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Federal Court

 

Cour fédérale

 


Date : 20091123

 

Dossier : T-1570-07

Dossier : T-1571-07

 

 

Référence : 2009 CF 1200

Ottawa (Ontario), le 23 novembre 2009

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

 

ENTRE :

SIMPSON STRONG-TIE COMPANY, INC.

demanderesse

et

 

PEAK INNOVATIONS INC.

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Peak Innovations Inc. (Peak) est une société qui fabrique et vend divers connecteurs bois‑bois, bois-béton et bois-maçonnerie, dont certains sont utilisés dans la construction de terrasse. En 2003 et 2004, Peak a déposé 31 demandes d’enregistrement de marques pour plusieurs de ses produits. Simpson Strong-Tie Company, Inc. (Strong-Tie), une société qui fabrique des produits à


usages similaires, a déposé des déclarations d’opposition à chacune des demandes. Les oppositions ont été instruites et jugées par la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission des oppositions, ou la Commission) et, dans tous les cas, elles ont été rejetées. Ce qui intéresse particulièrement le présent dossier, c’est que, par une décision datée du 21 juin 2007, la Commission des oppositions a rejeté l’opposition de Strong-Tie à deux demandes.

 

[2]               Les deux demandes de Peak dont il s’agit sont : la demande 1,187,491 (la demande 491), déposée le 25 août 2003, et la demande 1,205,529 (la demande 529), déposée le 6 février 2004. Les marques se rapportent à des « supports de fixation pour fixation de planches de terrasse », à raison d’une utilisation au Canada depuis le 1er juin 2003 pour la couleur verte (la demande 491), et pour la couleur gris-vert (PANTONE 5635C) (la demande 529).

 

[3]               La marque 491 était annoncée comme il suit (dessin omis) :

La marque se compose de la couleur verte, appliquée à l’intégralité de la surface visible de l’objet particulier illustré dans le dessin. Le dessin est ligné pour la couleur verte.

 

[4]               La marque 529 était annoncée comme il suit (dessin omis) :

La marque se compose de la couleur gris-vert (PANTONE* 5635C), appliquée à l’intégralité de la surface visible de l’objet particulier illustré dans le dessin. Le dessin est ligné pour la couleur gris-vert. *Pantone est une marque de commerce enregistrée.

 


II.        La décision de la Commission des oppositions

 

[5]               Devant la Commission des oppositions, Strong-Tie s’est opposée aux marques 491 et 539 en alléguant huit moyens. Un sommaire des moyens, ainsi que de la réponse de la Commission des oppositions à chacun d’eux, est donné ci-après (les deux marques sont mentionnées au singulier) :

 

1.                  La marque demandée n’est pas enregistrable conformément à l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), parce qu’elle crée de la confusion avec trois marques déposées. La Commission des oppositions a rejeté ce moyen au motif que deux des enregistrements avaient déjà été radiés et que le troisième n’était pas considéré comme source de confusion avec les marques demandées.

 

2.                  Peak n’est pas la personne qui a droit à l’enregistrement conformément aux alinéas 16(1)a) et 16(1)b) de la Loi, parce que, à la date revendiquée de Peak pour la première utilisation, la marque demandée créait de la confusion avec une marque non spécifiée précédemment utilisée au Canada par Strong-Tie et par des tiers non identifiés, et avec une autre demande de marque qui avait déjà été déposée au Canada. La Commission des oppositions a rejeté ce moyen au motif que Strong-Tie n’avait pas soulevé un moyen valide d’opposition; la demande de marque invoquée par Strong-Tie avait été déposée après la première date d’utilisation revendiquée pour les marques portant les couleurs de Peak.

 

3.                  La demande de Peak n’est pas conforme avec les dispositions de l’alinéa 30i) de la Loi, parce que Peak avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’utilisation d’un produit similaire par Strong-Tie ou par d’autres. La Commission des oppositions a jugé que ce moyen ne constituait pas un moyen valide d’opposition.

 

4.                  La marque demandée n’est pas distinctive compte tenu des faits allégués au soutien des deux premiers moyens. Ce moyen a été rejeté parce que la Commission des oppositions a estimé que Strong-Tie n’avait pas apporté une preuve d’utilisation ou de réputation pour les marques alléguées.

 

5.                  La marque demandée n’est pas, contrairement à l’alinéa 30b), et aux articles 2 et 4, l’objet légitime d’une marque de commerce au sens de la Loi. La marque, telle qu’elle est décrite et illustrée dans la demande, ne peut pas être une marque de commerce au sens de l’article 2 de la Loi, ni ne peut être une marque distinctive de Peak. La marque n’a pas non plus été utilisée par Peak comme marque de commerce au sens de l’article 4 de la Loi. En outre, la couleur et la forme de la marque en cause sont fonctionnelles et utilitaires, et donc l’octroi d’un enregistrement limiterait d’une manière déraisonnable le développement de l’industrie de la demanderesse et de l’opposante, contrairement à l’article 13 de la Loi. Ce moyen a été rejeté au motif que Strong-Tie n’avait pas apporté la preuve de la nature censément fonctionnelle ou utilitaire des marques de couleur de Peak.

 

6.                  La marque demandée n’est pas enregistrable conformément à l’article 10 et à l’alinéa 12(1)e) de la Loi, parce que c’est une marque qui, en raison d’une pratique commerciale ordinaire et authentique, était devenue reconnue au Canada comme désignant le genre et la qualité des marchandises visées par la demande. La Commission des oppositions a rejeté ce moyen d’opposition au motif que Strong‑Tie, encore une fois, n’avait produit aucune preuve.

 

7.                  La marque demandée n’est pas enregistrable conformément à l’alinéa 12(1)b) de la Loi parce que, étant purement ou principalement fonctionnelle, elle donne une description claire de la nature ou de la qualité des marchandises concernées. Ce moyen a été rejeté pour essentiellement les mêmes motifs que le cinquième moyen.

 

8.                  La demande de Peak n’est pas conforme aux exigences de l’alinéa 30b) de la Loi, parce que Peak n’a pas employé la marque au Canada depuis la date revendiquée. La Commission des oppositions a rejeté ce moyen parce que, selon elle, Strong-Tie ne s’était pas acquittée de la charge de la preuve.

