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Cour fédérale

 

 

 

Federal Court

 


Date : 20091217

Dossier : T-1161-07

Référence : 2009 CF 1285

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2009

En présence de madame la juge Snider

 

ENTRE :

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.,

SCHERING CORPORATION et

SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH

demanderesses

et

 

NOVOPHARM LIMITED

défenderesse

ET ENTRE :

 

NOVOPHARM LIMITED

demanderesse reconventionnelle

et

 

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.,

SCHERING CORPORATION et

SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH

 

défenderesses reconventionnelles

 

Dossier : T-1201-08

ENTRE :

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.,

SCHERING CORPORATION et

SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH

demanderesses

- et -

 

LABORATOIRE RIVA INC. et

PHARMASCIENCE INC.

défenderesses


ET ENTRE :

LABORATOIRE RIVA INC. et

PHARMASCIENCE INC.

demanderesses reconventionnelles

 

- et -

 

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.,

SCHERING CORPORATION et

SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH

 

défenderesses reconventionnelles

 

Dossier : T-1357-09

ENTRE :

 

APOTEX INC.

demanderesse

- et -

 

SCHERING CORPORATION,

SANOFI-AVENTIS, SANOFI-AVENTIS

DEUTSCHLAND GmBH et

SANOFI-AVENTIS CANADA INC.

 

défenderesses

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Sanofi-Aventis (Sanofi France), Sanofi-Aventis Canada Inc. (Sanofi Canada) et Sanofi-Aventis Deutschland GmbH (Sanofi Allemagne) (collectivement Sanofi) ont déposé une requête en vue de faire instruire conjointement trois actions dans un dossier commun. Dans chacune de ces trois actions, une ou plusieurs des sociétés de la famille Sanofi sont désignées à titre de défenderesses. Chacune de ces procédures nécessitera le calcul d’une indemnité conformément à l’art. 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) DORS/93-133 (Règlement AC). S’ajoute aux éléments communs le brevet canadien no 1 341 206 (le brevet 206), une revendication du médicament appelé « ramipril ».

  • [2] Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la requête en vue d’instruire conjointement ou de réunir officiellement des instances doit être rejetée. Je suis par contre disposée à ordonner que ces trois actions, bien qu’officiellement distinctes, soient gérées par le même protonotaire en gestion des instances et instruites consécutivement par le même juge.

 

I.  Les actions

 

  • [3] En résumé, les trois actions dont il est question sont les suivantes :

 

  1. T-1161-07 : Ce dossier est issu d’une action intentée contre Novopharm Limited (Novopharm) pour contrefaçon du brevet 206.Novopharm a déposé une demande reconventionnelle pour dommages, notamment, fondée sur l’art. 8 du Règlement AC. À la suite d’une entente, cette partie de la demande reconventionnelle a été suspendue jusqu’à l’issue de l’action principale. Le dossier de la Cour no T­1161-07 a été entendu en même temps que le dossier no T-161-07, dans lequel Apotex Inc. (Apotex) a été désignée à titre de défenderesse. Par décision du 29 juin 2009, les actions de Sanofi intentées contre Apotex et Novopharm ont été rejetées; voir Sanofi-Aventis Canada Inc. c. Apotex Inc., 2009 CF 676, 77 CPR (4th) 99 [Sanofi-ramipril]. Cette décision fait actuellement l’objet d’un appel.

 

  1. T-1201-08 : Sanofi a également intenté une action contre Laboratoire Riva Inc. (Riva) pour contrefaçon du même brevet 206. Riva a déposé une demande reconventionnelle pour dommages, notamment, fondée sur l’art. 8 du Règlement AC. Les parties n’ont pas donné suite à cette action, possiblement en raison de l’action au dossier no T-1161-07.

 

  1. T-1357-09 : À la suite de la publication de la décision au dossier no T-161-07 (qui a été entendu en même temps que le dossier no T-1161-07), Apotex a intenté cette action en réclamant notamment des dommages prévus à l’art. 8 du Règlement AC.

