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Federal Court

 

Cour fédérale

 


Date : 20091112

Dossiers : T-470-08

T-939-08

                                                                                                                Référence : 2009 CF 1155

Toronto (Ontario), le 12 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

TEVA NEUROSCIENCE G.P.-S.E.N.C.

demanderesse

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les présentes instances réunies concernent deux demandes de contrôle judiciaire introduites par Teva Neuroscience G.P.-S.E.N.C. concernant des décisions par lesquelles le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés a estimé, dans sa première décision, que Teva avait vendu son médicament, le Copaxone, à un prix excessif et, dans sa seconde décision, que Teva devait remettre à Sa Majesté la somme de 2 417 223,29 $ par suite de cette décision. Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il y a lieu de faire droit aux demandes de contrôle judiciaire et de renvoyer les décisions au Conseil pour qu’il rende une nouvelle décision.

[2]               Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (le Conseil) a été constitué en 1987 et a été prorogé en 1993 en vertu des dispositions de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, modifiée en 1993 et 1996, plus particulièrement celles des articles 79 à 103. Ses attributions sont nombreuses. Il est notamment chargé de contrôler le prix des « médicaments » protégés par un « brevet », de faire rapport de ces prix au Parlement et — pouvoir important dans le cas des demandes en l’espèce — de déterminer si le prix demandé pour ces médicaments est « excessif », auquel cas il peut accorder diverses réparations.

 

[3]               La demanderesse Teva Neuroscience G.P.-S.E.N.C. (Teva) distribue au Canada, sous le nom de Copaxone, un médicament utile pour le traitement de la sclérose en plaques. Le médicament a d’abord été introduit sous forme de fiole, pour être ensuite offert sous forme de seringue préremplie. C’est le médicament vendu sous forme de seringue qui nous intéresse particulièrement dans la présente instance. Les parties s’entendent pour dire que le Copaxone vendu sous cette forme est un « médicament » au sens des dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets et que ce médicament est « breveté » au sens des dispositions en question. Il s’agit en l’occurrence du brevet canadien 2,191,088 dont la demande a été déposée au Canada le 23 mai 1995 et qui a été octroyé et délivré le 28 septembre 2004. Les parties s’entendent pour dire, pour les besoins des décisions du Conseil et de l’examen de la question par la Cour, que le Copaxone fait partie de la même catégorie thérapeutique (au sens du paragraphe 85(1) de la Loi sur les brevets) que les médicaments distribués par d’autres concurrents sur le marché canadien, à savoir le Betaseron, l’Avonex et deux versions du Rebif.

 

[4]               Lorsque Teva a lancé le Copaxone au Canada en 1997, ce médicament se présentait sous forme de fiole. Il existait alors un seul médicament concurrent sur le marché, le Betaseron. Teva s’est adressé au Conseil pour obtenir une opinion préliminaire au sujet de la catégorisation de son médicament et de la fixation de son prix. Comme Teva n’avait à l’époque qu’une seule demande de brevet en instance, le Conseil a estimé qu’il n’avait pas encore compétence pour se prononcer sur ces questions. Le Conseil s’est néanmoins dit d’avis que, comme le prix du Copaxone était moins élevé que celui du Betaseron (36 $ par jour pour le Copaxone par opposition à 44,51 $ par jour pour le Betaseron), le prix demandé pour le Copaxone n’était, selon toute vraisemblance, pas excessif. Il importe de signaler que le prix du Betaseron avait déjà été approuvé par le Conseil, qui avait estimé qu’il n’était pas excessif.

 

[5]               Entre 1997 et 2002, Teva a apporté plusieurs changements au Copaxone, notamment en commençant à l’offrir sous forme de seringue, pour laquelle Santé Canada lui a délivré un avis de conformité distinct le 20 mars 2002. Le Copaxone a été lancé sur le marché canadien sous forme de seringue le 15 mai 2002. Le brevet 2,191,088 a été délivré le 28 septembre 2004. Dans sa décision du 28 février 2008, le Conseil affirme à tort, au paragraphe 6, que le brevet visait la seringue, alors qu’en fait, il visait le composé médicinal lui-même. Cette erreur ne tire toutefois pas à conséquence, étant donné que les parties ne contestent pas que le brevet suffisait pour assujettir le Copaxone à la compétence du Conseil.

 

[6]               Une fois le brevet délivré, le Conseil a demandé à Teva de produire des renseignements sur le prix du Copaxone, tant sous forme de fiole (la forme sous laquelle le médicament se présentait auparavant) que sous forme de seringue. Il importe de signaler qu’à l’époque, le Conseil était d’avis qu’il ne pouvait réclamer de tels renseignements qu’une fois que le brevet pertinent avait été délivré. Toutefois, depuis le jugement qu’elle a rendu en 2007 dans l’affaire Shire Biochem Inc. c. Canada (Procureur général), 2007 CF 1316, 63 C.P.R. (4th) 342, notre Cour a jugé que cette demande pouvait être formulée plus tôt, dès que le brevet est soumis à l’inspection du public.

 

[7]               Quelques mois avant que le brevet ne soit délivré, c’est-à-dire le 27 juillet 2004 ou vers cette date, Teva a mis en application une augmentation de prix de 20 % du prix du Copaxone vendu sous forme de seringue, dont le prix est passé de 36 $ à 43,20 $ par jour. Malgré le fait que ce prix était toujours le plus bas demandé pour les médicaments de la même catégorie, le Conseil a prévenu Teva que cette hausse de prix pouvait être jugée excessive. Une fois le brevet délivré, des pourparlers ont été engagés pour de bon entre Teva et le Conseil. Rien n’a été réglé. Le Conseil a publié un avis d’audience le 8 mai 2006, des éléments de preuve ont été soumis, des arguments ont été formulés et une audience a eu lieu, à la suite de quoi le Conseil a rendu les deux décisions qui font l’objet des présentes demandes de contrôle judiciaire réunies.

 

[8]               Dans sa première décision datée du 25 février 2008, le Conseil a estimé que le Copaxone avait été vendu à un prix excessif à compter du 1er juillet 2004 et que les seules augmentations de prix autorisées étaient celles qui tenaient compte des variations de l’indice des prix à la consommation (l’IPC), conformément aux Lignes directrices du Conseil. Le Conseil a proposé dans sa décision une formule de calcul des augmentations permises. Le Conseil a recommandé que des négociations aient lieu au sujet du montant des recettes excessives que Teva devait payer à Sa Majesté par suite de la conclusion du Conseil que le prix du médicament était excessif. Le Conseil a également estimé que Teva ne s’était pas livrée à une politique de vente du médicament à un prix excessif, de sorte qu’aucune ordonnance n’a été rendue en vertu du paragraphe 83(4) de la Loi sur les brevets à cet égard. Cette dernière conclusion n’est pas attaquée en l’espèce.

 

[9]               La seconde décision du Conseil, qui est datée du 12 mai 2008, découle de la première décision, puisqu’aucune entente n’était intervenue. Dans cette seconde décision, le Conseil a fixé à 2 417 223,29 $ le montant que Teva devait payer à Sa Majesté.

 

[10]           Teva demande le contrôle judiciaire de ces deux décisions.

 

Questions à trancher

 

[11]           Encore que Teva affirme simplement que la question à trancher est celle de savoir si ces décisions devraient être confirmées ou annulées, plusieurs questions ont été soulevées à ce propos. J’ai décidé de les aborder dans l’ordre suivant :

·                    Question 1 – La décision portant que le prix demandé pour le Copaxone était « excessif » était-elle déraisonnable?

·                    Question 2 – Le Conseil a-t-il motivé suffisamment sa décision?

·                    Question 3 - Le Conseil était-il compétent pour rendre l’ordonnance qu’il a prononcée en vertu de l’article 83?

·                    Question 4 - Le Conseil était-il compétent pour condamner Teva au paiement de la somme qu’il lui a enjoint de payer?


[12]           Avant d’examiner directement ces questions, je vais retracer l’origine et la nature du Conseil dans le contexte de la présente instance, examiner la norme de contrôle applicable, étudier les Lignes directrices du Conseil, faire un exposé chronologique des faits, analyser les décisions du Conseil et exposer la thèse défendue par les avocats de chacune des parties. Je tiens à remercier les avocats pour la façon claire et directe avec laquelle ils ont exposé leur cause et pour l’aide qu’ils ont fournie en répondant aux questions de la Cour pendant tout le déroulement de l’audience.

 

Origine et nature du Conseil

 

[13]           Aux termes du paragraphe 91(22) de la Loi constitutionnelle de 1867, « les brevets d'invention et de découverte » relèvent de la compétence du Parlement du Canada. La Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P.5, qui a été édictée à cet égard, confère le droit de se voir délivrer un brevet à toute personne qui réalise une invention visant une réalisation, un procédé, une machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité. La Loi prévoit par ailleurs que certaines choses ne sont pas brevetables; ainsi, suivant le paragraphe 27(8), il ne peut être octroyé de brevet pour de simples principes scientifiques ou conceptions théoriques. Les tribunaux ont par ailleurs interprété la Loi en déclarant la non-brevetabilité des créatures vivantes, telles que les souris (Harvard College c. Canada (Commissaire aux brevets), [2004] 4 R.C.S. 45).