 

[6]               Au cours de l’audience tenue devant la Commission, Strong-Tie avait soulevé un moyen additionnel. Elle affirmait que l’objet illustré dans les dessins à l’appui des demandes n’indiquait pas la taille ou les dimensions physiques des objets, contrairement à l’alinéa 30h) de la Loi. La Commission a jugé qu’elle était empêchée de considérer ce moyen parce qu’il n’avait pas été soulevé dans les déclarations d’opposition.

 


III.       Les points litigieux

 

[7]               Strong-Tie met en doute la plupart des conclusions de la Commission, ajoutant ce qu’elle décrit comme des « preuves nouvelles » portant sur plusieurs des conclusions. Si je comprends bien le présent appel, les points soulevés sont les suivants :

 

1.                  Les prétendues marques de couleur de Peak qui sont en cause sont-elles distinctives de Peak, et employées par Peak, depuis au moins la date de première utilisation, de manière à distinguer, dans l’esprit du public, la marque par rapport à d’autres marques?

 

2.                  Les prétendues marques de Peak sont-elles purement fonctionnelles, utilitaires ou clairement descriptives d’une qualité ou caractéristique d’un revêtement de couleur?

 

3.                  Subsidiairement, s’agissant du no 2, les marques de couleur de Peak se prêtent‑elles davantage à une demande de signe distinctif?

 

4.                  Peak a-t-elle employé les prétendues marques de couleur comme marques de commerce depuis la date alléguée à l’origine dans les demandes?

 

5.                  Les prétendues marques de couleur sont-elles suffisamment décrites dans la demande?

 

6.                  Quel est l’effet d’une licence de tiers?

 

IV.       La preuve

 

[8]               Comme il est mentionné ci-après, la Cour peut examiner les preuves nouvelles dans l’évaluation du bien-fondé de l’appel.

 

[9]               Lors de l’audience tenue devant la Commission des oppositions, Strong-Tie avait produit les affidavits de Mme Elentia Anastiacio, censés exposer les détails de diverses marques trouvées à la suite de recherches dans la base de données CD Namesearch sur les marques de commerce canadiennes, et dans Internet. Aucune preuve n’avait été déposée par Peak. Dans l’appel interjeté devant la Cour, les deux parties ont produit des preuves que la Commission des oppositions n’avait pas devant elle.

 

[10]           La preuve de Strong-Tie se présentait ainsi :

 

·                    Mme Marlye Monsfiston : Mme Monsfiston est une agente de marques au cabinet Sim & McBurney, agents de marques pour Strong-Tie. Elle a déposé les résultats d’une recherche menée dans de prétendues versions archivées du site Web de Peak.

 

·                    Mme Lorraine Fleck : Mme Fleck est elle aussi agente de marques au cabinet Sim & McBurney. Elle a  produit un affidavit qui contient des photographies de divers produits de Peak et d’une autre société. Quelques-uns des produits en question ont été présentés durant l’audience.

 

·                    M. Armen Jeknovarian (2 affidavits déposés) : M. Jeknovarian est directeur d’usine chez Strong-Tie. Dans son affidavit, il donnait des renseignements sur divers produits de Strong-Tie, ainsi que sur leurs ventes et leur promotion. Il a été contre‑interrogé sur ses affidavits.

 

[11]           La preuve de Peak se présentait ainsi :

 

·                    Mme Kimberley La (3 affidavits déposés) : Mme La est avocate-conseil associée, Propriété intellectuelle et contentieux, chez Peak. Dans son premier affidavit, elle décrivait les résultats de ses recherches sur Internet concernant les pièces de fixation pour terrasses. Dans son deuxième affidavit, elle présentait un échantillon de la pièce de fixation de Peak (échantillon montré à la Cour durant l’audience), ainsi que des photographies liées au produit, à son utilisation et aux présentations en magasin de la pièce de fixation de Peak. Dans son troisième affidavit, Mme La donnait des indications sur le site Web actuel de Peak et sur les sites Web actuels et archivés de Strong-Tie. Mme La n’a pas été contre-interrogée.

 

·                    M. Thomas Ciz : M. Ciz est chef du contentieux (Affaires fiscales et générales) et vice-président aux finances chez Peak, et il travaille pour Peak depuis 2003. Son affidavit traitait des ventes au Canada, depuis 2003, de pièces de fixation de couleur gris-vert de Peak. M. Ciz a été contre-interrogé.

 

V.        L’analyse

 

A.        Quelle norme de contrôle est applicable?

 

[12]           Selon le paragraphe 56(1) de la Loi, appel de toute décision rendue par le registraire peut être interjeté à la Cour fédérale.

56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l’avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l’expiration des deux mois.

56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

 

[13]           Lorsque la Cour a l’avantage d’examiner des preuves nouvelles de quelque importance, son pouvoir discrétionnaire n’est pas restreint par la décision antérieure du registraire, et le juge de première instance doit arriver à sa propre conclusion sur la justesse de la décision du registraire (arrêt Shell Canada Limitée c. P.T. Sari Incofood Corporation, 2008 CAF 279, 68 C.P.R. (4th) 390).

 

[14]           Cependant, lorsque la preuve produite dans l’appel n’ajoute rien d’important, alors la norme de contrôle qui est applicable est celle de la décision raisonnable (Community Credit Union Ltd. c. Canada (Registre des marques de commerce), 2006 CF 1119, 53 C.P.R. (4th) 296). Cette norme a été récemment renforcée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mattel Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, [2006] 1 R.C.S. 772, aux paragraphes 40 et 41. Dans l’arrêt Mattel, le juge Binnie s’est référé, en l’approuvant, à l’opinion du juge Rothstein dans l’arrêt Brasserie Molson c. John Labatt, [2000] 3 C.F. 145, 252 N.R. 91 (C.A.F.), qui concernait l’incidence de preuves nouvelles dans un appel :

Je pense que l’approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald’s Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s’il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d’un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l’objet d’une certaine déférence. Compte tenu de l’expertise du registraire, et en l’absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d’expertise, qu’elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu’elles résultent de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu’une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l’exactitude de la décision du registraire.

