absence de preuve quant à savoir quand et comment les règles de ce marché nocturne ont été créées, j’accepte le témoignage de Raymond Cheung portant qu’il est le coauteur des règles de Target, et aussi du plan du site du marché.

 

[97]           Les défendeurs s’appuient sur le paragraphe 39(1) de la Loi sur le droit d’auteur pour limiter à l’injonction le recours de Target. Ce paragraphe est ainsi rédigé :

39. (1) Sous réserve du paragraphe (2), dans le cas de procédures engagées pour violation du droit d’auteur, le demandeur ne peut obtenir qu’une injonction à l’égard de cette violation si le défendeur prouve que, au moment de la commettre, il ne savait pas et n’avait aucun motif raisonnable de soupçonner que l’œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur était protégé par la présente loi.

39. (1) Subject to subsection (2), in any proceedings for infringement of copyright, the plaintiff is not entitled to any remedy other than an injunction in respect of the infringement if the defendant proves that, at the date of the infringement, the defendant was not aware and had no reasonable ground for suspecting that copyright subsisted in the work or other subject-matter in question.

 

[98]           À mon avis, les défendeurs ne peuvent invoquer ce paragraphe parce que Paul Cheung savait qu’un droit d’auteur avait été revendiqué sur le plan du site du marché. Il a admis qu’il avait vu un symbole de droit d’auteur sur le plan d’ensemble de la propriété de Vulcan Way et que ce plan englobait le plan du site du marché.

 

[99]           En ce qui concerne le formulaire de demande du vendeur, je suis convaincue que Paul Cheung avait des motifs raisonnables de soupçonner qu’il existait un droit d’auteur. Il connaissait bien la protection du droit d’auteur de par son travail dans le domaine de la musique, et une société qu’il contrôlait avait intenté une action pour violation du droit d’auteur.

 

[100]       Ce paragraphe n’a donc pas pour effet de protéger les défendeurs contre une condamnation pécuniaire.

 

[101]       Je passerai maintenant aux allégations particulières de violation du droit d’auteur susmentionnées.

 

(iv) Le contrat de Target

 

[102]       Paul Cheung a témoigné qu’il a conçu la partie contrat des formulaires de demande du vendeur de Lions en février 2008. Il a imaginé des lignes et des cases visant à mettre en évidence différents aspects du texte. Il s’agissait du format que Paradise avait utilisé à la Place. En ce qui concerne le contenu, il a examiné plusieurs échantillons, dont les formulaires de demande du vendeur de Target, qu’il a téléchargés de son site Web. Il a également consulté les formulaires des festivals tenus aux États‑Unis, ceux utilisés dans le quartier chinois du marché nocturne de Vancouver et ceux qu’Alvin Au avait utilisés lors de ses marchés précédents. Paul Cheung a dit qu’il a combiné les meilleures caractéristiques de chacun de ces documents pour s’assurer d’avoir tous les renseignements nécessaires une fois les contrats achevés.

 

[103]       À mon avis, les faits suivants démontrent que le contrat de Lions ne constitue pas une reproduction d’une partie importante du contrat de Target :

·        le contrat de Target est rédigé en chinois et en anglais, tandis que le contrat de Lions est rédigé en anglais seulement;

·        le papier utilisé pour le contrat de Target comporte un filigrane de son logo. Il est large, et son diamètre est de 6 po environ (le filigrane du logo). Le formulaire de Lions, par contre, ne présente aucun filigrane;

·        le format est très différent – des lignes et des cases organisent et délimitent le texte dans le contrat de Lions. Cette séparation n’existe pas dans le contrat de Target.

 

(v)        Les règles de Target

 

[104]       Le 22 février 2008, Phillip Moy a envoyé les règles de Target à l’avocat de Lions, M. Eric Schroter. La page couverture du courriel disait ceci :

[traduction] Voici l’échantillon de contrat du vendeur que vous devrez examiner sous peu. Ce contrat a été utilisé par l’exploitant précédent, alors évidemment, nous devrons modifier certains détails le concernant.

 

[105]       Cependant, les règles qu’Eric Schroter devait préparer n’étaient pas prêtes lorsque Lions en a eu besoin, et au procès, Paul Cheung a admis que, pendant deux jours à la mi‑mars 2008, Lions s’est servie des règles de Target (en y insérant son propre nom). Il les a jointes au contrat de Lions pour recruter les quarante premiers vendeurs. À mon avis, ce comportement constituait une violation du droit d’auteur de Target.

 

[106]       Par contre, Paul Cheung a témoigné que les vendeurs n’ont pas vu les règles de Target avant de décider de louer leurs kiosques. Cela signifie que les vendeurs n’auraient vu les règles de Target qu’après avoir choisi un kiosque et pris la décision de louer. Il me semble logique de ne pas utiliser un formulaire de demande comme outil de marketing. Cette conclusion signifie que, contrairement aux allégations de Target, Lions ne s’est pas servie de ses formulaires de demande du vendeur pour se faire passer pour Target.

 

[107]       Peu de temps après, les quarante premiers vendeurs ont signé leurs contrats, et les règles, préparées par Eric Schroter, sont devenues disponibles (les règles révisées). À mon avis, elles constituaient une reproduction d’une partie importante des règles de Target puisqu’environ 75 % du texte a été copié des règles de Target. Cependant, aucune violation substantielle du droit d’auteur de Target n’a été commise parce que Lions ne s’est pas servie des règles révisées pour recruter d’autres vendeurs.

 

[108]       Plus tard en mars 2008, les règles révisées ont été modifiées et étoffées pour devenir les règles finales. J’estime que les règles finales ne constituaient plus une reproduction d’une partie importante des règles de Target. Comme Lions s’en est servie au moment de recruter le reste de ses vendeurs pour le Marché Lions, il n’y avait plus aucune violation du droit d’auteur de Target.

 

(vi)       Le plan du site du marché de Target

 

[109]       À mon avis, le plan du site du marché de Target a droit à la protection par le droit d’auteur prévue à l’article 2 de la Loi sur le droit d’auteur, qui est ainsi libellé :

Définitions

 

2. […]

 

« œuvre artistique » Sont compris parmi les œuvres artistiques les peintures, dessins, sculptures, œuvres architecturales, gravures ou photographies, les œuvres artistiques dues à des artisans ainsi que les graphiques, cartes, plans et compilations d’œuvres artistiques.

Definitions

 

2. […]

 

“artistic work” includes paintings, drawings, maps, charts, plans, photographs, engravings, sculptures, works of artistic craftsmanship, architectural works, and compilations of artistic works;

 

 

[110]       Comme je l’ai déjà mentionné, Paul Cheung a téléchargé le plan du site du marché de Target et Alvin Au a remplacé l’en‑tête de Target par celui de Lions. Selon Paul Cheung, cette version a été fournie à Richmond dans le cadre de la demande de PUT de Lions environ deux semaines après le dépôt de la demande le 27 février 2008. Il a aussi été utilisé pour aider les quarante premiers vendeurs à choisir la position de leurs kiosques.

 

[111]       J’estime que Paul Cheung a violé le droit d’auteur de la demanderesse lorsqu’il a téléchargé le plan du site du marché et demandé à Alvin Au de le préparer pour l’usage de Lions. Une autre violation a été commise lorsqu’il a été fourni à Richmond dans le cadre de la demande de PUT et utilisé pour aider les vendeurs à choisir leurs kiosques. Les quarante premiers vendeurs ont vu une copie conforme du plan du site du marché de Target (seul le titre avait changé), et on a montré à 60 à 80 autres vendeurs le plan du site de Lions qui, comme nous l’avons vu, constituait une reproduction d’une partie importante du plan du site du marché de Target. Le plan du site de Lions a été utilisé pour construire le Marché Lions et cette reproduction en trois dimensions représentait également un acte de violation.

 

[112]       À mon avis, la violation du droit d’auteur de Target sur le plan du site du marché était la condition sine qua non de l’exploitation du Marché Lions en 2008. Sans cette violation, il est peu probable que Lions aurait pu ouvrir avec tous les vendeurs en place en juin 2008. Selon Raymond Cheung, si le plan du site du marché de Target n’avait pas été utilisé, il aurait fallu deux mois et demi pour concevoir un nouveau plan du site du marché. Il est impossible de savoir si le locateur aurait accepté un nouveau plan, mais je pense pouvoir conclure que, à tout le moins, d’autres négociations auraient été nécessaires. De plus, avec un nouveau plan, Richmond aurait probablement eu besoin de plus de temps pour approuver la demande de PUT de Lions.

 

MARQUES DE COMMERCE ET COMMERCIALISATION TROMPEUSE

 

            (i)         Les admissions

 

[113]       La demanderesse prétend que, en l’an 2000, sa prédécesseure, Starlight Event Ltd., a commencé à employer les noms commerciaux suivants :

·        RICHMOND NIGHT MARKET;

·        caractères chinois signifiant RICHMOND NIGHT MARKET.

 

[114]       Les défendeurs ont admis cet emploi et ont aussi admis que, de mai 2001 à au moins septembre 2007, Target a continué à employer ces marques en liaison avec son marché nocturne.

 

[115]       De plus, Target soutient avoir employé les marques de commerce suivantes depuis mai 2002 :

·        RICHMOND NIGHT MARKET SUMMER FESTIVAL;

·        caractères chinois signifiant RICHMOND SUMMER NIGHT MARKET.

 

Les défendeurs ont admis le premier emploi, mais pas le deuxième. Cependant, comme je l’explique plus loin, j’estime que ce nom a été abondamment employé dans le logo de Target de 2002 à 2007.

 

[116]       Les quatre noms susmentionnés seront collectivement appelés les « noms de Target ».

 

(ii)        L’enregistrement

 

[117]       Le 24 avril 2009, la marque de commerce RICHMOND NIGHT MARKET a été enregistrée au nom de la demanderesse sous le no LMC738,727 en liaison avec « [l’]organisation et [la] tenue d’un marché public ». La demande d’enregistrement de cette marque a été produite le 21 avril 2008, soit moins de deux semaines avant que la présente poursuite soit engagée.

 

[118]       Le 22 avril 2008, la demanderesse a également produit une demande visant à enregistrer la marque de commerce (caractères chinois signifiant RICHMOND NIGHT MARKET) décrite dans la demande no 1,392,218. Cependant, cette marque de commerce n’a pas encore été enregistrée.