 


[14]           Pendant très longtemps, les médicaments étaient exclus du champ d’application de la Loi sur les brevets, de sorte qu’aucun brevet ne pouvait être octroyé pour un « médicament ». Les avocats spécialisés en brevets ont trouvé une façon astucieuse de surmonter en partie cette difficulté en élaborant ce qu’on a appelé des « revendications suisses ». La législation canadienne sur les brevets a peu à peu été modifiée de manière à permettre graduellement la présentation de revendications portant sur des compositions « dépendant d'un procédé de fabrication » puis, finalement, la présentation de revendications portant directement sur des médicaments. Les médicaments faisaient cependant toujours l’objet d’un traitement spécial dans la législation sur les brevets. Jusqu’en 1993, le commissaire aux brevets (et non le titulaire du brevet) pouvait accorder à des tiers qui souhaitaient fabriquer, utiliser ou vendre des médicaments brevetés au Canada, des licences obligatoires pour des brevets visant des médicaments. Cette licence était accordée presque systématiquement à quiconque en faisant la demande. Ainsi, à la différence du brevet visant, par exemple, une grande roue, les brevets portant sur des médicaments faisaient l’objet de restrictions spéciales.

 

[15]           En 1993, la Loi sur les brevets a été modifiée en profondeur. Les licences obligatoires ont été abolies et le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 a été pris en application de la Loi. Toutefois, avant cette date, au cours de la période d’existence des licences obligatoires, le Parlement a créé, en 1987, le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, à qui il a confié le mandat de contrôler et de réglementer le prix des médicaments brevetés vendus au Canada et de faire rapport sur la question.

 

[16]           Le paragraphe 83(1) de la Loi sur les brevets permet au Conseil de conclure qu’un médicament breveté est vendu au Canada « à un prix qu’il juge être excessif ».

Prix Excessifs

 

Ordonnance relative aux prix excessifs

83. (1) Lorsqu’il estime que le breveté vend sur un marché canadien le médicament à un prix qu’il juge être excessif, le Conseil peut, par ordonnance, lui enjoindre de baisser le prix de vente maximal du médicament dans ce marché au niveau précisé dans l’ordonnance et de façon qu’il ne puisse pas être excessif.

 

Excessive Prices

 

Order re excessive prices

83.(1) Where the Board finds that a patentee of an invention pertaining to a medicine is selling the medicine in any market in Canada at a price that, in the Board’s opinion, is excessive, the Board may, by order, direct the patentee to cause the maximum price at which the patentee sells the medicine in that market to be reduced to such level as the Board considers not to be excessive and as is specified in the order.

 

 

[17]           Le paragraphe 83(3) énumère les mesures que le Conseil peut prendre lorsqu’il conclut qu’un prix est « excessif », notamment en ordonnant le paiement d’un montant précis à Sa Majesté :

Idem

(3) Sous réserve du paragraphe (4), lorsqu’il estime que l’ancien breveté a vendu, alors qu’il était titulaire du brevet, le médicament à un prix qu’il juge avoir été excessif, le Conseil peut, par ordonnance, lui enjoindre de prendre l’une ou plusieurs des mesures suivantes pour compenser, selon lui, l’excédent qu’aurait procuré à l’ancien breveté la vente du médicament au prix excessif :

 

 

 

 

 

a) baisser, dans un marché canadien, le prix de vente de tout autre médicament lié à une invention dont il est titulaire du brevet dans la mesure et pour la période prévue par l’ordonnance;

 

b) payer à Sa Majesté du chef du Canada le montant précisé dans l’ordonnance.

 

Idem

(3) Subject to subsection (4), where the Board finds that a former patentee of an invention pertaining to a medicine had, while a patentee, sold the medicine in any market in Canada at a price that, in the Board’s opinion, was excessive, the Board may, by order, direct the former patentee to do any one or more of the following things as will, in the Board’s opinion, offset the amount of the excess revenues estimated by it to have been derived by the former patentee from the sale of the medicine at an excessive price:

 

(a) reduce the price at which the former patentee sells a medicine to which a patented invention of the former patentee pertains in any market in Canada, to such extent and for such period as is specified in the order; or

 

(b) pay to Her Majesty in right of Canada an amount specified in the order.

 

 

 

 

Norme de contrôle

 

[18]           Les parties s’entendent pour dire, s’agissant de savoir si le Conseil a respecté les limites de sa compétence que lui reconnaît la Constitution, que la norme à appliquer est celle de la décision correcte, sinon la norme à appliquer est celle de la décision raisonnable, ainsi que la Cour suprême l’a expliqué dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, en particulier au paragraphe 47, qui exige que la Cour vérifie si la décision à l’examen est justifiée, transparente et intelligible et si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

[19]           Ainsi qu’il est précisé au paragraphe 58 de ce même arrêt, la norme de la décision correcte s’applique aux questions constitutionnelles touchant au partage des pouvoirs :

À titre d’exemple, il a été établi que la norme de contrôle applicable aux questions touchant au partage des compétences entre le Parlement et les provinces dans la Loi constitutionnelle de 1867 est celle de la décision correcte : Westcoast Energy Inc. c. Canada (Office national de l’énergie), [1998] 1 R.C.S. 322. Il ne pouvait en aller autrement pour ces questions et celles touchant par ailleurs à la Constitution à cause du rôle unique des cours de justice visées à l’art. 96 en tant qu’interprètes de la Constitution (Nouvelle‑Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504, 2003 CSC 54; Mullan, Administrative Law, p. 60).

 

 

[20]           S’il est vrai que la retenue s’impose envers l’auteur dont la décision fait l’objet d’un contrôle judiciaire, cette décision doit être annulée lorsqu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier. Ainsi que la Cour suprême l’écrit, au paragraphe 72 de l’arrêt Dunsmuir :

Même si la retenue s’impose en l’espèce, nous ne pouvons conclure que, considérée dans son ensemble, la décision relative à la question préalable était raisonnable. En effet, le raisonnement de l’arbitre était foncièrement défectueux; il s’appuyait et débouchait sur une interprétation de la loi qui ne faisait pas partie des lectures acceptables.

 


Les Lignes directrices du Conseil

 

[21]           Le Conseil a élaboré, vraisemblablement en collaboration avec les intervenants intéressés, des Lignes directrices détaillées en publiant, pour la première fois en 1994, un Compendium des politiques, des Lignes directrices et procédures. Ces Lignes directrices sont périodiquement révisées. On m’a soumis la version d’octobre 2003, qui serait la version applicable pour l’examen des décisions rendues par le Conseil en l’espèce. Le paragraphe 96(4) de la Loi sur les brevets prévoit que le Conseil peut formuler de telles directives tout en précisant bien qu’elles n’ont aucun caractère obligatoire :

Directives

 

(4) Sous réserve du paragraphe (5), le Conseil peut formuler des directives — sans que lui ou les brevetés ne soient liés par celles-ci — sur toutes questions relevant de sa compétence.

Guidelines

 

(4) Subject to subsection (5), the Board may issue guidelines with respect to any matter within its jurisdiction but such guidelines are not binding on the Board or any patentee.

 

 

 

[22]           Par ailleurs, le paragraphe 96(6) de la Loi sur les brevets prévoit que la Loi sur les textes réglementaires ne s’applique pas aux directives en question.

Non-application de la Loi sur les textes réglementaires

(6) La Loi sur les textes réglementaires ne s’applique pas à ces directives.

1993, ch. 2, art. 7.

 

Non-application of Statutory Instruments Act

(6) The Statutory Instruments Act does not apply to guidelines issued under subsection (4).

1993, c. 2, s. 7.

 

[23]           Voici les explications que l’on trouve au sujet des Lignes directrices dans l’Introduction du Compendium :

Introduction

 

Le présent Compendium réunit dans un même document les lignes directrices, les politiques et les procédures que le Conseil d´examen du prix des médicaments brevetés a publiées dans les numéros 1 à 19 de son Bulletin. Le Compendium est constitué des trois chapitres suivants :

·         Lignes directrices sur les prix excessifs

·         Politique de conformité et d´application

·         Procédures d´examen scientifique.

L´un des principaux objectifs du CEPMB est de bien renseigner les brevetés sur les politiques, les procédures et les Lignes directrices que les membres de son personnel appliquent lorsqu´ils font l´examen du prix d´un médicament breveté aux fins de déterminer si le prix est ou non excessif. Le présent Compendium se veut un outil pour bien informer les brevetés et pour faciliter la conformité des prix de leurs médicaments brevetés. En cas de divergence avec les directives publiées dans les numéros 1 à 19 du Bulletin, le présent Compendium doit avoir préséance.

 

[24]           L’objet des Lignes directrices est énoncé à la section 1 du chapitre 1. Il est précisé, à la section 1.3, que les Lignes directrices ne sont ni immuables ni obligatoires :

1. Objet

 

1.1       Le paragraphe 85(1) de la Loi énumère les facteurs dont le Conseil doit tenir compte lorsqu´il est appelé dans le cadre d´une audience publique à déterminer si le prix du médicament sous examen est ou a été excessif. Ces facteurs sont les suivants :

·         le prix de vente du médicament sur un tel marché

·         le prix de vente de médicaments de la même catégorie thérapeutique sur un tel marché

·         le prix de vente du médicament et d´autres médicaments de la même catégorie thérapeutique à l´étranger

·         les variations de l´indice des prix à la consommation

·         tous les autres facteurs mentionnés dans le règlement d´application.

1.2       Si, après avoir considéré les facteurs susmentionnés, le Conseil n´est pas en mesure de déterminer si le prix de vente du médicament sous examen est ou non excessif, il peut alors évaluer les coûts de réalisation et de mise en marché du médicament ainsi que d´autres facteurs mentionnés dans le règlement d´application ou que le Conseil peut juger pertinents.