 

[15]           Dans le présent appel, les deux parties ont présenté une preuve par affidavit qui consiste dans les produits des deux sociétés, les chiffres de vente et la publicité faite sur Internet et dans les magasins. Il s’agissait de preuves nouvelles qui intéressent explicitement les conclusions de la Commission. Comme le veut la jurisprudence, ma tâche consiste à me demander si ces preuves nouvelles auraient pu avoir un effet sur les conclusions de fait du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Si la réponse est affirmative, alors j’arriverai à ma propre conclusion sur la question applicable.

 

B.         Les prétendues marques de couleur de Peak qui sont en cause sont-elles distinctives de Peak, et sont‑elles employées par Peak, depuis au moins la date de première utilisation, de manière à distinguer, dans l’esprit du public, la marque de Peak par rapport à d’autres marques, en ce qu’elles créent de la confusion avec d’autres marques déposées?

 

[16]           Les premier, deuxième et quatrième moyens d’opposition soulevés par Strong-Tie se rapportaient tous à la question du caractère distinctif et à celle de la confusion. Son premier moyen d’opposition était que les marques demandées créaient de la confusion avec trois marques déposées. Dans son deuxième moyen d’opposition, Strong-Tie affirmait que les marques demandées étaient contraires aux alinéas 16(1)a) et b) de la Loi, parce qu’elles pouvaient créer de la confusion avec des produits de construction de même forme et de même couleur qui étaient promus et vendus dans les mêmes circuits commerciaux que ceux de Peak. Finalement, Strong-Tie énonçait ainsi son quatrième moyen d’opposition :

[traduction] Compte tenu des faits exposés dans les alinéas 1a) et b) ci-dessus, la marque en cause de la demanderesse n’est pas une marque distinctive, ni ne peut devenir une marque distinctive.

 

[17]           L’expression « marque de commerce » est définie ainsi dans la Loi, à l’article 2 :

« marque de commerce » Selon le cas :

 

a)      marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres;

 

b)      marque de certification;

 

c)       signe distinctif;

 

 

d)      marque de commerce projetée.

 

 

"trade-mark" means

 

 

(a)  a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,

 

 

 

 

 

(b)  a certification mark,

 

(c)  a distinguishing guise, or

 

(d)  a proposed trade-mark;

 

[18]           Le mot « distinctive » est défini ainsi, dans l’article 2 de la Loi :

« distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

"distinctive", in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

 

[19]           Par ailleurs, conformément à l’alinéa 12d) de la Loi, une marque de commerce n’est pas enregistrable si « elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée ». À l’évidence, si une marque crée de la confusion avec une autre marque déposée, elle n’est pas distinctive.

 

[20]           Finalement, le paragraphe 16(1) de la Loi prévoit qu’un requérant a droit d’obtenir l’enregistrement d’une marque de commerce à moins que, à la date où il l’a en premier lieu employé, elle n’ait créé de la confusion :

16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l’article 30 en vue de l’enregistrement d’une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l’article 38, d’en obtenir l’enregistrement à l’égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l’a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n’ait créé de la confusion :

 

 

a)   soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

 

b)   soit avec une marque de commerce à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

 

c)   soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.

16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

 

 

 

 

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

 

 

 

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

 

(c)  a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

 

[21]           La date à retenir pour évaluer le caractère distinctif et le risque de confusion est la date du dépôt de l’opposition (arrêt Andres Wines Ltd. c. E. & J. Gallo Winery, [1976] 2 C.F. 3 (C.A.F.), au paragraphe 8). En l’espèce, la date à retenir est le 26 octobre 2004.

 

[22]           Examinant l’opposition de Strong-Tie, la Commission des oppositions a passé en revue trois différentes marques déposées avancées par Strong-Tie. Deux d’entre elles avaient été radiées et n’ont pas été davantage prises en compte. La troisième marque était la marque de PFC & Design, composée d’initiales et de la représentation de l’une des marchandises. La Commission a conclu que « eu égard à la faiblesse inhérente des marques, l’absence d’une réputation acquise pour la marque déposée et le niveau restreint de ressemblance », aucune des deux marques de Peak ne crée de la confusion avec la marque déposée de PFC & Design. Sur ce fondement, le premier moyen d’opposition a été jugé irrecevable.

 

[23]           S’agissant du deuxième moyen d’opposition, la Commission a examiné une autre marque avancée par Strong-Tie (demande n° 1,218,092) et d’autres prétendues utilisations de tiers. La Commission des oppositions concluait ainsi :

Le deuxième motif invoqué dans chaque cas ne constitue pas un motif d’opposition valable. L’opposante ne peut invoquer le fait que des tiers emploient des marques qui, allègue-t-elle, créent de la confusion, et elle n’a identifié aucune des marques qui sont les siennes et qu’elle a employées précédemment au Canada. La demande n° 1,218,092 ne peut être invoquée à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’alinéa 16(1)b) de la Loi, parce qu’elle n’a pas été déposée avant la date déclarée du premier emploi par la requérante. En conséquence, le deuxième motif d’opposition est lui aussi rejeté.

 

[24]           La description plus générale de l’opposition se trouve dans le quatrième moyen d’opposition de Strong-Tie. La Commission y a répondu ainsi :

En ce qui concerne le quatrième motif d’opposition qui a été soulevé dans chaque instance, il incombe à la requérante d’établir que sa marque est adaptée de manière à distinguer ou qu’elle distingue véritablement ses marchandises et services de ceux qu’offrent d’autres propriétaires au Canada: voir Muffin Houses Inc. v. Muffin House Bakery Ltd. (1985), 4 C.P.R. (3d) 272 (T.M. Opp. Bd.). De plus, la date pertinente pour l’examen des circonstances entourant cette question est la date de dépôt de l’opposition (c.-à-d. le 26 octobre 2004): voir Andres Wines Ltd. v. E. & J. Gallo Winery (1975), 25 C.P.R. (2d) 126 (Fed. C.A.), p. 130, et Simmons Ltd. v. A to Z Comfort Beddings Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (Fed. C.A.), p. 424. Enfin, l’opposante a l’obligation d’établir les faits allégués à l’appui du motif d’opposition fondé sur l’absence de caractère distinctif.

 

Le quatrième motif de l’opposante est, dans chaque cas, fondé essentiellement sur des allégations de confusion avec la marque déposée PFC & Design et la marque ayant fait l’objet d’une demande, TECHNO METAL POST & Design. Cependant, il n’y a aucune preuve de quelque emploi ou réputation que ce soit pour l’une ou l’autre de ces deux marques. En conséquence, le quatrième motif d’opposition est rejeté également.

