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Date : 20091217

Dossier : IMM-1684-09

Référence : 2009 CF 1288

Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2009

En présence de monsieur le juge Mainville

 

 

ENTRE :

chan lian miao

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés par Chan Lian Miao (la demanderesse), citoyenne de la République populaire de Chine, à l’égard de la décision par laquelle un agent des visas l’a retirée de la demande de résidence permanente au Canada de sa mère, au motif qu’elle ne répond pas à la définition d’« enfant à charge » du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement).


Le contexte factuel

 

[2]               La demanderesse figurait à titre d’« enfant à charge » dans la demande de résidence permanente de sa mère Quiping Zhang, une personne protégée au Canada. Le 4 août 2008, le Deuxième secrétaire (Immigration) de l’ambassade du Canada à Beijing a transmis un avis de la décision de retirer la demanderesse de la demande en question. Deux raisons y étaient invoquées :

[traduction] Selon votre demande, Miao Chan Lian a interrompu ses études pendant un an, de septembre 2005 à septembre 2006. Par conséquent, je suis convaincu que Miao Chan Lian ne répond pas à la définition d’« enfant à charge » prévue à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[…]

 

Nous vous avons envoyé une lettre, en date du 24 avril 2008, dans laquelle nous vous avons expliqué que nous craignions que Miao Chan Lian ait fait de fausses déclarations quant à son niveau de scolarité et qu’elle ait présenté une fausse attestation d’inscription à l’université Shanghai Jiaotong. Nous vous avons accordé un délai de 30 jours pour fournir des explications à ce sujet. Le 12 mai 2008, nous avons reçu une attestation actualisée d’inscription à l’université Shanghai Jiaotong concernant Miao Chan Lian sans autre explication. Ce document ne constitue pas une explication satisfaisante et plausible en réponse à notre lettre du 24 avril 208 (sic).

 

Compte tenu des vérifications effectuées auprès de l’université  Shanghai Jiaotong et son établissement affilié Angli Training School, je suis convaincu que Miao Chan Lian a présenté de faux documents quant à son niveau de scolarité.

 

 

[3]               Nonobstant cet avis, le 12 août 2008, un agent du Centre de traitement des demandes du défendeur à Vegreville, en Alberta, a avisé la mère de la demanderesse qu’elle aurait une autre occasion de fournir des renseignements additionnels si elle décidait de le faire. Dans une lettre adressée par son avocat, en date du 29 septembre 2008, la mère de la demanderesse a expliqué que sa fille fréquentait l’établissement Foreign Language School de l’université Shanghai Jiaotong et non l’établissement Angli Training School affilié à l’université. Par conséquent, la vérification de la fréquentation auprès de la Foreign Language School a été demandée eu égard aux divers documents présentés, dont une confirmation d’inscription.

 

[4]               Cette demande a été transmise à l’agent canadien des visas de Beijing qui, le 16 décembre 2008, a conclu :

[traduction] Le consultant demande que l’établissement « Shanghai Jiaotong University - Foreign Language School » soit contacté. J’ai constaté, selon les notes de suivi, que le département de langues étrangères de l’université Shanghai Jiaotong a été effectivement contacté et que la vérification effectuée a révélé que la personne faisant l’objet de la demande ne figurait pas parmi ses étudiants. J’ai constaté également que la preuve attestant la fréquentation scolaire (tels les relevés de notes) présentée à l’appui de cette demande était très restreinte. J’ai constaté que la personne faisant l’objet de la demande a atteint l’âge de 22 ans le 7 AOÛT 2006. Compte tenu de la preuve au dossier, je ne suis pas convaincu que la personne faisant l’objet de la demande avait le statut d’étudiante à temps plein à compter du moment où elle a atteint l’âge de 22 ans, et par conséquent, je suis convaincu qu’elle ne répond pas à la définition d’« enfant [à charge] » prévue à l’article 2 du Règlement.

 

[5]               Le Deuxième secrétaire (Immigration) de l’Ambassade du Canada à Beijing a par conséquent avisé, le 20 janvier 2009, le Centre de traitement des demandes à Vegreville de sa décision :

[traduction] Après avoir minutieusement examiné la demande et tous les documents présentés à l’appui, je ne suis pas convaincu que MIAO Chen (sic) Lian répond à la définition d’enfant à charge prévue à l’article 2 du Règlement. Je suis convaincu qu’elle n’a pas fréquenté un établissement d’enseignement comme étudiante à temps plein à compter du moment où elle a atteint l’âge de 22 ans (à compter du 07AOÛT 2006). Par conséquent, la décision de la retirer de la demande de résidence permanente est maintenue.