1.3       Le Conseil émet les Lignes directrices sur les prix excessifs en vertu de l´article 96 de la Loi. Elles ne se veulent pas un ensemble immuable de règles et, d´ailleurs, le Conseil et les brevetés n´y sont pas strictement assujettis. Les Lignes directrices ont pour objet de fournir aux brevetés les paramètres et l´information dont ils ont besoin pour fixer les prix de leurs médicaments à des niveaux que le personnel du Conseil ne devrait pas juger excessifs.

 

 

[25]           Le juge Rothstein (alors juge à notre Cour) écrit ce qui suit, au sujet des Lignes directrices, au paragraphe 6 de la décision ICN Pharmaceuticals, Inc. c. Canada (Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés), (1996), 69 C.P.R. (3d) 129, [1996] A.C.F. no 1112,:

6.         Les requérantes prétendent que le Conseil ne pouvait tenir compte de ses lignes directrices sous le régime du paragraphe 85(1) puisque ces dernières ne font pas partie des facteurs qui y sont énumérés. Or, ces facteurs ne sont pas autant de concepts abstraits applicables en vase clos. Le Conseil est manifestement requis de tenir compte des facteurs prévus au paragraphe 85(1) en fonction d'un certain raisonnement ou d'une certaine approche ou méthodologie qui peut être élaboré pour chaque cas d'espèce ou découler des lignes directrices du Conseil. Que le Conseil se soit appuyé sur ses lignes directrices pour élaborer son raisonnement, son approche ou sa méthodologie n'a pas eu pour effet de l'entraîner au-delà de la portée du paragraphe 85(1).


Le juge Rothstein ajoute, à la note infrapaginale 2, insérée à la fin du paragraphe 6 :

2 S'il s'était considéré comme lié par ses lignes directrices, le Conseil aurait bien pu avoir commis une erreur. En effet, le paragraphe 96(4) de la Loi sur les brevets édicte que le Conseil peut formuler des directives, sans qu'il soit lié par celles-ci.

 

 

[26]           Parmi les nombreuses questions traitées dans les Lignes directrices, il y a lieu de mentionner la méthode employée par le Conseil pour déterminer si le prix d’un médicament est « excessif ». Plusieurs critères sont énumérés au paragraphe 6.

            6. Tests permettant de vérifier si le prix du médicament est ou non excessif

6.1       En consultation avec les parties intéressées, le CEPMB a élaboré différents tests permettant de vérifier si le prix d´un médicament est ou non excessif ou, autrement dit, conforme aux Lignes directrices.

6.2       Le test de la relation raisonnable analyse la relation entre la concentration et le prix d´un médicament présenté dans une même forme posologique ou dans une forme posologique comparable. Vous trouverez une description de ce test dans l´appendice 1 du présent document.

6.3       Le test de la comparaison selon la catégorie thérapeutique compare le prix du DIN sous examen aux prix des DIN équivalents d´un point de vue clinique vendus sur les mêmes marchés à des prix que le Conseil a jugé non excessifs. Vous trouverez une description de ce test dans l´appendice 2 du présent document.

6.4       Le test de la comparaison des prix du médicament pratiqués dans les pays de comparaison compare le prix de transaction moyen du DIN sous examen avec ses prix départ-usine accessibles au public dans les pays de comparaison nommés dans le Règlement. Vous trouverez une description de ce test dans l´appendice 3 du présent document.

6.5       Le taux de variation de l´Indice des prix à la consommation (IPC) sur une période donnée est également utilisé pour comparer le prix de transaction moyen d´un produit médicamenteux avec son prix rajusté pour tenir compte des variations de l´IPC. Vous trouverez dans l´appendice 4 une description de la façon dont est rajusté le prix pour tenir compte des variations de l´IPC.

6.6       Vous trouverez dans les articles qui suivent des explications sur la façon dont ces différents tests sont appliqués aux fins de l´examen du prix moyen d´un médicament.

 

 

[27]           Il importe de signaler que, dans ses Lignes directrices, le Conseil a prévu deux situations dans lesquelles, indépendamment de toutes les autres circonstances, il présume que le prix est excessif. La première situation est évoquée à la section 7.1 des Lignes directrices, où il est précisé que le prix demandé au Canada est considéré excessif s’il est plus élevé que celui exigé dans les différents pays (en anglais : « all other countries listed ») nommés dans le Règlement (la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis), ce qui n’est pas le cas en l’espèce :

7.1       Le prix d´un produit médicamenteux nouveau ou existant sera considéré excessif s´il est plus élevé que les prix auxquels il est vendu dans les différents pays de comparaison nommés dans le Règlement. La conformité du prix sera vérifiée à l´aide d´une comparaison des prix pratiqués dans les pays de comparaison. Vous trouverez dans l´appendice 3 une description de ce test.

 

 

[28]           La seconde est énoncée à la section 9.1, qui prévoit que le prix est jugé excessif s’il est plus élevé que le « prix de référence » d’un montant supérieur aux variations de l´indice des prix à la consommation enregistrées pendant la « période de prix » à l’examen.

9.1       Outre la directive formulée dans la section 7, laquelle vise tous les produits médicamenteux brevetés, le prix d´un DIN existant sera jugé excessif s´il est plus élevé que le prix de référence du DIN rajusté pour tenir compte des variations de l´indice des prix à la consommation (IPC) enregistrées entre la période de lancement pour laquelle a été calculé le prix de référence et la période de prix sous examen (prix rajusté pour tenir compte des variations de l´IPC). Vous trouverez dans l´Appendice 4 des définitions et des exemples de la façon dont est appliquée la méthodologie de rajustement du prix de référence pour tenir compte des variations de l´IPC.

 

 

[29]           Les Lignes directrices prévoient donc qu’une présomption s’applique si l’augmentation d’un prix qui dépasse ce qui est considéré comme un prix de référence excède les variations de l´indice des prix à la consommation enregistrées au cours d’une période qualifiée de « période de prix ».

 

[30]           Lorsqu’on examine la nature et l’effet des Lignes directrices en question, il est important de commencer par les paragraphes 96(4) et (6) de la Loi sur les brevets, qui prévoient dans les termes les plus nets que les Lignes directrices n’ont aucun caractère obligatoire, une précision qui est reprise à la section 1.3 des Lignes directrices elles-mêmes. Les Lignes directrices constituent ce que la professeure Sullivan appelle des [traduction] « règles non contraignantes » dans son ouvrage « Sullivan on the Construction of Statutes », 5e éd., Lexis Nexis, 2008, aux pages 621 à 630. Elle cite un arrêt de la Cour d’appel fédérale, Canada c. Thamotharem, [2007] A.C.F. no 734, dans lequel le juge Evans écrit, au paragraphe 56 :

 

56        Le recours à ces instruments législatifs non contraignants donne à un organisme la possibilité de faire connaître à ses membres et à son personnel, de même qu’au public en général et aux « parties intéressées » en particulier, la position qu’il pense adopter relativement à une question. Ces instruments non contraignants pouvant être mis en place assez facilement, puis modifiés à la lumière de l’expérience acquise graduellement, ils peuvent être préférables à l’adoption de règles formelles qui nécessitent une autorisation externe et qui peuvent exiger une rédaction adaptée à un texte de nature législative. En effet, un organisme administratif peut, sans disposer d’une autorisation législative expresse, donner des directives et définir des politiques visant à structurer l’exercice de son pouvoir discrétionnaire ou l’interprétation de sa loi habilitante : Ainsley Financial Corp. c. Ontario (Securities Commission) (1994), 21 D.L..R. (4th) 104 (C.A. Ont.), à la page 83 (Ainsley).

 

[31]           Expliquant qu’on doit faire preuve de prudence lorsqu’on a affaire à ce genre de lignes directrices, la professeure Sullivan cite les paragraphes 8, 9 et 10 de l’arrêt Miller, McClelland Ltd. v. Barrhead Savings & Credit Union Ltd., [1995] A.J. no 167, de la Cour d’appel de l’Alberta :

[traduction]

8          Suivant le Manuel d’information publié par le Procureur général, il faut utiliser le nom qui figure dans le certificat de naissance lorsqu’on enregistre des valeurs mobilières. Toutefois, nous sommes certes d’accord pour dire que les documents administratifs sont utiles pour interpréter l’intention du législateur, mais il nous faut reconnaître qu’on ne saurait considérer qu’ils imposent des conditions obligatoires qui débordent le cadre de la loi elle-même.

 

9          Le Manuel n’a pas été enregistré sous forme de Règlement et n’a pas été publié dans la Gazette de l’Alberta. La présomption d’avis et de connaissance ne s’applique pas.

 

10        Bien que les mots employés dans le Manuel sont ceux d’une directive, à défaut de renvoi ou de délégation dans la réglementation, de telles directives ne sont pas juridiquement contraignantes. Ainsi que le juge Coté l’explique dans l’arrêt Case Power & Equipment v. Price Waterhouse Limited rendu le 29 septembre 1994 (dans une opinion dissidente, mais avec l’appui des juges majoritaires sur ce point) :

 

[traduction]

Les règles de droit applicables ne se retrouvent pas dans des manuels dans lesquels des particuliers ou l’État expliquent aux citoyens comment effectuer une recherche. Ces manuels n’ont pas force de loi. Et c’est avec prudence que l’on doit suivre les conseils qu’ils renferment. Ils donnent certainement de bons conseils, mais lorsqu’ils abordent des questions juridiques et non, par exemple, des sujets ayant trait à l’informatique, ils rendent compte de l’état du droit; ils ne créent pas le droit. Celui qui se fie à des tels documents risque de tourner en rond, voire de faire fausse route.

