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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court


Date : 20091123

Dossier : T-649-09

Référence : 2009 CF 1201

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2009

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

 

ENTRE :

ESMOND JACK YU

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

ou

SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.          Introduction

 

[1]               M. Esmond Jack Yu, le demandeur, purge une peine d’emprisonnement à vie de durée indéterminée dans le système carcéral du Canada. Il a été incarcéré à l’Établissement Matsqui le 16 janvier 1997. À la suite d’un incident survenu le 1er novembre 2007, M. Yu a été déplacé de sa cellule à une unité d’isolement à Matsqui, puis, le 7 décembre 2007, il a été transféré à l’Établissement Kent.

[2]               M. Yu affirme que certains de ses effets personnels ne se sont jamais rendus à sa nouvelle résidence à Kent. Le 9 avril 2009, M. Yu a déposé une Réclamation du détenu pour les effets perdus ou endommagés (Réclamation du détenu) dans laquelle il énumère 13 articles qui seraient manquants et réclame 463,11 $. Sa réclamation a suivi la procédure établie jusqu’à un grief au troisième palier, qui a été examiné par un sous-commissaire principal. Insatisfait des résultats de la décision rendue au dernier palier de grief, M. Yu a introduit la présente demande de contrôle judiciaire. En plus d’autres réparations, M. Yu demande à la Cour d’infirmer la décision rendue sur le grief au troisième palier, en date du 11 mars 2009, dans laquelle le Service correctionnel du Canada (le Service) a été déclaré responsable pour 198,00 $.

 

II.        Questions en litige

 

[3]               À mon avis, la demande en l’espèce soulève les questions suivantes :

 

1.                  Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision tranchant le grief au troisième palier?

 

2.                  La décision sur le grief au troisième palier a-t-elle été rendue en violation des règles d’équité procédurale du fait que M. Yu n’a pas reçu copie de certains documents avant que la décision ne soit prise?

 

3.                  La décision sur le grief au troisième palier était-elle raisonnable?

 

4.                  Les réparations demandées (mandamus, coûts et dommages-intérêts) sont-elles appropriées en l’espèce?

 

[4]               Pour les motifs exposés ci-dessous, je suis d’avis que la présente demande doit être rejetée. En conséquence, il n’est pas nécessaire que la Cour se prononce sur la dernière question formulée.

 

III.       Contexte

 

A.        La procédure suivie

 

[5]               Lorsque M. Yu a été amené de sa cellule, le 7 novembre, sa cellule a été verrouillée conformément à la politique en place. Ses effets personnels ont été retirés de sa cellule environ trois heures plus tard. À ce moment, on a rempli un formulaire initial intitulé Effets personnels du détenu (Retraits de la cellule). Une fois prise la décision de transférer M. Yu à l’Établissement Kent, deux agents correctionnels ont empaqueté ses effets et un second formulaire ou formulaire final de Retraits de la cellule a été rempli. M. Yu, nous l’avons dit, a déposé sa Réclamation du détenu le 8 avril 2009. Deux des articles (un cordon et des cordes de guitare) ont [traduction] « refait surface » et ne font plus partie des effets réclamés par M.Yu.

 

B.         Première décision

 

[6]               Un fonctionnaire du Service a rendu la première décision (la décision relative à la réclamation) le 3 juillet 2008. La décision était fondée sur la Directive du commissaire no 566‑12 (DC 566-12), qui prévoit qu’il appartient au demandeur de veiller à ce que son Relevé des effets personnels du détenu soit tenu à jour. M. Yu n’avait pas vu au maintien à jour de son relevé, et seuls deux des articles qui auraient été perdus, une imprimante et un livre contenant un CD, figuraient comme il se doit sur son Relevé d’effets personnels. Comme l’imprimante n’était pas répertoriée dans le formulaire final de Retraits de la cellule, le fonctionnaire a fait droit à la réclamation pour 24,00 $, valeur approximative du livre et du CD « Speed Mechanics ».

 

C.        Décision au deuxième palier

 

[7]               M. Yu a présenté un grief au deuxième palier le 24 juillet 2008.