 

 

[6]               Une lettre datée du 21 janvier 2009 confirmant cette décision a été envoyée pas la suite à la mère de la demanderesse, d’où la présente demande de contrôle judiciaire.

Position des parties

 

[7]               La demanderesse soulève la question de l’équité procédurale, soutenant que l’agent des visas de Beijing a tort de ne pas tenir compte de la preuve explicative fournie par la mère de la demanderesse et qu’il a ainsi manqué à son devoir d’équité envers elle.

 

[8]               Le défendeur soutient que la décision de retirer la demanderesse de la demande présentée par sa mère s’appuyait sur le fait que la demanderesse a elle‑même reconnu avoir interrompu ses études de septembre 2005 à septembre 2006, et qu’elle ne répond donc pas à la définition d’« enfant à charge » prévue par le Règlement, peu importe si elle fréquente ou non un établissement d’enseignement à présent. Par conséquent, l’argument relatif à l’équité procédurale n’est pas déterminant quant au statut de la demanderesse, vu qu’indépendamment de cet argument, elle ne répond pas aux exigences du Règlement.  

 

[9]               De plus, le défendeur ajoute qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale puisque la demanderesse a eu, à deux reprises, l’occasion de répondre aux réserves exprimées par l’agent des visas quant à son inscription aux études à temps plein, et qu’il n’y a pas eu de réponse satisfaisante. Par conséquent, il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

 

[10]           La demanderesse répond que, même s’il est vrai qu’elle a interrompu ses études pendant un an, de septembre 2005 à septembre 2006, cela tenait au fait qu’elle avait subi une fracture. Elle a toutefois maintenu son inscription au Foreign Language School de l’université Shanghai Jiaotong durant toute la période en cause, même si elle ne suivait aucun cours.

 

 

Le Règlement

 

[11]           Les dispositions applicables du Règlement portent sur la définition d’« enfant à charge » prévue à l’article 2 :

« enfant à charge » L’enfant qui :

 

 

 a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre de ses parents :

 

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

 

 

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

 

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

 

(i) il est âgé de moins de vingt-deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

 

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

 

 

 

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

 

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

 

(iii) il est âgé de vingt-deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

“enfant à charge”, in respect of a parent, means a child who

 

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

 

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common-law partner of the parent, or

 

(ii) is the adopted child of the parent; and

 

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

 

(i) is less than 22 years of age and not a spouse or common-law partner,

 

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 — or if the child became a spouse or common-law partner before the age of 22, since becoming a spouse or common-law partner — and, since before the age of 22 or since becoming a spouse or common- law partner, as the case may be, has been a student

 

(A) continuously enrolled in and attending a post-secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

 

 

 

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

 

(iii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 and is unable to be financially self-supporting due to a physical or mental condition.

 

 

Norme de contrôle

 

[12]           Conformément à la jurisprudence de notre Cour, le règlement d’une question de fait par un agent des visas relativement à la question de savoir si un enfant dit à charge était réellement inscrit à un établissement d’enseignement et fréquentait celui‑ci à temps plein avec sérieux doit être examiné selon la norme de la raisonnabilité : Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 906, [2002] A.C.F. no 1178 (QL), au par. 8; Kainth c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1296, [2002] A.C.F. no 1781 (QL), au par. 6; Mazumder c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 444, [2005] A.C.F. no 552 (QL), au par. 6.

 

[13]           Toutefois, en règle générale, les questions de justice naturelle et d’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, au par. 43; Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056 (QL), au par. 53.

 

 

Analyse

 

[14]           En ce qui concerne l’argument relatif à l’équité procédurale, la demanderesse ou ses parents ont été avisés par écrit à deux reprises des réserves exprimées par les autorités de l’immigration et ont eu l’occasion d’y répondre et de fournir des renseignements additionnels. Aucun argument relatif à l’équité procédurale ne peut être maintenu de ce fait.

