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 Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20091126

Dossier :IMM-1762-09

Référence : 2009 CF 1215

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

MARIA ADRIANA TORRES MARTINEZ

CANDIDO JULIAN TORRES MARTINEZ

ANGEL ADRIAN TORRES TORRES

 

Demandeurs

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               En juin 2007, madame Torres Martinez était sur un trottoir avec son fils Angel, alors âgé de neuf mois, lorsqu’elle a été approchée par deux hommes. Un d’eux a essayé de s’emparer de son sac pour la distraire, pendant que son complice tentait de prendre le bébé. Heureusement, ils ont échoué. Elle est allée à la police, mais elle se rappelait uniquement qu’un des agresseurs avait une moustache.

 

[2]               Dans les jours qui ont suivi, plusieurs événements déconcertants se sont produits. Un « photographe » s’est présenté à la porte de Mme Torres Martinez lui proposant de photographier gratuitement son bébé. Craignant que ça soit possiblement relié à la tentative d’enlèvement, elle s’est rendue chez sa mère. À son retour, un voisin lui dit que quelqu’un était de nouveau venu à sa porte pour prendre des photos de son fils. Elle a aussi reçu plusieurs appels téléphoniques bizarres.

 

[3]               Mme Torres Martinez et son fils ont quitté le Mexique pour venir au Canada le 17 juillet. Son mari Candido les a rejoints le 5 août. Ils ont tous demandé l’asile au Canada.

 

[4]               Après son arrivée au Canada, la belle-sœur de Mme Torres Martinez lui a donné l’identité d’un M. Hernandez qui avait menacé le frère de M. Torres Martinez. Plus tard, Mme Torres Martinez a vu une photo de ce dit M. Hernandez. Elle l’a reconnu comme un des hommes qui avaient tenté d’enlever son fils. Elle a modifié son FRP, en décrivant M. Hernandez comme « Ugo » au lieu de  donner son nom de famille.

 

[5]               La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (« le tribunal ») a refusé leur demande. Le tribunal a conclu que ce récit n’était pas crédible et a ainsi refusé la demande d’asile. Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 


LA NORME DE CONTRÔLE

[6]               La norme de contrôle pour les conclusions de crédibilité est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

L’ANALYSE

[7]               Je suis d’avis que la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie.

 

[8]               Premièrement, le tribunal a conclu que la demanderesse était non-crédible en se fondant sur le fait que cette dernière ait dit que la tentative d’enlèvement avait eu lieu en juin 2006. Le tribunal a remarqué qu’Angel n’était pas encore né en juin 2006. Interrogée sur cette question, Mme Torres Martinez a reconnu s’être trompée : les événements en question ont eu lieu en juin 2007. Elle a expliqué son erreur en disant être confuse en raison du fait qu’elle relatait son histoire et la séquence des événements en fonction de ses grossesses. Rejeter cette explication sensée, comme l’a fait le tribunal, n’était pas raisonnable.

 

[9]               Deuxièmement, le tribunal était d’avis que le fait que la demanderesse ait dit avoir déposé des plaintes à la police deux fois alors que son mari prétend en avoir déposé six affectait la crédibilité de la demanderesse.  Il me semble plausible que M. Torres Martinez ait déposé six plaintes sans que ce dernier ni sa femme ne mentent: il est allé à la police deux fois avec sa femme, comme elle le prétend, et quatre autres avec son frère, lequel, ils croyaient, faisait l’objet de menaces distinctes. Il est déraisonnable d’en avoir conclu que les Torres Martinez ne sont pas crédibles.

 

[10]           Troisièmement, le tribunal a tiré des conclusions négatives sur la crédibilité de Mme Torres Martinez du fait qu’elle a attribué plusieurs prénoms à M. Hernandez (Ugo, Eduardo, ou encore Lalo) et ignorait beaucoup de détails sur la vie de ce dernier. Je ne vois pas l’importance de connaître le prénom de M. Hernandez. Mme Torres Martinez ne savait pas que M. Hernandez était un ancien policier, bien que ça soit indiqué dans un article qu’elle a remis au tribunal. Par contre, alors que cet article indiquait uniquement que M. Hernandez était impliqué dans des activités criminelles, Mme Torrez Martinez a ajouté qu’il s’agissait de trafic de stupéfiants. Son beau-frère lui aurait donné ce renseignement. Je ne vois pas en quoi ces petits détails peuvent raisonnablement affecter la crédibilité de Mme Torres Martinez.

 

[11]           Enfin, le tribunal n’a pas analysé la disponibilité de la protection de l’état et l’existence d’une possibilité de fuite interne. Le tribunal suggère que Mme Torres Martinez, une fois qu’elle a découvert l’identité de M. Hernandez, aurait pu retourner à la police, mais il s’est arrêté là. Le tribunal n’a pas analysé si, vu cette information, le Mexique était en mesure de protéger Mme Torres Martinez ou s’il y avait une possibilité de fuite interne. Il aurait dû le faire.

 


ORDONNANCE

 

POUR CES MOTIFS;

LA COUR ORDONNE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.
  2. L’affaire est renvoyée au tribunal pour une nouvelle audition. Le tribunal doit examiner la disponibilité de la protection de l’état et l’existence d’une possibilité de fuite interne.
  3. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1762-09

 

INTITULÉ :                                       Maria Adriana Torrest Martinez et al. c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 novembre 2009

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 novembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Manuel Antonio Centurion

 

POUR LES DEMANDEURS

Zoé Richard

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Manuel Antonio Centurion

Avocat

Montréal (QC)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (QC)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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