Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Federal Court

 

Cour fédérale

 

 


 

Date : 20091124

Dossier : T-1563-09

Référence : 2009 CF 1209

Toronto (Ontario), le 24 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Hughes

 

ENTRE :

ASTRAZENECA CANADA INC.,

IPR PHARMACEUTICALS, INC.,

ASTRAZENECA UK LIMITED et

SHIONOGI SEIYAKU KABUSHIKI KAISHA

 

demanderesses

 

 

et

 

 

 

 

NOVOPHARM LIMITED

 

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La défenderesse, Novopharm, a déposé une requête en radiation de la déclaration et en rejet de la présente action. Pour les motifs exposés ci-dessous, j’accueille la requête et j’adjuge les dépens à Novopharm.

[2]               La présente action est intentée par les demanderesses AstraZeneca et. al. par voie d’une déclaration déposée le 18 septembre 2009, dans laquelle il est allégué que les demanderesses comprennent le propriétaire du brevet canadien 2072945 (le brevet 945) et d’autres sociétés ayant des droits en vertu de ce brevet. Il est allégué, tel que résumé au paragraphe 35 de la déclaration, que la défenderesse Novopharm a porté atteinte, et continuera à porter atteinte à certaines revendications du brevet 945. Les demanderesses sollicitent une déclaration de contrefaçon, une injonction, une remise, des dommages-intérêts, la restitution des profits, des dépens, des intérêts et d’autres réparations.

                                

[3]               Les allégations de contrefaçon contenues dans la déclaration sont énoncées aux paragraphes 24 à 35 et sont libellées comme suit :

[traduction]

24.              Novopharm a fabriqué ou avait fait fabriquer ou a importé ou avait fait importer de la rosuvastatine, de la rosuvastatine calcique et des compositions pharmaceutiques contenant de la rosuvastatine calcique ainsi qu’un excipient acceptable du point de vue pharmaceutique. Ces compositions pharmaceutiques sont utilisées comme inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase et servent au traitement de l’hypercholestérolémie, de l’hyperlipoprotéinémie et de l’athérosclérose.

 

25.              Novopharm a soumis à Santé Canada une présentation abrégée de drogue nouvelle (« PADN ») le 29 août 2008 afin d’obtenir un avis de conformité (« AC ») portant sur des comprimés de rosuvastatine calcique, dans lequel elle comparait ses comprimés aux comprimés de CRESTOR fabriqués par AstraZeneca Canada.

 

26.              NOVO-ROSUVASTATIN est la marque nominative utilisée par Novopharm pour ses comprimés de rosuvastatine calcique.

 

27.              Novopharm a fabriqué ou avait fait fabriquer ou a importé ou avait fait importer de la rosuvastatine, de la rosuvastatine calcique et NOVO‑ROSUVASTATIN pour usage commercial.

28.              NOVO-ROSUVASTATIN sera vendu par Novopharm et sera utilisé comme inhibiteur de l’HMG-CoA réductase et dans le traitement de l’hypercholestérolémie, de l’hyperlipoprotéinémie et de l’athérosclérose.

 

29.              En septembre 2008, Novopharm a signifié à AstraZeneca Canada un avis d’allégation (« AA ») conformément au paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement) relativement à la rosuvastatine calcique, l’ingrédient pharmaceutique actif, et au brevet 945.

 

30.              Le 23 octobre 2008, en réponse à l’AA de Novopharm, AstraZeneca Canada a déposé une demande en vertu du Règlement afin d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé d’émettre un AC à Novopharm avant l’expiration du brevet 945 patent (No du dossier de la Cour : T-1636-08).

 

31.              Novopharm a demandé qu’une nouvelle audition soit tenue au plus tard en décembre 2009 pour faire avancer la délivrance d’un AC portant sur les comprimés de NOVO-ROSUVASTATIN et leur vente. Une audition sur le fond devrait avoir lieu en mars 2010, et on s’attend à ce qu’une décision soit rendue peu après.

 

32.              Novopharm commercialisera et vendra ses comprimés de NOVO‑ROSUVASTATIN au Canada immédiatement après la délivrance d’un AC.

 

33.              Novopharm vise à être le premier sur le marché générique canadien en ce qui concerne les produits pharmaceutiques brevetés, notamment CRESTOR.