 

[119]       Comme nous le verrons plus loin, la demanderesse invoque l’article 7 et le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce. L’une des questions soulevées par ces dispositions eu égard aux faits de l’espèce est de savoir si les noms de Target ont acquis un caractère distinctif en raison de la mesure dans laquelle ils ont été employés. Cette question sera examinée dans les paragraphes suivants.

 

(iii)       L’emploi des noms de Target de 2000 à 2007

 

[120]       En l’an 2000, Raymond Cheung s’est servi d’un contrat avec un titre de deux lignes pour recruter des vendeurs au centre commercial Continental, à Richmond. Sur la première ligne, on pouvait lire « Richmond Night Market », et sur la ligne d’en dessous, il était inscrit « Vendor Application and Contract » (Demande et contrat du vendeur). Il a également constitué un jeu de documents appelé « Richmond Night Market 2000 Sponsorship », qui contenait une page de renseignements sur le marché intitulée « Richmond Night Market ». Raymond Cheung a également annoncé le marché en se servant du nom Richmond Night Market en caractères chinois.

 

[121]       En 2001, le contrat du vendeur s’intitulait « Richmond Night Market 2001 ».

 

[122]       En 2002, le nom de l’événement a été modifié. Il ne s’agissait plus simplement du Richmond Night Market. Le contrat du vendeur de 2002 s’intitulait « Richmond Night Market Summer Festival 2002 ». Tous les mots se trouvaient sur la même ligne et avaient la même importance.

 

[123]       Un nom en caractères chinois désignant le marché figure dans un article de deux pages paru dans le Ming Pao, un quotidien chinois. L’article est daté du 29 juin 2002, et le marché y est désigné, en chinois, à la fois sous le nom de Richmond Night Market et sous le nom de Richmond Summer Night Market. Raymond Cheung est mentionné à la page un, et sa photo y figure. En anglais, l’article désigne son événement sous le nom de Night Market Summer Festival.

 

[124]       Le 22 mai 2002, le premier ministre de la Colombie‑Britannique, Gordon Campbell, a écrit à Raymond Cheung. La lettre commençait par [traduction] « Merci pour l’invitation à assister à la grande cérémonie d’ouverture du Richmond Night Market Summer Festival 2002 ».

 

[125]       Raymond Cheung a créé le logo en 2002. On peut y lire les mots « Richmond Night Market Summer Festival » en anglais, tous dans le même style de caractère, et « Richmond Summer Night Market » en caractères chinois de taille comparable.

 

[126]       En 2003, le contrat du vendeur de Target s’intitulait « Richmond Night Market Summer Festival 2003 ». C’était la première année que Target imprimait le filigrane du logo sur ses contrats du vendeur.

 

[127]       En 2003, Target a fait imprimer 50 000 cartes postales qui ont été distribuées aux visiteurs du marché. L’image montrait le marché en 2002. Dans le haut, on pouvait lire le titre « Richmond ». En dessous, toujours en gros caractères, le titre se prolongeait en disant « Night Market Summer Festival 2003 ». Tout de suite après, en plus petits caractères, il était inscrit « @ Bridgepoint ». Le logo figurait sur la carte postale, ce qui signifiait que le nom Richmond Summer Night Market était repris en chinois.

 

[128]       En 2004, le contrat du vendeur s’intitulait « Richmond Night Market Summer Festival 2004 » et comportait le filigrane du logo. Le titre du contrat en chinois parlait du Richmond Night Market.

 

[129]       Les 50 000 cartes postales distribuées en 2004 contenaient une photo du marché situé sur la propriété de Vulcan Way. La photo montre l’installation d’une large enseigne au néon au‑dessus des kiosques (l’enseigne suspendue). On peut y lire les mots Richmond Night Market en gros caractères et City of Life et Summer Festival en plus petites lettres. Raymond Cheung a témoigné que l’enseigne suspendue a été installée de 2004 à 2007. Sur la première ligne du titre de la carte postale, on peut lire « Richmond Night Market » en anglais. Sur la deuxième ligne, il est inscrit « Summer Festival 2004 @ Riverside ». Le logo figure également sur la carte postale.

 

[130]       Une photo dans un article publié au printemps 2004 dans le Vancouver Shinpo, un hebdomadaire japonais, montre une partie de l’enseigne installée cette année‑là pour la cérémonie d’ouverture. Raymond Cheung a témoigné qu’il y était inscrit « Richmond Night Market Open Ceremony ».

 

[131]       Des annonces publiées en anglais en 2004 avaient pour titre « 5th Night Market Summer Festival 2004 » et affichaient le logo, qui figurait également dans les annonces chinoises.

 

[132]       Dans une lettre de félicitations du Canal M, une station de télévision multiculturelle de la Colombie‑Britannique (maintenant OMNI TV), l’auteur parlait à la fois du Richmond Night Market et du Richmond Night Market Summer Festival. Un examen de toute la correspondance de félicitations révèle que les commanditaires de l’événement employaient les deux expressions indifféremment en 2004.

 

[133]       Un article du Singtao, un quotidien chinois de la Colombie‑Britannique, comportait un titre, en caractères chinois, qui se lisait « Richmond Night Market Opening ». Il y était également question de Target et de Raymond Cheung.

 

[134]       Le 19 mai 2004, le Singtao traitait du « Richmond Night Market ». Le 10 mai 2004, par contre, le World General faisait état de l’ouverture du « Richmond Summer Night Market ». Le 29 mai 2004, un article du World General parlait également, en caractères chinois, de l’ouverture du « Richmond Summer Night Market ».

 

[135]       Le contrat du vendeur de Target pour 2005 comportait le filigrane du logo et s’intitulait « Richmond Night Market Summer Festival 2005 ». On pouvait aussi y lire le nom Richmond Summer Night Market en caractères chinois.

 

[136]       Une lettre de compliments de Tourisme Richmond datée du 14 juillet 2005 parlait simplement de « The Night Market ».

 

[137]       Une photo de l’événement en 2005 montre que l’enseigne suspendue était toujours là. De plus, une version agrandie du logo, qui mesurait 15 à 20 pi de largeur, était installée au‑dessus de la scène.

 

[138]       Le Vancouver Sun a désigné l’événement de Target sous le nom de Richmond Night Market au moment de le qualifier d’événement [traduction] « numéro un » de l’été.

 

[139]       En 2005, la carte postale comportait le titre « Richmond Night Market » en grosses lettres avec, en dessous, l’inscription « Summer Festival 2005 @ Riverside » en plus petits caractères. Comme auparavant, le logo désignait l’événement sous le nom de Richmond Night Market Summer Festival en anglais et de Richmond Summer Night Market en chinois. Encore là, 50 000 copies ont été imprimées.

 

[140]       Une photo prise en 2005 montre une grande bannière (peut‑être 40 pi de longueur) sur la scène portant l’inscription « Richmond Night Market » en caractères gras suivie des mots « Summer Festival » en plus petites lettres. La photo montrait le logo installé au‑dessus de la scène ainsi qu’un écran de projection commercial en arrière de la scène. L’écran mesurait environ 30 pi de largeur par 25 pi de hauteur.

 

[141]       En 2005, une lettre de bons vœux de John Yap désignait le marché sous le nom de « Richmond Night Market ». Par contre, une lettre semblable de Raymond Chan, ministre fédéral d’État chargé du Multiculturalisme et député fédéral de Richmond, parlait du « Richmond Night Market Summer Festival ».

 

[142]       Raymond Cheung a témoigné que, en 2005, Target a employé à la fois le nom Richmond Night Market et le nom Richmond Summer Night Market dans ses publicités radio chinoises.

 

[143]       Un article paru dans le Richmond Review en mai 2005 s’intitulait [traduction] « Le Richmond Night Market de retour ce week‑end », tandis que le deuxième paragraphe de l’article disait ceci : [traduction] « Le sixième Richmond Night Market Summer Festival annuel est maintenant ouvert… ». Une publicité figurant dans le même journal s’intitulait « Richmond Night Market Summer Festival », et une lettre du député provincial de Richmond Est adressait des vœux à l’occasion de l’ouverture du « Richmond Night Market Summer Festival 2005 ».

 

[144]       Une autre publicité parue dans le Richmond Review en juin 2005 s’intitulait Richmond Night Market Summer Festival.

 

[145]       En 2005, la Chambre de commerce de Richmond a publié une description de membre au sujet de Target qui contenait le logo, et dont la deuxième phrase se lisait ainsi : [traduction] « Nous sommes les organisateurs du Richmond Night Market Summer Festival depuis l’an 2000 ». Dans le reste de la description, les termes Richmond Night Market Summer Festival et Richmond Night Market étaient tous les deux employés.

 

[146]       Le contrat du vendeur pour 2006 s’intitulait « Richmond Night Market Summer Festival 2006 » et comportait le filigrane du logo.

 

[147]       En 2006, le thème du marché était « Summer of Love » (Été de l’amour). Environ soixante‑cinq grandes bannières (3 pi sur 10 pi) ont été placées aux alentours du marché pour faire connaître ce thème. On pouvait y lire « Richmond Night Market » en caractères gras. Le logo figurait sur certaines d’entre elles.

 

[148]       En 2006, dans les documents remis aux visiteurs, le titre « Richmond Night Market 2006 » et le thème « Summer of Love » côtoyaient souvent le logo. Une annonce placée par Target s’intitulait Richmond Night Market Summer Festival 2006 et contenait le logo.

 

[149]       Mme Linda Reid, députée provinciale de Richmond Est, a écrit en 2006. Elle adressait ses bons vœux à l’occasion de la « 7th Annual Richmond Night Market Summer of Love Opening Ceremony » et souhaitait du succès au « Richmond Night Market ». Par contre, Mme Olga Ilich, la nouvelle députée provinciale de Richmond Centre, a adressé ses bons vœux à l’endroit du « Richmond Night Market Summer Festival ».

 

[150]       Le Seattle Times a fait état de l’éblouissant « Night Market of Richmond BC » et d’autres journaux ont parlé du Richmond Night Market.

 

[151]       Le Bureau économique et commercial de Hong Kong a écrit à Raymond Cheung du « Richmond Night Market Summer Festival 2006 ». Par contre, Ambulance Saint‑Jean a remercié Raymond Cheung pour son généreux don en mentionnant le « Richmond Night Market 2006 ».