 

  • [4] Apotex soutient la présente requête et encourage la Cour à ordonner la réunion officielle des trois actions. Les autres demanderesses, soit Novopharm et Riva, s’opposent fortement à toute forme de réunion d’instances. Schering Corporation, qui est elle aussi désignée dans ces trois actions, a présenté peu d’observations à la présente requête.

 

II.  Cadre législatif

 

  • [5] La requête de Sanofi en vue de réunir ou d’instruire conjointement des instances est fondée sur le paragraphe 105(a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. En vertu du paragraphe 105(a), la Cour peut ordonner, à l’égard de deux ou plusieurs instances, qu’elles soient réunies, instruites conjointement ou successivement.

 

  • [6] Pour l’instant, la question sur la validité du brevet 206 a été résolue (sous réserve de l’appel en instance de la décision Sanofi-ramipril). Chacune des demanderesses a fait l’objet d’une procédure complexe énoncée dans le Règlement AC. Nous en sommes maintenant à l’étape du litige où l’indemnité prévue à l’article 8 doit être évaluée et fixée.

 

  • [7] Ces trois actions en vue d’obtenir réparation sont fondées sur l’article 8 du Règlement AC. En vertu de l’alinéa 8(1)b), si la demande de l’innovateur en matière d’avis de conformité (AC) est retirée, fait l’objet d’un désistement ou est rejetée par le tribunal, « la première personne est responsable envers la seconde personne de toute perte subie au cours de la période ». Le tribunal sera alors appelé à fixer pour chaque action la perte subie par Novopharm, Riva et Apotex. À ce stade, la question de savoir qui est la « première personne » a fait l’objet de nouvelles requêtes entendues par le protonotaire chargé de la gestion de l’instance; il n’est donc pas nécessaire de résoudre cette question aux fins de la présente requête.

 

III.  Analyse

 

R.  Jurisprudence et règles de droit

 

  • [8] Une ordonnance de réunion d’instances en vertu de l’article 105 des Règles des Cours fédérales doit être fondée sur un certain nombre d’objectifs de manière « à éviter la multiplication des instances et à favoriser un règlement rapide et peu coûteux des instances »; voir la décision Global Restaurant Operations of Ireland Ltd. c. Boston Pizza Royalties Limited Partnership, 2005 CF 317, 38 CPR (4th) 551 [Boston Pizza], paragraphe 11, et la décision John E. Canning Ltd. c. Tripap Inc. (1999), 167 FTR 93, 88 ACWS (3d) 543, paragraphe 27 (CF 1re inst.) [Canning]. Dans le cas d’un procès en brevet, la réunion élimine la multiplication des préparations préliminaires, ce qui comprend la production de documents, l’interrogatoire des témoins et la longueur du procès lui-même (Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1993), 69 FTR 178, 51 CPR (3d) 480, paragraphe 7 (CF 1re inst.) [Apotex-Wellcome]. Dans la décision Canning du juge Lemieux, ces objectifs contribuent à « l’intérêt général de la justice, [à] sa bonne administration et [à] l’intérêt véritable des parties » (précitée, paragraphe 26).

 

  • [9] La jurisprudence a soulevé un certain nombre de facteurs dont il peut être tenu compte au moment de décider si la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire en application de l’article 105; voir Boston Pizza, précitée, paragraphe 11; Canning, précitée, paragraphe 27; Knappett Construction Ltd. c. Canada (ministre du Travail) (1999), 87 ACWS (3d) 30, [1999] A.C.F. no 308, paragraphe 18 (C.F. 1re inst.) [Knappett]; Sivamoorthy c. Canada (Ministère de la citoyenneté et de l’immigration), 2003 CFPI 307, 121 ACWS (3d) 1125 (Sivamoorthy); Montana Band c. Canada (1999), 182 FTR 161, 93 ACWS (3d) 44 (C.F. 1re inst.) [Montana Band]. Ces facteurs comprennent la similitude des parties, des questions en litige, des faits et des réparations et le préjudice causé.

