Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Federal Court

Cour fédérale


 


Date : 20100106

Dossier : T-219-07

Référence : 2010 CF 12

ENTRE :

VALENCE TECHNOLOGY INC.

 Plaintiff/

Defendant by Counterclaim

et

 

PHOSTECH LITHIUM INC.

Defendant/

Plaintiff by Counterclaim

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

 

Introduction

  • [1] Les motifs qui suivent sont à l’appui de l’ordonnance que j’ai rendue le 11 décembre 2009 par laquelle j’ai rejeté l’appel avec dépens du défendeur Phostech Lithium Inc. (Phostech) à l’encontre de la décision de la protonotaire Tabib (la protonotaire) en date du 29 septembre 2009 qui avait exigé le représentant de Phostech à l’interrogatoire préalable, Michel Gauthier Ph.D., réponde aux questions suivantes qui avaient été refusées :

 

 

No.   Question

 

...

 

  1. Produce specification sheets for all sources of lithium carbonate that Phostech has used in

   its P-1 process.

 

  1. Produce specification sheets for all sources of ferric phosphate dihydrate that Phostech

  has used in its P-1 process.

 

...

 

  1. Provide specification sheets for all polymers Phostech is using in its P-1 process and

  provide the source of the polymer that Phostech is using in its P-1 process.

 

 

  1. What is the piece of equipment used for drying?

 

 

22.  Verify what temperature Phostech uses to evaporate the isopropanol.

 

  1. Verify how long the isopropanol is heated.

 

  1. Verify if the rate of rotation and the angle of rotation of the rotary kiln at Phostech is

  different from what is given at P-20, example 7.

 

  1. Does Phostech’s kiln have the same dimensions and length as the one described on line 6

  of P-20?

 

  1. Provide what the actual fill volume of the rotary kiln is.

 

Le contexte

  • [2] Le 31 janvier 2007, la demanderesse Valence Technology Inc. (Valence), une société américaine, intentait un recours contre Phostech en violation de trois de ses brevets. Phostech est une société canadienne qui exploite son usine à Saint-Bruno-de-Montarville, à partir de laquelle elle produit des poudres de LiFePO4 pour des batteries de nouvelles générations (ci-après les cathodes de phosphate de fer lithé ou le produit de Phostech). Ces deux compagnies sont concurrents directs sur le marché mondial. Valence produit ses poudres à partir d’une usine en Chine.

 

  • [3] Le processus utilisé par Phostech pour fabriquer son produit se résume en deux étapes dont la première est la préparation d’un mélange de matériaux précurseurs notamment : (1) le carbonate de lithium; (2) le phosphate ferrique dihydrate; (3) un copolymère polyéthylène (polymère en solution) et la deuxième étape est de passer le mélange dans un four où la réaction est réalisée dans certaines conditions précises.

 

  • [4] Valence fonde son action sur la base de trois brevets portant sur la fabrication de cathodes de LiFePO4 soit les brevets : 2,395,115 intitulé « Preparation of Lithium-Containing Materials », 2,483,918 intitulé « Synthesis of Metal Compounds Useful as Cathode Active Materials » et 2,466,366 également intitulé « Synthesis of Metal Compounds Useful as Cathode Active Materials » (ci-après respectivement les « ‘115 », « ‘918 » et « ‘366 » ou les brevets en cause).

 

  • [5] Le 2 mars 2007, le litige a été placé sous gestion spéciale. La protonotaire acquiert un rôle central dans cette gestion depuis la retraite du juge Hugessen. Le 8 mars 2008, la Cour met en place une ordonnance de confidentialité.

 

  • [6] Durant la plaidoirie, la procureure de Valence s’est penchée sur les revendications suivantes (claims) dans les brevets en cause :

 

 

 

 

  1. Le ‘115 :

 

  1. A method of making a lithium mixed metal compound by reaction of starting materials which comprises:

 

mixing starting materials in particle form, said starting materials comprising at least one or more metal containing compound, a lithium compound, and carbon, where said carbon is present in an amount sufficient to reduce the oxidation state of at least one metal ion of said starting materials without full reduction to an elemental state; and,

 

heating said starting materials at a temperature sufficient to form a reaction product comprising lithium and said reduced metal ion; wherein said lithium compound is selected from the group consisting of lithium carbonate, lithium phosphate, lithium oxide, lithium vanadate, and mixtures thereof; and,

 

 

  1. A reactive composition comprising:

 

a mixture of starting materials in particle form, said starting materials comprising at least one metal containing compound, a lithium compound and carbon, said carbon being present in at least an amount sufficient to reduce the oxidation state of at least one metal ion of said starting materials without full reduction to an elemental state upon heating of the mixture.