 

[25]           Dans le présent appel, Strong-Tie affirme que ces preuves nouvelles montrent que des tiers sur le marché canadien, y compris elle-même, ont utilisé la couleur grise ou kaki ou verte pour des articles qui servent à des fins comprenant la construction de terrasses. Ces produits, de l’avis de Strong-Tie, pourraient facilement créer de la confusion avec les pièces de fixation vertes ou gris-vert de Peak. L’un de ces articles est un support de piquet de clôture appelé le « Duraspike », qui est recouvert de la couleur verte. Strong-tie fait valoir que les preuves nouvelles montrent qu’il y a, devant moi, la preuve d’un commerce effectif de tels articles.

 

[26]           Le produit Duraspike me cause des difficultés. D’abord, ce produit a été acheté le 27 novembre 2004 après la date pertinente du 26 octobre 2004. Aucune preuve d’emploi ou de réputation du produit avant la date pertinente n’a été présentée. Il n’est pas établi que le produit se serait trouvé dans les circuits commerciaux à l’époque pertinente. Deuxièmement, le produit Duraspike, sur lequel se fonde Strong-Tie, est très différent d’un support de fixation pour fixation de planches de terrasses.

 

[27]           Après examen de la preuve produite, je suis d’avis que divers fabricants utilisent diverses couleurs pour une variété de produits de quincaillerie, y compris les supports de fixation servant à fixer des planches de terrasses, et que de nombreux produits concurrents utilisent d’autres couleurs. Aspect plus important, il n’est pas établi qu’une autre partie utilise le vert ou le gris-vert en liaison avec des supports de fixation servant à fixer des planches de terrasses. Puisqu’elle est le seul fabricant à combiner ces couleurs en liaison avec ce produit, la société Peak a distingué son produit de ceux d’autres fabricants.

 

[28]           Par conséquent, je ne suis pas persuadée que les preuves nouvelles auraient pu avoir un effet sur la conclusion de fait de la Commission ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Autrement dit, Strong-Tie n’a pas présenté de preuves nouvelles qui auraient conduit la Commission à dire qu’une confusion était possible entre les marques demandées et tout autre produit ou marchandise.

 

[29]           Il n’est pas contesté qu’il appartient dès le départ à l’opposante d’apporter une preuve suffisante et recevable permettant raisonnablement d’affirmer que les faits allégués au soutien de chaque moyen d’opposition sont avérés. Si l’opposante apporte cette preuve, alors c’est à la demanderesse qu’il appartient ensuite de prouver son droit à l’enregistrement (Matol Biotech Laboratories Ltd. c. Jurak Holdings Ltd., 2008 CF 1082, 335 F.T.R. 171, aux paragraphes 74 à 78; John Labatt Ltée c. Molson Co. (1990), 36 F.T.R. 70, 30 C.P.R. (3d) 293, au paragraphe 11 (1re inst.) (la décision John Labatt Ltée)). En l’espèce, Strong-Tie n’a pas produit une preuve suffisante à l’appui de ses premier, deuxième et quatrième moyens d’opposition.

 

[30]           Cela devrait disposer de l’appel sur ces trois moyens. Cependant, dans le présent appel, Strong-Tie semble étoffer notablement ses moyens. Les moyens initiaux d’opposition traitaient exclusivement de la confusion possible entre les marques de Peak et celles de Strong-Tie et autres, mais Strong-Tie affirme aujourd’hui que la nature intrinsèque de la marque n’est pas distinctive. Ce faisant, Strong-Tie fait valoir que Peak a la charge de prouver que sa marque est distinctive.

 

[31]           L’allégation d’absence de caractère distinctif n’était pas faite dans les déclarations d’opposition de Strong-Tie. Selon moi, Strong-Tie est empêchée de soulever ce moyen en appel. Le droit est clair sur les points qui n’ont pas été soulevés devant le registraire ou devant la Commission des oppositions. Il est loisible à une partie d’apporter des preuves nouvelles en appel, mais elle ne peut pas soulever de questions nouvelles (voir McDonald’s Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd. [1994] A.C.F. n° 638, au paragraphe 17 (C.F. 1re inst.), jugement confirmé : [1996] A.C.F. n° 774; S.C. Johnson & Son, Inc. c. Esprit De Corp. et al. (1986), 8 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.)).

 

C.        Les prétendues marques de Peak sont-elles purement fonctionnelles, utilitaires ou manifestement descriptives d’une qualité ou d’une caractéristique d’un revêtement de couleur?

 

[32]           S’agissant du cinquième moyen d’opposition de Strong-Tie, la Commission des oppositions a conclu ainsi :

[…] il semble que le cinquième motif d’opposition porte, dans chaque cas, sur le fait que la marque qui fait l’objet de la demande n’est pas une marque de commerce valable, au motif qu’elle est simplement fonctionnelle et utilitaire. Or, la couleur appliquée à l’ensemble de la surface visible d’un objet peut constituer une marque de commerce: voir Smith, Kline & French Canada Ltd., Re, [1987] 2 F.C. 633 (Fed. T.D.). À l’audience, l’agent de l’opposante a fait valoir que la couleur qui fait l’objet de la demande comprend une couche de peinture qui peut servir de protecteur contre la rouille. Il n’y a cependant aucune preuve au dossier qui appuie cette prétention. Puisque l’opposante n’a produit aucune preuve établissant la nature exclusivement ou principalement fonctionnelle de la marque de la requérante, le cinquième motif est lui aussi rejeté.

 

[33]           Le septième moyen d’opposition est rattaché au cinquième. Dans ce septième moyen, Strong-Tie affirmait que [traduction] « la forme et la couleur de la marque en cause sont purement ou principalement fonctionnelles ».

 

[34]           S’agissant du septième moyen d’opposition, la Commission a conclu ainsi :

À l’appui de ce motif, l’opposante a allégué que la marque qui fait l’objet de la demande consiste en la forme et la couleur des marchandises visées par la demande et qu’elle est par conséquent purement ou principalement fonctionnelle. Cependant, ainsi qu’il a été indiqué précédemment, rien au dossier ne permet d’établir la nature purement ou principalement fonctionnelle de la couleur visée par la demande au regard des marchandises en cause. En outre, compte tenu de la décision Smith, Kline & French Canada Ltd., Re, il est évident que la couleur appliquée à l’ensemble de la surface visible d’un objet constitue effectivement une marque de commerce ordinaire. En conséquence, le septième motif est lui aussi rejeté.