 

[8]               Dans la décision sur le grief au deuxième palier, rendue le 31 octobre 2008, le sous‑commissaire adjoint, Opérations en établissement (le sous-commissaire adjoint) a fait droit en partie au grief et accordé 177,06 $ à M. Yu pour sa réclamation, relativement à cinq articles :

 

·                    deux CD d’apprentissage linguistique (65,40 $);

 

·                    une chemise noire à manches longues (9,99 $);

 

·                    deux tee-shirts (24,99 $);

 

·                    le livre et le CD « Speed Mechanics » (25,39 $);

 

·                    un pantalon (51,29 $).

 

[9]               Même si les CD d’apprentissage linguistique, la chemise noire, les tee-shirts et le pantalon n’étaient pas énumérés sur le Relevé des effets personnels de M. Yu, le sous‑commissaire adjoint a constaté que ces articles figuraient sur le formulaire final de Retraits de la cellule. Autrement dit, le sous‑commissaire adjoint disposait d’éléments de preuve, au-delà du Relevé des effets personnels, établissant qu’au moment où M. Yu a été amené de sa cellule à Matsqui, ces articles se trouvaient en sa possession. La réclamation a été refusée pour ce qui est des autres articles.

 

D.        Grief au troisième palier

 

[10]           M. Yu a déposé un grief au troisième palier le 10 novembre 2008.

 

[11]           Dans sa décision du 11 mars 2009 (la décision qui fait l’objet du présent contrôle), le sous‑commissaire principal a passé en revue chaque article de la liste et, sauf pour l’un de ces articles, a rejeté la réclamation. Le seul article à l’égard duquel la réclamation a été retenue est


l’imprimante. Le sous-commissaire a précisé que l’imprimante se trouvait dans la cellule de M. Yu lorsqu’il a été conduit en isolement :

[traduction]

Bien que [l’imprimante] ne figure pas sur le formulaire de Retraits de la cellule, une analyse minutieuse de l’endroit où se trouvait votre imprimante révèle qu’elle était dans votre cellule, puisqu’on y a trouvé un téléphone cellulaire qui y était caché. Toutefois, aucun document n’indique où l’imprimante a été rangée après avoir été saisie. Puisque l’on peut conclure qu’il appartenait au Service d’assurer la préservation de votre imprimante et qu’il ne peut être établi que le Service a pris toutes les mesures raisonnables pour protéger un bien qui vous appartient, il est fait droit à cette partie de votre grief.

 

[12]           Un montant de 198 $, soit le montant indiqué dans le Relevé des effets personnels de M. Yu, a été accordé pour la réclamation relative à l’imprimante.

 

[13]           Les motifs énoncés par le sous-commissaire principal pour rejeter la réclamation relativement aux autres articles se répartissent en trois catégories :

 

a)      pour ce qui est des [traduction] « vêtements – pantalon », le sous-commissaire principal a conclu que M. Yu n’avait pas clairement décrit le pantalon en cause et qu’il était [traduction] « impossible de déterminer clairement quel pantalon vous réclamez »;

 

b)      pour ce qui est du [traduction] « livre et disque compact – “Speed Mechanics” », il a constaté que cet article figurait maintenant sur le Relevé des effets personnels de M. Yu à Kent. De ce fait, il semblait donc que le livre et le CD n’étaient pas perdus;

 

c)      pour tous les autres articles, il a rejeté la réclamation au motif qu’ils n’étaient pas répertoriés sur le Relevé des effets personnels de M. Yu avant son transfert de Matsqui.

 

IV.       Régime législatif applicable aux questions en litige

 

[14]           M. Yu prétend que le Service a perdu ses effets personnels et qu’il n’a pas été adéquatement indemnisé pour cette perte. Il a suivi les étapes du système de grief établi et prescrit par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (LSCMLC). Il souligne l’alinéa 4g) de la LSCMLC, qui édicte que les décisions doivent « être claires et équitables, les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs ».

 

[15]           La LSCMLC prévoit, aux articles 90 et 91, que doit être établie une procédure de règlement juste et expéditif des griefs des délinquants sur des questions relevant du commissaire. Tout délinquant doit, sans crainte de représailles, avoir libre accès à la procédure de règlement des griefs.