 

[32]           Les Lignes directrices publiées par le Conseil sont utiles tant pour le Conseil que pour le public et le Conseil peut légitimement s’en inspirer pour rendre ses décisions. Mais ces Lignes directrices ne sont pas une loi et elles n’ont pas force de loi; elles constituent tout au plus des « règles non contraignantes ». On doit avant tout tenir compte de la Loi sur les brevets et de ses règlements d’application. Lorsque les Lignes directrices ou leur application sont incompatibles avec la Loi ou la réglementation, ces dernières ont préséance.

 

Exposé chronologique des faits

 

[33]           Pour trancher les questions en litige, il est utile de relater, par ordre chronologique, les faits suivants :

 

3 mai 1995

 

La demande relative au brevet 088 est réputée avoir été déposée au Canada.

 

Avant 1997

 

Betaseron, un produit concurrentiel, est lancé au Canada au prix de 44,51 $ la dose quotidienne. Le Conseil estime que ce prix n’est pas excessif et le fabricant lui fournit un Engagement de conformité volontaire (ECV).

 

 

Septembre 1997

 

Teva lance le Copaxone sur le marché canadien au prix de 36 $ la dose quotidienne. Ce Copaxone se présente sous forme de fiole.

 

Novembre 1997

 

Avis consultatif du Conseil qui explique à Teva que, selon toute vraisemblance, le prix de 36 $ la dose quotidienne n’est pas excessif. À l’époque, le Conseil croyait qu’il ne pouvait rendre une décision qu’une fois le brevet délivré. Il a été jugé, dans la décision précitée rendue en 2007, que le Conseil pouvait se prononcer dès que la demande de brevet est publiée (en l’espèce à la fin de 1997, mais on croyait à l’époque qu’on ne pouvait rien faire).

 

15 mai 2002

 

Teva lance le Copaxone sous forme de seringue. Le prix demeure le même, 36 $ la dose quotidienne.

 

1er juillet 2004

 

Teva porte le prix de la dose quotidienne du Copaxone en seringue de 36 $ à 43,20 $, une augmentation de 20 %. Le Copaxone demeure toutefois le médicament le moins cher de sa catégorie thérapeutique.

 

28 septembre 2004

 

Le brevet 088 est délivré.

 

Entre juillet 2004 et mai 2006

 

Des pourparlers ont lieu entre le Conseil et Teva au sujet de l’augmentation de prix de 20 %; le Conseil estime que cette augmentation est « excessive ».

 

8 mai 2006

 

Le Conseil publie un avis d’audience et une instance est introduite.

 

25 janvier 2008

 

Le Conseil rend une décision dans laquelle il estime que l’augmentation de prix réclamée par Teva est excessive.

 

12 mai 2008

 

Le Conseil enjoint à Teva de payer 2 417 223,29 $ à Sa Majesté.

 

Entre juillet 2004 et janvier 2008

 

Teva ne procède pas à d’autres augmentations de prix, lequel est maintenu à 43,20 $ la dose quotidienne.

 

 


[34]           On fait souvent allusion à l’Indice des prix à la consommation (IPC) et à ses variations annuelles. Il est acquis aux débats que l’IPC qui a été soumis en preuve au Conseil était exact. Voici un extrait des chiffres en question :


 

Année

Indice d’ensemble

2002 = 100

Écart par rapport à l’année précédente (%)

1988

71,2

3,9

1989

74,8

5,1

1990

78,4

4,8

1991

82,8

5,6

1992

84,0

1,4

1993

85,6

1,9

1994

85,7

0,1

1995

87,6

2,2

1996

88,9

1,5

1997

90,4

1,7

1998

91,3

1,0

1999

92,9

1,8

2000

95,4

2,7

2001

97,8

2,5

2002

100,0

2,2

2003

102,8

2,8

2004

104,7

1,8

2005

107,0

2,2

2006

109,1

2,0

2007

111,5

2,2

 

(de 1997 à 2004 inclusivement : 15,9 %)


Décisions du Conseil

 

Décision du 25 février 2008

 

[35]           Dans sa décision du 25 février 2008, le Conseil a conclu, au paragraphe 57, que compte tenu de l’ampleur de l’augmentation du prix du médicament (20 % en juillet 2004) et de ses répercussions sur les consommateurs, le médicament était vendu à un prix excessif depuis le 1er  juillet 2004. Voici ce que le Conseil écrit :

Après avoir considéré tous les facteurs mentionnés dans l’article 85 de la Loi, le Panel est arrivé à la conclusion que, considérant l’importance de l’augmentation du prix du médicament Copaxone et son incidence sur les consommateurs, le médicament est vendu à un prix excessif au Canada depuis le 1er juillet 2004.

 

 

[36]           Le Conseil commence l’exposé de ses motifs en tirant plusieurs conclusions factuelles, dont les suivantes :

Paragraphe 5 :    Le prix de 36 $ auquel Teva vendait à l’origine le Copaxone sous forme de fiole était inférieur à celui demandé par son unique concurrent, Betaseron, qui vendait son produit au prix approuvé de 44,51 $ par jour. Le prix du Copaxone n’était donc pas excessif, selon toute vraisemblance.

 

Paragraphe 6 :    Entre 1997 et 2002, Teva a modifié en profondeur le mode d’administration du Copaxone, notamment en remplaçant la fiole par une seringue.

 

Paragraphe 8 :    Teva a informé le Conseil que, le 1er juillet 2004, elle avait mis en application une augmentation de prix de 20 %, en faisant passer le prix de 36 $ à 43,20 $, lequel constituait toujours le prix le plus bas demandé pour un médicament de sa catégorie thérapeutique.

 

Paragraphe 9 :    Le Conseil a informé Teva que le prix de lancement de la seringue, 36 $, respectait les Lignes directrices, mais que le prix de 43,20 $ faisant suite à l’augmentation était excessif au sens des Lignes directrices.

 

Paragraphe 38 : Le prix de lancement de 36 $ demandé en mai 2002 pour le Copaxone sous forme de seringue est le « prix de référence ». C’était le même prix que celui demandé auparavant pour le Copaxone en fiole. La fiole et la seringue contiennent toutes les deux le même ingrédient actif et une posologie comparable. L’« année de référence » est 1997, année du lancement de la fiole, pour le calcul des variations de l’IPC entre 1997 et 2004.

 

Paragraphe 40 : Le Copaxone a toujours été le médicament le moins cher de sa catégorie thérapeutique. Lorsque le Copaxone a été lancé, le seul médicament concurrent, le Betaseron, était 25 % plus cher. Le prix du Betaseron avait été approuvé par le Conseil. Les autres médicaments de la même catégorie thérapeutique ont tous été lancés plus tard à un prix beaucoup plus élevé que le Copaxone.

 

Paragraphe 49 : Les améliorations apportées par Teva au Copaxone n’ont peut-être pas amélioré sa valeur thérapeutique mais elles ont été très profitables pour les usagers.

 

Paragraphe 50 : Teva n’a soumis aucun élément de preuve objectif au sujet des coûts entraînés par l’amélioration du mécanisme d’administratif du Copaxone, en particulier les coûts que l’on pouvait considérer comme ayant été engagés au Canada.

 

Paragraphe 52 : Le Conseil s’est dit convaincu que Teva avait engagé des dépenses substantielles, qui pouvaient être imputées à ses activités au Canada. L’augmentation de prix était justifiée.

 

Paragraphe 57a) : L’IPC a augmenté de 15,9 % entre 1997 et le 1er juillet 2004.

 

 

[37]           Le Conseil explique, dans ses motifs, la démarche qu’il a suivie pour en arriver à sa décision :

Paragraphe 34 : C’était la première fois que le Conseil était appelé à se prononcer sur le sens et l’effet de l’alinéa 85(1)d) de la Loi et sur la méthodologie de rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC énoncée dans ses Lignes directrices.

 

Paragraphe 35 : La décision du Panel est discrétionnaire et elle doit être fondée sur tous les facteurs énumérés au paragraphe 85(1) de la Loi, et si le Conseil n’arrive pas à se former une opinion, il doit tenir compte du paragraphe 85(2) de la Loi.

 

Paragraphe 38 : Un prix de référence de 36 $ et l’année de référence 1997 seraient retenus.

 

Paragraphe 39 : La méthodologie de rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC prévue par les Lignes directrices est la question centrale, et comme il n’est pas nécessaire d’accorder la même valeur à chacun des facteurs énumérés au paragraphe 85(1), le Conseil peut attribuer une valeur différente à chacun d’entre eux.

 

Paragraphe 40 : La seule question qui se pose est celle de savoir si l’augmentation de prix qu’a connue le Copaxone en 2004 était permise et si cette augmentation doit être strictement limitée en conformité avec la méthodologie de rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC et avec les Lignes directrices.

 

Paragraphe 41 : La méthodologie de rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC (Lignes directrices) précise le sens de l’alinéa 85(1)d) de la Loi. Il reste au Conseil à déterminer comment le facteur de l’IPC s’applique en l’espèce.

 

Paragraphe 42 : La puissance commerciale du breveté est présumée. Il n’est pas nécessaire que le Conseil conclue à un abus de position dominante.

 

Paragraphe 43 : Le Conseil n’est pas astreint à ne tenir compte que du niveau de prix du médicament. Il peut également tenir compte du taux d’augmentation des prix. Pour ce faire, il peut commencer en consultant les Lignes directrices relatives à l’IPC, tout en tenant compte des autres facteurs énumérés au paragraphe 85(1).

 

Paragraphe 44 : La seule question pertinente est l’augmentation de prix qui n’a eu lieu qu’une fois, en 2004.