 

[152]       En 2007, le contrat du vendeur s’intitulait « Richmond Night Market Summer Festival 2007 » et comportait toujours le filigrane du logo.

 

[153]       Une photo de la bannière de 40 pi placée devant la scène montre qu’elle porte l’inscription « Richmond Night Market » suivie du logo, puis des mots « Summer Festival ». Tous les mots sont écrits en lettres d’égale grosseur.

 

[154]       Le thème pour 2007 était « Magical Summer  (Été magique). Un nouveau logo en forme de cercle a été conçu pour faire connaître ce thème. Dans le haut du cercle, on pouvait lire « Richmond Night Market 2007 », et l’expression « The Magical Summer » était imprimée au centre du cercle. Des caractères chinois figuraient dans le bas. Ils signifiaient Richmond Summer Night Market. Ce logo a été utilisé seul et a aussi figuré dans du matériel promotionnel concurremment avec le logo initial.

 

[155]       En 2007, les publicités de Target visant à attirer des visiteurs ont cessé de mettre l’accent sur le mot « festival » pour ne parler que du Richmond Night Market. Ce fut le cas des annonces placées sur les autobus de Vancouver. Cependant, le mot « festival » a été conservé pour les vendeurs. Il figurait dans le titre de leurs contrats de 2007.

 

[156]       La presse anglophone semblait avoir choisi le nom Richmond Night Market pour désigner l’événement lorsqu’elle a fait état de l’annonce de Raymond Cheung concernant son avenir incertain au printemps et à l’été 2007.

 

[157]       Par contre, le premier ministre Gordon Campbell a adressé par écrit ses bons vœux à l’occasion du « 8th Annual Richmond Night Market Magical Summer Festival » et le député fédéral Raymond Chan a transmis des vœux désignant le marché par le même nom.

 

[158]       D’autre part, Tourisme Colombie‑Britannique et l’Armée du Salut ont écrit à Raymond Cheung des lettres de remerciement qui parlaient du « Richmond Night Market ».

 

(iv)       Conclusion quant à l’acquisition et à la perte du caractère distinctif

 

[159]       Compte tenu de cet examen de la preuve et des admissions des défendeurs, je suis arrivée à la conclusion que la demanderesse a abondamment employé les noms de Target en liaison avec son marché nocturne. Même si les noms de Target étaient à l’origine simplement descriptifs, j’estime que, en janvier 2007, ils constituaient des marques de commerce valides parce qu’ils bénéficiaient d’un achalandage important et avaient acquis un caractère distinctif en liaison avec (i) le marché nocturne tenu sur la propriété de Vulcan Way, (ii) Target et (iii) Raymond Cheung.

 

[160]       Cependant, ce caractère distinctif acquis n’était pas, à mon avis, durable. Dès l’instant où Raymond Cheung et Target ont omis d’ouvrir un marché nocturne en 2009, j’estime que les noms de Target, intrinsèquement faibles, ont perdu leur caractère distinctif et l’achalandage s’y rattachant. C’est pour cette raison qu’une grande partie du jugement déclaratoire et de l’injonction demandés par la demanderesse n’a pas été accordée.

 

(v)        La Loi sur les marques de commerce

 

[161]       L’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce prévoit ceci :

7. Nul ne peut :

 

[…]

 

b) appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

 

7. No person shall

 

[…]

 

(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;

 

 

[162]       Le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce dit ceci :

Éléments d’appréciation

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[Je souligne.]

What to be considered

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

[my emphasis]

 

(vi)       Les circonstances de l’espèce

 

[163]       Si les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) donnent à penser que l’emploi par Lions des noms de Target ou de noms leur ressemblant beaucoup causerait de la confusion, il y a trois circonstances importantes qui, à mon avis, ont pratiquement éliminé la probabilité que les vendeurs ne puissent plus s’y retrouver. La première résidait dans le comportement de Raymond Cheung. La deuxième tenait à la vaste couverture médiatique qui a été accordée à la fermeture du Marché nocturne de Richmond et à l’ouverture du Marché Lions, et la troisième au contenu du site Web de Lions. Ces points seront collectivement appelés les « circonstances de l’espèce ». Je les examinerai à tour de rôle.

 

                        a)         Le comportement de Raymond Cheung

 

[164]       Au cours de son marché nocturne 2007, Raymond Cheung a dit aux médias et à ses vendeurs (environ 300) qu’il ne renouvellerait pas son bail et qu’il n’avait pas de nouvel emplacement. À l’automne 2007, il a restitué les acomptes qu’il avait demandés aux vendeurs pour la tenue de son marché nocturne 2008 sur la propriété de Vulcan Way. Au début de 2008, il a demandé à ses avocats de rédiger des lettres de cessation pour aviser les médias, les anciens voisins du Marché nocturne de Richmond et ses anciens fournisseurs de stationnement qu’il ne fallait pas le confondre, lui et Target, avec Paul Cheung et Lions.

 

[165]       Le 7 avril 2008, Target a émis le communiqué de presse. Il s’intitulait [traduction] « Marché nocturne de Richmond annulé pour 2008 » et expliquait que le marché nocturne allait être annulé parce que le locateur avait décidé de ne pas renouveler le bail de Target. Il précisait également que Target continuait à chercher un nouvel emplacement. Fait important, le communiqué de presse établissait la distinction suivante entre Target et Lions :

[traduction] [Raymond] Cheung et Target Events savent qu’une autre partie tente actuellement de tenir un événement similaire au même endroit que celui où a été tenu le Marché nocturne de Richmond l’année dernière. « Nous voulons nous assurer que le public est conscient du fait que nous n’avons aucun lien avec ce groupe et que, quel que soit l’événement tenu sur cet emplacement, il ne s ‘agit pas du Marché nocturne de Richmond de Target Events », a affirmé [Raymond] Cheung.

 

[166]       Quelque part entre le 7 avril et le 14 juin 2008, Target a diffusé sur son site Web une annonce intitulée [traduction] « Marché nocturne de Richmond annulé en 2008. Grands projets déjà en route pour 2009 ». Même si Paul Cheung a témoigné avoir vu une annonce semblable sur le site Web de Target en janvier 2008, j’ai conclu qu’il s’était trompé. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je refuse de croire que Target a émis un avis d’annulation qui portait une date antérieure au communiqué de presse.

 

[167]       L’annonce diffusée sur le site Web de Target se lisait, en partie, ainsi :

[traduction] C’est avec un pincement au cœur que Target Even annonce l’annulation du marché nocturne officiel de Richmond pour 2008. L’annulation de l’événement de cette année s’inscrit dans la foulée d’une hausse exponentielle du coût de location de notre ancien emplacement et de notre incapacité, malgré nos efforts, à trouver un emplacement de rechange à temps pour tenir le marché pour l’année qui s’en vient.

 

                        b)         La couverture médiatique

 

[168]       Une attention médiatique considérable a été accordée à la fermeture du Marché nocturne de Richmond, aux efforts de Raymond Cheung pour trouver un nouvel emplacement et au fait qu’un nouvel exploitant était entré en scène. J’examinerai les plus importants de ces reportages médiatiques.

 

[169]       Un article diffusé sur le site Web de CBC le 11 mai 2007, intitulé [traduction] « Richmond pourrait perdre le populaire marché nocturne », disait, en partie, ce qui suit :

[traduction] Il pourrait s’agir du dernier été pour le Marché nocturne de Richmond, l’une des attractions les plus populaires de la ville du Lower Mainland au cours des huit dernières années.

 

Le bail du marché est expiré à son emplacement situé derrière le Home Depot, sur les rives du fleuve Fraser, où il s’est tenu les quatre dernières années.

 

Le propriétaire, Raymond Cheung, a dit à CBC News qu’il avait été contraint de chercher un nouvel emplacement pour le marché annuel, qui attire jusqu’à 30 000 personnes par nuit.

 

Trouver un terrain vacant de 15 acres [six hectares environ] est presque impossible à Richmond, a affirmé Cheung, qui a indiqué que cela pourrait entraîner un déménagement à l’extérieur de la ville ou une fermeture.

 

C’est notre huitième année, et je pense que beaucoup de gens sont venus au marché nocturne et s’y sont amusés. C’est vraiment triste de voir que c’est terminé, et je pense que bien des gens seront de mon avis.

 

[170]       Un éditorial publié dans le Vancouver Sun le 17 mai 2007 s’intitulait [traduction] « Le marché nocturne est un atout que Richmond devrait tenter de conserver ». Il était accompagné d’une photo de Raymond Cheung. L’éditorial disait qu’il était peu probable que le marché nocturne rouvre en 2008 sur la propriété de Vulcan Way.

 

[171]       Un article publié dans le Vancouver Sun le 16 juillet 2007, intitulé [traduction] « Une attraction populaire de Richmond devant un avenir incertain », était aussi accompagné d’une photo de Raymond Cheung. Il relatait que le bail du marché nocturne prendrait fin au cours de l’hiver qui s’en venait et que [traduction] « jusqu’à présent, rien n’est prévu » pour l’été 2008. L’article disait ensuite ce qui suit :

[traduction] Les vendeurs commencent généralement à s’inscrire en août pour réserver un kiosque au marché de l’année suivante. Mais cela ne pourra se faire le mois prochain parce que le bail de Target Event prend fin en décembre. [Raymond] Cheung a refusé de traiter de ses pourparlers avec Cathay Importers, mais a dit qu’il essaie d’envisager toutes les possibilités, y compris celle de déménager le marché dans un autre endroit.

 

Cela signifierait qu’il devrait se procurer de nouveau les différents permis municipaux qu’il a obtenus pour tenir le marché, sans oublier le vaste réseau de câblage sous-terrain, l’éclairage, les préparatifs d’urgence et les installations sanitaires auxquels Target Event a contribué.

 

[172]       Un article publié dans The Richmond Review le 9 août 2007 s’intitulait [traduction] « Le Marché nocturne songe à partir » et était accompagné d’une photo de Raymond Cheung. Le sous‑titre disait [traduction] « L’organisateur dit n’avoir trouvé aucun autre emplacement local convenable; doit prendre sa décision le mois prochain ». L’article indiquait qu’il était peu probable que Target tienne un marché nocturne à Richmond en 2008 parce que, s’il avait trouvé trois emplacements susceptibles de faire l’affaire dans d’autres villes, il n’avait pas été en mesure de trouver un emplacement convenable à Richmond. L’article disait ensuite ce qui suit :

[traduction] L’endroit importe peu, a dit [Raymond Cheung], tant que le terrain peut faire l’objet d’un bail à long terme et mesure entre 15 et 20 acres.