 

2.  Le ‘918 :

 

  1. A solid state method for synthesizing an inorganic metal compound, comprising the steps of:

 

combining starting materials comprising at least one particulate metal compound and at least one organic material to form a mixture;

 

heating the mixture at a temperature to form a reaction product, wherein upon heating, at least one organic material decomposes to form a decomposition product containing carbon in a form capable of acting as a reductant; and,

 

wherein at least one metal of the starting materials is reduced in oxidation state during heating to form the inorganic metal compound.

 

3.  Le ‘366 :

 

  1. A method for synthesis of a Li metal compound of the formula […] by bringing into equilibrium a mixture containing at least one precursor of […] :

 

said method comprising effecting a reduction step to reduce the valency of the transition metal or metals whereby the oxidation state of at least one metal ion of the precursor or precursors is reduced to form the compound of said formula.

 

 

  1. The method according to claim 1, the method being carried out in a gaseous reducing atmosphere. [Je souligne.]

 

  • [7] Selon le procureur de Phostech, un élément très important du contexte de l’appel de Phostech est le fait que Phostech a formellement admis, dans un document intitulé « Particularized List of Admissions by Phostech Lithium dated April 3, 2004 », un grand nombre d’éléments essentiels des revendications (claims) dans les brevets en cause.

 

  • [8] Les admissions de Michel Gauthier se rapportent au procédé utilisé par Phostech pour la fabrication de son produit. Elles sont les suivantes :

 

  1. Phostech’s process is described at example 7 of the ‘446 patent (see exhibit P-201) but

without the use of reductive gases which are a mix of CO, CO2 diluted in N2. The pyrolysis of the organic product generates what is necessary to carry out the reduction.

 

  1. The polymer referred to in example 7 of the ‘446 patent application is described at

  example 4 of the same application.

 

  1. Exhibit P-18 ( Florida presentation 2003) essentially describes Phostech’s process save and

  except for production details.

 

  1. The thermal treatment of the mixed precursors is conducted in a closed rotary oven and

  one cannot extract samples during the different stages within the oven.

 

5.  The polymer used in Phostech’s process is used as a source of conductive carbon.

 

6.  For more precision, Phostech states that isopropanol is used in replacement of water in the

  process described in example 7.

 

  • [9] Valence a largement accepté les admissions faites par la défenderesse. Les étapes du procédé de production de Phostech sont ceux décrites dans l’exemple 7 d’une demande de Brevet Canadien 2,422,446 (la demande ‘446). Cette demande de brevet, déposée le 21 septembre 2001, de la part d’Hydro Québec est encore en examen. Elle est intitulée : « Procédé de synthèse de matériaux REDOX enrobés de carbone à taille contrôlée. » L’exemple 7 est intitulé : « production continue en four rotatif électrique » et son exemple 4 : « Exemple 4 et 4’ : « Démonstration du pouvoir d’enrobage de l’additif carbone de type polyéthylène et du contrôle de la taille des particules par l’enrobage. »

 

  • [10] L’essentiel de l’exemple 7 de la demande du ‘446, que Phostech utilise sous licence, est le suivant :

 

  1. On mélange dans l’eau une certaine quantité de phosphate ferrique dihydrate de

  Buddenheim (grade E53-81) avec le carbonate de lithium de Limtech d’un certain

  pourcentage à l’aide d’un broyeur à billes. Buddenheim et Limtech sont fournisseurs des

  matériaux précurseurs du produit de Phostech.

 

  1. Du copolymère (éthylène glycol), tel que décrit à l’exemple 4 de la même demande, est

  ajouté comme additif de carbone améliorant la conductivité du produit final par pyrolyse,

  lors du traitement thermique du mélange des précurseurs. La masse de copolymère

  équivaut à un certain pourcentage de la quantité de phosphate ferrique et de carbonate de

  lithium. L’exemple indique les quantités de réactifs utilisées.