 

34.              Les activités susmentionnées de Novopharm ont été et seront menées sans le consentement des demanderesses.

 

35.              En raison des activités susmentionnées, Novopharm a violé, et continuera de violer, les revendications 1-3, 5-6, 9 et 15‑16 du brevet 945.

 

[4]               Novopharm a demandé des précisions relativement à cet acte de procédure. AstraZeneca a refusé de les donner. Aucune défense n’a été présentée. Novopharm a plutôt demandé la radiation de la déclaration.

 

[5]               La défenderesse Novopharm a déposé une requête en radiation de la déclaration en invoquant différents moyens :

 

1.                  Il s’agit d’un abus de procédure;

 

2.                  Elle donne lieu à un interrogatoire à l’aveuglette;

 

3.                  Aucun fait déterminant n’est articulé;

 

4.                   Les critères nécessaires pour intenter une action quia timet ne sont pas respectés :

 

·                    Il doit y avoir intention exprimée et délibérée de s’engager dans une activité dont le résultat implique une forte possibilité de contravention;

 

·                    l’activité doit être imminente;

 

·                    le préjudice en résultant doit être très important;

 

·                    les faits plaidés doivent être pertinents, précis et déterminants.

 

[6]               Les demanderesses AstraZeneca et al. font valoir que les actes de procédure sont suffisants. De plus, elles soutiennent que le climat change et que la Cour et les plaideurs devraient adopter une approche plus pragmatique et plus efficace dans des situations où des procédures parallèles pour des avis de conformité sont en cours en même temps qu’une action pour contrefaçon est intentée pour le même brevet.

 

[7]               Je conviens entièrement avec l’avocat d’AstraZeneca qu’il serait nécessaire de réviser les procédures liées aux avis de conformité. À maints égards, ces procédures sont devenues trop complexes, ne possèdent pas les caractéristiques des actions ordinaires, comme l’interrogatoire préalable et la comparution de témoins, et les décisions n’ont pas pour effet de lier les parties, contrairement au principe de res judicata. De nombreux efforts ont été faits en vue d’apporter des améliorations. Ces efforts devraient être maintenus avec l’appui de la Cour. Cet appui ne peut cependant aller jusqu’à contredire la jurisprudence établie ou rendre des décisions qui équivaudraient, en réalité, à des modifications à la loi.

 

[8]               Essentiellement, les allégations concernant la contrefaçon faites dans la déclaration sont les suivantes :

 

·                    Novopharm a fait ou avait fait fabriquer pour elle-même ou importé un médicament [traduction] « pour usage commercial »;

 

·                    Novopharm a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) auprès de Santé Canada et cherche à obtenir un avis de conformité (AC), ce qui lui permettra de vendre son médicament au Canada.

 

·                    AstraZeneca a porté l’affaire devant notre Cour pour empêcher Novopharm de recevoir un avis de conformité et l’affaire sera entendue en mars 2010;

 

·                    Si Novopharm obtient gain de cause dans les procédures concernant l’avis de conformité, elle commercialisera son médicament au Canada et enfreindra ainsi le brevet.

 

[9]               AstraZeneca soutient que cette action devrait être entendue d’ici deux ans et invite Novopharm à consentir à une injonction interlocutoire assujettie aux engagements habituels consentis par AstraZeneca. Novopharm a répondu qu’elle ne voulait pas être tracassée deux fois en étant partie à la présente action et à la procédure concernant l’avis de conformité. Elle ajoute qu’elle ne veut pas être forcée d’accepter une injonction, même assujettie à des engagements.

 

LA RADIATION DES ACTES DE PROCÉDURE

 

A.        Défaut de faire valoir une cause d’action

 

[10]           L’alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales prévoit la radiation d’une déclaration si elle ne révèle pas une cause d’action valable. À cet égard, aucun élément de preuve autre que l’acte de procédure ne peut être pris en considération et, habituellement, ce qui est allégué doit être accepté comme vrai et prouvable au moment approprié. Cependant, les faits énoncés dans les actes de procédure fondés sur des suppositions et des spéculations et ceux qu’il est impossible de prouver ne peuvent être considérés comme avérés.

