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Date : 20091223

Dossier : IMM‑2604‑09

Référence : 2009 CF 1312

Ottawa (Ontario), le 23 décembre 2009

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

SALEEM AHMAD KHAN

 

demandeur

 

 

et

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               M. Khan a présenté une demande de visa de résident permanent au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) énonce les divers critères de sélection, dont celui de la compétence dans les langues officielles du Canada. L’article 79 du Règlement exige qu’un travailleur qualifié désigne l’anglais ou le français comme sa première langue officielle au Canada. M. Khan a inscrit l’anglais seulement et déclaré n’avoir aucune compétence en français. La demande doit être accompagnée du résultat du test passé auprès d’une école de langue accréditée ou de toute autre preuve écrite établissant la compétence du demandeur dans la langue choisie.

 

[2]               Un agent du haut‑commissariat du Canada à Londres a envoyé le 1er octobre 2008 une lettre demandant la communication d’autres documents avant le 1er janvier 2009. M. Khan a été bien averti de fournir les résultats de test de l’International English Language Testing System (IELTS) dans le cadre de sa demande.

 

[3]               M. Khan, un citoyen pakistanais, alors établi à Dubaï, n’a pas été en mesure d’obtenir une place à l’examen avant février 2009. Dans une lettre de son consultant en immigration, datée du 27 janvier 2009, que l’agent des visas a reçue le 11 février 2009 seulement, il a demandé une prolongation de 60 jours. Les notes du STIDI font état de cette demande, mais elles n’indiquent pas si le consultant l’a justifiée. Aucune copie de la lettre n’a été produite. Toutefois, puisque le dossier du tribunal contenait un reçu officiel indiquant que l’examen aurait lieu en février seulement, il est raisonnable d’inférer que la demande reposait sur le fait qu’il ne pouvait passer l’examen avant.

 

[4]               Les notes du STIDI révèlent que, au moment où l’agent des visas a reçu la demande de prolongation, il était déjà arrivé à la décision de rejeter la demande au motif que M. Khan n’avait pas obtenu les 67 points requis. Sans répondre à la demande de prolongation de délai, il a rejeté la demande de résidence permanente de M. Khan. Ce dernier s’est vu accorder 60 points sur les 67 points requis. Il a obtenu la note de 0 sur 20 pour la compétence linguistique parce que l’agent n’avait aucune référence pour évaluer ses aptitudes linguistiques en anglais.

 

[5]               Par la suite, M Khan a fourni les rapports de test qui indiquaient apparemment qu’il aurait reçu au moins 14 points pour la langue. Il a demandé que le dossier soit rouvert, mais l’agent des visas a refusé.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[6]               Bien que l’on puisse dire qu’il y a en fait trois décisions en cause, à savoir le refus d’accorder la prolongation du délai, la décision sur le fond et le refus de rouvrir le dossier, le ministre n’a pas soulevé ce point.

 

[7]               À mon avis, la première question est de savoir si l’agent des visas devait prendre une décision quant à la demande de résidence permanente en tenant compte de la demande de prolongation de délai afin que M. Khan soit en mesure de fournir les résultats de l’IELTS. La deuxième question est de savoir si la décision sur le fond était par ailleurs raisonnable et la troisième, suivant l’une ou l’autre des deux premières questions, est de savoir si le refus de rouvrir la demande était déraisonnable.

 

DÉCISION

[8]               À mon avis, le refus d’accorder une prolongation de délai et la décision sur le fond étaient déraisonnables et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si l’agent des visas était dessaisi. La jurisprudence à cet égard a été récemment examinée de façon approfondie par la juge Mactavish dans Kurukkal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 695, 81 Imm. L.R. (3d) 263.

 

ANALYSE

[9]               L’efficacité administrative est importante et nécessaire. Un délai de trois mois pour permettre la communication de nouveaux documents était plus qu’équitable. M. Khan savait certainement en novembre 2008 qu’il ne serait pas en mesure de passer l’examen avant février 2009 et absolument rien ne l’empêchait de demander un délai avant la date butoir fixée par l’agent des visas.

 

[10]           La question la plus importante, par ailleurs, veut que justice soit faite entre les parties. La lettre de l’agent des visas ne précisait pas que toute demande de prolongation devait être faite avant le 1er janvier 2009. J’établis une analogie avec le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales qui exige que la demande de contrôle judiciaire soit présentée dans les trente jours qui suivent la communication d’une décision par un office fédéral ou dans le délai supplémentaire que la Cour peut fixer avant ou après l’expiration de ces trente jours. Certes, l’agent des visas avait le pouvoir discrétionnaire d’accorder la prolongation demandée. Je conclus que la demande de prolongation a été refusée dans un accès de dépit.

 

[11]           Le critère sous‑jacent à toute demande de prolongation de délai est que justice soit faite. Il faut tenir compte de la raison de la demande de prolongation et de l’existence de motifs soutenables sur le fond (Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (C.A.). Il ne fait pas de doute que M. Khan a toujours eu l’intention de poursuivre sa demande, que sa demande n’était pas sans fondement, que le délai ne causait aucun préjudice au ministre et qu’il existe une explication raisonnable justifiant la prolongation (voir Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399 (C.A.F); Gakar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 189 F.T.R. 306, aux paragraphes 29 et suivants; Ching‑Chu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 855, 315 F.T.R. 301; Pharaon c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 276, 80 Imm. L.R. (3d) 115).

 

[12]           Par conséquent, la décision découle d’un manquement à l’équité procédurale et il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue judiciaire. Par ailleurs, en tout état de cause, la décision sur le fond de n’accorder aucun point pour la connaissance de la langue anglaise était déraisonnable. M. Khan a obtenu un diplôme de premier cycle et une maîtrise en administration en Angleterre et il avait travaillé à Dubaï pendant nombre d’années en anglais. Le Règlement n’exige pas un rapport d’IELTS et, par conséquent, l’agent des visas ne s’est pas acquitté de ses obligations en n’évaluant pas les documents disponibles. Le ministre invoque la décision Al Turk c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1396, tant pour la question de la prolongation de délai que pour l’appréciation de la compétence linguistique. En ce qui a trait au premier point, rien n’indiquait dans cette affaire qu’une demande de prolongation avait déjà été faite. En l’espèce, pareille demande a été faite. Dans Al Turk, le demandeur avait étudié en anglais, mais la Cour a conclu que cela n’établissait pas de façon certaine qu’il avait une connaissance moyenne ou élevée de la langue. Il avait pu très bien réussir avec seulement un niveau de connaissance de base de la langue anglaise. Toutefois, la Cour a noté dans cette affaire que l’agente des visas n’était pas convaincue qu’il avait étudié dans un environnement anglophone « comparable à celui d’une personne qui étudie au Royaume‑Uni ». Non seulement M. Khan a‑t‑il étudié au Royaume‑Uni, mais aussi s’est‑il vu accorder 25 points sur 25 pour le critère des études. Il est ridicule d’affirmer qu’une personne qui a obtenu un diplôme de premier cycle et une maîtrise en Angleterre d’une université de langue anglaise n’a aucune compétence en anglais.

 

[13]           L’affaire sera renvoyée à un autre agent des visas pour un nouvel examen suivant les critères existant au moment où M. Khan a présenté sa demande initiale.


 

ORDONNANCE

 

            POUR LES MOTIFS EXPOSÉS, LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  La décision de l’agent des visas est annulée.

3.                  L’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.

4.                  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑2604‑09

 

INTITULÉ :                                                   SALEEM AHMAD KHAN c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 17 décembre 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 23 décembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffery

 

POUR LE DEMANDEUR

Judy Michaely

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Jeffery

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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