 

  1. Le mélange est séché à l’aide d’un atomiseur d’une certaine marque puis alimenté dans un four rotatif d’une certaine marque.

 

  1. Le mélange est alimenté dans le four rotatif selon une quantité prescrite et le débit des précurseurs est ajusté pour atteindre un certain volume interne assurant ainsi l’uniformité de brassage et l’échange avec la phase gazeuse lors du traitement thermique.

 

  1. Un mélange gazeux en équilibre avec le fer est introduit dans le four à contre-courant du

  mélange des précurseurs. La réduction du fer est conduite par du  CO/CO2 dilué dans

  l’azote dans des proportions spécifiques.

 

  1. Le four rotatif tourne à un rpm spécifié et à un angle indiqué pendant un temps prescrit, la

  température est précisément contrôlée à certains degrés entre une zone froide et chaude.

 

  1. Le produit récupéré contient un certain pourcentage de carbone produit par la pyrolyse du

  polymère à base de polyéthylène. Les particules élémentaires ont une certaine dimension et

  sont enrobées de carbone ce qui favorise une conductivité électronique élevée, critère

  essentiel à la fabrication d’électrode.

 

  • [11] L’exemple 4 de la demande du ‘446 reprend les mêmes éléments que décrits dans l’exemple 7. Il précise que le produit est synthétisé par réaction des précurseurs à caractéristiques précises en présence de l’additif de carbone.

 

  • [12]  Selon le procureur de Phostech, le résultat des admissions faites par Phostech est qu’il y a très peu de faits non admis par Phostech relativement à la question de la contrefaçon et donc délimitent ainsi la pertinence des questions sur ce sujet. Les éléments non admis sont les suivants :

 

  1. The starting materials (matériel précurseur ou réactifs de départ) for the preparation of

  Phostech’s product are not all mixed in particle form (forme particulaire);

 

  1. There is no elemental carbon in particle form (carbone particulaire) used as a starting

  material in the production of Phostech’s product;

 

  1. There is no elemental carbon in particle form used as a starting material in the production

  of Phostech’s product that acts as the reducer (réducteur) in order “to reduce the oxidation

  state of at least one metal ion of said starting material without full reduction to an

  elemental state”; and,

 

  1. There is no carbon in a form acting as a reductant in the production of Phostech’s product.

 

  • [13] Devant cette Cour, Phostech plaide que Valence avait le fardeau d’abord de relier chacune des questions en appel à une des quatre allégations de faits non admis et également devait démontrer en quoi une réponse sur chacun des engagements pourrait prouver ou contredire un fait allégué non admis.

 

  • [14] Phostech affirme que la protonotaire a commis une erreur flagrante en lui ordonnant de répondre aux questions 8 et 9 parce qu’elle avait déjà admis l’utilisation de ces deux matériaux précurseurs dans son procédé.

 

  • [15] Quant à la question 12, selon Phostech, la protonotaire a commis la même erreur; Phostech avait déjà admis la description du procédé ainsi que l’identité du polymère employé. Au surplus, Phostech remarque qu’il n’y a aucune preuve au dossier à l’effet que l’utilisation des différents types de copolymères aurait un quelconque impact sur l’un ou l’autre des quatre éléments factuels non admis.

 

  • [16] Sur les questions 20, 22 et 23, la défenderesse soumet qu’elles visent l’équipement de séchage et de l’utilisation de l’isopropanol. Elle affirme qu’aucun des éléments des revendications des brevets en cause (claims) n’implique la préparation de l’un ou l’autre des matériaux précurseurs. De plus, durant son interrogatoire, le représentant de Phostech, Michel Gauthier, a affirmé spécifiquement que la préparation des matériaux précurseurs n’a aucun impact sur les réactions chimiques en présence. Enfin, elle ajoute qu’aucune preuve ne figure au dossier soutenant la pertinence de ces questions.

 

  • [17] En dernier lieu, quant aux questions 24, 25 et 26, Phostech soutient qu’elles concernent les caractéristiques du four, soit le taux et l’angle de la rotation, la longueur du four et son taux de remplissage.