 

[16]           La procédure de grief que M. Yu a suivie, depuis sa réclamation initiale jusqu’au grief au deuxième palier et enfin au grief au troisième palier, correspond aux articles 74 à 80 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (RSCMLC). À chaque palier de grief, les prétentions du demandeur sont évaluées de novo. En l’espèce, cela signifie que le sous-commissaire principal n’était nullement limité par les conclusions tirées au deuxième palier de grief.

 

[17]           M. Yu fait valoir qu’en vertu de l’article 84 du RSCMLC, le directeur du pénitencier doit prendre toutes les mesures raisonnables pour garantir que les effets personnels que le détenu garde au pénitencier sont protégés contre la perte ou les dommages.

 

[18]           M. Yu invoque aussi la responsabilité du Service sous le régime de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50. L’alinéa 3b) de cette loi prévoit que l’État est responsable pour les dommages causés par la faute de ses préposés et les délits civils commis par ceux-ci dans une province canadienne ou pour les manquements aux obligations liées à la propriété, à l’occupation, à la possession ou à la garde de biens.

 

[19]           M. Yu soutient par ailleurs que des documents essentiels ne lui ont pas été communiqués avant la décision du 11 mars 2009. Suivant le paragraphe 27(1) de la LSCMLC, le contrevenant, M. Yu, a le droit de présenter des observations, et l’organisme administratif chargé de rendre une décision doit lui communiquer tous les renseignements entrant en ligne de compte dans la décision, et ce dans un délai raisonnable avant la prise de décision. Les parties conviennent que M. Yu n’a reçu copie du formulaire de Retraits de la cellule qu’après que la décision sur le grief au troisième palier eut été prise.

 


V.        Analyse

 

A.        Norme de contrôle

 

[20]           En premier lieu, la Cour doit arrêter la norme de contrôle applicable à la décision rendue sur le grief au troisième palier. Dans la décision Johnson c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1357, 337 F.T.R. 306, aux paragraphes 35 à 39, le juge Mosley s’est penché sur la norme de contrôle applicable aux décisions rendues au terme d’audiences tenues sous le régime de la LSCMLC. La norme de la décision correcte s’applique aux décisions d’équité procédurale (Johnson, au paragraphe 36). La norme de la décision raisonnable s’applique aux décisions statuant sur le caractère approprié de l’indemnisation du demandeur pour la destruction ou la perte d’effets (Johnson, aux paragraphes 38 et 39).

 

[21]           L’argument portant que le sous-commissaire principal a omis de fournir des documents pertinents à M. Yu avant la prise de décision est une question d’équité procédurale, qui doit être révisée selon la norme de la décision correcte.

 

[22]           La norme de contrôle applicable au caractère approprié de l’indemnisation est celle de la décision raisonnable. La Cour suprême, dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47, enseigne que la Cour doit s’abstenir d’intervenir, à moins que la décision n’appartienne pas aux issues possibles raisonnables et à moins qu’elle ne soit pas intelligible, qu’elle ne soit pas étayée par la preuve ou qu’elle ne puisse se justifier au regard des faits et du droit. 

B.         Manquement à l’équité procédurale

 

[23]           Le défendeur reconnaît que M. Yu n’a pas reçu copie du formulaire de Retraits de la cellule avant que soit rendue la décision sur le grief au troisième palier.

 

[24]           M. Yu soutient que le Service a manqué à son obligation d’agir équitablement en omettant de communiquer des documents pertinents et essentiels utilisés dans le processus de prise de décision. M. Yu fonde son argument sur la décision Lee c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel, région du Pacifique), [1994] C.F. 15, [1993] A.C.F. no 759, au paragraphe 21, et sur l’arrêt May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 R.C.S. 809, aux paragraphes 92 à 94. Ces décisions posent que l’omission de communiquer des renseignements pertinents sur lesquels le décideur s’est fondé constitue une erreur susceptible de révision.

 

[25]           Selon M. Yu, le fait que les documents ne lui ont été révélés qu’après que la décision eut été prise l’a privé de la possibilité de contester pleinement la légalité, la validité et l’exactitude des documents. Maintenant qu’il a consulté ces documents, M. Yu prétend que la rédaction du formulaire de Retraits de la cellule enfreint la Directive CD 566-12 du Service (paragraphe 74), qui prévoit que ces formulaires doivent être remplis par deux agents correctionnels. Il relève aussi des inexactitudes dans les formulaires de Retraits de la cellule. M. Yu avance que la communication de ces documents lui aurait permis d’en contester l’exactitude et la validité, ce qui aurait amené le sous‑commissaire principal à rendre une décision différente.

