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Federal Court

 

Cour fédérale

 

Date : 20091130

Dossier : DES-7-08

Référence : 2009 CF 1220

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR);

 

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR;

 

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Mohamed Zeki Mahjoub.

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

[1]        Mohamed Zeki Mahjoub est détenu depuis le 18 mars 2009 en vertu d’un certificat de sécurité délivré le 22 février 2008. Le caractère raisonnable du certificat délivré par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique (les ministres) sera examiné à une date ultérieure. La présente décision fait suite à un contrôle de la détention et n’aborde que la question de savoir si M. Mahjoub peut être mis en liberté et, plus particulièrement, si la menace


posée par M. Mahjoub pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui peut être neutralisée par l’imposition de conditions à sa mise en liberté. Pour les motifs qui suivent, j’ai décidé que M. Mahjoub devrait être mis en liberté sous des conditions strictes en attendant qu’il soit statué sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité en vertu duquel il est actuellement détenu et, si le certificat devait être jugé raisonnable, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue quant à savoir s’il peut être renvoyé du Canada, sous réserve d’un contrôle ultérieur de six mois.

 

Le contexte

[2]        M. Mahjoub, un ressortissant égyptien, est arrivé au Canada en 1995 et on lui a reconnu le statut de réfugié au sens de la Convention l’année suivante. Il a rencontré et marié Mona El Fouli, une citoyenne canadienne; ils ont deux fils, Yusuf, qui est maintenant âgé de 11 ans, et Ibrahim, âgé de 7 ans. Mme El Fouli a également un fils, Haney El Fouli, âgé de 26 ans.

 

[3]        L’historique des instances mettant en cause M. Mahjoub a été fort documenté dans les décisions antérieures de la Cour (voir : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub, 2001 CFPI 1095; Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 171; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et Ministre de la Sécurité publique) c. Mahjoub, 2009 CF 34; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Mahjoub, 2009 CF 248; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Mahjoub, 2009 CF 439). En bref, M. Mahjoub a été mis en détention le 26 juin 2000, en vertu d’un certificat de sécurité délivré sous le régime de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2 (l’ancienne loi). Selon le résumé du Rapport de renseignements de sécurité du 27 juin 2000, préparé par le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS), M. Mahjoub était un membre haut placé d’une organisation terroriste islamique égyptienne, le Vanguard of Conquest (le VOC), une aile radicale du Jihad islamique égyptien ou Al Jihad (le Jihad). Selon le résumé, le Jihad est un des groupes qui s’est scindé de la section égyptienne des Frères musulmans dans les années 1970 pour former une organisation plus extrémiste et militante qui prône le recours à la violence en vue d’instaurer un État islamique en Égypte. M. Mahjoub est soupçonné d’avoir occupé un poste élevé au sein du conseil de direction du VOC. En 1999, il a été déclaré coupable en Égypte, in absentia, pour des infractions relatives aux activités du VOC, et il a été condamné à 15 ans d’emprisonnement.

 

[4]        En 2001, monsieur le juge Nadon a décidé que le certificat de sécurité était raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub, 2001 CFPI 1095). Le juge Nadon a conclu, compte tenu de la preuve dont il disposait, qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le Jihad et le VOC s’étaient livrés à des actes de terrorisme et que M. Mahjoub avait été membre de ces deux organisations.

 

[5]        Le 23 février 2007, la Cour suprême du Canada a conclu que la procédure législative alors établie de confirmation judiciaire des certificats était incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) (la Charte) (Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350, (Charkaoui n1)). Cet arrêt a eu comme résultat l’annulation du certificat délivré contre M. Mahjoub.

 

[6]        Le 22 février 2008, un nouveau certificat de sécurité a été délivré contre M. Mahjoub en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) et le paragraphe 7(3) du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (certificat et avocat spécial) et une autre loi en conséquence, 2e session, 39e législature, 2007-2008. Aucune décision n’a encore été rendue sur le caractère raisonnable du nouveau certificat.

 

[7]               M. Mahjoub a été détenu au Centre de détention de la communauté urbaine de Toronto‑Ouest (le CDCUTO) du 26 juin 2000 jusqu’en avril 2006. Il est demeuré détenu jusqu’au 11 avril 2007 au Centre de surveillance de l’immigration de Kingston (le CSIK), un établissement de détention fédéral conçu pour n’accueillir que des personnes détenues en vertu d’un certificat de sécurité. Ce centre est situé dans l’Établissement de Millhaven, un pénitencier fédéral situé à Bath, en Ontario (Millhaven).

 

[8]               On a rejeté les deux premières demandes de mise en liberté de M. Mahjoub parce qu’il n’avait pas convaincu la Cour que sa mise en liberté ne constituerait pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui, ni que l’imposition de conditions suffirait pour justifier sa mise en liberté (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub, 2003 CF 928, (Mahjoub no 1); (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub, 2005 CF 1596 (Mahjoub no 2)).

 

[9]               Lors de sa troisième demande, M. Mahjoub a été mis en liberté par le juge Mosley, dans un jugement daté du 17 février 2007 (Mahjoub c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 171 (Mahjoub no 3)). À cette époque, M. Mahjoub était détenu depuis six ans et demi au total. Le 11 avril 2007, on a mis M. Mahjoub en liberté sous des conditions rigoureuses ressemblant à une détention à domicile. Son épouse, Mme El Fouli, et son beau‑fils, M. El Fouli, ont été désignés comme cautions et surveillants. Lors de contrôles subséquents qui ont eu lieu en juin, septembre et décembre 2007, il y a eu des modifications aux conditions de mise en liberté, mais pas de façon importante.