 

  • [18] Phostech reconnaît que les caractéristiques de la fournaise sont incluses dans l’exemple 7 dans la demande d’Hydro Québec pour le brevet ‘446. Elle soutient, qu’à leur face même, ces questions non aucun lien avec les quatre éléments factuels non admis en cause et qu’en fait aucun des éléments de revendication des brevets en cause (claims) n’implique les caractéristiques de la fournaise, et au surplus, Michel Gauthier, lors de son interrogatoire préalable, a affirmé qu’une variation de ces caractéristiques de la fournaise n’avait aucun impact sur les réactions chimiques en présence. Enfin, aucune preuve ne figure au dossier soutenant la pertinence de ces questions.

 

La décision de la protonotaire du 29 septembre 2009

  • [19] Je reproduis l’essentiel de la décision en appel :

 

With respect to questions 8 to 10, 11 (second part) and 12, I had previously ruled that Phostech did not have to supply further documents as to the starting materials for its reaction because it had made sufficient binding admissions as to their identity and composition. These admissions relied, for the characterization of the materials, on reference to the suppliers of the materials. As it became apparent in the course of discovery that Phostech has changed its suppliers, the questions are now relevant.

 

With respect to questions 20, 22 and 23, again, the admissions of Phostech indicated the use of certain steps by reference to examples. When it becomes apparent on discovery that Phostech uses a different kind of apparatus and method for drying (question 20) and a different solvent that requires evaporation through heating, it is not enough for Phostech to refuse to impart any information whatsoever as to these changes by baldly affirming that it is irrelevant to the result. That is a self-serving opinion which the Plaintiff is not obliged to accept without having an opportunity to get some factual background.

 

Similarly, for questions 24 to 26, Valence had previously sought production of documents setting out detailed specifications for the kiln, despite having been given its principal parameters by way of general reference to an example. Even though Phostech admitted that there might be minor variations, which the witness for Phostech had at the time opined did not affect the overall process. Valence ’s request for exact details and specification had been refused for lack of evidence as to how these complete details would advance its case or hurt the Defendant’s. This did not however mean that any question on discovery that would explore the magnitude of the differences in how the Defendant’s kiln is built or used should be barred. Without leaping to request the full detailed specifications, the Plaintiff was nevertheless entitled to enquire at least generally as to the magnitude of these differences, but was improperly blocked by the Defendant at every turn. In the circumstances, those questions, as framed in questions 24 to 26, were proper, relevant, and are to be answered.

[Je souligne.]

 

La décision du 6 février 2009

  • [20] Comme nous le constaterons plus tard dans ces motifs, lorsque la protonotaire écrit dans ses motifs en appel qu’elle avait auparavant tranché que Phostech n’était pas obligé de produire de la documentation additionnelle, par exemple, sur les matériaux précurseurs utilisés par celle-ci dans son processus de fabrication, elle fait référence à sa décision du 6 février 2009 où elle a refusé une requête déposée par Valence le 3 novembre 2008, en vertu de l’article 227 des Règles, en vue d’obtenir une ordonnance obligeant Phostech à signifier des documents plus complets. Plus précisément, par cette requête du 3 novembre 2008, Valence recherchait :

 

An order requiring the Defendant to serve a further and better affidavit of documents that is accurate and complete and includes all documents relating to the manufacturing processes that are used, and have been used, by the Defendant for making its lithium phosphate cathode materials, including, but not limited to:

 

  • (a) Documents relating to the raw materials and their physical properties, including raw material specifications, certificates of analysis and internal quality control documents;

 

  • (b) Documents relating to the quantity and type of material used and produced during each process step and of the specific process conditions, including batch cards and process flow diagrams;

 

  • (c) Documents relating to the process steps, and any allowable variations to the process steps, including standard operating procedures; and

 

  • (d) Documents relating to the end products and their physical and chemical properties, including final products specifications and certificates of analysis. [Je souligne.]

 

  • [21] Au tout début de son ordonnance du 6 février 2009, la protonotaire précisait l’étendue des admissions faites par Phostech :

 

… The novel aspect of this motion is due to the fact that the Defendant has effectively, at least as at the time of the hearing, made extremely specific and detailed account of its method and products, all now amounting to admissions and supported by evidence, and related same with great precision to the principal and independent claims of the patents at issue. Given these details, evidence and admissions, and absent considerably more details and particulars from the Plaintiff as to what, in the processes and elements described by the Defendant, the Plaintiff denies or contests, it is virtually impossible for the Court to determine how the documents requested could possibly advance the Plaintiff’s case or adversely affect the Defendant’s. [Je souligne.]