 

Un nouvel emplacement doit être obtenu avant la fin de l’événement de cette année le 8 oct., a‑t‑il affirmé, parce que l’équipement doit être relocalisé et un avis doit être donné aux vendeurs et aux visiteurs.

 

 

[173]       Un éditorial publié dans The Province le 1er octobre 2007 s’intitulait [traduction] « Est-ce que quelqu’un peut trouver un nouveau foyer pour le populaire marché nocturne? » L’éditorial présentait Raymond Cheung comme l’organisateur du marché nocturne et indiquait qu’il n’avait pas encore trouvé d’endroit pour 2008. Il citait ainsi les paroles de Raymond Cheung :

[traduction] Nous aimerions beaucoup rester à Richmond si tout rentrait dans l’ordre, affirme Cheung, qui souhaite gracieusement remercier tous les visiteurs qui ont apporté leur soutien au marché nocturne au fil des ans.

 

Comme il le signale, il faut au moins 15 acres pour exploiter le marché, ce qui représente un défi important à Richmond, ou n’importe où ailleurs, compte tenu du marché immobilier en ébullition du Lower Mainland.

 

 

[174]       Le reportage suivant a été publié dans le Richmond Review presque six mois plus tard, le 22 mars 2008. Il s’intitulait [traduction] « Un nouveau groupe tente d’obtenir le marché nocturne » et comportait le sous‑titre [traduction] « Une surprise pour l’organisateur du Marché nocturne de Richmond ». L’article relatait que Raymond Cheung avait été surpris d’apprendre qu’un autre groupe tentait d’organiser le marché nocturne en 2008. Il précisait que le nouveau groupe s’appelait Lions Communications, et établissait une distinction entre Paul Cheung et Raymond Cheung. Il se lisait ainsi :

[traduction] Une annonce parue cette semaine dans le quotidien chinois Ming Pao Xpress affirme que le « Marché nocturne estival de Richmond 2008 » aura lieu cette année. Elle presse les vendeurs de s’inscrire au marché, qui devrait ouvrir le 30 mai, et indique que les vendeurs doivent faire leur paiement complet avant la mi‑avril.

 

[…] Pour aller de l’avant, les nouveaux aspirants, qui ont constitué cette année une nouvelle société appelée Lions Communications, devront obtenir un permis d’usage temporaire et satisfaire à une panoplie d’exigences.

 

Paul Cheung de Lions Communications – qui n’a aucun lien de parenté avec Raymond Cheung – a dit avoir bon espoir que la ville donne le feu vert à sa proposition.

 

[175]       Dans un article intitulé [traduction] « Le marché nocturne à deux pas de la réouverture » publié le 6 mai 2008, le Vancouver Sun relatait que [traduction] « le populaire marché nocturne estival de Richmond est à deux pas de la réouverture par un nouvel exploitant après des mois d’incertitude quant à son destin ». Il convient de souligner que l’article qualifiait à deux reprises Paul Cheung de [traduction] « nouvel exploitant ». Il disait également que le fondateur du marché nocturne, Raymond Cheung, n’avait aucun lien de parenté avec Paul et avait engagé une poursuite contre ce dernier.

 

[176]       Un article en chinois diffusé sur CAChinese.com le 7 mai 2008 relatait que le conseil municipal de Richmond allait tenir une audience publique le 20 mai pour discuter de la demande de Lions visant à exploiter un marché nocturne. La conclusion de l’article indiquait clairement que Paul Cheung était un nouvel organisateur :

[traduction] Quant à l’accusation dont il est objet selon laquelle il emploierait le titre « Marché nocturne » du marché de l’année dernière, Paul Cheung a indiqué qu’il s’agissait là de la bonne vieille façon pour l’ancien organisateur de contrecarrer les efforts du nouvel organisateur pour stimuler l’économie locale.

 

[177]       Dans un article intitulé [traduction] « Le nouveau marché nocturne verra le jour le 30 mai », publié le 8 mai 2008, le Richmond Review indiquait clairement qu’un nouvel organisateur allait exploiter le marché en 2008. La légende de la photo qui accompagnait l’article disait [traduction] « Un marché nocturne pourrait revenir sur Vulcan Way [sic], mais avec un groupe de propriétaires différent ». L’article commençait ainsi :

[traduction] La proposition d’un nouveau groupe visant à établir un marché nocturne de week‑end à Richmond fera l’objet d’une décision à la suite d’une audience publique plus tard ce mois‑ci.

 

Lundi, le conseil s’est prononcé unanimement en faveur d’une recommandation du personnel appuyant la proposition. Lions Communications, une entreprise de Richmond, a en vue une ouverture le 30 mai au même endroit que celui où le marché précédent a été tenu sur Vulcan Way l’année dernière.

 

La proposition fera maintenant l’objet d’une audience publique le 20 mai.

 

 

[178]       De plus, l’article indiquait que Target avait tenu le marché nocturne précédent et que Raymond Cheung avait renoncé à l’emplacement de Vulcan Way en raison d’une augmentation de loyer. Il ajoutait que [traduction] « Raymond Cheung de Target Events a dit craindre que les exploitants du nouveau marché ternissent la réputation de son événement » et indiquait que Raymond Cheung avait engagé une poursuite.

 

[179]       Un article intitulé [traduction] « Le nouvel exploitant du marché nocturne obtient son approbation » a été diffusé sur le site Web du Richmond News le 21 mai 2008, et publié dans la version imprimée du Richmond News, le 23 mai 2008, sous le titre [traduction] « Le nouveau marché nocturne obtient le feu vert ». La version imprimée était accompagnée d’une photo de Paul Cheung. L’article indiquait clairement que Paul Cheung était un nouvel exploitant et le distinguait d’avec Raymond Cheung. L’article disait ce qui suit :

[traduction] Alors que le conseil a approuvé le permis d’usage commercial temporaire de deux ans qui permettra au nouveau Marché nocturne estival d’ouvrir ses portes le 30 mai, l’exploitant de l’ancien Marché nocturne de Richmond s’engage à annoncer un nouvel emplacement pour l’été prochain d’ici deux semaines.

 

Nous devrons dorénavant nous employer à mettre en place un plus grand, et un meilleur, marché nocturne. Jusqu’à présent, nous avons une lettre d’intention du propriétaire d’un lot de 14 acres, a dit Raymond Cheung au sujet de son nouvel emplacement pour l’été prochain.

 

Entre-temps, le nouvel exploitant, Paul Cheung, qui n’a aucun lien de parenté avec Raymond Cheung, a dit que 10 jours suffisaient amplement pour permettre à sa société, Lions Communications, de préparer l’emplacement où l’ancien marché nocturne a été tenu ces dernières années – 12631 Vulcan Way.

 

[180]       Le 21 mai 2008, un article en chinois paru dans le journal Ming Pao relatait que Lions avait obtenu l’approbation de la ville lui permettant d’exploiter le marché nocturne en 2008. Il faisait état de l’audience publique, et signalait que certains intervenants avaient exprimé des inquiétudes au sujet du manque d’expérience du nouvel organisateur, du stationnement et de la contrefaçon. L’article distinguait aussi clairement Lions d’avec Target. Il disait ceci :

[traduction] La nouvelle administration du marché, Lions Communications Inc., souligne qu’elle estime pouvoir maintenir le 30 mai comme date d’ouverture. Target Event Production, l’ancienne organisatrice du marché nocturne au cours des huit dernières années, a annoncé qu’elle a trouvé un nouvel emplacement pour continuer son Marché nocturne de Richmond l’an prochain et lui conférer un caractère international.

 

En raison d’un problème de bail, Target Event Production a abandonné l’emplacement sur River Road en mars et a cessé de tenir le Marché nocturne de Richmond pour un an.

 

Pendant que Target Event Production cherche un nouvel emplacement, la nouvelle Lions Communications Inc. demande l’autorisation de tenir un marché nocturne au même endroit.

 

[181]       Le Sing Tao a également publié un article en chinois le 21 mai 2008, dans lequel il relatait que Richmond avait approuvé le Marché Lions et s’était entendue avec Lions quant à la contrefaçon de marchandises. L’article disait que le marché allait ouvrir comme prévu le 30 mai et que [traduction] « Raymond Cheung, l’organisateur de l’ancien Marché nocturne de Richmond cherche un nouvel emplacement pour continuer son marché nocturne l’an prochain ». Il était accompagné d’une photo de Paul Cheung et Raymond Cheung se serrant la main.

 

[182]       Le Richmond Review a également fait état de l’audience publique dans un article intitulé [traduction] « Le nouveau marché nocturne obtient le feu vert », publié le 22 mai 2008. L’article qualifiait Lions de [traduction] « nouveau vendeur » dans son sous‑titre et décrivait Paul Cheung comme un [traduction] « nouvel organisateur » dans son paragraphe introductif. Il indiquait que 160 vendeurs avaient été rassemblés pour le marché. Quant à Raymond Cheung, l’article disait ce qui suit :

[traduction] L’organisateur des huit marchés nocturnes précédents, Raymond Cheung (aucun lien de parenté) de Target Event, a dit qu’il ne pouvait se permettre d’exploiter le Marché nocturne de Richmond à cet endroit encore cette année, et il est à la recherche d’un nouvel emplacement depuis. Il a également introduit une action en contrefaçon de marque de commerce et violation du droit d’auteur contre son homonyme devant la Cour fédérale.

 

[183]       Un article en chinois diffusé sur lubynews.com le 23 mai 2008 qualifiait Lions de [traduction] « nouvelle administration du marché » et désignait Target sous l’appellation de [traduction] « ancienne organisatrice du marché nocturne au cours des huit dernières années ». Il relatait que le conseil municipal de Richmond avait approuvé à l’unanimité la demande de permis de Lions, que 160 vendeurs avaient été recrutés et que le marché allait ouvrir comme prévu le 30 mai.