 

[15]           La demanderesse soutient cependant qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale puisque les agents d’immigration n’ont pas tenu compte des renseignements additionnels et des documents fournis. Le dossier montre que tel n’était pas le cas. Les agents d’immigration à Beijing ont examiné les renseignements additionnels et les documents fournis et ont considéré qu’ils ne suffisaient pas à établir le statut d’« enfant à charge ». La mère de la demanderesse a demandé, par l’entremise de son avocat, que l’établissement d’enseignement Foreign Language School de l’université Shanghai Jiaotong soit contacté. Le dossier montre que les autorités de l’immigration à Beijing avaient déjà contacté cet établissement et que ce dernier ne pouvait pas confirmer que la demanderesse figurait parmi ses étudiants.

 

[16]           La demanderesse a atteint l’âge de 22 ans le 7 août 2006.

 

[17]           Pour répondre à la définition d’« enfant à charge » après avoir atteint l’âge de 22 ans, une personne ne pouvant subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental doit démontrer qu’elle n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou de l’autre des parents à compter du moment où elle a atteint l’âge de 22 ans, qu’elle n’a pas cessé d’être inscrite à un établissement d’enseignement postsecondaire et de fréquenter celui‑ci, qu’elle y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et ce, à compter du moment où elle a atteint l’âge de 22 ans.

 

[18]           La jurisprudence établit clairement qu’un agent des visas a le pouvoir de déterminer si un prétendu « enfant à charge » est véritablement inscrit et suit réellement et avec sérieux à temps plein des cours dans un programme d’études : Sandhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 79, [2002] A.C.F. no 299 (QL), au par. 24.

 

[19]           Même si la demanderesse a présenté des documents attestant qu’elle était probablement inscrite à un établissement d’enseignement postsecondaire pendant un an, de septembre 2005 à septembre 2006, période au cours de laquelle elle a atteint l’âge de 22 ans, il ressort clairement du dossier qu’elle n’a pas fréquenté l’établissement d’enseignement postsecondaire en question ni n’a suivi activement à temps plein des cours de formation générale.

 

[20]           Toutefois, la demanderesse soutient que sa situation répond à la définition d’« enfant à charge » et qu’elle doit être réputée avoir fréquenté l’établissement d’enseignement postsecondaire et avoir suivi activement des cours de septembre 2005 à septembre 2006, au motif qu’elle s’est absentée pour avoir subi une fracture. Il est utile de souligner à cet égard qu’il n’y avait pas beaucoup d’éléments de preuve présentés relativement à la fracture alléguée qui justifieraient l’interruption des études pendant un an, ni d’explication sur la question de savoir pourquoi l’existence d’une fracture entraînerait l’interruption des études pour une période d’un an. Dans ces circonstances, il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent des visas de conclure à l’existence d’une interruption des études pendant cette période.

 

[21]           De plus, bien que la demanderesse ait eu l’occasion de fournir des documents additionnels, le dossier dont je suis saisi n’atteste l’existence d’aucun relevé de notes, d’aucun horaire ou d’autre document confirmant la fréquentation d’un établissement postsecondaire pour la période subséquente à septembre 2007. Comme l’a souligné l’agent des visas, [traduction] « la preuve attestant la fréquentation scolaire (tels les relevés de notes) présentée  à l’appui de cette demande était très restreinte ». L’absence de documentation à laquelle s’ajoute le fait que la vérification effectuée par les autorités de l’immigration auprès de l’établissement Foreign Language School de l’université n’a pas confirmé si la demanderesse y était inscrite ou si elle y suivait des cours, me porte à conclure qu’il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent des visas de conclure dans les circonstances que la demanderesse ne fréquentait pas réellement un établissement d’enseignement postsecondaire.

 

Conclusion

[22]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.  

 

Certification

[23]            Les parties n’ont pas demandé la certification d’une question et il n’y a a pas lieu de certifier de question en l’espèce. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée sous le régime de l’alinéa 74d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.


 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

La cour statue que :

 

1.                    La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                    Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Robert Mainville »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1684-09

 

 

INTITULÉ :                                                   CHAN LIAN MIAO c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 18 novembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          Le juge Mainville

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   Le 17 décembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hart A. Kaminker

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ned Djordjevic

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

HART A. KAMINKER

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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