 

[10]           La juge Layden-Stevenson a procédé à un contrôle des conditions de mise en liberté de M. Mahjoub et, le 9 mars 2009, a ordonné certaines modifications substantielles aux conditions de mise en liberté (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Mahjoub, 2009 CF 248, (Mahjoub no 4)).

 

[11]           Le 17 mars 2009, M. Mahjoub a avisé la Cour que ses surveillants retiraient leurs engagements. La Cour a convoqué d’urgence une audience pour le 18 mars 2009, au cours de laquelle elle a entendu les témoignages de Mme El Fouli, de M. El Fouli et de M. Mahjoub. M. Mahjoub a informé la Cour que son épouse et son beau‑fils avaient décidé qu’ils ne voulaient pas demeurer surveillants et cautions, et que sa famille et lui ne pouvaient plus vivre avec les conditions rigoureuses de sa mise en liberté. Le juge Noël, qui présidait cette audience spéciale, s’est assuré que M. Mahjoub comprenait les conséquences de ces changements et le fait que, en ne se soumettant plus aux conditions de sa mise en liberté, il devrait retourner sous la garde de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Mahjoub, 2009 CF 439). M. Mahjoub est retourné en détention le 18 mars 2009, et a été encore une fois placé au CSIK. Depuis ce temps, M. Mahjoub est demeuré en détention et fut le seul détenu au CSIK. Le 1er juin 2009, M. Mahjoub a commencé une grève de la faim pour protester contre les conditions de sa détention.

                                         

 

L’historique des instances

 

[12]           Le contrôle de la détention de M. Mahjoub, prescrit par le paragraphe 82(2) de la LIPR, a débuté le 10 septembre 2009, et il a immédiatement été ajourné jusqu’à la tenue d’une conférence de gestion de l’instance, le 21 septembre 2009. Au cours de cette conférence, les avocates de M. Mahjoub ont demandé que l’on procède à une évaluation psychiatrique de celui‑ci avant d’entreprendre le contrôle de la détention et elles ont fait part de leur intention de contester l’admissibilité en preuve de l’évaluation du risque posé par M. Mahjoub qu’a préparée l’ASFC (l’évaluation du risque). Par conséquent, et sur consentement des ministres, la Cour a ajourné le contrôle de la détention au 23 novembre 2009.

 

[13]           Le 5 octobre 2009, les avocates de M. Mahjoub ont mentionné que l’état physique de celui‑ci s’était gravement détérioré en raison de sa grève de la faim, et elles ont demandé que le contrôle de la détention soit de nouveau fixé d’urgence afin de poursuivre le plus tôt possible. Le 8 octobre 2009, sur consentement des ministres, la Cour a ordonné la reprise du contrôle de la détention le 13 octobre suivant.

 

[14]           Vu l’urgence de l’affaire, et sur consentement des parties, la Cour a ordonné que M. Mahjoub dépose un dossier avant le commencement du contrôle de la détention, lequel dossier devait comprendre : (1) une description des questions de droit à examiner; (2) un aperçu des observations de M. Mahjoub sur ces questions; (3) une liste de témoins. Du fait du calendrier accéléré de l’instance, il a été convenu que les ministres ne seraient pas tenus de déposer des observations écrites et que M. Mahjoub procéderait en premier lors de l’audience. Par suite d’une entente intervenue entre les parties, les questions de droits ont été circonscrites à l’examen de deux des cinq facteurs devant être pris en compte lors des contrôles de la détention, lesquels sont énoncés et analysés dans l’arrêt Charkaoui n1. Voici ces facteurs : la durée de la détention et l’existence de solutions de rechange à la détention.

 

[15]           Le 6 octobre 2009, on a fourni à M. Mahjoub une version expurgée de l’évaluation du risque. Dans le précédent contrôle des conditions de mise en liberté (Mahjoub no 4), la juge Layden-Stevenson avait exhorté l’ASFC à effectuer une telle évaluation personnalisée du risque posé par M. Mahjoub. Au paragraphe 126 de ses motifs, elle a déclaré :

[…] M. Mahjoub devrait faire sans délai l’objet d’une évaluation personnalisée du risque. Les conclusions de fait du juge Mosley [dans la décision Mahjoub no 3], combinées aux facteurs énoncés dans l’arrêt Charkaoui n1, n’en exigent pas moins.

 

Je fais remarquer qu’au moment où l’évaluation du risque a été ordonnée, M. Mahjoub n’était pas détenu. Au début, M. Mahjoub avait demandé que les ministres produisent un témoin aux fins d’un contre‑interrogatoire sur l’évaluation du risque au cours du présent contrôle de la détention. Les ministres ont mentionné que l’auteur de l’évaluation du risque n’était pas disponible à la date où il devait comparaître à l’origine. Même si le calendrier de l’audience a été étendu au‑delà de la période initiale durant laquelle on a dit que le témoin n’était pas disponible, celui‑ci n’a pas été produit. Les ministres ont plutôt informé la Cour qu’ils n’invoqueraient pas l’évaluation du risque aux fins du présent contrôle de la détention.