 

[184]       Le 23 mai 2008, le Richmond News a publié un article intitulé [traduction] « Le fondateur du marché menace les nouveaux de poursuites ». Il disait que Raymond Cheung accusait Paul Cheung de [traduction] « faire comme si le Marché nocturne estival était le même marché que le Marché nocturne de Richmond ». Il ajoutait que Raymond Cheung avait exploité le marché nocturne pendant huit ans, qu’il avait eu de la difficulté à trouver un nouvel emplacement, mais qu’il en avait trouvé un pour 2009, et que Paul Cheung prévoyait exploiter un [traduction] « marché semblable » sur la propriété de Vulcan Way.

 

[185]       Le 29 mai 2008, le Richmond Review a publié un article intitulé [traduction] « Le nouveau Marché nocturne estival ouvre ses portes vendredi » qui était accompagné d’une photo de Paul Cheung. L’article portait principalement sur le passé de Paul Cheung et ses projets pour le marché de 2008, mais faisait aussi allusion à Target dans les termes suivants :

[traduction] Lions Communications, la société de [Paul] Cheung, reprend où Target Events a laissé. Depuis l’an 2000, y compris ses dernières années, Target Events exploitait son Marché nocturne de Richmond au 12631 Vulcan Way, derrière le Home Depot sur Bridgeport Road.

 

Mais Target Events a renoncé [à exploiter] le marché cette année parce que le locateur aurait doublé le loyer pour la propriété de Vulcan Way.

 

[186]       Enfin, le 6 juin 2008, le Richmond News a publié un article intitulé [traduction] « Le marché nocturne ouvre à temps, mais sans nourriture ». L’article relatait le week‑end d’ouverture du marché et parlait de ses difficultés à ouvrir des kiosques de nourriture, et du fait qu’il était plus petit que le marché de Target avec seulement 98 vendeurs. L’article disait aussi clairement que le marché était sous une nouvelle administration. Le reportage se lisait ainsi :

[traduction] Un nouveau marché nocturne a ouvert ses portes le week‑end dernier, contrairement aux prédictions voulant que l’organisateur de l’événement ne puisse jamais être prêt à temps.

 

[…] Le 20 mai, [Paul] Cheung a obtenu un permis temporaire de deux ans lui permettant d’ouvrir le nouveau Marché nocturne estival au même endroit que celui où l’ancien Marché nocturne de Richmond a été tenu ces derniers étés.

 

                        c)         Le site Web de Lions

 

[187]       Le 25 mars 2008, Lions a diffusé un communiqué de presse sur son site Web. Il convient de souligner que, dans le titre de ce communiqué de presse, Lions s’identifiait clairement comme un [traduction] « nouvel exploitant » : « Un nouvel exploitant demande l’autorisation de tenir un marché nocturne estival sur l’emplacement au bord du fleuve à Richmond ». Le communiqué de presse disait également ce qui suit :

[traduction] Lions Communications, exploitée par un vétéran de l’organisation d’événements Paul Cheung, a obtenu un bail de plusieurs années sur la propriété où le Marché nocturne de Richmond s’est tenu pendant sept ans. Rebaptisé le « Marché nocturne estival », l’événement de cette année ressemblera beaucoup à ceux des années passées, mais des améliorations importantes à l’emplacement sont prévues pour 2009.

 

[188]       Le 21 mai 2008, Lions a diffusé un article sur son site Web. Il disait que le marché nocturne allait rouvrir « sous la direction d’une nouvelle organisatrice » et ajoutait ceci :

[traduction] Lions Communications, une société de Richmond, a obtenu un permis d’usage lui permettant de rouvrir le marché le 30 mai, après que l’organisatrice fondatrice, Target Events, ait déclaré ne pas pouvoir se permettre l’augmentation de loyer demandée par le locateur cette année.

 

(vii)      Analyse

                        a)         Les vendeurs

 

[189]       Dans l’arrêt Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc., [2005] 3 R.C.S. 302, aux par. 62 à 68, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur la doctrine de la commercialisation trompeuse dans le contexte d’une action fondée sur l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce. Elle a confirmé le critère tripartite qu’elle avait auparavant établi dans l’arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120. Les trois éléments sont les suivants :

            1.         l’existence d’un achalandage;

2.         le fait que le public a été induit en erreur par une fausse déclaration;

3.         le préjudice réel ou possible pour le demandeur.

 

[190]       Dans l’arrêt Ray Plastics Ltd. c. Dustbane Products Ltd. (1994), 57 C.P.R. (3d) 474, au paragraphe 5, le juge Austin de la Cour d’appel de l’Ontario s’est exprimé ainsi :

[traduction] La condition essentielle d’une action pour commercialisation trompeuse [passing-off] est l’allégation voulant que les marchandises du défendeur soient vendues comme s’il s’agissait de celles du demandeur. L’un des éléments du délit que le demandeur doit prouver est que l’acheteur éventuel croit que les marchandises vendues sont celles du demandeur ou proviennent de la même source que « les originaux », quelle que soit cette source. Comme l’a affirmé le lord juge Russell dans l’arrêt Roche Products Ltd. et al. c. Berk Pharmaceuticals Ltd., [1973] R.P.C. 473 (C.A.), à la page 482 :

 

[traduction] Or, ici comme dans toutes les autres affaires de passing‑off, la question fondamentale est de savoir si, directement ou indirectement, la façon dont le défendeur présente ses marchandises aux consommateurs visés a pour effet de susciter dans leur esprit l’impression qu’il s’agit des marchandises du demandeur. Dans une affaire de présentation, il ne suffit pas de dire tout simplement que les marchandises du défendeur ressemblent beaucoup à celles du demandeur. Il faut établir que les consommateurs, en raison de la présentation des marchandises du demandeur, en sont venus à les considérer comme ayant une source ou origine commerciale unique, que ce soit sur le plan de la fabrication ou sur celui de la mise en marché, peu importe qu’ils en connaissent ou pas le nom.

 

 

[191]       À mon avis, les consommateurs visés sont autant les vendeurs que les visiteurs. Target perçoit directement de l’argent des vendeurs qui louent des kiosques. Comme l’entrée est gratuite, Target ne bénéficie pas directement des dépenses faites aux kiosques par les visiteurs, mais sans ces dépenses, les entreprises des vendeurs ne seraient plus rentables et le marché échouerait.

 

[192]       Les vendeurs avaient une raison particulière d’être à l’affût des nouvelles au sujet de Lions et de Target dans la presse et sur Internet parce que le Marché nocturne de Richmond contribuait à leur subsistance et que Raymond Cheung leur avait dit que son avenir était quelque peu incertain. Il convient de signaler qu’il y avait deux groupes de vendeurs. Les quarante premiers vendeurs ont signé des contrats à la suite de la campagne publicitaire d’Alvin Au à la radio chinoise à la mi‑mars 2008. Les autres vendeurs, au nombre de 60 à 80, ont loué des kiosques après la délivrance du PUT le 20 mai 2008.

 

[193]       J’estime que, pour l’application de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, Lions a commencé à attirer l’attention sur son marché au moment de la campagne publicitaire d’Alvin Au à la radio chinoise à la mi‑mars 2008. À cette époque, les quarante premiers vendeurs ont signé des contrats de location de kiosques qui renfermaient les règles de Target (dans lesquelles on avait inséré le nom de Lions) et ont choisi leurs kiosques à l’aide du plan du site du marché de Target (dans lequel on avait inséré le nom de Lions).

 

[194]       Cependant, Alvin Au a témoigné que ces vendeurs ont été contactés soit directement par lui, soit par d’autres vendeurs utilisant son nom. Je reconnais qu’il a joué un rôle actif dans la sollicitation des vendeurs et qu’il avait des relations et une réputation lui permettant de commercialiser avec succès l’événement du Marché Lions auprès des vendeurs. Compte tenu de ce contexte et des circonstances de l’espèce, je ne peux conclure que les quarante premiers vendeurs ont pensé, à un moment donné, qu’ils faisaient affaire avec Raymond Cheung ou Target, et ce, même s’ils ont par la suite choisi un kiosque à l’aide d’un plan qui ressemblait au plan du site du marché de Target et reçu des règles qui ressemblaient aux règles de Target.

 

[195]       À mon avis, lorsque les autres vendeurs ont signé leurs contrats après le 20 mai 2008, il ne pouvait plus être question de confusion parce que Target avait émis le communiqué de presse annonçant l’annulation de son Marché nocturne de Richmond et indiquant clairement qu’il n’avait aucun lien avec le nouvel événement.

 

[196]       La demanderesse a appelé deux vendeurs à témoigner sur leur confusion. La première était Louisa Fung. Elle a loué un kiosque de nourriture de Target de 2005 à 2007. Elle a témoigné qu’elle était très prise par un nouveau‑né au printemps 2008 et que, bien qu’elle ait entendu une annonce radio en cantonnais, elle ne pouvait, par conséquent, être certaine du nom qui avait été utilisé pour décrire le marché nocturne. Lorsqu’elle a composé le numéro de téléphone annoncé, on lui a transmis par télécopieur un plan d’implantation et un formulaire de demande qui, a‑t‑elle affirmé, ressemblaient en tous points à ceux qu’elle avait vus auparavant. Cependant, lorsqu’elle a tenté d’arranger un rendez‑vous avec l’organisateur et découvert qu’il n’avait pas de bureau, elle a réalisé que quelque chose avait changé. Elle a appelé d’autres vendeurs pour obtenir des précisions, puis a appelé Raymond Cheung. Il lui a dit que le marché tenu sur la propriété de Vulcan Way avait un nouvel organisateur.

 

[197]       Son témoignage était important parce qu’il confirmait mon opinion selon laquelle l’emploi du plan du site du marché de Target par Lions n’avait pas vraiment créé de confusion même dans l’esprit des vendeurs qui n’avaient pas vu les articles de journaux, n’avaient pas consulté les sites Web et n’avaient pas été contactés par Alvin Au. Sa confusion fut de courte durée car elle a agi avec la prudence normale à laquelle on peut s’attendre de quelqu’un qui songe à établir une relation contractuelle. À cet égard, voir Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, aux paragraphes 57 et 58.