 

  • [22] Elle poursuit son analyse :

 

  The uncontradicted evidence provided by the Defendant, and which amounts to admissions binding upon it, provides more than sufficient details of the composition of the materials used in the Defendant’s process, the manner in which they are prepared and introduced into a closed oven, the physical and operating parameters of this closed oven, and the composition and characteristics of the resulting product. Sworn, expert testimony was adduced to explain the reactions which the Defendant believes occur in the process, and the evidence satisfies me that documents do not exist that would provide further evidence of what, in fact, occurs in the closed oven which could reasonably be likely to advance the Plaintiff’s case or contradict the Defendant’s. From those facts, as established by the evidence before me, the Defendant on the merits of the action argues that it does not infringe the patents at issue because of the manner in which it believes the patents should be interpreted. These facts amount to admissions against the interest of the Defendant, since there is clearly a dispute between the Plaintiff and Defendant as to the proper interpretation of the patents, and that if the Defendant is wrong in its interpretation, it recognizes that its admissions would result in a finding of infringement. [Je souligne.]

 

  • [23] À titre d’illustration, la protonotaire choisit un exemple. Une des revendications (claims) dans les brevets de Valence en cause : « … claims a process using “a source of carbon”; the Defendant (Phostech) argues that “a source of carbon” must be understood as “a source of carbon in particle form”. The Defendant does admit that its process uses a source of carbon, and provides the exact description and composition of the carbon-containing ingredient. The Defendant has led uncontradicted evidence that the carbon in that composition is not in particle form, so that in its reading of the patent, it does not infringe. The Defendant concedes that if it is wrong in its interpretation of this claim (and if the claim is held to be valid) then its process would indeed be found infringing. » [Je souligne.]

 

  • [24] Elle note que Valence recherche : “Documents relating to the raw materials and their physical properties, including raw material specifications, certificates of analysis and internal quality control documents.” Elle ajoute et conclut sur ce point :

 

The Defendant’s evidence is that the sole source of carbon used by the Defendant corresponds to the description and formula given by the Defendant. The evidence led by the Defendant is further to the effect that material of this description and formula does not correspond to carbon in particle form or contain carbon in particle form. … [Je souligne.]

 

  • [25] Dans son ordonnance du 6 février 2009, la protonotaire Tabib indique que pour chaque catégorie de documents recherchés, elle a assujetti la demande de Valence à une analyse semblable à celle élaborée pour la source du carbon.

 

Analyse

a) La norme de contrôle

  • [26] Deux normes de contrôle sont possibles lorsqu’il s’agit d’un appel à cette Cour d’une décision d’un protonotaire :

 

  • 1) Soit une considération de novo de la décision en appel si la question sous-jacente était déterminante pour l’issue de l’affaire, en anglais, « vital to the final issue of the case. »

 

  • 2) Dans toutes autres circonstances de l’appel, si l’ordonnance du protonotaire est manifestement erronée dans le sens qu’en exerçant sa discrétion le protonotaire s’est basé sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréhension des faits. Voir la décision du juge Décary dans Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488; [2004] 2 R.C.F. 459 (C.A.F.) (Merck), au paragraphe 19 que je cite.

19  Afin d'éviter la confusion que nous voyons parfois découler du choix des termes employés par le juge MacGuigan, je pense qu'il est approprié de reformuler légèrement le critère de la norme de contrôle. Je saisirai l'occasion pour renverser l'ordre des propositions initiales pour la raison pratique que le juge doit logiquement d'abord trancher la question de savoir si les questions sont déterminantes pour l'issue de l'affaire. Ce n'est que quand elles ne le sont pas que le juge a effectivement besoin de se demander si les ordonnances sont clairement erronées. J'énoncerais le critère comme suit: "Le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants: a) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal, b) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits." [Je souligne.]

 

  • [27] En l’espèce, j’estime que Phostech devait démontrer que l’ordonnance de la protonotaire était entachée d’une erreur flagrante, c’est-à-dire, qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréhension des faits. La question qu’avait à décider la protonotaire Tabib n’avait pas une influence déterminante sur l’issue de l’action contre la défenderesse (voir Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2008 CAF 287 (Novopharm), au paragraphe 52).