 

Paragraphe 45 : Le Conseil accorde plus de poids au facteur de l’IPC prévu à l’alinéa 85(1)d) tout en reconnaissant qu’il faut tenir compte des facteurs prévus aux alinéas 85(1)b) et c).

 

Paragraphe 46 : Le Panel reconnaît  que le prix peut être bas à un point tel qu’« on ne pourrait raisonnablement conclure » qu’il est excessif du seul fait que le taux d’augmentation appliqué est supérieur au taux de variation de l’IPC. Teva peut augmenter son prix au-delà de ce que prévoient les Lignes directrices sous réserve de certaines restrictions.

 

Paragraphes 47 et 48 : Je reproduis tel quel le paragraphe 47 parce qu’il est difficile de suivre le fil du raisonnement du Conseil :

 

47. D’autre part, même si le Panel ne pouvait arriver à la décision décrite ci-haut, fondée sur les facteurs mentionnés au paragraphe 85(1), après avoir pris connaissance de la preuve, entendu les plaidoyers et soupesé tous les facteurs mentionnés aux alinéas 85(1)(a), (b), (c) et (d) [sic], il serait de toute manière d’avis qu’il ne peut décider si le médicament est ou a été vendu au Canada à un prix excessif et il pourrait alors invoquer l’alinéa 85(2)(a) de la Loi.

 

On ne sait pas avec certitude si le Panel dit qu’il n’est pas en mesure de tirer une conclusion, compte tenu des facteurs énumérés au paragraphe 85(1), de sorte qu’il doit se tourner vers le paragraphe 85(2) ou s’il ne considère le paragraphe 85(2) que comme une simple solution de rechange.

 

 

Le Panel semble être conscient du fait que c’est la première fois que le Conseil est appelé à se prononcer sur des questions de prix excessif à la lumière des facteurs prévus à l’alinéa 85(2)a) et du fait que les Lignes directrices ne donnent aucun éclaircissement à ce sujet.

 

Paragraphes 48, 49 et 50 : Le Panel souligne qu’il existe peu de données objectives sur les frais effectivement engagés, mais il se dit prêt à conclure que des investissements importants ont été faits, et qu’une partie peut être attribuée au Canada.

 

Paragraphes 51, 52 et 53 : Le Conseil estime que Teva était justifiée d’augmenter son prix. Ce qu’on ne sait pas avec certitude c’est si l’augmentation de 20 % a été considérée ou non comme n’étant pas déraisonnable. Je reproduis le paragraphe 53.

 

Le Panel est arrivé à cette conclusion en tenant compte du fait que le prix du médicament n’a fait l’objet que d’une seule augmentation depuis son lancement sur le marché canadien, celle-ci étant de 20 % et ayant été appliquée en juillet 2004. Même au prix majoré, le prix du médicament Copaxone est encore le moins élevé par rapport aux autres médicaments de sa catégorie thérapeutique et, également, parmi les médicaments de sa catégorie thérapeutique dans les différents pays de comparaison nommés dans le règlement d’application de la Loi sur les brevets. Au moment de l’application de l’augmentation du prix du médicament Copaxone, on dénombrait quatre autres médicaments dans la catégorie thérapeutique. Le Panel ne peut donc pas affirmer qu’il n’y avait pas de choix de prix pour des médicaments indiqués pour la sclérose en plaques.

 


Paragraphe 54 : Le Panel semble réagir aux pressions administratives l’incitant à respecter rigoureusement les Lignes directrices par souci de commodité administrative. Il précise que sa décision a une valeur de précédent limitée.

 

Paragraphes 55 et 56 :  Le Panel écarte les arguments invoqués par l’avocat de Teva au sujet de la valeur de précédent des débats parlementaires et des Lignes directrices.

 

Paragraphe 57 : Le Panel conclut :

 

... Le Panel ordonne par conséquent que soit autorisée l'augmentation du prix pour tenir compte de l'IPC et pour les autres que voici : a) une augmentation graduelle dans une mesure égale à l'augmentation de l'IPC de 1997 à 2004, et b) les augmentations seront appliquées en trois phases : 2004, 2005 et 2006.

 

Le Panel conclut donc que l’augmentation unique de 20 % qui a été appliquée en 2004 était excessive et que les seules augmentations permises étaient des augmentations graduelles correspondant globalement à l’augmentation de 15,9 % qu’avait connue l’IPC entre 1997 et 2004.

 

La décision du 12 mai 2008

[38]           La seconde décision à l’examen est celle que le Conseil a rendue le 12 mai 2008. Cette décision fait suite à la première et fixe à 2 417 223,29 $ la somme d’argent que Teva doit payer à Sa Majesté.

 

[39]           Cette décision n’est pas disposée sous forme de paragraphes numérotés. L’essentiel du raisonnement porte sur l’argument de Teva suivant lequel elle n’avait pas augmenté ses prix en 2005 et 2006 et que l’on devait inclure les variations que l’IPC avait connues ces années-là avec


celles qu’il avait connues entre 1997 et 2004. Le Conseil n’a pas retenu cet argument et a conclu ce qui suit dans les deux derniers paragraphes de ses motifs :

Les Lignes directrices expliquent comment calculer le prix moyen auquel un médicament est vendu au cours d´une année. Les Lignes directrices n´autorisent pas un breveté à vendre son médicament à des prix excessifs pendant une ou plusieurs années pour ensuite rembourser au moment qui lui convient les recettes excessives qu´il a encaissées en réduisant (ou en n´augmentant pas) le prix de son médicament pendant quelques années. Telle approche minerait voire même réduirait à néant le mandat du Conseil. Les Lignes directrices permettent de faire une moyenne du prix pour une année, une limite de temps que le Panel juge raisonnable pour le calcul du prix moyen. Outre le calcul de la moyenne, les recettes excessives (autres que les recettes qui ne sont pas suffisamment élevées pour justifier une enquête par le personnel du Conseil) ne devraient pouvoir être remboursées qu´au moyen de la conformité suite à une ordonnance du Conseil. De l´avis du Conseil, les modalités prévues dans les Lignes directrices permettent de bien appliquer la Loi et, par ricochet, l´ordonnance rendue.

En conséquence, le Panel arrive à la conclusion que, aux fins de la mise en œuvre de sa décision, l´ordonnance doit prévoir le remboursement de la partie excessive des recettes que l´intimée a encaissées de la vente, en 2004 et 2005, de son médicament à un prix excessif. À cette fin, l´intimée est enjoint de verser au Trésor la somme de 2 417 223,29 $. Ce montant représente la partie excessive des recettes que l´intimée a tirées de la vente de son médicament à un prix excessif entre la période de lancement du médicament breveté Copaxone et la fin de l´année 2007.

 

[40]           Les motifs ne précisent comment cette somme de 2 417 223,29 $ a été calculée. Au paragraphe 45 de son mémoire des faits et du droit, Teva fournit un tableau détaillé indiquant que, si les recettes réalisées entre décembre 2002 et décembre 2007 étaient calculées, l’« excédent » accumulé des recettes correspondrait à une valeur négative, en l’occurrence            - 348 135,81 $. Dans son plaidoyer, l’avocat de Teva a fait valoir que, même si l’on devait accepter qu’on ne peut tenir compte des années 2005, 2006 et 2007, le montant à payer s’élèverait à 658 644 $ et non à 2 417 223,29 $.

[41]           L’avocat du défendeur a proposé deux scénarios possibles pour expliquer comment le Conseil en était arrivé à la somme de 2 417 223,29 $. Au sujet de la première explication, l’avocat a cité le paragraphe 57 des motifs de la première décision dans lequel le Conseil envisageait la possibilité d’appliquer les augmentations en trois phases au cours des années 2004, 2005 et 2006. En ce qui concerne la seconde explication, l’avocat a mentionné les observations écrites que Teva a soumises au Conseil et que l’on trouve au volume 13, onglet CC du dossier, et plus précisément aux paragraphes 24 et 25, où Teva fait valoir que le calcul devait être fondé sur les augmentations sur trois ans de l’IPC en tenant compte du prix de référence des trois années précédentes et d’un chiffre correspondant à 1,5 fois l’IPC pour chaque année.

 

[42]           Le problème, c’est que le Conseil n’explique nulle part clairement dans ses motifs comment il en arrive au chiffre de 2 417 223,29 $. Les avocats des parties ne le savent pas non plus et la Cour se demande toujours comment ce chiffre a été calculé.

 

Thèse des parties

 

[43]           La thèse de Teva est que son produit a toujours été le produit le moins cher de sa catégorie, même après l’augmentation de 20 % de son prix. Teva n’a augmenté le prix de son produit qu’une seule fois entre 1997 et 2007 et cette augmentation est inférieure à celle qu’a connue l’IPC pendant l’ensemble de cette période. Teva affirme que le Conseil n’a tenu compte que de ses Lignes directrices et qu’elle en a limité l’application à l’IPC. Elle n’a pas tenu dûment compte de l’ensemble des facteurs énumérés au paragraphe 85(1) de la Loi sur les brevets et elle a fondé ses conclusions uniquement sur l’alinéa 85(1)d), qui porte sur les variations de l’IPC. Le calcul du montant de 2 417 223,29 $ n’en demeure pas moins déconcertant et, en tout état de cause, erroné.

 

[44]           Le défendeur affirme que le Conseil a adopté une méthode nuancée, qu’il a tenu compte des variations de l’IPC non seulement à partir de 2002, année où le produit a été offert pour la première fois sous forme de seringue, mais qu’en vertu de son pouvoir discrétionnaire, le Conseil est remonté à 1997, année où le produit a été lancé sous forme de fiole, pour en arriver à une augmentation totale de 15,9 % de l’IPC. L’avocat du défendeur affirme qu’on ne sait pas avec certitude comment le Conseil a calculé le chiffre de 2 414 223,29 $, mais il a néanmoins agi dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire.