 

[35]           Aux fins du présent appel, Strong-Tie a soumis des preuves nouvelles qui, selon elle, établit la nature fonctionnelle de la marque projetée de Peak. Plus précisément, Strong-Tie se fonde sur les réponses données par M. Ciz à certaines questions durant son contre-interrogatoire. M. Ciz a été prié de mentionner, dans le catalogue de Peak, une référence à la pièce de fixation offerte en deux teintes : « galvanisée et revêtue de vert kaki ». M. Ciz a répondu que (dossier de la demanderesse, volume 3, page 989, lignes 4 à 7) :

[traduction] Le poudrage consiste à recouvrir le produit pour accroître sa longévité par une résistance à la rouille. Le vert kaki est sans doute une référence à la couleur du produit.

 

[36]           Un autre échange sur ce sujet était le suivant (dossier de la demanderesse, volume 3, page 995) :

[traduction]

Q170   Juste pour apporter une précision dans le dossier, monsieur, le vert kaki recouvert de poudre, la référence au poudrage s’entend de la couleur verte qui est appliquée à la surface?

 

R          Le poudrage est une référence à l’application d’un revêtement sur le produit pour accroître sa durabilité. On peut poudrer le produit de différentes couleurs.

 

[37]           Se fondant sur ces réponses, Strong-Tie affirme que la couleur verte de la fixation pour terrasses concerne davantage la protection antirouille et la durabilité que le fait de distinguer les produits de Peak des autres produits sur le marché.

 

[38]           Nous savons que la couleur présente sur la totalité de la surface visible d’un objet peut tenir lieu de marque de commerce, lorsqu’elle est un élément revendiqué d’une marque de commerce (Smith Kline & French Canada Ltd. c. Canada (Registraire des marques de commerce), [1987] 2 C.F. 633, [1987] A.C.F. n° 242, au paragraphe 6 (C.F. 1re inst.) (la décision Smith Kline & French)). Dans ce précédent, la marque demandée était la couleur appliquée à un comprimé. Elle était décrite ainsi (au paragraphe 2) :

[traduction] […] la couleur verte recouvrant toute la surface visible du comprimé, comme le montre le spécimen joint à la formule de demande, la teinte précise de vert étant illustrée par la pièce de couleur verte annexée.

 

[39]           La décision Smith Kline & French a toujours été suivie par le registraire des brevets. D’ailleurs, le paragraphe 28(1) du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195, prévoit certaines conditions de dépôt lorsqu’un demandeur revendique une couleur comme caractéristique d’une marque de commerce.

 

[40]           Cependant, il faut fixer une limite entre une couleur qui est une marque de commerce valide et distinctive et une autre qui est principalement fonctionnelle. Selon l’alinéa 12(1)b) de la Loi, une marque de commerce n’est pas enregistrable si elle « donne une description claire […] de la nature ou de la qualité des marchandises ». Selon cette disposition de la Loi, une marque projetée qui est principalement fonctionnelle ne sera pas enregistrable comme marque de commerce. Si, par exemple, le produit chimique qui formait l’enrobage vert sur le comprimé dans l’affaire Smith Kline & French, précitée, a été ajouté principalement pour accroître l’efficacité du médicament et qu’il n’était disponible qu’en vert, alors on peut soutenir que la marque de commerce n’aurait sans doute pas été déposée. Dans l’appel dont je suis saisi, si le revêtement vert ou gris-vert est ajouté dans le dessein principal de réduire la possibilité de corrosion, alors il n’est sans doute pas enregistrable.

 

[41]           La preuve – principalement celle qui résulte du contre-interrogatoire de M. Ciz – est nouvelle et se rapporte à une fonction du revêtement de Peak. Cependant, elle ne traite pas directement de la couleur verte. Comme l’a mentionné M. Ciz, le poudrage qui retarde la corrosion peut être produit en de nombreuses couleurs. Je n’ai pas la preuve qu’un revêtement de couleur verte offre davantage de protection qu’un autre de couleur bleue ou rose. Ainsi, en dépit des preuves « nouvelles » qui sont devant moi, je ne suis pas persuadée que Strong-Tie a démontré, selon la prépondérance de la preuve, que les marques de Peak sont purement fonctionnelles, utilitaires ou clairement descriptives de la qualité ou de la nature d’un revêtement de couleur. La décision de la Commission est valide.

 

 

D.        Les marques de couleur de Peak se prêtent-elles davantage à une demande de signe distinctif?

 

[42]           Outre son argument selon lequel les prétendues marques de Peak sont purement fonctionnelles, Strong-Tie fait valoir que les marques participent d’un signe distinctif -- la marque demandée n’est rien de plus qu’un « mode d’envelopper ou empaqueter des marchandises ». Le principal avantage, pour Strong-Tie, d’une telle décision de la Commission semble être que, en application du paragraphe 32(2) de la Loi, l’enregistrement serait restreint « à la région territoriale définie au Canada ou, d’après ce qui est démontré, la marque de commerce est ainsi devenue distinctive ».

 

[43]           L’expression « signe distinctif » est définie ainsi dans l’article 2 de la Loi :

« signe distinctif » Selon le cas :

 

a)   façonnement de marchandises ou de leurs contenants;

 

b)   mode d’envelopper ou empaqueter des marchandises,

 

dont la présentation est employée par une personne afin de distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres.

 

13. (1) Un signe distinctif n’est enregistrable que si, à la fois :

 

a)   le signe a été employé au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenu distinctif à la date de la production d’une demande d’enregistrement le concernant;

 

b)   l’emploi exclusif, par le requérant, de ce signe distinctif en liaison avec les marchandises ou services avec lesquels il a été employé n’a pas vraisemblablement pour effet de restreindre de façon déraisonnable le développement d’un art ou d’une industrie.

"distinguishing guise" means

 

(a)  a shaping of wares or their containers, or

 

(b)  a mode of wrapping or packaging wares

 

the appearance of which is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others;

      …

 

 

 

 

13. (1) A distinguishing guise is registerable only if

 

(a)  it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration; and

 

(b)  the exclusive use by the applicant of the distinguishing guise in association with the wares or services with which it has been used is not likely unreasonably to limit the development of any art or industry.