 

b) Le critère de la pertinence

  • [28] L’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Novopharm, précité, a réitéré le principe fondamental sur lequel le critère de la pertinence doit être apprécié – c’est la notion du lancement d’une enquête « train of inquiry ». Dans Novopharm, j’avais conclu que la protonotaire Tabib avait bien circonscrit le critère de la pertinence. La Cour fédérale d’appel, sous la plume du juge Nadon, nous a maintenus. Je cite les paragraphes 61 et 65 de Novopharm :

 

61  Aux paragraphes 18 et 19 de son ordonnance, la protonotaire Tabib expose de la façon suivante son interprétation du "critère du lancement d'une enquête", énoncé dans Peruvian Guano, précité, que la Cour a constamment approuvé :

 

18. [...] À moins que la partie produisant l'affidavit compte invoquer un document lors de l'instruction, elle n'est pas obligée de le communiquer à moins [TRADUCTION] qu'"on p[uisse] raisonnablement supposer" que le document nuirait à sa propre cause, ferait avancer celle de son adversaire ou serait [TRADUCTION] "susceptible de la lancer dans une enquête et d'entraîner l'une ou l'autre de ces conséquences".

 

19. Autrement dit, il ne suffit pas qu'un document ait trait simplement aux faits en litige. Si, par exemple, un document peut seulement être interprété raisonnablement comme appuyant la cause de la partie procédant à la communication de la preuve, et qu'on ne peut démontrer qu'il peut mener à des renseignements que l'on peut raisonnablement supposer utiles à la partie adverse, il n'est pas nécessaire de faire état de son existence dans un affidavit de documents. Un document qui est neutre et dont on peut seulement supposer raisonnablement qu'il est susceptible de mener à d'autres documents également neutres n'est pas pertinent pour les besoins d'un affidavit de documents. Et sur une requête visant à obtenir un affidavit de documents plus complet, il incombe à la partie requérante d'établir la possibilité raisonnable qu'un document puisse avoir ou soit susceptible d'entraîner l'une des conséquences souhaitées. Il ne suffit pas de dire qu'un document pourrait éventuellement mener à d'autres documents qui, bien que non pertinents eux-mêmes, pourraient ensuite éventuellement mener à des renseignements utilisables. C'est précisément le genre de recherche à l'aveuglette que la jurisprudence de la Cour a constamment refusé de sanctionner. Il ne s'agit pas de dire que la partie requérante doit établir que le document recherché mènera nécessairement à des renseignements utilisables : une probabilité raisonnable suffira, mais non une chance ténue.

 

 

65  Je conclus donc qu'il n'y a aucun doute que la protonotaire a compris le critère du "lancement d'une enquête". Elle a jugé que Novopharm devait établir qu'il était raisonnable de supposer que les documents en cause contenaient des renseignements qui pouvaient, directement ou indirectement, lui permettre de faire avancer sa cause ou de nuire à celle des intimées. Non seulement elle a compris le critère, mais elle l'a appliqué de manière uniforme dans son appréciation des documents en cause. Par conséquent, on ne peut dire que l'ordonnance de la protonotaire était fondée sur un mauvais principe et le juge Lemieux n'a pas commis d'erreur en refusant de la modifier pour ce motif. [Je souligne.]

 

  • [29] Devant la protonotaire Tabib et devant cette Cour, l’enjeu porte aussi sur l’article 240 des Règles; cet article vise l’étendue de l’interrogatoire au préalable et se lit :

 

Étendue de l’interrogatoire

 

240. La personne soumise à un interrogatoire préalable répond, au mieux de sa connaissance et de sa croyance, à toute question qui :

 

a) soit se rapporte à un fait allégué et non admis dans un acte de procédure déposé par la partie soumise à l’interrogatoire préalable ou par la partie qui interroge;

 

b) soit concerne le nom ou l’adresse d’une personne, autre qu’un témoin expert, dont il est raisonnable de croire qu’elle a une connaissance d’une question en litige dans l’action. [Je souligne.]

 

 

Scope of examination

 

240. A person being examined for discovery shall answer, to the best of the person's knowledge, information and belief, any question that

 

(a) is relevant to any unadmitted allegation of fact in a pleading filed by the party being examined or by the examining party; or

 

(b) concerns the name or address of any person, other than an expert witness, who might reasonably be expected to have knowledge relating to a matter in question in the action. [Emphasis mine.]