[11]           À cet égard, le juge Wilson a écrit ce qui suit aux paragraphes 30 et 31 de l’arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959 de la Cour suprême du Canada :

Bien que notre Cour n’ait eu que peu d’occasions d'examiner l'application des règles concernant la radiation d'une déclaration, elle a toutefois toujours confirmé le critère des cas « évidents et manifestes ». Le juge Estey, s'exprimant au nom de la Cour dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada, [1980] 2 R.C.S. 735, affirme, à la p. 740 :

 

Comme je l'ai dit, il faut tenir tous les faits allégués dans la déclaration pour avérés. Sur une requête comme celle-ci, un tribunal doit rejeter l'action ou radier une déclaration du demandeur seulement dans les cas évidents et lorsqu'il est convaincu qu'il s'agit d'un cas « au-delà de tout doute » : Ross v. Scottish Union and National Insurance Co.

 

J'ai eu l'occasion de confirmer cette affirmation dans l'arrêt Operation Dismantle Inc. c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441. Aux pages 486 et 487, j'ai présenté le résumé suivant du droit dans ce domaine (auquel les autres membres de la Cour ont souscrit) :

 

Le droit donc paraît clair. Les faits articulés doivent être considérés comme démontrés. Alors, la question est de savoir s'ils révèlent une cause raisonnable d'action, c.-à-d. une cause d'action « qui a quelques chances de succès » (Drummond-Jackson v. British Medical Association, [1970] 1 All E.R. 1094) ou, comme dit le juge Le Dain dans l'arrêt Dowson c. Gouvernement du Canada (1981), 37 N.R. 127 (C.A.F.), à la p. 138, est-il « évident et manifeste que l'action ne saurait aboutir »?

 

Et, à la p. 477, j'ai fait remarquer :

 

Il semble donc qu'en règle générale les tribunaux hésitent à radier une déclaration pour le motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action. La nécessité d'un débat pour arriver à une conclusion sur ce point préliminaire n'est pas un élément décisif et la nouveauté de la cause d'action ne joue pas contre les demandeurs. [Je souligne.]

[12]           Cependant, dans Operation Dismantle c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, à la page 455 de la décision publiée, le juge Dickson a écrit ce qui suit au nom de la majorité :

c)         La règle selon laquelle les faits d'une déclaration doivent être considérés comme prouvés

 

À mon avis, nous ne sommes pas tenus par le principe énoncé dans l'arrêt Inuit Tapirisat, précité, de considérer comme vraies les allégations des appelants concernant les conséquences éventuelles des essais du missile de croisière. La règle selon laquelle les faits matériels d'une déclaration doivent être considérés comme vrais, lorsqu'il s'agit de déterminer si elle révèle une cause raisonnable d'action, n'oblige pas à considérer comme vraies les allégations fondées sur des suppositions et des conjectures. La nature même d'une telle allégation, c'est qu'on ne peut en démontrer la véracité par la présentation de preuves. Il serait donc inapproprié d'accepter une telle allégation comme vraie. On ne fait pas violence à la règle lorsque des allégations, non susceptibles de preuve, ne sont pas considérées comme prouvées.

 

[13]           Il ne fait aucun doute qu’un avocat compétent peut rédiger une ébauche de déclaration qui énonce apparemment une cause d’action. Par exemple, dans une action en contrefaçon de brevet, il est relativement facile de concevoir un acte de procédure semblable à celui dont il est question en l’espèce, qui indique, de fait, que les demanderesses possèdent un brevet portant sur un médicament et ont des droits à l’égard de ce brevet, et que la défenderesse possède un médicament de même nature qu’elle veut utiliser et vendre commercialement une fois que les obstacles associés à l’avis de conformité seront surmontés.

 

[14]           La faiblesse d’un tel acte de procédure est tout d’abord qu’il tient pour acquis que les obstacles associés à l’avis de conformité seront surmontés, une supposition surprenante venant de parties qui, au cours des procédures liées à l’avis de conformité, tentent précisément de prévenir cette éventualité. La deuxième est que la défenderesse, si elle vient à bout des difficultés associées à l’avis de conformité, mettra immédiatement le produit contrefait sur le marché canadien. Il s’agit une supposition sur l’état d’esprit et les intentions de la défenderesse.