 

[26]           Le défendeur soutient pour sa part que la communication tardive de tout document ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale.

 

[27]           Le défendeur s’appuie sur l’arrêt Sweet c. Canada (Procureur général), 2005  CAF 51, 332 N.R. 87, aux paragraphes 31 à 40, pour faire valoir que le degré d’équité procédurale est peu élevé dans le contexte d’une décision sur un grief au troisième palier portant sur une réclamation d’un détenu. Je conviens que le contexte carcéral exige un degré d’équité procédurale moins élevé, ainsi que l’a énoncé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sweet (au paragraphe 34). Il se peut aussi que les règles de communication, en contexte administratif au sein du système carcéral, ne soient pas aussi rigoureuses que dans le cadre d’une instance criminelle (May c. Établissement Ferndale, 2005 CSC 82, [2005] 3 R.C.S. 809, au paragraphe 91). Néanmoins, la Cour suprême a clairement affirmé, au paragraphe 92 de l’arrêt May, qu’il existe une obligation légale de fournir les documents pertinents en contexte carcéral.

 

[28]           Je suis d’avis que l’omission de communiquer le formulaire de Retraits de la cellule en temps utile à M. Yu constitue bien un manquement à l’équité procédurale. Toutefois, lorsque la Cour est convaincue qu’aucun préjudice ne découle de la non-communication d’un document ou que le manquement n’a entraîné aucune conséquence, elle n’a pas à intervenir (voir Uniboard Surfaces Inc. c. Kronotex Fussboden GmbH et Co., 2006 CAF 398, [2007] 4 R.C.F. 101, aux paragraphes 17 à 24, et Yang c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 CF 158, 324 F.T.R. 22, au paragraphe 29, conf.  par Yang c. Canada (Ministre de la


Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 281, 380 N.R. 387, aux paragraphes 14 et 15). Ainsi que l’a déclaré le juge Décary dans l’arrêt Uniboard, au paragraphe 22 :

[…] lorsque la violation de l’obligation d’équité procédurale consiste en un défaut de divulguer certains éléments de preuve, la cour, règle générale, interviendra en vertu de son pouvoir discrétionnaire si elle n’est pas en mesure de déterminer si la violation a joué au détriment de la partie qui s’estime lésée. En revanche, règle générale, lorsqu’elle dispose des éléments de preuve qui n’avaient pas été divulgués lors de l’audience qui s’est déroulée devant le tribunal administratif et qu’elle est convaincue qu’elle est en mesure de conclure qu’aucun préjudice n’a été causé et qu’il n’y a aucune possibilité ou probabilité qu’il existe un préjudice, la cour n’interviendra pas.

 

[29]           J’estime que les faits de l’espèce s’inscrivent parfaitement dans l’exception décrite par le juge Décary.

 

[30]           La décision du sous-commissaire principal quant à chacun des articles réclamés est entièrement fondée sur le Relevé des effets personnels. Bien qu’il mentionne le formulaire de Retraits de la cellule, le sous-commissaire ne s’est pas appuyé sur ce document dans sa décision finale relative à chacun des articles réclamés. Par conséquent, je suis convaincue que le demandeur n’a subi aucun préjudice et qu’aucun risque ni possibilité de préjudice n’a été causé par le défaut de communiquer le formulaire de Retraits de la cellule. En d’autres termes, la décision ne pourrait nullement être différente en raison de la communication au demandeur du formulaire de Retraits de la cellule. Toute irrégularité alléguée dans la préparation de ce formulaire est tout simplement sans pertinence.

 

[31]           En conséquence, malgré l’existence d’un manquement à l’équité procédurale, je n’annulerai pas la décision pour ce motif.