 

[44]           La date à laquelle une marque de commerce devient enregistrable selon l’article 13 est la date de présentation de la demande d’enregistrement. En l’espèce, les dates pertinentes sont le 23 août 2003 (pour la demande 491) et le 6 février 2004 (pour la demande 529).

 

[45]           Après examen de cette partie du sixième moyen d’opposition, la Commission a conclu ainsi :

En ce qui a trait au sixième motif d’opposition invoqué dans chaque cas, l’opposante n’a fourni aucune preuve à l’appui de sa prétention selon laquelle la marque qui fait l’objet de la demande est devenue reconnue au Canada comme désignant la nature et la qualité des marchandises visées par la demande.

 

[46]           Devant moi, Strong-Tie présente la preuve obtenue à la faveur du contre-interrogatoire de M. Ciz. Plus précisément, Strong-Tie souligne ce qui suit (dossier de la demanderesse, volume 3, page 989, lignes 16 à 18) :

[traduction]

148      Q         Le poudrage vert kaki est donc le revêtement qui en quelque sorte l’isole des éléments?

 

R          Oui.

 

[47]           Cette question tendancieuse posée par l’avocat de Strong-Tie n’a pas pour effet selon moi de changer la nature de la marque, de transformer une marque enregistrable en un « signe distinctif ». M. Ciz n’est pas un avocat spécialisé en marque de commerce ou en propriété intellectuelle et il ne connaît pas très bien la définition complexe d’un « signe distinctif ». En reconnaissant que « le poudrage vert kaki est le revêtement qui en quelque sorte l’isole des éléments », M. Ciz reconnaissait simplement que le poudrage pouvait procurer à la pièce de fixation une certaine protection contre les éléments. Ce n’est pas là, comme le voudrait Strong-Tie, admettre que la marque demandée (c’est-à-dire la pièce de fixation de couleur verte ou gris-vert) n’est rien de plus qu’un signe distinctif.

 

[48]           Par ailleurs, le recours de Strong-Tie à diverses définitions de dictionnaire pour les mots « enveloppe » et « envelopper » n’est guère éclairante pour la Cour. Elles n’auraient pas, elles non plus, eu d’effet sur les conclusions de fait de la Commission ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

 

[49]           Même si ces preuves « nouvelles » sont prises en compte, je suis d’avis que : a) la marque demandée par Peak n’est pas un signe distinctif, et donc la demande ne devrait pas être évaluée sur ce fondement; et b) le poudrage qui est appliqué à la surface de la pièce de fixation n’est pas la marque demandée; c’est plutôt la couleur qui est la marque demandée. La décision de la Commission est valide.

 

E.         Peak a-t-elle employé les prétendues marques de couleur comme marque de commerce depuis la date alléguée à l’origine dans les demandes?

 

[50]           Le huitième moyen d’opposition de Strong-Tie était que la marque de Peak n’avait pas été employée par Peak depuis la date de la présumée première utilisation.

 

[51]           Selon l’alinéa 30b) de la Loi, la demande d’enregistrement d’une marque de commerce doit mentionner « la date à compter de laquelle le requérant… [a] ainsi employé la marque de commerce en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrits dans la demande ».

 

[52]           Les demandes d’enregistrement présentées par Peak font remonter au 1er juin 2003 la date d’utilisation des couleurs verte ou gris-vert appliquées à la surface des pièces de fixation. C’est à Peak qu’il appartient d’établir cette date. Cependant, dans la mesure où l’opposante (Strong-Tie) invoque des faits au soutien de son moyen d’opposition, alors il appartient à Strong-Tie de prouver l’effet en question (décision John Labatt Ltée, précitée, au paragraphe 8).

 

[53]           Strong-Tie fait valoir que Peak n’avait pas employé les marques depuis la date pertinente. La Commission des oppositions a rejeté ce moyen au motif que la preuve produite par Strong-Tie ne suffisait pas à remplir l’obligation de Strong-Tie. Durant l’audition de l’opposition, Strong-Tie s’était fondée sur la preuve par affidavit portant sur les recherches Internet faites par Mme Anastacio pour Peak. La Commission a dit que Mme Anastacio n’avait pas donné le détail des paramètres de sa recherche.

 

[54]           Je relève que, dans sa décision, la Commission n’a pas abordé la question de la preuve d’utilisation produite par Peak. La preuve de Peak attestant une utilisation antérieure à la date pertinente est une facture datée du 24 avril 2003, qui se réfère à trois produits, dont l’un est une « fixation de terrasse revêtue d’une teinture en poudre », portant le numéro d’article 2501. Selon l’affidavit de M. Ciz présenté dans le présent appel, la couleur gris-vert est appliquée à la surface tout entière de cet article. Peak affirme donc que la date de première utilisation remonte au moins au 24 avril 2003. Je suis du même avis.

 

[55]           Même si la facture ne parle pas de couleur verte, de couleur gris-vert ou de couleur kaki, le témoignage de M. Ciz prouve que ce qui était facturé, c’étaient des fixations portant la marque demandée. Je suis d’avis que Peak s’est acquittée de son obligation de prouver que ces marques de couleur ont commencé d’être employées en liaison avec les marchandises dès le 1er juin 2003 ou avant.

 

[56]           Dans le présent appel, Strong-Tie a produit la preuve par affidavit de Mme Monfiston, où elle décrit le résultat de son examen des versions archivées des sites Web de Peak et où elle affirme que le produit pertinent n’apparaît pas sur les sites en question. Je reconnais avec Peak que ces recherches n’ajoutent rien d’important aux questions de conformité à l’alinéa 30b) et que l’absence du produit sur le site Web ne veut pas dire que les marques n’ont pas été employées à compter du 1er juin 2003. Cette preuve nouvelle n’aurait pas pu avoir d’effet sur les conclusions de fait de la Commission ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

 

[57]           La décision de la Commission est valide.

 

F.         Les prétendues marques de couleur sont-elles suffisamment décrites dans la demande?

 

[58]           Dans ses déclarations d’opposition, Strong-Tie a invoqué l’article 30 dans son intégralité. Au cours de l’audience devant la Commission des oppositions, Strong-Tie a affiné cet argument en plaidant que les demandes d’enregistrement présentées par Peak étaient contraires à l’alinéa 30h). Selon l’alinéa 30h), la demande d’enregistrement doit contenir « un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque ».