 

[15]           Les demanderesses ont fourni deux contre-arguments à l’égard des critiques adressées envers leurs actes de procédure. Tout d’abord, elles soutiennent que toute question portant sur ce que la défenderesse a fait ou a l’intention de faire peut être examinée lors d’un interrogatoire préalable au cours duquel une cause satisfaisante pourra ensuite être établie. Ensuite, elles affirment que l’acte de procédure est du type quia timet et qu’elles ont le droit d’essayer de prévoir ce que la défenderesse fera, puis d’intenter l’action appropriée. Les deux arguments peuvent être examinés en se demandant si l’action, telle que plaidée, constitue un abus de procédure.

 

B.         Abus de procédure – interrogatoire à l’aveuglette

 

[16]           L’alinéa 221(1)f) des Règles des Cours fédérales permet la radiation d’une déclaration, ou d’un autre acte de procédure, s’il s’agit d’un abus de procédure.

 

[17]           Un grand nombre de décisions de notre Cour ont établi qu’une action ne peut être intentée sur la base de conjectures dans l’espoir que des faits pertinents soient découverts lors de l’interrogatoire préalable, permettant ainsi d’appuyer les allégations figurant dans les actes de procédure. Cette tactique est souvent appelée « interrogatoire à l’aveuglette ». Je ne cite qu’une seule de ces décisions, qui est l’illustration parfaite des autres. Le juge Rothstein (alors juge à notre Cour) a écrit ce qui suit dans Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc. (1997), 72 C.P.R. (3d) 515, à la page 516 :

[traduction]

Selon les arguments de l'avocat des demanderesses, les paragraphes 18, 19 et 20 de l'acte de procédure des demanderesses traitent de la menace de contrefaçon d'Apotex qui se matérialisera dans un an environ. Les demanderesses se fondent sur le fait qu'elles ont écrit à Apotex pour lui demander si elle contrefera leur brevet. Apotex n'a pas répondu. Tel est le fondement de la menace invoquée par les demanderesses. Ces dernières ont fourni certains autres détails dans une lettre, mais celle-ci n'ajoute rien à ce qui est déjà connu.

 

Je crois que ces paragraphes doivent être radiés pour deux raisons. Premièrement, les actes de procédure ne visent qu'à permettre aux demanderesses d'obtenir la tenue d'un interrogatoire préalable pour consolider leur demande. Bien qu'un interrogatoire préalable vise à obtenir des aveux de la part de l'autre partie et à vérifier les prétentions de celle-ci, il ne s'agit pas simplement d'un interrogatoire à l'aveuglette, ce qui serait le cas en l'espèce. Deuxièmement, selon l'avocat des demanderesses, la menace, même si elle pouvait être prouvée, ne se matérialisera que dans un an environ. Au mieux, ces paragraphes sont prématurés. Les paragraphes 18, 19 et 20 sont donc radiés.

 

 

[18]           Les allégations faites dans la déclaration déposée dans la présente action selon laquelle la défenderesse a acquis le médicament [traduction] « pour usage commercial » et qu’elle a l’intention de le vendre ne s’appuient pas sur des faits déterminants. De simples allégations de cette nature doivent être appuyées par des faits déterminants. Il ne suffit pas de dire que compte tenu des réponses obtenues lors de l’interrogatoire préalable, ces faits peuvent être établis. Il s’agit d’un abus.

 


QUIA TIMET

[19]           Une action fondée sur des suppositions a été qualifiée d’action quia timet ou préventive  (fondé sur une crainte). Un examen approfondi de la jurisprudence portant sur ce type d’action a été effectué par le juge Gibson de notre Cour dans Connaught Laboratories Ltd. c. SmithKline Beecham Pharma Ltd. (1998), 86 C.P.R. (3d) 36. Les avocats des parties en l’espèce sont d’accord avec le résumé du droit que le juge a présenté au paragraphe 20 de ses motifs :

De cette jurisprudence, je tire à l'égard des allégations les critères suivants qui doivent être respectés, de manière évidente, au vu de la déclaration dans une procédure préventive alléguant la contrefaçon de brevet : la déclaration doit alléguer une intention exprimée et délibérée de s'engager dans une activité dont le résultat implique une forte possibilité de contravention; il doit être allégué que l'activité en question est imminente et que le préjudice en résultant est très important, sinon irréparable; et, finalement, les faits plaidés doivent être pertinents, précis et déterminants. Des allégations vagues ne portant que sur une intention ou relevant de la pure spéculation ne suffisent pas