C.        Raisonnabilité de la décision

 

[32]           M. Yu soutient que la décision sur le grief au troisième palier est erronée à plusieurs égards. De façon générale, M. Yu s’élève contre le rejet, par le sous-commissaire principal, de la plupart des effets réclamés au seul motif qu’ils n’étaient pas répertoriés dans son Relevé des effets personnels du détenu. À son avis, le sous-commissaire principal devait tenir compte des autres éléments de preuve qu’il avait soumis – comme les reçus et les autres explications qu’il a fournies – pour évaluer sa réclamation. M. Yu affirme également qu’il appartient au Service de remplir le Relevé des effets personnels du détenu et de le tenir à jour. Enfin, il prétend qu’au montant de 198 $ alloué pour l’imprimante devrait s’ajouter le montant de la taxe de vente.

 

[33]           Indubitablement, le personnel du Service a l’obligation de veiller comme il se doit sur les effets d’un détenu qui fait l’objet soit d’un transfert interne, soit d’un transfert à un autre établissement. Tant l’article 84 du RSCMLC que les Directives du commissaire relevées par M. Yu et par le défendeur attestent ce fait. Toutefois, cette obligation ne peut être utile que si les effets du détenu ont été répertoriés avec exactitude avant le transfert. C’est alors que le Relevé des effets personnels prend toute son importance. Si un article n’est pas décrit dans le relevé, comment vérifier qu’un article réclamé ou un article retiré de la cellule du détenu appartenait véritablement à celui-ci? Comme l’a fait remarquer le sous-commissaire principal : [traduction] « Le Service ne peut être tenu responsable de protéger un article qui vous appartient s’il ignore que cet article fait partie de vos effets ».

 

[34]           En l’espèce, il n’était pas déraisonnable de la part du sous-commissaire principal de conclure que M. Yu avait la responsabilité de voir à ce que son Relevé d’effets personnels soit tenu à jour, ce qu’il n’a pas fait. Il n’était donc pas déraisonnable que le sous-commissaire conclue que l’on ne pouvait vérifier si les articles réclamés se trouvaient ou non dans la cellule de M. Yu lorsqu’il a été emmené en isolement. La responsabilité qui incombait à M. Yu est clairement exposée dans deux directives du commissaire, la Directive CD090 (au paragraphe 9) et la Directive CD566-12 (au paragraphe 16).

 

[35]           Qui plus est, les reçus présentés par M. Yu ne sont pas entièrement utiles. S’ils montrent que M. Yu a acheté certains articles au cours de sa période d’incarcération, ils n’établissent pas si ces articles sont demeurés en sa possession. Le sous-commissaire principal a examiné les reçus et conclu que certains étaient [traduction] « obscurs et difficiles à comprendre ».

 

[36]           Enfin, M. Yu avance que le montant alloué pour l’imprimante aurait dû être 225,72 $, de façon à inclure les taxes de vente. L’imprimante figurait sur le Relevé des effets personnels de M. Yu pour un montant de 198 $. Après avoir décidé qu’il convenait d’accorder la réclamation relative à l’imprimante, le sous-commissaire principal a appliqué le paragraphe 39 de la Directive 234 du commissaire. Selon cette directive, M. Yu devait être indemnisé selon le moindre du montant réclamé (en l’occurrence 225,72 $) et de la valeur attribuée à l’article dans le Relevé des effets personnels du détenu (soit 198 $). Je ne perçois aucune erreur dans la façon dont le sous‑commissaire principal a appliqué la Directive CD 234 pour conclure que M. Yu devait recevoir une indemnité de 198 $ pour l’imprimante.

 

[37]           En résumé, je considère que la décision sur le grief au troisième palier était raisonnable.

 

VI.       Conclusion

 

[38]           Pour les motifs qui précèdent, je rejetterai la demande de contrôle judiciaire. Le défendeur sollicite les dépens en l’espèce. Comme je l’ai indiqué, le défendeur a commis un manquement à l’équité procédurale dans le traitement de la réclamation de M. Yu, même s’il ne s’agit pas d’un manquement justifiant l’intervention de la Cour. Dans les circonstances, j’estime qu’il est juste et équitable de n’adjuger aucuns dépens à l’une ou l’autre partie.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.B.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-649-09

 

INTITULÉ :                                       ESMOND JACK YU c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

                                                            (tenue par conférence téléphonique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 4 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 novembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Esmond Jack Yu

(pour son propre compte)

 

POUR LE DEMANDEUR

François Paradis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

s.o.

 

 

LE DEMANDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique).

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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