 

[59]           La Commission des oppositions a refusé d’examiner un moyen d’opposition fondé sur l’alinéa 30h) car ce moyen n’avait pas été explicitement soulevé dans la déclaration d’opposition. Cependant, la Commission poursuivait ainsi :

Quoi qu’il en soit, la requérante n’est pas tenue de restreindre la marque revendiquée à une taille spécifique. Dans la mesure où les marchandises sont suffisamment décrites et définies, la couleur peut à elle seule constituer une marque de commerce comme c’est le cas, par exemple, d’une couleur unique pour un panneau isolant en fibre de verre.

 

[60]           Devant la Cour, Strong-Tie a soulevé la question de l’alinéa 30h) en affirmant que, lorsqu’appel a été interjeté de la décision de la Commission, Peak devait avoir connaissance de ce moyen d’opposition et avoir eu la possibilité de produire des preuves sur cet aspect. Je remarque que Strong-Tie a élargi cet argument au-delà de ce qui semble-t-il avait été soulevé lors de l’audience de la Commission des oppositions. Strong-Tie affirme aujourd’hui que les dessins ne conviennent pas parce qu’ils ne montrent pas la vue arrière des fixations asymétriques.

 

[61]           La question qui m’est soumise est de savoir si Strong-Tie, n’ayant pas validement soulevé ce moyen au cours de l’audience de la Commission des oppositions, devrait pouvoir le soulever devant moi. Selon moi, cette question comporte deux volets. Le premier concerne l’argument selon lequel l’alinéa 30h) n’a pas été observé parce que les dimensions des marchandises n’ont pas été divulguées. Depuis l’audience de la Commission des oppositions, Peak sait que cela constitue une difficulté. Il me semble donc qu’il faille considérer que je suis validement saisie de ce point particulier, qui a été dûment notifié à Peak (voir l’arrêt Novopharm Ltd. c. AstraZeneca AB, 2001 CAF 296, [2002] 2 C.F. 148, au paragraphe 43).

 

[62]           Strong-Tie fait valoir que les prétendues marques de couleur de Peak appliquées à un objet non spécifique ne sont pas l’objet valide de marques de commerce car leur forme et leur dimension ne sont pas suffisamment définies. Strong-Tie dit que la couleur ne présente pas d’uniformité; M. Ciz et Mme La avaient reconnu que les matériaux distribués par Peak étaient censément de même couleur, alors qu’ils étaient verts, gris-vert ou kaki et que parfois ils semblaient grisâtres, selon l’éclairage.

 

[63]           Selon Peak, les demandes d’enregistrement sont conformes à l’alinéa 30h), et l’étendue de la protection mentionnée dans les demandes est claire si l’on considère les demandes dans leur globalité. Peak fait observer que l’alinéa 30h) prévoit que la demande doit renfermer « […] sauf si la demande ne vise que l’enregistrement d’un mot ou de mots non décrits en une forme spéciale, un dessin de la marque de commerce, ainsi que le nombre, qui peut être prescrit, de représentations exactes de cette marque ». Peak souligne aussi le fait que le paragraphe 28(1) du Règlement sur les marques de commerce, DORS/96-195, et les avis de pratique du Bureau des marques de commerce renforcent l’alinéa 30h) de la Loi.

 

[64]           En l’espèce, les demandes d’enregistrement comprennent un contour en pointillé de l’objet. Je relève que, selon deux avis de pratique du Bureau des marques de commerce, les marques portant sur des couleurs doivent comprendre un dessin indiquant les caractéristiques visibles de l’objet dans un contour en pointillé (6 décembre 2000). Si le dessin n’est pas ainsi représenté, alors la demande d’enregistrement sera examinée en tant que signe distinctif (3 décembre 1990).

 

[65]           S’agissant du premier volet de l’argument fondé sur l’alinéa 30h), je ne puis voir aucune exigence selon laquelle les dimensions des objets doivent être indiquées dans les dessins ou ailleurs. La couleur peut à elle seule constituer une marque de commerce.

 

[66]           Le deuxième volet de l’argument de Strong-Tie est que les dessins ne présentent pas la vue arrière des pièces de fixations. Strong-Tie a cité le paragraphe 50 d’une décision du juge Evans, Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., [2000] 2 C.F. 553, [1999] A.C.F. n° 1661 (C.F. 1re inst.), où l’on peut lire que, lorsqu’un monopole est octroyé, les concurrents et le public en général ont le droit d’insister sur le respect rigoureux des termes de la législation. Dans cette affaire-là, le point que devait décider le juge Evans was that the diagram provided was inaccurate and contradicted the verbal description. La description parlait de la couleur rose, alors que le dessin était hachuré pour désigner la couleur bleue. C’est une situation très différente de celle qui est devant moi.

 

[67]           Cependant, le problème plus sérieux que pose cette allégation est qu’elle n’a pas été soulevée devant la Commission des oppositions – que ce soit dans la déclaration d’opposition ou oralement. Par conséquent (et en accord avec d’autres conclusions exposées dans les présents motifs), Strong-Tie est empêchée d’avancer maintenant l’argument au stade de l’appel. Encore une fois, il est loisible à une partie de produire des preuves nouvelles en appel, mais elle ne peut pas soulever de nouvelles questions.

 

[68]           En somme, même si je reconnais que Strong-Tie peut invoquer l’alinéa 30h) comme moyen d’opposition en appel dans la mesure où ce moyen a été présenté oralement devant la Commission des oppositions, je suis d’avis que : a) l’argument selon lequel les dimensions de l’objet doivent être mentionnées n’est pas recevable; b) Strong-Tie ne peut pas, en appel, soulever la question de l’exactitude des dessins.

 

G.        Quel est l’effet d’une licence de tiers?

 

[69]           Dans son exposé des faits et du droit, Strong-Tie soulève la question de l’absence de caractère distinctif des marques de couleur, au motif que les marques sont employées par des filiales ou des affiliés de Peak. Ce point n’a pas été soulevé devant la Commission des oppositions, et Peak s’oppose, sur ce fondement, à ce qu’il soit examiné ici.