 

  • [10] Concernant le facteur de la similitude des faits et des questions de droit, le protonotaire Hargrave a conclu dans la décision Fibreco Pulp Inc. c. Star Dover (The) (1998), 145 F.T.R. 125, 78 ACWS (3d) 437 (C.F. 1re inst.) [Fibreco], que la règle portant sur la réunion des instances « n’exige pas que les causes d’actions distinctes ne soulèvent que des questions de droit ou de fait communes, mais simplement que certaines de ces questions le soient » (paragraphe 42).

 

  • [11] En matière de préjudice causé, le fait que la Cour juge que la réunion causerait un préjudice à l’une des parties joue contre la réunion des instances (Boston Pizza, précitée, paragraphe 11). Le juge Rothstein (tel était alors son titre) a conclu que c’est la partie qui sollicite la réunion d’instances qui doit prouver que la réunion ne causera ni préjudice ni injustice aux parties intimées; voir la décision Eli Lilly and Co. v. Novopharm Ltd. (1994), 55 CPR (3d) 429, 48 ACWS (3d) 31, paragraphe 6 (C.F. 1re inst.) [Eli Lilly]. Dans la décision Apotex-Wellcome, le juge Mackay constate, en accord avec la jurisprudence, que le fardeau de la preuve repose sur la partie qui présente la requête (la défenderesse le plus souvent) pour ce qui est de prouver que la poursuite des actions séparément serait un abus de procédure ou porterait atteinte à la partie présentant la requête; voir le paragraphe 15 de la décision précitée et les décisions Mon-Oil Ltd. v. Canada, (1989) 27 FTR 50, 26 CPR (3d) 379 (C.F. 1re inst.) [Mon-Oil] et Fruit of the Loom Inc. v. Chateau Lingerie Mfg. Co. Ltd. (1984), 79 CPR (2d) 274. La partie qui présente la requête doit prouver l’existence d’un préjudice et non pas seulement d’un inconvénient (Apotex-Wellcome, précitée, paragraphe 15).

 

  • [12] Le fait que les conclusions de fait soient incompatibles ne constitue pas nécessairement un préjudice. La question de la réunion d’instances a été soulevée devant la Cour dans Mon-Oil, précitée, où la partie intimée avait déposé une requête en vue de faire réunir trois actions distinctes, chacune avec un demandeur différent et la même intimée. Lorsqu’il a rejeté la requête, le juge Cullen s’est exprimé comme suit :

[traduction]
Il va de soi que, pour la défenderesse, il serait plus pratique et plus facile sur le plan administratif de réunir les instances ou de demander qu’elles soient instruites consécutivement dans un ordre déterminé. Cependant, cet aspect ne répond pas au critère de la Cour et ne lui suffit pas pour s’acquitter du lourd fardeau de la preuve. Il se peut que des conclusions de fait incompatibles surviennent, mais un avocat et un tribunal prudents peuvent réduire les risques d’une telle éventualité; quoi qu’il en soit, un tel motif ne peut suffire à justifier la réunion d’instances.

 

Ces trois actions se poursuivront à leur cadence, au gré des décisions prises par avocats des demandeurs et de la défenderesse. La réunion de ces trois actions nuirait considérablement à un demandeur, alors qu’une action est pratiquement arrivée au stade du procès, tandis qu’une autre ne fait que commencer. Ce délai pourrait vraisemblablement causer une perte importante à l’un des demandeurs advenant le pire des scénarios appréhendés.

 

  • [13] Lors de l’audience, Apotex a soutenu que la Cour d’appel avait modifié, par la décision Apotex Inc. c. Janssen Pharmaceutica Inc. et al (1997), 72 CPR (3d) 179, p. 181 (CAF) [Apotex-Janssen], le critère de la réunion d’instances énoncé dans la décision Mon-Oil. Le juge Décary s’était alors exprimé comme suit :

Nous aimerions ajouter qu’il serait préférable, par souci d’économie, que les avocats fassent entendre conjointement les demandes, actions ou appels portant sur une question de droit ou de fait commune plutôt que d’exiger une audience séparée. Le manque de collaboration des avocats sur ce point nuit à l’élaboration d’une jurisprudence cohérente et oblige la Cour d’appel à appliquer, bien qu’avec réticence, le principe stare decisis.