 

[16]           Le SCRS a préparé une nouvelle évaluation de la menace posée par M. Mahjoub, laquelle évaluation est datée du 7 octobre 2009 (l’évaluation de la menace). Le résumé public de l’évaluation de la menace posée par M. Mahjoub, qui est daté du 12 octobre 2009 (le résumé public de l’évaluation de la menace), a été mis à la disposition des avocates pour l’audience publique. Les avocates de M. Mahjoub ont demandé que l’on produise un témoin pour un contre‑interrogatoire sur le résumé public de l’évaluation de la menace et sa préparation. Les avocats des ministres ont demandé, en vertu de l’alinéa 83(1)c) de la LIPR, que le témoin du SCRS soit entendu lors d’une audience à huis clos, en l’absence de M. Mahjoub et de ses avocates, au motif que la divulgation des renseignements apportés par le témoin pourrait constituer un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui. Le témoin a été entendu à huis clos le 19 octobre 2009. La Cour s’est dite convaincue que le témoin du SCRS pouvait témoigner dans le cadre d’une audience publique sans que cela constitue un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui, pourvu que son identité soit protégée. Le témoin a été entendu en audience publique le 26 octobre 2009.

 

[17]           M. Mahjoub demande d’être mis en liberté avec une modification des conditions de mise en liberté. Il propose que sa détention soit contrôlée dans les limites du cadre suivant :

 

a)         M. Mahjoub soutient que, parce qu’il a déjà été mis en liberté par la Cour et qu’il est volontairement retourné en détention, la question pertinente à trancher dans le cadre du présent contrôle n’est pas de savoir s’il devrait être mis en liberté, mais plutôt quelles sont les conditions de mise en liberté qui suffiraient pour neutraliser ou contenir la menace qu’il pose actuellement pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui (ou contenir le danger qu’il s’enfuie);

b)         M. Mahjoub ne demande pas que les conditions de mise en liberté soient écartées; il reconnaît qu’il est nécessaire qu’il y ait des conditions de mise en liberté;

c)         M. Mahjoub accepte, aux seules fins du contrôle de la détention, les conclusions de fait du juge Mosley concernant la menace qu’il pose pour la sécurité nationale, avec certaines réserves sur lesquelles je reviendrai;

d)         Personne n’est disponible pour agir en tant que surveillant résidant pour M. Mahjoub. S’il était mis en liberté, il vivrait seul;

e)         M. Mahjoub prétend qu’un certain nombre de facteurs justifient sa demande de modification des conditions de sa mise en liberté pour les rendre moins rigoureuses;

f)          M. Mahjoub soutient que les modifications proposées aux conditions de mise en liberté neutraliseront la menace qu’il pose pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui.

 

 

[18]           Les conditions proposées par M. Mahjoub diffèrent des précédentes conditions de mise en liberté, lesquelles lui avaient été imposées avant sa réincarcération volontaire. Avant d’examiner les divers facteurs dont il faut tenir compte dans le cadre du présent contrôle de la détention, il est utile d’étudier les conditions antérieures de mise en liberté de M. Mahjoub ainsi que les changements qu’il propose.

 

 

 

Les conditions antérieures de mise en liberté de M. Mahjoub

 

[19]           Les conditions imposées à M. Mahjoub avant sa réincarcération volontaire étaient les suivantes :

 

a)                  La somme de 32 500 $ a été versée à titre de cautionnement en espèces, conformément à l’article 149 des Règles des Cours fédérales, DORS/2004-283, art. 2, et la somme de 58 000 $ a été fournie à titre de cautionnements de bonne exécution, conformément à l’article 56 de la LIPR;

b)                  M. Mahjoub était muni d’un dispositif de télésurveillance (GPS) avec lequel l’ASFC pouvait repérer l’endroit où il se trouvait;

c)                  M. Mahjoub devait être surveillé en tout temps par ses surveillants agréés par la Cour, qui étaient Mme El Fouli, M. El Fouli, El Sayed Ahmed et Murray Lumley;

d)                  Par dérogation à la condition précédente, M. Mahjoub était autorisé à rester seul à la maison sans surveillant les jours de semaine, entre 8 h et 18 h, à condition : qu’un dispositif de vidéoconférence ait été branché dans la salle de séjour, qu’il ait avisé l’ASFC qu’il serait seul à la maison au moyen du dispositif de vidéoconférence et que l’ASFC ait été autorisée à communiquer périodiquement avec M. Mahjoub au moyen du dispositif de vidéoconférence. Il ne pouvait recevoir de visiteurs lorsqu’il était seul à la maison;

e)                  M. Mahjoub s’était vu imposer un couvre‑feu entre 23 h et 8 h;

f)                    M. Mahjoub avait l’autorisation de quitter sa résidence en présence d’un surveillant en dehors des heures du couvre‑feu sur autorisation préalable de l’ASFC, trois fois par semaine pour des périodes ne dépassant pas quatre heures, dans un périmètre prédéterminé, et avec l’obligation d’aviser l’ASFC avant de quitter la résidence et dès son retour;

g)                  Les sorties suivantes étaient soustraites à l’exigence d’une autorisation préalable : lorsque M. Mahjoub accompagnait ses enfants pour aller à l’école ou en revenir; lorsque M. Mahjoub marchait pour faire de l’exercice; les sorties religieuses à la mosquée; les rendez‑vous chez le médecin et le psychologue. Pour ces sorties, M. Mahjoub devait donner un préavis : sans délai pour marcher et accompagner les enfants; 30 minutes avant les sorties religieuses durant les heures ouvrables et 90 minutes en dehors des heures ouvrables; 48 heures avant un rendez‑vous chez le médecin ou le psychologue;

h)                  Il était permis à M. Mahjoub de « passer du temps » avec les personnes qu’il rencontrait « par hasard » au cours de ses sorties;

i)                    Les seuls visiteurs admis étaient ses avocats, ses surveillants, ses amis et les amis âgés de moins de 15 ans de ses fils, le gérant de l’immeuble et toute autre personne qui était autorisée par l’ASFC;

j)                    M. Mahjoub a dû consentir à l’interception de toutes les communications orales et écrites;

k)                  On a interdit à M. Mahjoub d’avoir en sa possession un dispositif radio ayant une capacité de transmission, du matériel permettant la connexion à Internet ou un téléphone cellulaire;

l)                    M. Mahjoub devait permettre aux employés de l’ASFC d’entrer dans sa résidence en tout temps pour vérifier s’il s’y trouvait et s’assurer qu’il se conformait aux conditions de mise en liberté.