 

[70]           Strong-Tie rétorque qu’elle n’aurait pas pu soulever ce moyen plus tôt. Elle dit qu’elle a pris conscience de la question lorsque M. Ciz l’a évoquée dans son affidavit, où il écrivait, au paragraphe 2 :

[traduction] Peak et/ou le licencié de Peak, Peak Products Manufacturing Inc. (ci-après PPM), vend une pièce de fixation de terrasse sous le numéro de référence 2501 […]

 

[71]           Se fondant sur cette preuve, Strong-Tie affirme que Peak contrevient à l’article 50 de la Loi, ainsi rédigé :

50. (1) Pour l’application de la présente loi, si une licence d’emploi d’une marque de commerce est octroyée, pour un pays, à une entité par le propriétaire de la marque, ou avec son autorisation, et que celui-ci, aux termes de la licence, contrôle, directement ou indirectement, les caractéristiques ou la qualité des marchandises et services, l’emploi, la publicité ou l’exposition de la marque, dans ce pays, par cette entité comme marque de commerce, nom commercial — ou partie de ceux-ci — ou autrement ont le même effet et sont réputés avoir toujours eu le même effet que s’il s’agissait de ceux du propriétaire.

 

 

 

Licence d’emploi d’une marque de commerce

 

(2) Pour l’application de la présente loi, dans la mesure où un avis public a été donné quant à l’identité du propriétaire et au fait que l’emploi d’une marque de commerce fait l’objet d’une licence, cet emploi est réputé, sauf preuve contraire, avoir fait l’objet d’une licence du propriétaire, et le contrôle des caractéristiques ou de la qualité des marchandises et services est réputé, sauf preuve contraire, être celui du propriétaire.

50. (1) For the purposes of this Act, if an entity is licensed by or with the authority of the owner of a trade-mark to use the trade-mark in a country and the owner has, under the licence, direct or indirect control of the character or quality of the wares or services, then the use, advertisement or display of the trade-mark in that country as or in a trade-mark, trade-name or otherwise by that entity has, and is deemed always to have had, the same effect as such a use, advertisement or display of the trade-mark in that country by the owner.

 

 

 

 

 

 

Idem

 

 

(2)        For the purposes of this Act, to the extent that public notice is given of the fact that the use of a trade-mark is a licensed use and of the identity of the owner, it shall be presumed, unless the contrary is proven, that the use is licensed by the owner of the trade-mark and the character or quality of the wares or services is under the control of the owner.

 

[72]           Contre-interrogés, M. Ciz et Mme La ont tous deux refusé de confirmer, de produire ou de fournir les modalités d’une éventuelle licence. Strong-Tie voudrait que la Cour en tire une conclusion défavorable en disant qu’il n’existait aucune licence valide et que l’utilisation des marques par les entités ont porté atteinte à leur caractère distinctif.

 

[73]           Si la question doit être examinée, alors Peak fait valoir que la date à retenir pour juger du caractère distinctif des marques est le dépôt de l’opposition, c’est-à-dire le 26 octobre 2004. Peak décrit ainsi sa structure de l’entreprise à la date pertinente :

[traduction] Ainsi que l’a expliqué M. Ciz dans son contre-interrogatoire, Peak Innovation Inc. (la défenderesse dans le présent appel) s’appelait auparavant Peak Products Manufacturing Inc., jusqu’au changement de sa dénomination en 2003. À la fin de 2003, une nouvelle société, Peak Products Manufacturing Inc., a alors été constituée, et c’est la société qui vend aujourd’hui le produit en cause dans les présents appels (celui dont le numéro de référence est 2501).

 

[74]           Selon la preuve, seules Peak et Peak Products Manufacturing Inc. ont vendu le produit portant les prétendues marques de commerce, et les deux sociétés ont la même âme dirigeante et Peak Products Manufacturing est un licencié de Peak. Par conséquent, d’affirmer Peak, il n’est pas établi que, à la date considérée, il y a eu perte de caractère distinctif de la marque de couleur de Peak Colour Mark en raison d’utilisation par des entités liées.

 

[75]           Je reconnais avec Peak que c’est là une question qui ne peut pas être soulevée à ce stade. Encore une fois, bien qu’il soit loisible à une partie de produire des preuves nouvelles en appel, elle ne peut pas soulever de nouvelles questions.

 

[76]           Cependant, même si je devais examiner la question, il me serait impossible de dire qu’il y a eu violation de l’article 50. L’existence du lien entre Peak et sa société affiliée signifie qu’il existe peut-être une licence implicite entre Peak et sa société affiliée (voir la décision Jay-Lor International Inc. c. Penta Farm Systems Ltd., 2007 CF 358, 59 C.P.R. (4th) 228, au paragraphe 28).

 

VI.       Dispositif

 

[77]           En conclusion, pour les motifs susmentionnés, je rejetterais l’appel de Strong-Tie.

 

[78]           Au cours de l’audition, les parties ont formulé des observations quant aux dépens. Peak voudrait que la Cour adjuge les dépens selon un barème supérieur étant donné que le présent appel était un « cas type » pour un certain nombre d’autres appels qui sont en attente de l’issue du présent appel. Strong-Tie a fait valoir que les dépens devraient être adjugés selon le barème habituel du milieu de la colonne III du Tarif B. Strong-Tie a précisé que ses frais de déplacement devraient être pris en compte.

 

[79]           Selon moi, la complexité de la présente affaire ne justifie pas une adjudication de dépens selon un barème autre que le barème habituel – c’est-à-dire le milieu de la colonne III du Tarif B. L’existence d’autres cas possibles, pour lesquels des dépens pourront être adjugés en temps voulu, n’est pas une raison suffisante de ne pas s’en tenir au tarif habituel.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  L’appel est rejeté.

 

2.                  Les dépens sont adjugés à Peak, pour être taxés selon le milieu de la colonne III du Tarif B.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                      T-1570-07; T-1571-07

 

INTITULÉ :                                       SIMPSON STRONG-TIE COMPANY, INC.

                                                            c.

PEAK INNOVATIONS INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 29 OCTOBRE 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE 

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 23 NOVEMBRE 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Kenneth McKay

 

POUR LA DEMANDERESSE

Paul Smith

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sim, Lowman, Ashton & McKay LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Smiths IP

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

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