 

[198]       L’autre témoin de la demanderesse était William Fowler. Il n’avait jamais loué de kiosque ni au Marché nocturne de Richmond ni à aucun autre marché chinois. Il n’était pas d’ascendance asiatique et résidait à Hope, en Colombie‑Britannique, loin de Richmond. Il ne cadrait pas avec le profil du vendeur habituel de Target. Il avait néanmoins entendu parler du prospère Marché nocturne de Richmond et envisageait la possibilité de devenir un vendeur. Son témoignage était important parce qu’il établissait qu’une recherche dans Google à l’égard du Marché nocturne de Richmond affichait le site Web de Lions comme premier résultat. Toutefois, sa confusion fut aussi de courte durée. Son épouse a lancé une nouvelle recherche et découvert que Lions était une nouvelle organisatrice. Il n’a donc pas donné suite à son projet.

 

[199]       Du 21 mai au 30 août 2008, Target a reçu 9 courriels de vendeurs qui lui demandaient si son marché était ouvert. À mon avis, il ne s’agissait pas d’une preuve valable de confusion due à une commercialisation trompeuse parce qu’on ne donnait pas la raison de leur incertitude.

 

[200]       Mme Kolton était une détective privée que la demanderesse avait engagée pour se faire passer pour une vendeuse éventuelle. Elle a pris contact avec Lions et enregistré sa discussion avec son représentant. Sur consentement, une transcription de l’enregistrement a été produite comme pièce au procès. La demanderesse soutient qu’il montre Lions en train de se faire passer pour Target dès le début de la discussion. Je ne suis cependant pas d’accord, car tout au long de la discussion, le représentant de Lions utilisait le « nous » quand il traitait de sujets au présent et le « ils » quand il décrivait des événements passés.

 

[201]       Pour ces motifs, et compte tenu des circonstances de l’espèce, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le comportement de Lions n’a pas créé de confusion dans l’esprit des vendeurs en général. De plus, il n’y a jamais eu, en fait, dans l’esprit des vendeurs qui ont signé des contrats pour le Marché Lions, de confusion quant à l’identité de l’organisateur du marché parce qu’ils avaient tous, directement ou indirectement, été contactés par Alvin Au.

 

b)         Les visiteurs

 

[202]       Target avait employé le nom Richmond Summer Night Market en caractères chinois dans son logo largement utilisé et d’autres articles de promotion depuis 2002. Dans ces circonstances, la décision d’Alvin Au d’employer les noms Richmond Summer Night Market et Summer Night Market en caractères chinois pour désigner l’événement de Lions à Richmond visait, à mon avis, à communiquer aux visiteurs asiatiques le message que l’événement de Lions était le populaire marché nocturne de Target, ce qu’il a probablement réussi à faire. De même, il y aurait eu de la confusion dans l’esprit des visiteurs non asiatiques du fait de la ressemblance entre Richmond Night Market et Richmond Summer Night Market.

 

[203]       N’importe quel visiteur ayant précédemment visité le Marché nocturne de Richmond de Target aurait été induit en erreur par le fait que Lions ait affiché une photo du marché 2007 de Target sur la page d’accueil de son site Web, ce qui faisait passer le Marché Lions pour l’événement de Target.

 

[204]       Il y aurait également eu de la confusion dans l’esprit des visiteurs éventuels du fait que les pages du site Web de Lions portaient un titre qui entremêlait les noms de Lions et de Target. Le titre se lisait Summer Night Market – Richmond Night Market.

 

[205]       De plus, le code source du site Web de Lions révélait que ses mots‑clés ou « balises méta » contenaient le nom Richmond Night Market. Paul Cheung a reconnu que ces balises méta ont été choisies pour faire en sorte qu’un moteur de recherche comme Google dirige les usagers vers le site Web de Lions lorsque le nom Richmond Night Market faisait l’objet d’une recherche. Cependant, il a témoigné que lorsqu’il a utilisé Google.ca et tapé Richmond Night Market, il n’a pas été dirigé vers le site Web de Lions. Il a seulement trouvé le site de Target. En revanche, M. Fowler, témoin de la demanderesse, a été dirigée vers Lions lorsqu’elle a tapé Richmond Night Market dans Google. Cela signifie que les balises méta étaient efficaces dans certaines recherches effectuées dans Google.

 

[206]       Le problème que pose l’élément de preuve relatif aux titres et à la photo figurant sur le site Web de Lions tient au fait que, si un visiteur éventuel prenait le temps de lire complètement le contenu du site de Lions et d’examiner la section intitulée « Summer Night Market News » (Nouvelles au sujet du Marché nocturne estival) (décrite ci‑dessous), il se rendait vite compte que Lions était une nouvelle organisatrice pour le marché nocturne de 2008. Cependant, je ne suis pas convaincue que les visiteurs lisent les nouvelles diffusées sur le site Web. À mon avis, l’endroit où est situé le marché, ses heures d’ouverture et les détails concernant le transport et le stationnement sont les renseignements que la plupart des visiteurs se procurent sur le site Web.

 

[207]       L’annuaire 738 est un annuaire téléphonique destiné à la communauté chinoise. Il ressemble au service 411 en anglais. En 2008, Lions s’est inscrite sous le nom Summer Night Market. Comme nous l’avons vu, l’emploi de ce nom était susceptible d’amener les membres de la communauté asiatique à penser qu’il s’agissait de l’événement de Target parce que le nom Richmond Summer Night Market figurait parmi les noms en caractères chinois que Target avait employés pendant des années.

 

[208]       Du 21 mai au 30 août 2008, Target a reçu 25 courriels de visiteurs éventuels, qui voulaient surtout savoir si un marché nocturne avait lieu à Richmond. La plupart semblaient au courant du fait que l’événement de Target avait été annulé, mais avaient par la suite entendu dire qu’un marché avait lieu. Ils voulaient savoir si l’information dont ils disposaient était vraie.

 

[209]       Ma conclusion quant à cette preuve de confusion est qu’elle est peu importante. L’événement de Lions comptait environ 120 vendeurs et a attiré environ 10 000 visiteurs le soir de son ouverture. Dans ce contexte, l’existence d’une confusion dans l’esprit de 25 vendeurs éventuels au cours d’une période de trois mois ne constitue pas une preuve valable de confusion. De plus, les courriels ne disent rien sur la raison de la confusion et n’étayent pas, par conséquent, les allégations de commercialisation trompeuse de la demanderesse.

 

[210]       Compte tenu de la preuve susmentionnée, je suis convaincue, particulièrement en ce qui concerne les noms, que, malgré les circonstances de l’espèce, les visiteurs éventuels ont probablement pensé que le Marché Lions était le prolongement du populaire Marché nocturne de Richmond de Target et décidé de s’y rendre pour cette raison.

 

c)         Les documents accessoires

 

[211]       La demanderesse prétend que Lions a copié les documents accessoires et s’en est servie pour se faire passer pour Target. Je les examinerai à tour de rôle.

 

La convention d’indemnisation personnelle

 

[212]       L’original a été préparé par les avocats de Target et figurait à l’annexe « C » du bail de Target relatif à la propriété de Vulcan Way. La version de Lions était identique, sauf que le nom de Lions avait été substitué à celui de Target sur la première page. La version modifiée a été jointe comme annexe « C » au bail de Lions. Cependant, cet usage ne peut être considéré comme de la commercialisation trompeuse puisqu’il ne fait aucun doute que le locateur savait l’identité du locataire.

 

[213]       La preuve a révélé que Lions aurait également utilisé la convention d’indemnisation personnelle en mars 2008, au moment de recruter ses quarante premiers vendeurs, lorsque leur entreprise était constituée en société. Cependant, aucune preuve n’a été fournie quant à savoir combien d’entre eux étaient effectivement des sociétés. En outre, il ressort de la preuve qu’il n’y avait aucune société parmi la soixantaine de vendeurs qui se sont inscrits après l’approbation de la demande de PUT. À mon avis, cet usage n’équivalait pas à de la commercialisation trompeuse parce que tous les vendeurs qui ont pu signer ce document dans le cadre de la location d’un kiosque savaient qu’ils faisaient affaire avec Lions.

 

Les règles et règlements

 

[214]       En 2008, Lions a utilisé des règles et règlements qui étaient des copies de la version de 2007 de Target. Il ne faut pas confondre ces règles et règlements avec les règles de Target qui figuraient au verso des formulaires de demande du vendeur de Target. Les règles et règlements, qui consistaient en un document autonome distinct rédigé par Raymond Cheung, ont été remis aux vendeurs de Lions soit après qu’ils eurent signé un contrat, soit quand ils ont assisté à la réunion d’orientation des vendeurs. Par conséquent, je suis convaincue que les vendeurs qui ont reçu ce document comprenaient qu’il provenait de Lions.

 

Les renseignements sur le stationnement des vendeurs

 

[215]       Lions a copié le format et le texte du document de Target. Cependant, Lions a utilisé des cartes différentes. Vu que les cartes sont un élément très important du document, j’estime que la version de Lions ne constitue pas une reproduction d’une partie importante du document de Target, ce qui signifie que la question de la commercialisation trompeuse ne se pose pas.

 

La liste des pénalités et amendes pour le marché nocturne 2008

 

[216]       La version de Lions constituait une reproduction d’une partie importante du document de Target. Les termes employés par Lions dans les dix‑sept éléments énumérés, sauf deux, étaient presque identiques à ceux employés par Target, et toutes les amendes, sauf quatre, que Lions se proposait d’imposer en 2008 étaient identiques à celles que Target avait imposées en 2007. Cependant, cette liste a également été donnée aux vendeurs après qu’ils eurent signé un contrat ou quand ils ont assisté à la réunion d’orientation des vendeurs. Pour ce motif, je suis convaincue que les vendeurs qui ont reçu ce document savaient qu’il provenait de Lions, et que son utilisation ne peut être considérée comme de la commercialisation trompeuse.

 

Les renseignements sur le recyclage et les ordures pour le marché nocturne 2008

 

[217]       La version de Lions ne constituait pas, à mon avis, une copie ou une reproduction d’une partie importante de l’avis spécial aux vendeurs du Marché nocturne de Richmond 2007 de Target. Pour ce motif, aucune question de commercialisation trompeuse ne se pose.