  • [14] Je ne suis pas d’avis que la décision Apotex-Janssen a eu l’effet que Apotex prétend. Les commentaires de la Cour d’appel ne libèrent pas la partie qui présente la requête du fardeau d’établir l’existence d’un préjudice pour elle-même et l’absence de préjudice pour la partie opposée. Tout ce que l’on peut déduire de cette décision, c’est que les parties devraient s’efforcer, lorsque c’est possible, de faire instruire conjointement les questions litigieuses. Cependant, la Cour d’appel n’a pas ordonné que les instances soient réunies lorsque cette réunion peut porter atteinte à une partie. Les commentaires émis ne changent en rien les principes de la décision Mon-Oil.

 

  • [15] Il reste un élément à examiner, soit l’article 3 des Règles des Cours fédérales. Comme cet article le prévoit, les règles, y compris l’article 105, doivent être « interprétées et appliquées de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible ». Dans le contexte d’une requête en vue de réunir des instances et de les faire instruire conjointement, il est important de garder à l’esprit la question suivante : la réunion d’instances est-elle la solution la plus efficace pour les questions en litige?

 

  • [16] En résumé, pour la présente requête, les questions suivantes sont significatives :

 

  1. Existe-t-il des parties en commun?

 

  1. Existe-t-il des questions de droit et de fait en commun?

 

  1. La réunion des instances portera-t-elle atteinte à une des parties ou lui causera-t-elle une injustice?

 

  1. La réunion des instances constitue-t-elle le recours le plus efficace pour résoudre les questions en litige?

 

  • [17] Armé de ces principes, j’examine à présent les faits de l’espèce.

 

B.  L’application de la loi aux faits

 

(1)  Similitude des parties

 

  • [18] Les trois actions impliquent des demanderesses distinctes, soit Novopharm, Riva et Apotex. Ce fait joue à l’encontre de la réunion, mais il n’a pas beaucoup de force.

 

  • [19] Les intimées sont en grande partie les mêmes pour les trois actions. Novopharm soutient que, si la réunion des instances a lieu, elle devra intenter des poursuites contre des défendeurs sans aucun lien avec sa revendication fondée sur l’article 8. Apotex a présenté des revendications fondées sur l’article 8 à l’égard de Sanofi (France), mais ce n’est pas le cas de Novopharm. Cette différence est minime et elle serait probablement gérable dans le cas d’un procès après la réunion des instances.

 

(2)  Questions de droit et de fait communes

 

  • [20] Il ne fait aucun doute que Novopharm, Riva et Apotex demandent chacune une indemnité fondée sur l’article 8 du Règlement AC. Qui plus est, chacune de ces revendications concerne le même médicament, soit le ramipril du brevet 206. Évidemment, cet aspect des choses n’aidera pas nécessairement Sanofi et Apotex dans la présente requête (visant à réunir officiellement les instances ou à les faire instruire ensemble) à moins que les fondements factuels et juridiques ne soient si étroitement liés que chaque action ne pourrait se poursuivre sans les autres.

 

  • [21] Sanofi et Apotex prétendent toutes les deux que l’ensemble du marché des produits génériques du ramipril sera le point de mire de toutes les revendications. Elles font donc valoir que la réunion des instances (ou du moins leur instruction conjointe) entraînera l’existence d’un dossier de la preuve commun et, par conséquent, la prise de décisions cohérentes.

 

  • [22] Il existera, par contre, des différences factuelles. Les revendications fondées sur l’article 8 portent précisément sur les dommages-intérêts individuels relativement à chaque « seconde personne » de médicament générique. Apotex, Riva et Novopharm devront chacun porter le fardeau de la preuve pour ce qui est de leurs pertes pendant la période de temps applicable et devront présenter leur propre situation financière à l’examen de la Cour.