 

 

Les conditions de mise en liberté proposées par M. Mahjoub

 

[20]           Je donnerai un aperçu des principales modifications proposées par M. Mahjoub.

 

[21]           M. Mahjoub propose maintenant que soit versée la somme de 7 500 $, à titre de cautionnement en espèces, et que des cautionnements de bonne exécution soient fournis pour la somme totale de 48 000 $, contrairement aux montants précédents de 32 500 $ et de 58 000 $.

 

[22]           Selon les conditions de mise en liberté antérieures, M. Mahjoub vivait avec sa famille. Comme cela a déjà été mentionné, il devait être en tout temps sous la surveillance de ses surveillants agréés par la Cour, même lorsqu’il se trouvait dans la résidence, à l’exception de périodes limitées durant lesquelles il lui était permis de rester seul à la maison. M. Mahjoub cherche maintenant à modifier la condition afin de pouvoir vivre seul, puisque vivre avec Mme El Fouli et ses deux enfants n’est plus une option. Il propose donc qu’on lui permette de vivre sans surveillant résidant et qu’il soit autorisé à rester seul chez lui, sans la présence d’une caution de surveillance.

 

[23]           En ce qui a trait aux sorties, M. Mahjoub propose qu’il lui soit permis de sortir sans la présence d’un surveillant. Il demande également que la Cour écarte la condition exigeant que les sorties soient autorisées au préalable et qu’elle lève la restriction quant au nombre et à la durée de ces sorties.

 

[24]           M. Mahjoub sollicite la réduction d’une heure du couvre‑feu. Il propose que celui‑ci s’étende de 23 h à 7 h. Il demande aussi qu’il lui soit permis d’être à l’extérieur de sa résidence jusqu’à minuit durant le mois du Ramadan, afin qu’il puisse participer aux prières du soir.

 

[25]           M. Mahjoub demande que l’interception des communications orales par l’ASFC soit limitée. Il propose que, lorsque l’analyste qui intercepte la communication constate qu’il s’agit d’une communication entre M. Mahjoub et son fournisseur de soins de santé, il cesse de surveiller la communication et supprime l’interception, comme c’est le cas avec ses avocates. 

 

[26]           M. Mahjoub demande des restrictions particulières afin de limiter l’utilisation des interceptions et la prise de photographies par l’ASFC, et plus précisément qu’elles ne soient pas communiquées à une autre entité.

 

[27]           M. Mahjoub demande que les fouilles de sa résidence ne soient effectuées par l’ASFC qu’après autorisation de la Cour. M. Mahjoub demande également qu’il lui soit permis de faire des enregistrements audio et vidéo des agents de l’ASFC.

 

[28]           Les ministres sollicitent aussi des changements à certaines conditions. On fait valoir que ces changements sont nécessaires, si on autorise M. Mahjoub à vivre seul, afin de faire contrepoids à l’absence de caution de surveillance résidante.

 

[29]           Les ministres demandent que le montant total versé sous forme de cautionnements en espèces soit fixé à 20 000 $, une importante diminution comparativement à l’exigence précédente.

 

[30]           Les ministres demandent que le couvre‑feu de M. Mahjoub soit étendu pour couvrir la période de 21 h à 8 h.

 

[31]           Les ministres demandent également que M. Mahjoub continue d’être accompagné par un surveillant à toutes ses sorties, et que les sorties fassent l’objet d’une autorisation préalable et soient limitées à trois par semaine, pour une période de quatre heures chacune.

 

[32]           On sollicite aussi une surveillance supplémentaire de la résidence de M. Mahjoub. Les ministres demandent que M. Mahjoub consente à une surveillance physique 24 heures sur 24 de la résidence et à une surveillance vidéo de toutes les entrées. Les ministres demandent également que l’ASFC soit autorisée à installer de l’équipement de vidéoconférence et de surveillance vidéo ainsi que des capteurs d’alarme sur toutes les portes et fenêtres à l’intérieur de la résidence, et que l’ASFC ait entière discrétion quant à la mise en place de l’équipement de surveillance vidéo, afin de répondre aux besoins opérationnels et de sécurité.

 

[33]           Les ministres demandent également que les personnes qui visitent M. Mahjoub chez lui assument la responsabilité de comprendre les conditions de la mise en liberté de M. Mahjoub et de déclarer tout manquement par M. Mahjoub aux conditions.

 

[34]           J’aborde maintenant les principes juridiques régissant la présente demande.

 

 

Le cadre juridique

 

[35]           Les instances en matière de certificat de sécurité et de contrôle de la détention sont régies par la section 9 de la partie 1 de la LIPR. L’article 82 de la LIPR traite du contrôle de la détention et des conditions de mise en liberté. Voici les paragraphes pertinents :

 

 

82. (2) Tant qu’il n’est pas statué sur le certificat, le juge entreprend un autre contrôle des motifs justifiant le maintien en détention au moins une fois au cours des six mois suivant la conclusion du dernier contrôle.

 

[…]

 

(4) La personne mise en liberté sous condition peut demander à la Cour fédérale un autre contrôle des motifs justifiant le maintien des conditions une fois expiré un délai de six mois suivant la conclusion du dernier contrôle.