 

[218]       L’utilisation par Lions de la convention d’indemnisation personnelle de Target aura sans doute permis d’accélérer la préparation du bail de Lions, et l’utilisation par celle‑ci des autres documents accessoires a pu faire croire aux vendeurs que Lions était une organisatrice d’événements professionnelle et bien préparée. Bref, l’utilisation par Lions des documents accessoires de Target était l’expression de pratiques peu scrupuleuses visant à profiter des conseils juridiques de Target et de son sens aigu des affaires. Cependant, pour les motifs exposés ci‑dessus, le comportement de Lions ne constituait pas de la commercialisation trompeuse.

 

d)         Le site Web de Lions

 

[219]       Target se plaint de ce que les lecteurs du site Web de Lions soient induits en erreur par la mention, par Lions, d’articles portant sur le Marché nocturne de Richmond de Target sous la rubrique « Summer Night Market News » (Nouvelles au sujet du Marché nocturne estival). Je ne suis cependant pas convaincue qu’une confusion soit possible entre les deux marchés. À mon avis, un lecteur qui ne lisait que la liste des titres savait que, en 2008, un nouvel exploitant tenait le marché nocturne à Richmond.

 

[220]       La liste des titres se lit ainsi :

[traduction]

·                Marché nocturne de Richmond 2008 annulé

·               MARCHÉ NOCTURNE DE RICHMOND ANNULÉ EN 2008. GRANDS PROJETS DÉJÀ EN ROUTE POUR 2009

·                Le nouveau Marché nocturne estival ouvre ses portes vendredi

·               Le marché nocturne victime de commercialisation trompeuse – Le conseil municipal donne un début de feu vert au nouveau promoteur, tandis que le fondateur intente une poursuite

·               Le conseil donne le signal au marché nocturne de Richmond – La GRC promet de garder un œil sur la contrefaçon de marchandises

·               Un nouvel exploitant pour le marché nocturne estival de Richmond

·               Le nouvel exploitant du marché nocturne obtient son approbation

·                Le fondateur du marché menace les nouveaux de poursuites

·                Concurrence sur le marché du « marché nocturne »

·               28 mars 2008 – Un nouvel exploitant demande l’autorisation de tenir un marché nocturne estival sur l’emplacement du bord du fleuve à Richmond

·               Le nouveau marché nocturne n’est pas le Marché nocturne

·               Le nouveau marché nocturne obtient le feu vert

·               La proposition du nouveau marché nocturne en audience publique

·                Le marché nocturne ouvre à temps, mais sans nourriture

 

[221]       De plus, un examen du contenu des articles permettait de clarifier encore davantage la situation. Par exemple, l’article intitulé [traduction] MARCHÉ NOCTURNE DE RICHMOND ANNULÉ EN 2008 – GRANDS PROJETS DÉJÀ EN ROUTE POUR 2009 est ainsi rédigé :

[traduction] C’est avec un pincement au cœur que Target Event annonce l’annulation du marché nocturne officiel de Richmond pour 2008. L’annulation de l’événement de cette année s’inscrit dans la foulée d’une hausse exponentielle du coût de location de notre ancien emplacement et de notre incapacité, malgré nos efforts, à trouver un emplacement de rechange à temps pour tenir le marché pour l’année qui s’en vient. Target Event est fière du rôle qu’elle a joué, au cours des huit dernières années, dans la transformation du Marché nocturne de Richmond en l’une des activités culturelles les plus importantes en son genre dans l’Ouest canadien – et nous prévoyons continuer cette tradition annuelle dans les années à venir. Au moment de préciser les détails de notre nouvel emplacement pour 2009, nous allons prendre le temps d’analyser et d’améliorer notre événement. Nous vous réservons plein de belles surprises excitantes, alors restez à l’écoute pour connaître les détails dès qu’ils sortiront. Merci encore pour le soutien constant que vous avez apporté au Marché nocturne de Richmond. Nous l’apprécions sincèrement. Au plaisir de vous revoir en 2009!

 

e)         La correspondance de Lions

 

[222]       Dans le cadre du processus de demande de PUT, Lions a dû consulter les entreprises voisines pour savoir ce qui pouvait les préoccuper dans l’exploitation d’un marché nocturne sur la propriété de Vulcan Way en 2008. Pour ce faire, Paul Cheung a envoyé son collègue M. Alan Ng rencontrer les voisins. Ce dernier a dressé une annexe énumérant les noms de ceux à qui il avait parlé et leurs commentaires. On lui avait donné instruction de présenter Lions comme la demanderesse d’un PUT et de laisser une lettre et une carte de visite de Lions s’il n’avait pu parler à personne.

 

[223]       Cette lettre était écrite sur le papier en‑tête de Lions, qui comportait le nom au complet de la société et son logo distinctif. On pouvait lire Richmond Summer Night Market 2008 (Marché nocturne estival de Richmond 2008) sur la ligne « Objet ». Le texte de la lettre était ainsi rédigé :

[traduction] Comme vous le savez peut‑être, le Marché nocturne de Richmond situé au 12631 Vulcan Way a représenté, au cours des quatre dernières années, une attraction majeure pour la ville les mois d’été. Il a attiré dans la région un grand nombre de résidants et de clients provenant non seulement de la ville, mais aussi de Vancouver et d’autres municipalités. Il a donc sans conteste eu des répercussions positives sur l’économie de la ville et des entreprises locales. Cette année, nous prévoyons continuer cet événement annuel, qui se tiendra le soir du 30 mai au 5 octobre 2008 (les vendredis, samedis et dimanches et les jours fériés de 19 h à 0 h).

 

Lions Communications Inc. entend continuer à améliorer cet événement et à faire en sorte qu’il continue à attirer des gens et des clients éventuels dans la région. En même temps, nous souhaitons réduire au minimum les répercussions négatives sur les entreprises avoisinantes comme la vôtre. Par conséquent, si vous avez des préoccupations au sujet de l’événement, nous vous prions de contacter le soussigné, avant le 4 avril 2008, au numéro mentionné ci‑dessous. Nous sommes déterminés à maximiser les bénéfices que cet événement peut apporter et aimerions connaître les suggestions, idées ou commentaires que vous pourriez avoir.

 

Nous vous remercions de votre temps et de votre attention.

[Je souligne.]

 

[224]       Target affirme que cette lettre faisait passer l’événement de Lions pour celui de Target en parlant du populaire marché de Target, puis en employant à deux reprises le mot « continuer » de manière à laisser entendre que rien, y compris l’exploitant de l’événement, n’avait changé.

 

[225]       Cependant, à mon avis, cette lettre, lue dans son ensemble, informait les entreprises voisines que Lions, et non Target, était la société exploitante et que Paul Cheung, et non Raymond Cheung, était responsable de l’exploitation en 2008.

 

[226]       Lions devait également contacter les détaillants des environs pour le stationnement. Le corps de la lettre envoyée à ces détaillants avait été rédigé par Paul Cheung, mais la ligne « Objet », qui est visée par la plainte de Target, a été ajoutée par Phillip Moy lorsqu’il a relu la lettre. Cette ligne parle du Marché nocturne de Richmond, et Phillip Moy a reconnu dans son témoignage qu’il s’agissait d’une ligne « Objet » boiteuse. Cependant, le corps de la lettre parle du Marché nocturne estival, décrit Lions comme l’[traduction] « organisatrice de l’événement » et est signée par Paul Cheung. Pour ces motifs, je ne considère pas qu’elle faisait passer le Marché Lions pour le marché de Target.

 

(viii)     Conclusions sur les marques de commerce et la commercialisation trompeuse

 

[227]       À mon avis, la demanderesse a établi la commercialisation trompeuse en liaison avec les visiteurs éventuels. Il ne fait aucun doute qu’un énorme achalandage était associé aux noms de Target et que Lions a choisi des noms pour son événement qui étaient susceptibles de causer de la confusion tant en anglais qu’en chinois. Il les a ensuite employés abondamment d’une manière visant à créer de la confusion dans l’esprit des visiteurs éventuels. Ils ont été amenés à croire que le marché tenu en 2008 était le prolongement du populaire événement de Target.

 

[228]       Je suis également convaincue qu’il y avait une possibilité de préjudice envers Target. Si celle‑ci avait exploité un marché en 2008, le comportement de Lions aurait nui à sa capacité d’attirer des visiteurs à son nouvel emplacement.

 

LA RESPONSABILITÉ PERSONNELLE DE PAUL CHEUNG

 

[229]       Paul Cheung s’est décrit comme le décideur chez Lions, mais je ne suis pas convaincue que c’était tout à fait vrai dans les premiers mois de 2008. J’estime qu’Alvin Au et Phillip Moy prenaient aussi d’importantes décisions.

 

[230]       Par exemple, si Paul Cheung a téléchargé le formulaire de demande du vendeur de Target, c’est Phillip Moy qui l’a envoyé à Eric Schroter pour qu’il puisse réviser les règles de Target. De même, si Paul Cheung a téléchargé le plan du site du marché de Target, c’est Alvin Au qui l’a modifié pour l’usage de Lions. Enfin, si Paul Cheung a suggéré des noms pour le Marché Lions, aucune de ses suggestions n’a été retenue par ses conseillers. Alvin Au a choisi les noms Summer Night Market et Richmond Summer Night Market.

 

[231]       Par contre, Paul Cheung n’a pas eu un comportement irréprochable. Comme nous l’avons vu, il a témoigné qu’il comprenait la loi sur le droit d’auteur de par son travail chez Paradise, et qu’il avait, une fois, agi à titre de demandeur dans une action pour violation du droit d’auteur. Il comprenait donc que le fait de copier ou d’utiliser des documents rédigés par quelqu’un d’autre pouvait être illégal. Enfin, et c’est le point le plus important, il savait qu’un droit d’auteur avait été revendiqué sur le plan du site du marché et n’a rien fait pour en identifier le titulaire.

 

[232]       Dans l’arrêt Mentmore Manufacturing Co. c. National Merchandise Manufacturing Co. (1978), 89 D.L.R. (3d) (C.A.F.), la Cour a dit ceci au paragraphe 28 :

À mon avis, il existe toutefois certainement des circonstances à partir desquelles il y a lieu de conclure que ce que visait l’administrateur ou le dirigeant n’était pas la conduite ordinaire des activités de fabrication et de vente de celle‑ci, mais plutôt la commission délibérée d’actes qui étaient de nature à constituer une contrefaçon ou qui reflètent une indifférence à l’égard du risque de contrefaçon.