 

Question 1 – La décision portant que le prix demandé pour le Copaxone était « excessif » était-elle déraisonnable?

 

[45]           Les paragraphes 83(1) et 83(2) de la Loi sur les brevets permettent au Conseil d’accorder certaines réparations lorsqu’un médicament breveté est vendu :

« […] à un prix qu’il juge être excessif »

 

 

[46]           Le paragraphe 85(1) de la Loi sur les brevets prévoit que le Conseil doit tenir compte de cinq facteurs suivants, dans la mesure où des renseignements sur ces facteurs lui sont disponibles :

a) le prix de vente du médicament sur un tel marché;

b) le prix de vente de médicaments de la même catégorie thérapeutique sur un tel marché;

c) le prix de vente du médicament et d’autres médicaments de la même catégorie thérapeutique à l’étranger;

d) les variations de l’indice des prix à la consommation;

e) tous les autres facteurs précisés par les règlements d’application du présent paragraphe.

 

 

 

[47]           Le facteur prévu à l’alinéa e) n’est pas pertinent, étant donné qu’il n’y a pas d’autres facteurs précisés par les règlements d’application. L’examen du dossier ne permet pas de douter que le Conseil disposait de renseignements au sujet de chacun des facteurs prévus aux alinéas a), b), c) et d), de sorte qu’il devait tenir compte de chacun de ces facteurs. Le paragraphe 85(1) ne prévoit pas que l’on doit accorder la même valeur à chacun des facteurs, et il ne propose pas de formule permettant de déterminer la valeur à accorder à chacun d’entre eux. Ce qu’il faut retenir, c’est que le Conseil doit tenir raisonnement compte de chaque facteur, qu’il ne peut ignorer aucun d’entre eux et qu’il ne peut accorder à l’un d’entre eux une importance qui a pour effet d’éclipser touts les autres. Je renvoie au raisonnement suivi par le juge Rothstein dans le jugement ICN Pharmaceuticals, précité.

 

[48]           Je suis en conséquence troublé à la lecture des Lignes directrices du Conseil, et en particulier de la section 9.1, précitée, qui prévoit que le prix est présumé « excessif » s´il est plus élevé que le prix de référence rajusté pour tenir compte des variations de l´IPC. Une telle présomption méconnait les facteurs prévus aux alinéas a), b) et c) du paragraphe 85(1).

 

[49]           Je suis conscient du fait que les Lignes directrices prévoient elles-mêmes qu’elles n’ont aucun caractère obligatoire. En outre, ainsi que nous l’avons déjà mentionné, la Loi sur les brevets déclare dans les termes les plus nets qu’elles ne sont pas obligatoires. Un examen des motifs que le Conseil a exposés dans sa décision du 25 février 2008 amène toutefois à la conclusion claire et inéluctable que le Conseil s’est concentré essentiellement sur l’IPC au détriment des autres facteurs énumérés au paragraphe 85(1). Ce n’est que pour la forme qu’il a abordé les autres facteurs en question, comme on le constate à la lecture du paragraphe 34 :

34.       C’est la première fois que le Conseil est appelé à rendre une décision sur une question qui pote sur le sens et sur l’effet de l’alinéa 85(1)(d) [sic]de la Loi et sur la méthodologie du prix rajusté pour tenir compte des variations de l’IPC décrite dans l’Appendice 4 des Lignes directrices. Le travail du Panel a été facilité par la présentation de mémoires exhaustifs par les différents conseillers juridiques dans l’affaire. Dans les paragraphes qui suivent, nous analyserons les principales propositions présentées par les parties.

 

[50]           Il s’agit du paragraphe introductif des conclusions du Conseil. Il en ressort que le Conseil a en fait articulé son raisonnement autour de l’alinéa 85(1)d), qui porte sur l’IPC.

 

[51]           Au paragraphe suivant, le paragraphe 35, le Conseil reconnaît qu’il doit examiner les autres facteurs énumérés au paragraphe 85(1) et ajoute que, s’il n’est pas en mesure de rendre une décision après l’analyse de ces facteurs, il peut alors prendre en considération les facteurs mentionnés au paragraphe 85(2) :

35.       Les parties admettent que la décision du Panel à savoir si le prix du médicament Copaxone est ou non excessif est d’ordre discrétionnaire, mais que telle décision doit être prise en tenant compte de tous les facteurs mentionnés au paragraphe 85(1) de la Loi. De plus, lorsque le Panel n’est pas en mesure de rendre une décision après l’analyse de ces facteurs, il peut alors prendre en considération les facteurs complémentaires mentionnés au paragraphe (2) du même article de la Loi.

 

[52]           Jusque là, tout va bien, mais le Conseil ne procède nulle part dans ses motifs à une analyse sérieuse des facteurs prévus aux alinéas 85(1)a), b) ou c), et il ne dit jamais clairement s’il est en mesure on non de rendre une décision après l’analyse des facteurs en question ou s’il existe des raisons le justifiant de passer aux facteurs énumérés au paragraphe 85(2).

[53]           Le paragraphe 37 des motifs du Conseil illustre encore une fois que le Conseil s’en est tenu au facteur de la méthodologie du prix rajusté pour tenir compte des variations de l’IPC :

37.       Après avoir tenu compte des témoignages et des lettres que se sont échangées les parties, le Panel est d’avis que le personnel n’a pas induit en erreur l’intimée ni ne lui a fait de fausses représentations quant à la façon dont il applique les Lignes directrices aux fins de déterminer la catégorie du médicament, de calculer le prix de référence ou d’appliquer la méthodologie du prix rajusté pour tenir compte des variations de l’IPC aux augmentations des prix des médicaments.

 

 

[54]           Il ressort à l’évidence du paragraphe 39 des motifs que le Conseil considérait que l’IPC se situait « au cœur même de la présente affaire ». Le Conseil prend acte des autres facteurs et affirme qu’il n’est pas obligé de les « traiter sur un […] pied d’égalité ». Cependant, lorsqu’il examine certains de ces facteurs, au paragraphe 40 de ses motifs, le Conseil affirme que « la question de fond » est celle de savoir si l’augmentation de prix doit être « strictement limitée » par « la méthodologie […] de rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC » :

39.       La méthodologie de rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC se situe au cœur même de la présente affaire. À l’instar de l’intimée, le Panel est d’avis que son pouvoir discrétionnaire ne peut être limité ou restreint par les dispositions de la méthodologie actuelle de rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC s’il arrive à la conclusion que certains facteurs de l’article 85 lui permettent de ne pas appliquer à la lettre cette méthodologie. Toutefois, en ce qui concerne la décision qu’il doit rendre à savoir si le prix d’un médicament est ou non excessif, le Panel se dissocie du point de vue de l’intimée selon lequel le paragraphe 85(1) de la Loi l’oblige à traiter sur un même pied d’égalité les éléments mentionnés aux alinéas (a), (b), (c) et (d) [sic]. Le Panel reconnaît que le Conseil doit tenir compte de chaque facteur mentionné, mais l’importance octroyée à chacun est laissée à l’entière discrétion du Conseil.


 

40.       La situation tout à fait particulière est que le prix du médicament Copaxone, dans ses deux formes posologiques, a toujours été moins élevé que les prix des autres médicaments de sa catégorie thérapeutique. Au moment du lancement du médicament Copaxone sur le marché canadien, un seul autre médicament était classé dans la catégorie thérapeutique, à savoir le Betaseron. Le Conseil a jugé le prix de ce médicament non excessif en vertu d’un Engagement de conformité volontaire, mais dans les faits ce prix était d’environ 25 % plus élevé que le prix de lancement du Copaxone. Par la suite, trois autres médicaments classés dans la même catégorie thérapeutique que le Copaxone ont été lancés sur le marché canadien : l’Avonex et deux versions du Rebif. Les prix de ces trois médicaments sont beaucoup plus élevés que celui du Copaxone. La question de fond est l’augmentation du prix de médicament Copaxone en 2004, à savoir si cette augmentation doit être strictement limitée par la méthodologie actuelle de rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC décrite dans les Lignes directrices.

 

[55]           Au paragraphe 41 de ses motifs, le Conseil semble justifier l’importance exagérée qu’il accorde au facteur prévu à l’alinéa 85(1)d), en l’occurrence la mesure de l’IPC : 

41.       Essentiellement, les Lignes directrices se rapportent à la définition, au processus et à l’application des mesures de comparaison mentionnées aux alinéas 85(1)(a), (b) et (c) [sic] pour éviter une présomption de prix excessif. Le conseiller juridique de l’intimée a admis spontanément que, à ces fins, les Lignes directrices aident les brevetés à fixer les prix de vente de leurs médicaments à un niveau non excessif au moment de son lancement sur le marché canadien. Par ailleurs, la méthodologie de rajustement du prix selon l’IPC définit l’application de l’alinéa 85(1)(d) [sic] en établissant la façon dont les brevetés doivent appliquer le facteur de mesure de l’IPC lorsque le prix du médicament a été majoré alors que son prix de référence avait déjà été établi. Il n’est pas nécessaire que le Panel décide s’il s’agit d’une situation où un tribunal administratif légifère sans droit ou tentant d’exercer des pouvoirs législatifs qui sont exclusivement de compétence fédérale, tel que plaidé par l’intimée. Toutefois, selon la Loi, le Conseil n’est pas tenu d’appliquer à la lettre ses Lignes directrices dans l’exercice de son rôle de tribunal et il appartient au présent Panel de déterminer, à la lumière des faits présentés, la façon d’appliquer le facteur de l’IPC aux fins de déterminer si l’augmentation du prix du Copaxone est ou non justifiée.