 

[20]           Il importe de tenir compte des circonstances de l’affaire Connaught.  La défenderesse avait reçu, environ deux ans auparavant, un avis de conformité lui permettant de vendre un médicament au Canada que des sociétés liées vendaient hors du Canada depuis un certain temps. Néanmoins, le juge Gibson a conclu qu’il était insuffisant de ne parler que d’une intention ou de plaider quelque chose qui ne constitue qu’une simple conjecture.

 

[21]           Dans Pfizer Research and Development Co. N.V./S.A. c. Lily ICOS LLC, (2003) 27 C.P.R. (4th) 86, la juge Heneghan de notre Cour a dû statuer sur une affaire dans laquelle une société pharmaceutique cherchait à obtenir un avis de conformité pour vendre au Canada un médicament qui faisait prétendument l’objet d’un brevet appartenant à la demanderesse. Celle-ci a plaidé que la défenderesse agirait immédiatement après avoir obtenu toutes les autorisations réglementaires nécessaires afin d’importer, de fabriquer, de distribuer, de promouvoir et de vendre un médicament vraisemblablement contrefait. La société pharmaceutique défenderesse a intenté une action en radiation sur la base qu’elle était théorique et prématurée. La juge Heneghan a partagé cet avis. Elle a radié l’action et a écrit ce qui suit aux paragraphes 24 et 25 de ses motifs :

À mon avis, les demanderesses n'ont pas fait valoir de faits suffisants dans leur déclaration modifiée pour satisfaire au critère prescrit en matière d'action préventive. Les défenderesses ont intenté une action en invalidation de brevet, portant le numéro de dossier T-341-02. Leur intention est expressément exposée dans leur déclaration : elles demandent l'approbation réglementaire du tadalafil pour l'offrir en vente au Canada comme agent thérapeutique oral pour le traitement de la dysfonction érectile chez l'homme. Cependant, les demanderesses ne m'ont pas persuadée de l'imminence de l'action des défenderesses correspondant à leur intention exprimée et délibérée.

 

Je ne me prononce pas sur le fait de savoir si l'intention délibérée exprimée par les défenderesses soulève une forte probabilité de contrefaçon. Les demanderesses n'ont pas établi la dimension chronologique du critère exigé pour intenter une action préventive. Aucune des parties n'a de contrôle sur la décision du gouvernement d'accorder l'approbation réglementaire de son produit, ni sur le moment de cette décision. J'estime que les demanderesses n'ont pas fait valoir de faits à l'appui de leur allégation touchant l'imminence des activités de contrefaçon des défenderesses. La présente requête en radiation de la totalité de la déclaration modifiée est accueillie, car les demanderesses n'ont pas correctement plaidé l'action préventive; il est évident et manifeste que l'acte de procédure ne révèle aucune cause raisonnable d'action.

 

[22]           Plus récemment, dans GlaxoSmithKline Biologicals S.A. c. Novartis Vaccines and Diagnostics, Inc., 2007 CF 833, le protonotaire Aalto de la Cour fédérale a dû statuer sur une action intentée par GlaxoSmithKline (GSK) pour empêcher Novartis d’obtenir un brevet. GSK a allégué dans la déclaration qu’elle souhaitait vendre au Canada un vaccin contenant les mêmes éléments que ceux décrits dans le brevet. Novartis a présenté une défense et introduit une demande reconventionnelle sur la base que GSK essayait de vendre son vaccin et qu’elle allait commettre une infraction de contrefaçon. Cette défense et la demande reconventionnelle ont été radiées, car elles ont été jugées comme étant spéculatives. Le protonotaire Aalto a écrit ce qui suit aux paragraphes 14 de 16 ses motifs :

[traduction] Comme l’a noté la juge Reed dans Faulding (Canada) Inc. c. Pharmacia S.p.A. (1998), 82 C.P.R. (3d) 435 à la p. 439 :

 

Les allégations de contrefaçon fondées sur des agissements futurs imprécis relèvent du domaine de la spéculation. Elles sont de ce fait prématurées et doivent être radiées. [Renvois omis.] De même, les conclusions fondées sur l’« intention » qu'a quelqu'un d'accomplir certains actes sont irrégulières et doivent être radiées. [Renvois omis.]