 

(5) Lors du contrôle, le juge :

 

a) ordonne le maintien en détention s’il est convaincu que la mise en liberté sous condition de la personne constituera un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui ou qu’elle se soustraira vraisemblablement à la procédure ou au renvoi si elle est mise en liberté sous condition;

 

b) dans les autres cas, ordonne ou confirme sa mise en liberté et assortit celle-ci des conditions qu’il estime indiquées.

 

 

82. (2) Until it is determined whether a certificate is reasonable, a judge shall commence another review of the reasons for the person’s continued detention at least once in the six-month period following the conclusion of each preceding review.

 

 

(4) A person who is released from detention under conditions may apply to the Federal Court for another review of the reasons for continuing the conditions if a period of six months has expired since the conclusion of the preceding review.

 

(5) On review, the judge

 

(a) shall order the person’s detention to be continued if the judge is satisfied that the person’s release under conditions would be injurious to national security or endanger the safety of any person or that they would be unlikely to appear at a proceeding or for removal if they were released under conditions; or

 

(b) in any other case, shall order or confirm the person’s release from detention and set any conditions that the judge considers appropriate.

 

 

[36]           Il est acquis aux débats que l’arrêt qui fait autorité en matière de détention, de conditions de mise en liberté et d’évaluation de la menace, c’est celui de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Charkaoui n1. Même si la LIPR a été modifiée depuis cet arrêt, les principes qui y sont établis demeurent applicables dans le cadre des dispositions actuelles.

 

[37]           Dans l’arrêt Charkaoui n1, la Cour suprême expliquait que la détention ou les conditions de mise en liberté imposées à une personne désignée doivent être « assorti[e]s d’un processus valable de contrôle continu qui tienne compte du contexte et des circonstances propres à chaque cas » (paragraphe 107). La procédure doit respecter les principes de justice fondamentale, notamment la possibilité réelle pour la personne désignée de contester son maintien en détention ou ses conditions de mise en liberté (Charkaoui n1, paragraphe 107). Si le contrôle des conditions survient avant la détermination du caractère raisonnable du certificat, il doit être fondé sur une évaluation du danger pour la sécurité nationale présentée en preuve au moment du contrôle (Harkat, 2009 CF 241, paragraphe 36). Le contrôle de la détention ou des conditions de mise en liberté doit tenir compte de l’ensemble des facteurs pertinents (Charkaoui n1, paragraphes 110 et 123; Jaballah c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 379, paragraphe 19). Les cinq facteurs obligatoires, mais non exclusifs, dont il faut tenir compte sont les suivants :

(1)               les motifs de la détention;

(2)               le temps passé en détention;

(3)               les raisons qui retardent l’expulsion;

(4)               la durée anticipée du prolongement de la détention;

(5)               l’existence de solutions de rechange à la détention.

 

 

[38]           Comme il est déclaré dans l’arrêt Charkaoui n1, en plus de ces facteurs :

[…] il faut que […] le juge qui […] contrôle [la détention] puisse tenir compte de tous les facteurs pertinents quant au bien‑fondé du maintien de la détention, y compris la possibilité d’un mauvais usage ou d’une application abusive des dispositions de la LIPR autorisant la détention. […] (Charkaoui 1, paragraphe 117).

 

[39]           Je commenterai brièvement le critère minimal de la mise en liberté dans le cadre de la LIPR, le fardeau de la preuve ainsi que la norme de preuve.

 

[40]           La LIPR énonce expressément le critère à remplir pour que le juge mette en liberté une personne désignée. L’alinéa 82(5)a) de la LIPR prescrit que le juge « ordonne le maintien en détention s’il est convaincu que la mise en liberté sous condition de la personne constituera un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui ou qu’elle se soustraira vraisemblablement à la procédure ou au renvoi […] ». L’alinéa 82(5)b) de la LIPR stipule que le juge, « dans les autres cas, ordonne ou confirme sa mise en liberté et assortit celle-ci des conditions qu’il estime indiquées ». Dans l’arrêt Charkaoui n1, la Cour suprême a reconnu le pouvoir du juge, lors d’un contrôle de la détention dans le cadre de la LIPR, de concevoir des conditions efficaces pour neutraliser le risque associé à la mise en liberté et, par conséquent, de libérer la personne détenue (paragraphe 121).

 

[41]           Le fardeau initial d’établir la nécessité du maintien en détention incombe aux ministres (Charkaoui n1, paragraphe 100).

 

[42]           Dans l’arrêt Charkaoui n1, la Cour suprême confirmait, au paragraphe 39, que : « C’est la norme des “motifs raisonnable de croire” que les juges doivent appliquer lorsqu’ils contrôlent le maintien en détention sous le régime des dispositions de la LIPR régissant les certificats. » Cette norme « exige que le juge se demande s’il existe “un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi” » (Charkaoui n1, paragraphe 39). La Cour suprême a conclu que la LIPR n’imposait donc pas une grande retenue au juge désigné, mais l’obligeait à procéder à un examen approfondi (Charkaoui n1, paragraphe 39). C’est en fonction de cela que j’examinerai la preuve produite en l’espèce.

 

[43]           Lors d’un contrôle de la détention, « le juge procède, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et selon la procédure expéditive » (alinéa 83(1)a) de la LIPR). Il est aussi autorisé, en vertu de l’alinéa 83(1)h) de la LIPR, à recevoir en preuve « tout élément — même inadmissible en justice — qu’il estime digne de foi et utile et peut fonder sa décision sur celui-ci ». Comme l’a fait remarquer le juge Mosley dans la décision Almrei (Re), 2009 CF 3 (Almrei), au paragraphe 53, cela permet d’accepter des ouï‑dire.