 

 

c) Les prétentions de Phostech

  • [30] Dans ses prétentions écrites, le procureur de Phostech, s’appuyant sur la règle 240, plaide que les faits non admis dans un acte de procédure définissent la pertinence et encadrent la portée d’un interrogatoire. De façon plus générale, il cite sur la décision de cette Cour dans Reading & Bates Construction Co. v. Baker Energy Resources Corp., (1988), 24 C.P.R. (3d) 66 (C.F.) dans laquelle le juge McNair avait écrit :

 

6. The ambit of questions on discovery must be restricted to unadmitted allegations of fact in the pleadings, and fishing expeditions by way of a vague, far-reaching or an irrelevant line of questioning are to be discouraged: Carnation Foods Co. Ltd. v. Amfac Foods Inc. (1982), 63 C.P.R. (2d) 203 (F.C.A.); and Beloit Ltee/Ltd. v. Valmet Oy (1981), 60 C.P.R. (2d) 145 (F.C.T.D.).

 

  • [31] Il réfère la Cour à une ample jurisprudence à l’effet que de permettre une question non pertinente, c’est-à-dire qui sort du cadre factuel défini par les questions de faits non admis, équivaut à donner au titulaire d’un brevet d’intenter une action sans fondement factuel particulier dans l’espoir de découvrir en interrogatoire les éléments démontrant l’existence d’une contrefaçon, ce qui proscrit clairement l’état du droit.

 

  • [32] Le procureur de Phostech plaide qu’une personne qui cherche à justifier la pertinence d’une question doit d’abord la lier à un fait allégué non admis et, ensuite, démontrer que la réponse à cette question tend à prouver ou contredire ce fait.

 

  • [33] En l’espèce, il soutient que la protonotaire a commis une erreur manifeste quant à la pertinence des demandes faisant l’objet du présent appel. Selon lui, il n’y a d’une part aucune allégation de fait non admis justifiant la pertinence de ces demandes et d’autre part, en l’absence de toute preuve, Valence ne peut démontrer que les réponses aux demandes tendent à prouver ou contredire ce fait.

 

  • [34] Afin de démontrer que la protonotaire avait commis des erreurs en ordonnant les réponses et la production des documents reliés à celles-ci justifiant l’intervention de cette Cour en appel, le procureur de Phostech, durant sa présentation orale, a insisté sur les éléments suivants comme preuve de manque de pertinence :

 

  1. Les questions 8, 9, 12, 20, 22 et 23 n’ont aucune pertinence du fait qu’aucun des brevets en

cause revendiquent la préparation du mélange des matériaux précurseurs. Ces brevets revendiquent seulement le traitement du mélange une fois dans le four, c’est-à-dire, la réaction chimique et son résultat produit dans le four suite au chauffage à l’intérieur de celui-ci.

 

  1. Il n’existe aucune pertinence aux questions 24, 25 et 26 puisque les brevets en cause ne

  contiennent aucune réclamation (claim) sur le four lui-même.

 

  1. Valence n’a déposé aucun affidavit sur l’effet des changements de fournisseurs ou

d’équipements faits par Phostech à son processus de fabrication axé sur la demande de brevet ‘446. Il cite l’arrêt Merck, précité, à l’appui de sa prétention que l’affidavit de Patrick Taylor, en date du 17 septembre 2009, n’a aucune valeur probante. Monsieur Taylor est un clerc juridique à l’emploi des procureurs canadiens de Valence. Selon le procureur de Phostech, cette absence de preuve sur l’impact des changements reconnus par Monsieur Gauthier signifie que la protonotaire n’avait aucune preuve devant elle pour justifier son ordonnance. Cette absence de preuve est fatale en l’espèce puisque Valence avait le fardeau de démontrer la pertinence des questions refusées ou des documents exigés et de relier ceux-ci à un allégué.

 

d) Conclusions

  • [35] Je ne peux souscrire aux prétentions de Phostech quant à l’absence de preuve sur la pertinence des réponses et la production de documents additionnels ordonnés par la protonotaire.