 

  • [23] La Cour devra évaluer chaque revendication séparément. Même si la réunion des instances n’exige pas que les questions de fait et de droit soient absolument communes à toutes les parties concernées (voir Fibreco, précitée), je suis d’avis que les dossiers de chaque action présenteront des différences notables. Il pourrait y avoir, dans les trois actions, des éléments de preuve en commun pour ce qui est du fonctionnement du marché du ramipril. Les actions d’un fabricant de médicaments génériques qui ne participe pas à une action pourraient avoir des conséquences sur l’évaluation des dommages-intérêts dans cette action. À mon avis, ce sont des questions de preuve qui peuvent être résolues dans le contexte de chaque action, sans instruction commune ni réunion avec les deux autres instances.

 

  • [24] Tout bien pesé, je considère que ce facteur ne joue pas en faveur de la réunion des instances.

 


(3)  Le préjudice

 

  • [25] De tous les facteurs, celui du préjudice potentiel est le plus important. Il faut rappeler qu’il existe deux volets à la preuve que doit présenter la partie présentant la requête (Sanofi); celle-ci doit prouver que (a) l’instruction séparée des instances, soit le statu quo, lui porterait atteinte et (b) la réunion des instances ne doit pas porter atteinte aux parties intimées; voir Boston Pizza, précitée; Eli Lilly, précitée; Apotex-Wellcome, précitée.

 

  • [26] Extrait des observations de Sanofi :

[traduction]]
Ce qui est au cœur de ces instances, c’est la manière dont la Cour évaluera les dommages-intérêts fondés sur l’article 8 du Règlement lorsqu’il y a multiplicité de médicaments génériques. La question fondamentale portera sur la construction d’un monde hypothétique adéquat. Est-il possible d’évaluer les dommages-intérêts relatifs à un médicament générique en ne tenant aucunement compte des activités des autres médicaments génériques? Subsidiairement, la Cour doit-elle construire un seul monde hypothétique pour adjuger les dommages-intérêts?

 

  • [27] Selon Sanofi, si les instances sont instruites séparément, il existe une possibilité que des conclusions contradictoires ou incompatibles soient tirées lors du calcul des parts de marché hypothétiques. Apotex appuie cette position de Sanofi et ajoute qu’elle subira un préjudice si elle ne peut avoir accès aux interrogatoires préalables de tous les témoins.

 

  • [28] Ni Sanofi ni Apotex ne m’ont convaincu que la poursuite de procès distincts leur porterait atteinte. Je mentionne tout d’abord que la nécessité du calcul des parts de marché hypothétiques, telle que le perçoit Sanofi, est fortement contestée par Novopharm. À ce stade, Sanofi et Apotex ont une opinion sur la façon de fixer les dommages-intérêts, laquelle n’est pas acceptée par la partie portant le fardeau de prouver le montant de ses dommages-intérêts. Si Novopharm a raison, il ne serait pas nécessaire d’établir la part de marché de chaque médicament générique dans un marché hypothétique et la réunion des instances ne porterait pas atteinte à Sanofi. Même si Sanofi et Apotex ont raison, il est possible de donner suite au procès de Novopharm, alors même que Sanofi présente les éléments de preuve d’un marché hypothétique qui lui paraissent nécessaires pour contrer les revendications de Novopharm. Dans l’action qu’elle a intentée, Apotex peut faire valoir ses revendications de la façon dont elle le veut et, encore une fois, Sanofi peut présenter une défense. Dans chacune des trois actions, Sanofi peut obtenir des éléments de preuve provenant des autres médicaments génériques au moyen d’assignations à comparaître. Apotex peut faire de même dans l’action qu’elle intente.

 

  • [29] À mon avis, c’est Novopharm et Riva qui subiraient un préjudice advenant la réunion des instances, et ces problèmes l’emportent sur ceux d’une instruction non conjointe.

 

  • [30] Je conclus également que Sanofi ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que Riva, tout particulièrement, ne subirait aucun préjudice de cette réunion des instances. Riva a fait valoir lors des observations orales que la réunion des instances ne contribuerait pas à accélérer sa revendication fondée sur l’article 8 et que le prix qu’elle devrait payer serait très lourd pour une petite société de médicaments génériques. Je souscris à cet argument. Ni Sanofi ni Apotex n’ont tenu compte du préjudice qui serait causé à Riva. Comme nous l’apprend la jurisprudence dans Mon-Oil, Boston Pizza et Eli Lilly, c’est à Sanofi, la partie qui présente la requête, de prouver qu’elle subirait un préjudice sans réunion d’instances ou instruction conjointe et que les autres parties ne subiraient ni injustice ni préjudice. Sanofi est loin de s’est acquittée du fardeau de la preuve.