 

[44]           Tant les renseignements fournis en audience publique qu’à huis clos sont admissibles en preuve et peuvent être invoqués par le juge désigné. Aux fins du présent contrôle de la détention, j’ai entendu le témoignage du témoin du SCRS concernant la production de l’évaluation de la menace, lequel témoignage a été donné à huis clos le 19 octobre 2009.

 

 

Analyse

[45]           J’examinerai maintenant les facteurs de l’arrêt Charkaoui n1 déjà énumérés, dont il faut tenir compte dans le cadre d’un contrôle de la détention. Mais avant, je souhaiterais aborder un argument avancé par les ministres.

 

[46]           Les ministres font valoir qu’un allègement substantiel des conditions de mise en liberté équivaudrait à une décision favorable à M. Mahjoub sur le fond du litige, à savoir le caractère raisonnable du certificat, et ils invoquent à l’appui de leur position la décision Charkaoui (Re), 2006 CF 555. Dans cette affaire, M. Charkaoui demandait que ses conditions de mise en liberté soient abolies. Au paragraphe 22, le juge Noël concluait ainsi :

 

Abolir les conditions préventives comme M. Charkaoui me le demande équivaudrait à une décision favorable à M. Charkaoui sur le fond du litige, soit la raisonnabilité du certificat. […]

 

 

[47]           À mon avis, la situation de M. Mahjoub se distingue de celle de M. Charkaoui, parce que M. Mahjoub ne demande pas d’être mis en liberté sans condition. De plus, je n’accepte pas la position avancée par les ministres selon laquelle une mise en liberté assortie de conditions moins rigoureuse ressemblerait à une décision favorable à M. Mahjoub sur le caractère raisonnable du certificat. Les conclusions dans un contrôle de la détention sont distinctes de celles sur le caractère raisonnable du certificat. À cet égard, le juge Mosley a fait remarquer ce qui suit dans la décision Almrei, au paragraphe 236 :

 

[…] Dans Suresh, il a été déclaré qu’une conclusion portant qu’un certificat de sécurité est raisonnable n’est pas la même chose qu’une conclusion portant que la personne désignée pose en fait un danger (au paragraphe 83). Dans le même ordre d’idées, une conclusion selon laquelle un risque quelconque de danger pour la sécurité nationale à la suite d’une mise en liberté sera atténué par des conditions imposées n’est pas la même chose qu’une conclusion selon laquelle le certificat est déraisonnable. […]

 

 

[48]           Je passe maintenant aux facteurs énoncés. Je suis conscient que les parties ont convenu de ne centrer leur argumentation que sur deux des cinq facteurs établis dans l’arrêt Charkaoui n1 : le temps passé en détention et l’existence de solutions de rechange à la détention. Cependant, comme l’ont reconnu les parties lors de l’audience, je dois prendre en compte l’ensemble des facteurs énoncés. Je propose de les examiner à tour de rôle.

 

(1)   Les motifs de la détention

 

[49]           Dans l’arrêt Charkaoui n1, la Cour suprême expliquait le facteur nommé « les motifs de la détention » comme suit, au paragraphe 111 :

 

Les ministres peuvent signer un certificat « pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée » (art. 77). La détention consécutive au dépôt d’un certificat est justifiée en raison d’un danger constant pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui. Bien que les critères de la mise en liberté prévus à l’art. 83 de la LIPR [de l’ancienne loi; maintenant, le paragraphe pertinent est 82(5) de la LIPR] incluent aussi la probabilité que l’intéressé se soustraira à la procédure ou au renvoi, un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui constitue un facteur plus important de justification du maintien en détention. Plus le danger est grave, plus la détention sera justifiée. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[50]           Dans le cas de M. Mahjoub, on n’a pas soutenu qu’il était probable qu’il se soustrairait à une procédure ou au renvoi. Ce qui avait rendu nécessaires la détention de M. Mahjoub et sa précédente mise en liberté sous des conditions rigoureuses, c’était l’opinion des ministres selon laquelle il constituait un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui. Le présent contrôle se concentrera donc sur la menace alléguée posée par M. Mahjoub pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui.

 

 

[51]           Aux fins du présent contrôle de la détention, les parties ont convenu que les conclusions du juge Mosley s’appliquaient relativement au danger (Mahjoub no 3). Les ministres produisent également l’évaluation de la menace. Comme il a déjà été mentionné, on a fourni aux avocates de M. Mahjoub le résumé public de l’évaluation de la menace. Les ministres s’appuient aussi sur le témoignage du témoin du SCRS en ce qui concerne la préparation et le contenu de l’évaluation de la menace. Selon cette évaluation, [traduction] « le Service [le SCRS] croit toujours les déclarations portant sur [M.] Mahjoub que contient le résumé public du RRS ». On y fait référence au résumé public révisé du Rapport de renseignements de sécurité, daté du 24 octobre 2008, préparé par le SCRS (le résumé public du RRS).

 

[52]           Vu l’entente mentionnée précédemment, les conclusions du juge Mosley concernant le danger que constitue M. Mahjoub pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui constituent le point de départ pour analyser le danger que M. Mahjoub représente actuellement. Voici les paragraphes pertinents :

[119] Comme la juge Dawson l’a souligné dans la décision Mahjoub no 2, personne n’a contesté l’affirmation selon laquelle le VOC et le Jihad étaient des organisations terroristes. En fait, elles comptaient toutes deux parmi les premières organisations qui ont été interdites au Canada en vertu de la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41. La juge Dawson a ainsi conclu quant aux liens de M. Mahjoub avec le Jihad et le VOC :

 

64     […] les renseignements présentés à la Cour soulèvent à tout le moins des soupçons objectivement raisonnables que, jusqu’à l’époque où il a été arrêté :

 

1.