 

  • [36] Avec respect, j’estime que la plaidoirie de Phostech est mal ciblée parce qu’elle néglige le contexte qui a incité Valence à demander à la protonotaire l’ordonnance recherchée dont Phostech fait appel devant cette Cour. La requête de Valence du 18 septembre 2009 doit être appréciée dans l’ensemble des efforts de Valence pour obtenir de Phostech la production de documents et de réponses pendantes quant au procédé utilisé par Phostech pour la fabrication de son produit; un procédé que Phostech affirmait être basé sur sa licence d’Hydro Québec émise en vertu de sa demande de brevet ‘446. La défence de Phostech dans ce dossier est à l’effet qu’elle suit les réclamations (claims) du processus décrit dans le ‘446 et donc ne viole aucun brevets de Valence.

 

  • [37] Le 3 novembre 2008, Valence avait déposé une requête pour obtenir de Phostech un affidavit supplémentaire de documents. Cette requête de Valence était appuyée de deux affidavits dont un de Yaziq Saidi, l’un des inventeurs des brevets ‘115, ‘366 et ‘918

 

  • [38] L’affidavit de Michel Gauthier sur lequel il a été contre-interrogé le 5 janvier 2009 était la réponse de Phostech à cette requête. La protonotaire dans sa décision du 6 février 2009 a refusé la requête de Valence pour un affidavit supplémentaire au motif que l’affidavit et le contre-interrogatoire de Monsieur Gauthier appuyaient les admissions faites par Phostech sur l’utilisation par Phostech du processus décrit aux exemples 4 et 7 du brevet ‘446 en examen.

 

  • [39] Durant son contre-interrogatoire du 5 janvier 2009, Monsieur Gauthier a reconnu les éléments suivants du processus suivi par Phostech pour fabriquer son produit :

 

  1. Il réaffirme que le procédé suivi par Phostech pour fabriquer son produit est celui décrit

  à l’exemple 7 de la demande de brevet d’Hydro Québec.

 

  1. Il reconnaît quels sont les matériaux de base utilisés dans le processus de fabrication de

  Phostech; quelles sont les conditions importantes pour réaliser les réactions; quels sont

les produits dérivés du processus de fabrication et leur propriété ainsi que leurs sous produits. Il estime que tous ces détails son inter-reliés dans le sens que les matériaux utilisés au départ vont déterminer le produit final (transcription du contre-interrogatoire (la transcription), pages 33, 34, 35, 36, 37, 40, 41, 94, 97 et 103).

 

  1. Il reconnaît aussi que les conditions du processus (exemple, la température dans le four)

pourraient avoir un impact sur la forme et la taille du produit final (transcription, pages 37, 42 et 43).

 

4)  Il confirme qu’il n’y a pas eu de changements ni dans les matériaux précurseurs, ni dans les

  conditions d’opérations de ce qui avait été spécifié à l’exemple 4 et l’exemple 7 mais qu’il y a eu des ajustements aux paramètres sur la base du « know how » que Phostech avait acquis (transcription, pages 59, 61, 63 [je souligne], 67, 70, 91, 92, 93 et 94).

 

  • [40] Considérant la preuve au dossier qui était devant elle, je suis convaincu que les conclusions qu’elle a tirées de cette preuve lui étaient loisibles et qu’aucune intervention de cette Cour serait justifiée. En somme, le témoignage de Monsieur Gauthier établit que certains changements ont été faits par Phostech au processus décrit dans le ‘446 sur lequel ses admissions étaient basées et que les étapes de la fabrication de son produit avaient un impact sur le produit final. Je ne peux que conclure que l’ordonnance de la protonotaire était bien fondée.

 

 

 

  • [41] Appel rejeté avec dépens.

 

« François Lemieux »

­­­­­  _____________________________

    Juge

 

Ottawa, Ontario

Le 6 janvier 2010


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-219-07

 

INTITULÉ :  VALENCE TECHNOLOGY INC. c. PHOSTECH LITHIUM INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 8 décembre 2009

 

MOTIFS DE

L’ORDONNANCE :  Le juge Lemieux 

 

DATE DES MOTIFS :  Le 6 janvier 2010 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Angela M. Furlanetto

 

POUR VALENCE TECHNOLOGY INC.

Me Éric Ouimet

 

POUR PHOSTECH LITHIUM INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dimock Stratton LLP

Toronto ( Ontario )

 

POUR VALENCE TECHNOLOGY INC.

BCF S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

POUR PHOSTECH LITHIUM INC.

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.