 

(4)  Efficacité

 

  • [31] Je ne doute pas que la réunion d’instances ou un autre acte de procédure conjoint puisse globalement offrir des gains en efficience quant au déroulement d’une action. Les questions de validité et de contrefaçon dans l’affaire Sanofi-ramipril en sont un bon exemple. Cependant, je ne crois pas que ce soit le cas en l’espèce. Je crains que la réunion des instances ou l’instruction conjointe n’entraînent non pas un regain d’efficacité, mais bien un état se rapprochant de la paralysie des procédures.

 

  • [32] Sanofi et Apotex soutiennent toutes deux que le fait que des juges différents examinent le contexte similaire des trois revendications fondées sur l’article 8 irait à l’encontre des principes de commodité et de conservation des ressources de la cour. Je ne m’oppose pas à cette conclusion. Cependant, la tenue d’un procès après la réunion des instances vient hausser le niveau de complexité qui, lui, tend à dissoudre les avantages potentiels de ce genre de procédure.

 

  • [33] En présence d’au moins quatre parties dont les intérêts peuvent diverger, il sera indéniablement difficile de gérer chacune des étapes des procédures. En phase préliminaire, nous assisterons à une multiplication des requêtes pour lesquelles quatre équipes d’avocats devront présenter leurs prétentions. Comme les actions intentées en vue d’obtenir des dommages-intérêts contiennent des renseignements financiers, il est probable que des luttes acharnées surviennent au sujet du respect de la confidentialité. La conférence de gestion de l’instruction exigera, même pour les questions très simples, la coordination non pas de deux parties, mais bien de toutes les parties. Les questions relatives aux interrogatoires préalables exigeront une résolution de la part de toutes les parties, ce qui se traduira presque certainement par de nombreux déplacements pour le juge ou le protonotaire chargé de la gestion de l’instance. Lors d’un procès après réunion des instances ou à instruction conjointe, le nombre d’ensembles de témoins et d’experts pourrait s’élever à quatre. Les questions de recevabilité et de confidentialité seront complexes. Enfin, il existe la possibilité qu’une autre société de médicaments génériques intente une revendication fondée sur l’article 8 relativement au ramipril.

 

  • [34] Sanofi et Apotex sont toutes deux préoccupées par la possibilité de conclusions incompatibles dans les trois affaires. Ce problème potentiel peut être géré de manière efficace en faisant instruire les affaires séparément, mais consécutivement par un même juge. De plus, je vois des avantages considérables à la gestion des trois affaires par le même juge ou protonotaire chargé de la gestion de l’instance. Même si je rejette la requête telle qu’elle est présentée par Sanofi et Apotex, je suis disposé à exercer mon pouvoir discrétionnaire pour ordonner que les mesures que j’ai énoncées soient prises.

 

C.  Transcription des interrogatoires préalables conjoints 

 

  • [35] Sanofi demande à la Cour d’ordonner que la transcription des interrogatoires préalables des trois actions soit intégralement mise à la disposition de chacune des parties aux actions. Apotex va même plus loin, et demande que les interrogatoires préalables soient conjoints, même si les dossiers ne sont pas réunis. Je ne vois aucun avantage à cela.

 

IV.  Conclusion

 

  • [36] En conclusion, je ne suis pas disposé à accueillir la requête qui vise à réunir intégralement les instances (demande d’Apotex) ou à instruire celles-ci conjointement (demande de Sanofi). Cependant, je vois tout le bien-fondé de faire instruire les instances l’une après l’autre par le même juge. De plus, la gestion conjointe des trois instances serait un élément essentiel de l’efficacité globale des procès. De cette façon, les avantages d’une réunion des instances seraient présents, sans les risques susmentionnés.