 

 

[56]           Au paragraphe 43, le Conseil explique qu’il s’en est tenu à l’alinéa 85(1)d) :

43.       L’intimée a fait valoir que, considérant que le paragraphe 85(1) de la Loi ne fait état que des prix excessifs, le Panel ne devrait tenir compte que du niveau de prix du médicament. Le Panel ne partage pas tel point de vue. L’alinéa 85(1)(d) [sic] autorise le Conseil à tenir compte du taux d’augmentation des prix par rapport aux variations de l’IPC. La décision du Panel à savoir si une augmentation du prix d’un médicament est ou non excessive doit partir de l’application du facteur mentionné à l’alinéa 85(1)(d) [sic] concernant l’indice des prix à la consommation, mais en dernière analyse doit être basée sur son évaluation de la relation, s’il y a lieu, entre l’augmentation du prix et les autres facteurs mentionnés dans le paragraphe 85(1).

 

 

 

[57]           Aux paragraphes 44, 45 et 46 le Conseil explique les conclusions auxquelles il en arrive en ce qui concerne le paragraphe 85(1). Il fait observer, au paragraphe 46, qu’un prix peut être bas à un point tel « qu’on ne pourrait raisonnablement conclure » qu’il est excessif. Or, il semble que ce soit précisément ce qui s’est produit en l’espèce : le prix du Copaxone a toujours été beaucoup plus bas que celui de ses concurrents, et pourtant le Conseil n’a pas accordé une importance significative à ce facteur. Le Conseil reprend son point de vue selon lequel l’IPC est le seul facteur dont on doit sérieusement tenir compte :

44.       La question qui se pose est de savoir si l’augmentation en une fois, appliquée en 2004, justifie une conclusion de ‘prix excessif’ au sens qu’en donnent l’article 85 de la Loi et tous les facteurs qui y sont mentionnés.

 

45.       Le Conseil confirme ses commentaires antérieurs à l’effet que, dans son examen des augmentations des prix des médicaments existants, il octroie plus d’importance au facteur de l’IPC mentionné à l’alinéa 85(1)(d) [sic]. Il existe toutefois des situations dans lesquelles l’augmentation des prix, dans des circonstances semblables à celles du Copaxone, dépassent un seuil et pour lesquelles le facteur ‘variations de l’IPC’ ne doit pas constituer l’unique déterminant d’un prix excessif. Autrement dit, le Conseil est prêt à reconnaître que les facteurs mentionnés aux alinéas 85(1)(b) et (c) [sic] devraient être appliqués aux augmentations de prix d’un médicament vendu le moins cher de sa catégorie thérapeutique et ce, aux fins de limiter les constats de prix excessifs établis selon la méthodologie de rajustement du prix pour tenir compte des variations de l’IPC.

 

46.       Le Panel est disposé à adopter cette interprétation de la Loi, considérant que le prix d’un médicament par rapport aux prix des autres médicaments de sa catégorie thérapeutique, à savoir les mesures auxquelles il est fait référence aux alinéas 85(1)(b) et (c) [sic], peut être bas à un point tel qu’on ne pourrait raisonnablement conclure qu’il est excessif du seul fait que le taux d’augmentation appliqué est supérieur au taux de variation de l’IPC. Le Panel reconnaît qu’il n’est pas facile de déterminer le point auquel les variations des prix entre médicaments aura une incidence sur l’évaluation des prix. Le Panel est d’avis qu’un seuil raisonnable aux fins de l’application des facteurs énumérés aux alinéas 85(1)(b) et (c) [sic] est mitigé dans une situation telle que celle du médicament Copaxone, soit que le prix du médicament, suite à une augmentation, demeure le plus bas de tous les médicaments dans sa catégorie thérapeutique. Dans ces circonstances exceptionnelles, le Panel est prêt à autoriser le breveté à augmenter le prix de son médicament d’un taux supérieur à ce que permettent ses Lignes directrices, sous réserve des limites décrites ci-après.

 

 

[58]           Force est de conclure, après analyse de ces motifs, que le Conseil s’en est en fait tenu qu’au facteur de l’IPC prévu à l’alinéa 85(1)d) et qu’aucune appréciation en bonne et due forme des facteurs prévus aux alinéas a), b) et c) n’a été effectuée. Il se peut que le Conseil n’ait pas été en mesure de tirer une conclusion après avoir examiné les facteurs énumérés au paragraphe 85(1); si tel était le cas, il ne l’a pas dit. Le Conseil explique plutôt, au paragraphe 47 de ses motifs, que « d’autre part » il a tenu compte du paragraphe 85(2). Il ne précise cependant pas pourquoi il procède ainsi. Était-il dans l’impossibilité de conclure que le prix était excessif en se fondant sur le paragraphe 85(1)? Si tel était le cas, il ne l’a pas dit expressément.

47.       D’autre part, même si le Panel ne pouvait arriver à la décision décrite ci-haut, fondée sur les facteurs mentionnés au paragraphe 85(1), après avoir pris connaissance de la preuve, entendu les plaidoyers et soupesé tous les facteurs mentionnés aux alinéas 85(1)(a), (b), (c) et (d) [sic], il serait de toute manière d’avis qu’il ne peut décider si le médicament est ou a été vendu au Canada à un prix excessif et il pourrait alors invoquer l’alinéa 85(2)(a) [sic] de la Loi.

 

[59]           En se tournant vers le paragraphe 85(2), le Conseil reconnaît que c’est la première fois qu’il est appelé à examiner les facteurs prévus à l’alinéa 85(2)a). Voici ce qu’il dit au paragraphe 48 :

48.       Le Panel est conscient que c’est la première fois que le Conseil est appelé à trancher une question de prix excessif sur la base des facteurs mentionnés à l’alinéa 85(2)a) et note que les Lignes directrices sont muettes sur cette question.

 

[60]           Dans le reste du paragraphe 48 de ses motifs et aux paragraphes 49 et 50, le Conseil aborde la question des coûts. Il reconnaît que Teva a apporté à son produit entre 1997 et 2002 des améliorations qui ont été « fort avantageuses pour les consommateurs ». Teva n’a toutefois présenté aucun élément de preuve objectif au sujet des coûts effectivement engagés. Le Conseil écrit, au paragraphe 50 :

50.       L’intimée n’a pas fourni de données objectives sur les coûts engagés pour l’amélioration des mécanismes d’administration du médicament Copaxone. Il n’a pas non plus tenté d’attribuer ces coûts au Canada, par opposition aux coûts engagés dans d’autres pays où opèrent ses filiales. Il a plutôt fait valoir les constatations évidentes au fait que ces améliorations apportées aux mécanismes d’administration de son médicament ont nécessité des investissements très importants dans la recherche et la fabrication et qu’il est raisonnable d’attribuer une partie de ces coûts au Canada où le médicament est vendu.

 

[61]           Aux paragraphes 51 et 52, le Conseil se fonde de nouveau sur l’IPC pour calculer des augmentations qu’il juge acceptables :

51.       Étant donné que l’augmentation du prix du médicament qui retient l’attention du présent Panel se situe dans la fourchette des variations de l’IPC que le breveté aurait eu droit d’appliquer après 1997, il devient moins nécessaire de démontrer une relation directe entre les coûts engagés pour améliorer les mécanismes d’administration du médicament Copaxone et l’augmentation de son prix. Dans une certaine mesure, il est généralement reconnu que les augmentations annuelles des prix qui se situent dans les limites du taux de variation de l’IPC comprennent en partie l’augmentation des coûts des médicaments. L’intimée n’ayant pas augmenté le prix de son médicament Copaxone, le Panel considère que l’intimée n’a pas appliqué un double remboursement de ses coûts.

 

52.       Le Panel aurait certes préféré avoir accès à des éléments de preuve plus concrets quant aux montants précis des dépenses engagées par l’intimée, mais il estime que l’intimée a engagé des coûts importants qui pourraient être associés aux activités de Teva en sol canadien. Dans les circonstances, Teva Canada a dû encourir des coûts additionnels suffisamment importants pour justifier une augmentation du prix de son médicament à un niveau que le Panel considère non excessif.

 

 

[62]           Au paragraphe 56, le Conseil exprime son avis au sujet de l’importance des Lignes directrices :

Alors que la Loi prévoit clairement que le Conseil n’est pas tenu d’appliquer à la lettre ses Lignes directrices, le Panel saisit l’occasion pour affirmer que les Lignes directrices revêtent et continueront de revêtir une très grande importance pour assurer l’application juste et impartiale de la Loi par le personnel compétent et dévoué du Conseil.