 

Novartis fait valoir que les actes de procédure sont suffisants pour soutenir une affaire quia timet de contrefaçon de brevet et que l'acte de procédure satisfait au critère établi pour une procédure quia timet en matière de contrefaçon de brevet. Novartis soutient que GSK ne dispose d’aucun fondement pour intenter cette action maintenant dans le but de faire déclarer nul le brevet 507, car ce dernier expire dans moins de trois ans. Elle ajoute que la seule conclusion possible est que GSK prévoit vendre l'adjuvant de GSK très bientôt, c’est-à-dire bien avant l'expiration du brevet 507. Cet argument est totalement spéculatif. Aucun fait déterminant n’a été présenté dans le but d’attester de l’imminence d'une telle activité de GSK ni aucun fait déterminant autre que la simple possibilité qu’il y ait contrefaçon. Aucune des affaires citées par Novartis n’appuie son argumentation. Des faits déterminants peuvent être portés à l'attention de Novartis et cette dernière peut intenter une action quia timet pour contrefaçon de brevet. Aucun n’a été plaidé en l’espèce.

 

En outre, la demande reconventionnelle et le paragraphe 7 ne devraient pas être utilisés comme une arme pour permettre à Novartis de tenir un interrogatoire préalable et de renforcer ses revendications et d'utiliser le processus d’interrogatoire préalable de façon irrégulière pour une enquête à l’aveuglette (voir les commentaires du juge Rothstein dans l'affaire Merck & Co. c. Apotex Inc (1997), 72 CPR (3d) 515 à la p. 516).

 

[23]           Il n’y a pas de différence importante entre les allégations dans les trois affaires susmentionnées et les allégations contenues dans la présente déclaration. Le texte de la présente déclaration a été un peu « poli », mais si on regarde les choses sous une perspective réaliste, tout ce qui est dit est que si Novopharm obtient gain de cause dans la procédure concernant l’avis de conformité après le procès ou l’appel, elle obtiendra fort probablement un avis de conformité et elle commencera fort probablement à vendre le médicament breveté au Canada. Cet acte de procédure n’est pas foncièrement différent de ceux qui ont été radiés par la Cour.

 

[24]           Par conséquent, la déclaration sera radiée et l’action sera rejetée, mais sans qu’il soit porté préjudice au droit des demanderesses d’intenter une nouvelle action si de nouvelles circonstances de nature non spéculative se produisent.

 

[25]           J’ai demandé aux avocats de présenter des observations concernant le montant des dépens. Les deux parties ont convenu que la partie qui aurait gain de cause se verrait adjuger les dépens. L’avocat de Novopharm a suggéré 10 000 $. L’avocat de AstraZeneca a suggéré de 4000 $ à 5000 $. Les dépens seront adjugés à la partie ayant eu gain de cause, Novopharm, et seront de 5000 $, incluant tous les frais, les débours et la TPS.


ORDONNANCE

 

            Pour les motifs exposés ci-dessus :

 

            LA COUR ORDONNE que :

 

1.                  La déclaration déposée le 18 septembre 2009 soit radiée;

 

2.                  La présente action soit rejetée sans qu’il soit porté préjudice au droit des demanderesses d’intenter une nouvelle action si de nouvelles circonstances de nature non spéculative se produisent;

 

3.                  La défenderesse a droit à l’adjudication des dépens, payés par les demanderesses, pour un montant de 5000 $, incluant tous les frais, les débours et la TPS.

 

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Vincent

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1563-09

 

INTITULÉ :                                       ASTRAZENECA CANADA INC. ET. AL. c.

                                                            NOVOPHARM LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 novembre 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 novembre 2009

 

COMPARUTION :

 

Gunars A. Gaikis

J. Sheldon Hamilton

 

POUR LES DEMANDERESSES

Jonathan Stainsby

Andrew McIntyre

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar/Fetherstonhaugh

Avocats

Agents de brevets et marques de commerce

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Heenan Blakie s. r. l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.