 

  • [37] Il demeure toutefois un problème, soulevé par Novopharm. Novopharm affirme qu’elle serait prête à procéder à l’instruction et sollicite la tenue du procès en septembre 2010. Elle soutient également qu’il lui serait préjudiciable d’attendre que les deux autres actions en arrivent au même point. Il est vrai que l’action de Novopharm a de l’avance sur les deux autres sur le plan des procédures. Il n’est pas certain que les deux autres demanderesses (Riva et Apotex) soient prêtes pour la tenue d’un procès en septembre 2010. Cependant, ce problème potentiel n’en est pas un, car il est peu probable que la Cour soit en mesure de procéder à un procès de trois semaines avant le début de 2011. Par conséquent, les parties aux deux autres actions auront suffisamment de temps pour se préparer à leurs propres procès, qui auront lieu après celui de Novopharm.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

 

  1. Conformément au paragraphe 105(a) des Règles des Cours fédérales, les dossiers T-1161-07, T­1201­08 et T-1357-09 sont attribués à un seul juge qui les instruira consécutivement.

 

  1. La requête de Sanofi est par ailleurs rejetée; Novopharm et à Riva recevront chacune des dépens de 2 000 $.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIERS :  T-1161-07; T-1201-08; T-1357-09

 

INTITULÉ :  SANOFI-AVENTIS CANADA et al. c. NOVOPHARM (dossier T-1161-07)

  SANOFI-AVENTIS CANADA et al. c.

  LABORATOIRE RIVA et PHARMASCIENCE INC.

  (dossier T-1201-08)

  APOTEX INC. c. SANOFI-AVENTIS CANADA et al.

  (dossier T-1357-09)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 30 NOVEMBRE 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :  LE 17 DÉCEMBRE 2009

 

COMPARUTIONS :

 

GUNARS A. GAIKIS

ANDREW MANDLSOHN

TIMOTHY O. STEVENSON

 

POUR LES DEMANDERESSES/DÉFENDERESSES

RECONVENTIONNELLES (SANOFI)

(dossiers T-1161-07 et T-1201-08)

POUR LES DÉFENDERESSES

(SANOFI – dossier T-1357-09)

 

ANTHONY G. CREBER

POUR LA DEMANDERESSE/DÉFENDERESSE

RECONVENTIONNELLE (SCHERING)

(dossiers T-1161-07 et T-1201-08)

POUR LA DÉFENDERESSE (dossier T-1357-09)

 

JONATHAN STAINSBY

KEYA DASGUPTA

 

POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE

RECONVENTIONNELLE (NOVOPHARM)

(dossier T-1161-07)

 

DONALD M. MACODRUM

ROSAMARIA LONGO

POUR LES DÉFENDERESSES/DEMANDERESSES

RECONVENTIONNELLES (dossier T-1201-08)

(LABORATOIRE RIVA et PHARMASCIENCE)

 

NANDO DE LUCA

JERRY TOPOLSKI

POUR LA DÉFENDERESSE (dossier T-1357-09)

(APOTEX)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SMART AND BIGGAR

TORONTO (ONTARIO)

 

POUR LES DEMANDERESSES/DÉFENDERESSES

RECONVENTIONNELLES (SANOFI)

(dossiers T-1161-07 et T-1201-08)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

(SANOFI – dossier T-1357-09)

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON S.E.N.C.R.L., s.r.l.

OTTAWA (ONTARIO)

POUR LA DEMANDERESSE/DÉFENDERESSE

RECONVENTIONNELLE (SCHERING)

(dossiers T-1161-07 et T-1201-08)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(dossier T-1357-09)

 

HEENAN BLAIKIE S.E.N.C.R.L.

TORONTO (ONTARIO)

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE

RECONVENTIONNELLE (NOVOPHARM)

(dossier T-1161-07)

LANG MICHENER LLP

TORONTO (ONTARIO)

POUR LES DÉFENDERESSES/DEMANDERESSES

RECONVENTIONNELLES (dossier T-1201-08)

(LABORATOIRE RIVA et PHARMASCIENCE)

 

GOODMANS LLP

POUR LA DÉFENDERESSE (dossier T-1357-09)

(APOTEX)

 

 

 

 

 

 

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