De toute évidence, il est difficile de formuler précisément le critère approprié. Il convient de pouvoir dans chaque cas apprécier toutes les circonstances pour déterminer si celles‑ci entraînent la responsabilité personnelle.

 

[233]       À mon avis, le comportement le plus grave de Paul Cheung a été d’utiliser le plan du site de Lions, qui constituait une reproduction d’une partie importante du plan du site du marché de Target, pour construire le Marché Lions en 2008. Bien que ces travaux aient été effectués après la constitution en société de Lions le 11 mars 2008. La construction n’était que la dernière étape de la mise en œuvre d’une stratégie élaborée avant l’existence de Lions. En janvier 2008, Paul Cheung et ses conseillers ont convenu avec le locateur de recréer le marché de Target sur la propriété de Vulcan Way. À partir de ce moment‑là, le principal objectif de Paul Cheung, puis de Lions, a été de construire le Marché Lions en utilisant une reproduction d’une partie importante du plan du site du marché de Target.

 

[234]       Dans ces circonstances, je suis convaincue que Paul Cheung doit être tenu solidairement responsable du paiement de toute indemnité pécuniaire qui pourrait être accordée.

 

MESURES RÉPARATRICES

 

[235]       Dans son argumentation finale, la demanderesse a soumis un projet de jugement définitif dans lequel elle réclame à Lions et Paul Cheung, sur une base solidaire, des dommages‑intérêts de 681 054,14 $ pour violation du droit d’auteur et commercialisation trompeuse en dérogation au paragraphe 7b) de la Loi sur les marques de commerce. Ce montant a été obtenu en fusionnant et en réduisant les sommes déjà réclamées sous les rubriques suivantes :

(i)                  une réclamation au titre des bénéfices perdus estimatifs pour les marchés que Target n’aurait pas pu tenir de 2008 à 2010. La somme réclamée était de 1 254 579,53 $;

(ii)                une réclamation de 50 000 $ au titre des dommages‑intérêts majorés;

(iii)               une réclamation de 100 000 $ pour perte d’achalandage.

 

[236]       De plus, la demanderesse réclame à Lions et Paul Cheung, sur une base solidaire, une somme de 20 000 $ au titre des dommages‑intérêts punitifs.

 

[237]       La demanderesse sollicite également le jugement déclaratoire et l’injonction décrits à l’annexe « A » ci‑jointe.

 

[238]       En outre, la demanderesse sollicite les intérêts et les dépens sur la base avocat‑client.

 

[239]       Au cours des plaidoiries à la fin du procès, il a été question de la possibilité d’enjoindre à Lions de ne pas passer de contrats avec des vendeurs pendant un certain temps pour permettre à Target de rétablir son marché. Cependant, dans une directive datée du 24 novembre 2009, les avocats des parties ont été avisés qu’une injonction de ce genre ne serait pas accordée. J’estime qu’il serait déraisonnable de perturber les plans d’affaires et de subsistance des vendeurs dans une situation où ils n’ont rien fait de mal.

 

[240]       En examinant la question de la réparation appropriée pour la demanderesse, j’ai tenu compte des éléments suivants :

1.                  la demanderesse a pris une décision d’affaires qui l’a amenée à quitter la propriété de Vulcan Way et le populaire marché nocturne qu’elle y tenait;

2.                  sans leurs actes illégaux, il est peu probable que les défendeurs auraient pu ouvrir le Marché Lions en 2008;

3.                  le marché 2008 des défendeurs n’ayant pas été rentable, il n’est pas possible d’indemniser la demanderesse au moyen d’une restitution des bénéfices;

4.                  contrairement aux allégations de la demanderesse, les actes illégaux des défendeurs n’ont pas empêché Target d’ouvrir un marché en 2008;

5.                  lorsque Target a omis de tenir un marché en 2009, les noms de Target ont perdu le caractère distinctif et l’achalandage qu’ils avaient acquis auparavant;

6.                  l’absence d’un marché de la demanderesse en 2008 ou 2009 signifiait que Target n’avait subi aucune perte découlant du comportement de Lions;

7.                  le plan du site du marché ne peut être utilisé qu’en liaison avec la propriété de Vulcan Way. Cependant, il s’agit du bien de la demanderesse sur lequel elle jouit d’un droit d’auteur, et les défendeurs auraient dû conclure un marché avec la demanderesse s’ils voulaient reproduire le Marché nocturne de Richmond sur la propriété de Vulcan Way;

8.                  aucune preuve n’indique que les actes illégaux des défendeurs ont causé du tort à l’achalandage de la demanderesse;

9.                  en 2007, sa meilleure année, les états financiers non vérifiés de Target font état d’un revenu net avant impôt de 128 298 $.

 

[241]       Essentiellement, les actes illégaux des défendeurs n’ont pas porté préjudice à la demanderesse sur le plan pécuniaire. Néanmoins, à mon avis, la demanderesse a droit à une réparation. Les défendeurs se sont appropriés les noms de Target, les règles de Target et son plan du site du marché et ont fait croire aux visiteurs éventuels que leur marché était le populaire marché de Target. Ils ont agi ainsi dans l’espoir que leur nouveau marché devienne rentable. Le fait qu’il ne l’ait pas été dans sa première année ne doit pas faire obstacle au recouvrement de la demanderesse. Cependant, l’absence de dommages réels limite bel et bien la somme allouée.

 

 

 

JUGEMENT

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS, LA COUR ORDONNE que soit versée à la demanderesse la somme suivante :

 

(i)                  une somme de 15 000 $ au titre des dommages‑intérêts pour violation du droit d’auteur et commercialisation trompeuse, pour le paiement de laquelle Lions et Paul Cheung sont tous deux responsables solidairement;

(ii)                les dépens payables sur la base avocat‑client;

(iii)               les intérêts payables en vertu de la Court Order Interest Act, R.S.B.C. 1996.

 

LA COUR DÉCLARE ÉGALEMENT qu’il existe un droit d’auteur sur le plan du site du marché de Target et que ce droit d’auteur a été violé en 2008 sur la propriété de Vulcan Way lors de la construction du Marché Lions.

 

LA COUR ENJOINT aux défendeurs de cesser de violer le droit d’auteur de la demanderesse sur le plan du site du marché de Target en exploitant un marché qui constitue une reproduction d’une partie importante du plan du site du marché de Target. Pour plus de clarté, je signale que cette violation peut être évitée de plusieurs façons, notamment par :

·        l’achat par Lions du plan du site du marché de Target;

·        le réaménagement par Lions du Marché Lions de manière à ce qu’il ne constitue plus une reproduction d’une partie importante;

·        la fermeture par Lions du Marché Lions.

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B.


ANNEXE « A »

 

                                    [traduction]

 

1.         Il existe un droit d’auteur sur le formulaire de demande et contrat du vendeur de nourriture et sur le formulaire de demande et contrat du vendeur de marchandises (les « formulaires de demande ») et le plan du site de la demanderesse, et la demanderesse en est le titulaire.

 

2.                  Les défendeurs Paul Cheung et Lions Communications Inc. ont violé le droit d’auteur sur les formulaires de demande et le plan du site.

 

3.                  La demanderesse est propriétaire de l’achalandage lié aux marques de commerce RICHMOND NIGHT MARKET en anglais et en chinois, RICHMOND SUMMER NIGHT MARKET en anglais et en chinois et RICHMOND NIGHT MARKET SUMMER FESTIVAL, en liaison avec des marchés publics en Colombie‑Britannique.

 

4.                  Les défendeurs Paul Cheung et Lions Communications Inc. ont attiré l’attention du public sur leur marché et leur entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’ils ont commencé à y attirer ainsi l’attention, entre ceux de la demanderesse et ceux des défendeurs, en contravention du paragraphe 7b) de la Loi sur les marques de commerce.

 

5.                  Il est par les présentes interdit aux défendeurs et à tous ceux qu’ils contrôlent directement ou indirectement :

 

(a)    de continuer à violer, directement ou indirectement, le droit d’auteur de la demanderesse sur les formulaires de demande en les reproduisant, ou en reproduisant une partie importante de ceux‑ci, sous une forme matérielle quelconque;

 

(b)   de continuer à violer, directement ou indirectement, le droit d’auteur de la demanderesse sur le plan du site en le reproduisant, ou en reproduisant une partie importante de celui‑ci, sous une forme matérielle quelconque, y compris en le reproduisant, ou en reproduisant une partie importante de celui‑ci, en deux ou trois dimensions;

 

(c)    de continuer à attirer l’attention du public sur leurs marchés ou entreprises de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion entre ces marchés ou entreprises et ceux de la demanderesse, et plus particulièrement d’employer en liaison avec l’exploitation d’un marché public les marques de commerce RICHMOND NIGHT MARKET, RICHMOND SUMMER NIGHT MARKET, SUMMER NIGHT MARKET et RICHMOND NIGHT MARKET SUMMER FESTIVAL, en anglais ou en chinois, ou toute autre marque causant une confusion semblable;

 

(d)   d’exploiter ou d’organiser un marché public dans la grande région de Vancouver (à savoir, Vancouver, Richmond, Burnaby, New Westminster, ville de North Vancouver, district de North Vancouver, Coquitlam, Port Coquitlam, West Vancouver, Surrey, Delta) pendant une période de deux ans à compter de la date du présent jugement;

 

6.            Les défendeurs devront, dans les 20 jours suivant la date du présent jugement, remettre à la demanderesse :

 

(a)    toutes les copies contrefaites des formulaires de demande et du plan du site, et toutes les plaques utilisées pour les produire;

 

(b)   tous les documents utilisés par les défendeurs qui arborent les marques de commerce RICHMOND NIGHT MARKET, RICHMOND SUMMER NIGHT MARKET, SUMMER NIGHT MARKET ou RICHMOND NIGHT MARKET SUMMER FESTIVAL en anglais ou en chinois;

 

(c)    tous les documents utilisés par les défendeurs dans le cadre de leur commercialisation trompeuse et qui risquent de déroger aux injonctions prévues aux présentes.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-702-08

 

INTITULÉ :                                                   Target Event Production Ltd. c. Paul Cheung et Lions Communications Inc.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Les 12‑15 et 19‑21 mai et 10‑11 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 11 janvier 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Smith

Lawrence Chan

 

POUR LA DEMANDERESSE

Katherine E. Ducey

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SMITHS IP

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Campbell Froh May & Rice s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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