 

 

[63]           Dans la conclusion à laquelle il arrive au paragraphe 57 après avoir tenu compte, selon ce qu’il affirme, de « tous les facteurs » énumérés à l’article 85 (sans préciser s’il s’agit du paragraphe 85(1) ou du paragraphe 85(2)), le Conseil ordonne que soit autorisée l’augmentation du prix pour tenir compte des variations de l’IPC et pour les autres motifs (motifs qu’il ne précise pas) :

Le Panel ordonne par conséquent que soit autorisée l’augmentation du prix pour tenir compte des variations de l’IPC et pour les autres que voici : […]

 

 

[64]           Force est donc de conclure que le Conseil a agi de manière déraisonnable et qu’il a débordé le cadre du mandat que lui confèrent les paragraphes 85(1) et 85(2) de la Loi sur les brevets. Le Conseil s’est en fait concentré exclusivement sur l’alinéa 85(1)d), qui porte sur le facteur de l’IPC, et il n’a pas tenu dûment compte des facteurs prévus aux alinéas 85(1)a), b) ou c), si tant est qu’il en a même tenu compte. Le Conseil a tenu compte du paragraphe 85(2) mais il n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas été en mesure de tirer une conclusion au sujet des facteurs prévus au paragraphe 85(1). Si tel était le cas, il ne l’a pas dit expressément. Encore une fois, dans le cadre de son analyse fondée sur le paragraphe 85(2), le Conseil s’en est tenu exclusivement à l’IPC. Le Conseil n’a tout simplement pas fait ce que les alinéas 85(1)a), b), c) et d) et le paragraphe 85(2) l’obligeaient de faire. Sa décision est déraisonnable.

 

Question 2 – Le Conseil a-t-il motivé suffisamment sa décision?

 

[65]           Il ressort de l’analyse qui précède que le Conseil n’a pas motivé suffisamment sa décision. Les motifs qu’il a exposés ne permettent pas de savoir avec précision s’il a tenu compte ou non des facteurs prévus aux alinéas 85(1)a), b) et c) de la Loi sur les brevets ou dans quelle mesure il en a tenu compte. Le Conseil n’explique pas non plus pourquoi il a tenu compte du paragraphe 85(2).

[66]           Ainsi que la Cour l’a déclaré au paragraphe 54 de l’arrêt Dunsmuir, précité, les motifs doivent être suffisamment transparents et intelligibles, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il est préférable que le Conseil réexamine l’affaire et qu’il fournisse des motifs transparents et intelligibles.

 

[67]           De même, la décision du 12 mai 2008 dans laquelle le Conseil a fixé la somme à payer à 2 417 223,29 $ n’est pas intelligible en ce sens que les motifs du Conseil ne permettent pas de savoir comment le Conseil est arrivé à ce chiffre. L’avocat de Teva et celui du défendeur n’ont pas été en mesure de fournir des explications claires et convaincantes sur la façon dont le Conseil était arrivé à ce chiffre, compte tenu des éléments de preuve et des arguments dont il disposait. L’affaire doit être renvoyée au Conseil pour qu’il la réexamine si, après avoir réexaminé la question du prix excessif, il lui est encore nécessaire de statuer.

 

Question 3 - Le Conseil était-il compétent pour rendre l’ordonnance qu’il a prononcée en vertu de l’article 83?

 

[68]           Le défendeur affirme que le Conseil a adopté une méthode nuancée, qu’il a tenu compte des variations de l’IPC non seulement à partir de 2002, année où le produit a été offert pour la première fois sous forme de seringue, mais qu’en vertu de son pouvoir discrétionnaire, le Conseil est remonté à 1997, année où le produit a été lancé sous forme de fiole, pour en arriver à une augmentation totale de 15,9 % de l’IPC. Même si on ne sait pas avec certitude comment il a calculé le chiffre de 2 414 223,29 $, le Conseil a agi dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire en fixant ce montant.

[69]           La constitutionnalité du Conseil a été contestée devant les tribunaux manitobains dans le jugement Manitoba Society of Seniors Inc. v. Canada (Attorney General) (1991), 77 D.L.R. (4th) (C.B.R.), confirmé par 1992, 96 D.L.R. (4th) 606 (C.A. Man). Le juge Dureault, de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, a passé en revue l’historique des dispositions législatives pertinentes en matière de brevets ainsi que celle du Conseil jusqu’alors (1991) et a conclu ce qui suit, à la page 

492 :

[traduction]

 

Je conclus que, de par leur caractère véritable, les modifications contestées concernent le domaine des brevets d’invention. Comme la loi reconnaît de nouveau aux médicaments brevetés une exclusivité dont ils ne bénéficiaient plus, du moins dans une telle mesure, depuis 1931, le législateur a également prévu un mécanisme permettant de traiter la question des prix excessifs qui peuvent accessoirement surgir par suite de la création de ces monopoles. Le Conseil est autorisé seulement à traiter des prix excessifs demandés pour les médicaments brevetés en vertu du nouveau régime. Il ne s’agit pas d’un système de contrôle général de toutes les inventions pharmaceutiques brevetées. Ce système vise clairement à aborder la question des abus potentiels pouvant découler accessoirement de l’exclusivité nouvellement reconnue aux brevets. Toute société qui ne souhaite pas se soumettre à l’autorité du Conseil peut s’y soustraire en renonçant à son droit d’obtenir un brevet. La législation vise donc les brevets et les abus commis relativement aux brevets.

 

[70]           Dans une brève décision, la Cour d’appel du Manitoba a confirmé la décision de la Cour du Banc de la Reine, déclarant ce qui suit, à la page 608 :

[traduction]

 

À notre avis, il ne peut y avoir qu’une seule réponse à la question soulevée en l’espèce. Les dispositions législatives contestées portent, de par leur caractère véritable, sur des questions relevant de la compétence exclusive du Parlement de légiférer en matière de brevets. Le fait que ces dispositions puissent avoir des incidences sur des questions relevant de la compétence provinciale (en l’occurrence, la propriété et les droits civils) ne tire donc pas à conséquence.

[71]           La compétence constitutionnelle du Conseil n’a pas été examinée par les tribunaux depuis la décision rendue au Manitoba. Je tiens toutefois à signaler que feu le juge Cullen, de notre Cour, a cité intégralement le passage de la décision dans laquelle le juge Dureault passe en revue l’historique de la Loi sur les brevets et du Conseil dans le jugement ICN Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés) (1996), 66 C.P.R. (3rd) 46.

 

[72]           Il convient de rappeler que les procureurs généraux des provinces et des territoires ont reçu signification de l’avis de questions constitutionnelle dans la présente instance, mais qu’aucun d’entre eux n’a choisi de comparaître ou de soumettre d’observations.

 

[73]           En l’espèce, l’avocat de Teva a admis qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la question constitutionnelle si la Cour conclut que la décision du Conseil était déraisonnable. Il ne serait nécessaire d’aborder la question constitutionnelle que si le Conseil avait outrepassé sa compétence.

 

[74]           J’estime donc que la décision du Conseil en ce qui concerne les prix excessifs doit être annulée, non pas parce que le Conseil a outrepassé sa compétence, mais parce qu’il n’a pas exercé correctement la compétence qui lui est conférée. La question de la constitutionnalité ne se pose donc pas.

 


Question 4 - Le Conseil était-il compétent pour condamner Teva au paiement de la somme qu’il lui a enjoint de payer?

 

[75]           Cette question a déjà été amplement examinée dans les présents motifs. L’alinéa 83(3)b) confère effectivement au Conseil le pouvoir de rendre une ordonnance pour le paiement d’une somme à Sa Majesté. Les avocats ne prétendent pas que cette disposition est inconstitutionnelle. L’annulation de la décision du Conseil est fondée sur deux motifs. Le premier motif est que la décision sur laquelle la décision en question repose, en l’occurrence celle déclarant que les prix étaient excessifs, a été annulée. Le second motif est que la méthode employée pour arriver au chiffre qui a été retenu n’est pas intelligible.

 

Conclusion

 

[76]           La décision du 25 février 2008 et celle du 12 mai 2008 seront toutes deux annulées. L’affaire sera renvoyée à une formation différemment constituée du Conseil, dans la mesure où d’autres membres sont disponibles, pour nouvelle décision. Lors de son réexamen, le Conseil doit tenir compte de tous les facteurs énumérés au paragraphe 85(1) et fournir des motifs clairs et intelligibles au sujet de l’analyse de chacun des facteurs et de la valeur accordée à chacun d’entre eux. Si le Conseil n’est pas en mesure de tirer une conclusion après avoir tenu compte de tous les facteurs prévus au paragraphe 85(1), il doit le préciser et passer ensuite à un examen fondé sur le paragraphe 85(2) en exposant de façon claire et intelligible son analyse dans ses motifs.  Le Conseil ne doit pas aborder ces questions que pour la forme et il ne doit pas en arriver au même résultat. Il doit réexaminer à fond la question sans s’estimer de quelque façon tenu d’arriver au même résultat.

Dépens

 

[77]           Teva a droit à ses dépens. Je préférerais accorder un montant forfaitaire. Les parties devront se consulter en vue de s’entendre sur cette somme. Je vais donc attendre que les parties me fournissent, dans les deux semaines de la date de la présente décision, leurs observations au sujet du montant des dépens.

 

 

 

 

 


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS qui ont été exposés :

LA COUR ORDONNE :

1.                    Les deux demandes sont accueillies.

2.                    Les décisions rendues par le Conseil le 28 février 2008 et le 12 mai 2009 sont annulées et sont renvoyées à une formation différemment constituée du Conseil, dans la mesure où d’autres membres sont disponibles, pour qu’une nouvelle décision soit rendue conformément aux présents motifs.

3.                    Teva a droit à ses dépens. Les avocats devront, dans les deux semaines de la date de la présente décision, fournir de brèves observations au sujet du montant forfaitaire de dépens qu’elles proposent.

 

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                      T-470-08

                                                            T-939-08

 

 

INTITULÉ :                                       TEVA NEUROSCIENCE G.P.-S.E.N.C. c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATES DE L’AUDIENCE :             LES 27 et 28 octobre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              le juge Hughes

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 12 novembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Stratas

Trevor Guy

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

David Cowie

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie SRL

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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