M. Mahjoub était un membre haut placé du VOC, une aile [du Jihad].

2.

 

M. Mahjoub était membre du conseil Shura du VOC et, à ce titre, il prenait normalement part au processus décisionnel de cette organisation terroriste.

3.

M. Mahjoub avait participé à des activités terroristes. Aux alentours de 1996‑1997, on le connaissait sous le pseudonyme « Shaker ».

4.

M. Mahjoub avait des contacts importants avec des personnes associées au terrorisme islamique international, y compris Oussama ben Laden, Ahmad Said Khadr, Essam Hafez Marzouk, Ahmed Agiza et Mubarak Al Duri. Il était aussi en contact avec Mahmoud Jaballah. Au vu de la procédure visant M. Jaballah devant la Cour, je n’avance aucune conclusion ou commentaire au sujet de la prétendue implication de M. Jaballah dans des activités terroristes.

 

[120]      La juge Dawson a aussi souligné des éléments de preuve publics qui démontraient que M. Mahjoub avait eu des rapports avec des personnes très haut placées et influentes dans le mouvement islamique extrémiste. La Cour, qui s’est aussi appuyée sur des renseignements communiqués par les ministres à huis clos, a conclu que cette preuve était suffisante pour établir que M. Mahjoub constituait un danger pour la sécurité nationale à cette époque : décision Mahjoub no 2, précitée, au paragraphe 74.

 

[…]

 

[125]   Il ressort clairement de la preuve mentionnée plus haut que M. Mahjoub a eu, par le passé, des rapports avec des personnes liées à des organisations terroristes. Je pense particulièrement à Ahmed Said Khadr, à Mubarak Al Duri, à Essam Marzouk et à Ahmed Agiza. Bien que l’une de ces personnes soit maintenant décédée et que deux autres soient incarcérées en Égypte, il n’est pas déraisonnable de conclure que le SCRS ne sait pas tout des rapports que M. Mahjoub a eus eus par le passé avec des extrémistes. […]

 

 

La position des ministres

 

[53]           Les ministres font valoir que les conclusions du juge Mosley continuent à s’appliquer aujourd’hui et que le danger que constitue M. Mahjoub pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui exige qu’il soit assujetti à des conditions rigoureuses. À cet égard, les ministres demandent que la Cour prenne en compte le fait qu’en mars 2009, la juge Layden‑Stevenson s’appuyait sur les conclusions du juge Mosley concernant le danger pour conclure ce qui suit :

 

[C]ompte tenu des conclusions du juge Mosley (lesquelles constituent le fondement factuel du présent contrôle), je suis d’avis qu’il est indéniable que M. Mahjoub doit être assujetti à des conditions restrictives. […] (Mahjoub no 4, paragraphe 73)

 

 

[54]           Les ministres soutiennent que la Cour devrait en arriver à la même conclusion. De plus, et en ce qui concerne le danger que M. Mahjoub représente actuellement, les ministres font valoir que M. Mahjoub n’a pas renoncé à ses convictions ainsi qu’à son soutien à l’égard de l’extrémisme islamique et que la menace que M. Mahjoub reprenne contact avec des extrémistes islamiques demeure. Nous examinerons maintenant les convictions de M. Mahjoub.

 

[55]           Les ministres sont d’avis que M. Mahjoub n’a pas renoncé à ses croyances ainsi qu’à son soutien à l’égard de l’extrémisme islamique. Leur position est que le degré de dévouement de M. Mahjoub à la cause et son soutien au plan d’action terroriste du Jihad et du VOC sont si importants qu’il recourrait à la violence et inciterait d’autres personnes à la violence si les chefs des organisations extrémistes islamiques le lui ordonnaient. Depuis sa première détention, M. Mahjoub a à maintes reprises désavoué l’extrémisme islamique. Les ministres soutiennent qu’on ne devrait pas accorder beaucoup de poids au désaveu de l’extrémisme islamique exprimé par M. Mahjoub. À l’appui de cet argument, ils invoquent le fait que le SCRS a déterminé que M. Mahjoub n’était pas digne de foi. Le témoin du SCRS a déclaré que le désaveu de M. Mahjoub était intéressé et non crédible et qu’il n’y avait aucun élément de preuve laissant entendre que M. Mahjoub avait, de façon crédible, renié la philosophie de l’extrémisme islamique.

 

[56]           Les ministres renvoient aux conclusions du juge Nadon dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Mahjoub, 2001 CFPI 1095, aux paragraphes 57, 59 et 67, pour appuyer d’avantage l’argument selon lequel M. Mahjoub n’est pas digne de foi en ce qui concerne son désaveu. Dans l’ensemble, le juge Nadon avait conclu que le témoignage de M. Mahjoub n’était pas crédible pour les motifs suivants : M. Mahjoub avait admis s’être parjuré en ne disant pas la vérité quant à ses liens avec Oussama ben Laden ou Ahmad Said Kahdr, ou quant à l’identité de Mubarak Al-Duri.

 

[57]           Les ministres font également remarquer que, au début, M. Mahjoub n’avait pas désavoué l’extrémisme islamique, mais qu’il ne l’a fait qu’après que la juge Dawson eut décidé que ce facteur jouait contre la mise en liberté de M. Mahjoub (Mahjoub no 2).

 

La position de M. Mahjoub

 

[58]           M. Mahjoub accepte les conclusions du juge Mosley sur le danger, aux seules fins du présent contrôle de la détention, avec la réserve que les facteurs suivants soient pris en compte : les conclusions du juge Mosley découlent d’un processus déficient sur le plan constitutionnel et ces conclusions doivent être examinées à la lumière de l’écoulement du temps. De plus, en ce qui a trait au danger qu’il représente, M. Mahjoub fait valoir qu’il a désavoué l’extrémisme islamique et que les allégations soulevées contre lui concernent, pour la plupart, ses liens avec des extrémistes islamiques, mais qu’il n’existe aucun élément de preuve démontrant que ces liens existent toujours. Enfin, il soutient que la méthodologie utilisée pour produire le résumé public de l’évaluation de la menace laisse à désirer.

 

[59]           Concernant l’argument des ministres selon lequel M. Mahjoub n’a pas renoncé à l’extrémisme islamique, M. Mahjoub souligne les nombreuses occasions où il a désavoué l’extrémisme islamique dans ses témoignages et affidavits antérieurs et, encore une fois, lors de son témoignage au cours du présent contrôle de la détention.

 

[60]           M. Mahjoub a également avancé un certain nombre d’arguments en vue de contester la validité du résumé public de l’évaluation de la menace. En bref, selon lui, il n’y a eu aucune vérification quant à la justesse du rapport, la méthodologie laissait à désirer, et il ne s’agissait pas d’une appréciation nuancée, parce qu’on ne l’a pas interrogé ni examiné ses éléments de preuve et que les renseignements à l’appui desquels il a été produit peuvent avoir été obtenus sous l’effet de la torture.

 

Analyse

[61]           Comme il a déjà été mentionné, par suite d’une entente intervenue entre les parties, les conclusions antérieures quant au danger sont admises aux fins du présent contrôle de la détention. Les arguments précédents présentés par M. Mahjoub concernant la validité du résumé public de l’évaluation de la menace évoquent des questions qui ne sont pas frivoles et qui seront indubitablement examinées en détail lors de l’audience relative au caractère raisonnable du certificat, à partir d’une abondance de documents et d’arguments. Toutefois, puisque les ministres s’appuient sur l’évaluation de la menace dans le cadre du présent contrôle de la détention, la preuve concernant cette évaluation a été à bon droit soumise à la Cour et doit être examinée. Je fais aussi remarquer que la preuve et les allégations contenues dans le plus récent Rapport de renseignements de sécurité, daté du 22 février 2008 (le RRS), et dont il est fait mention dans l’évaluation de la menace, sont essentiellement les mêmes que celles qu’a invoquées le juge Mosley en tirant ses conclusions quant au danger, et que les parties ont acquiescé à ces conclusions aux fins du présent contrôle de la détention.

 

[62]           Je suis convaincu, au regard du fondement factuel convenu du présent contrôle quant au danger, que M. Mahjoub ne peut être mis en liberté qu’avec des conditions. Comme il a déjà été mentionné, bien qu’il sollicite sa mise en liberté, M. Mahjoub ne conteste pas le fait que des conditions soient requises.

 

(2) Le temps passé en détention

 

[63]           Dans Charkaoui n1, la Cour suprême du Canada déclarait que plus la période de détention se prolonge, moins la personne sera susceptible de demeurer un danger pour la sécurité nationale, et plus lourd sera le fardeau de la preuve incombant au gouvernement pour établir que cette personne pose, de fait, une menace. Dans ses observations sur le temps passé en détention, M. Mahjoub a soulevé la question de ses conditions de détention. Il s’agit d’un facteur pertinent, lequel sera examiné dans la section intitulée Les autres facteurs, ci‑dessous. La présente section sera axée sur la question de savoir si le temps passé par M. Mahjoub en détention a diminué la menace qu’il pose pour la sécurité nationale et si les ministres se sont acquittés du fardeau plus lourd que l’écoulement du temps leur a imposé.

 

[64]           Dans l’arrêt Charkaoui n1, la Cour suprême déclarait ce qui suit concernant le temps passé en détention :

Le temps déjà passé en détention est un facteur important, tant du point de vue de l’individu que de celui de la sécurité nationale. Plus la détention se prolonge, moins l’individu sera susceptible de demeurer un danger pour la sécurité : « [d]e l’imminence d’un danger, il se peut que celui‑ci décline avec le passage du temps » : Charkaoui (Re), 2005 CF 248, par. 74. Le juge Noël a conclu que M. Charkaoui pouvait être mis en liberté sans danger parce que sa longue période de détention avait interrompu les rapports qu’il avait pu entretenir avec des groupes extrémistes. De même, la juge Dawson a fondé sa décision de remettre M. Harkat en liberté en partie sur le fait que, vu sa longue période de détention, il avait « ainsi cessé de pouvoir communiquer avec des membres du réseau islamiste extrémiste » : Harkat, 2006 CF 628, par. 86.

 

 Une longue période de détention suppose également que le gouvernement a eu le temps de rassembler les éléments de preuve établissant la nature du danger que pose le détenu. Si le fardeau de la preuve qui incombe au gouvernement peut être assez peu exigeant lors du contrôle initial de la détention (voir par. 93 ci‑dessus), il doit être plus lourd lorsque le gouvernement a eu plus de temps pour faire enquête et documenter le danger (paragraphes 112 et 113).

 

 

La position de M. Mahjoub

 

[65]           M. Mahjoub fait valoir que, en raison du temps qu’il a passé en détention et sous des conditions de mise en liberté, le danger qu’il représente a diminué de façon importante, en particulier parce qu’il y a eu cessation de ses rapports avec des extrémistes islamiques. En ce qui a trait au fardeau du gouvernement, il soutient que les ministres ne se sont pas acquittés du plus lourd fardeau qui leur était imposé et que leur évaluation de la menace qu’il représente ne tient pas compte des changements survenus avec l’écoulement du temps. Ces arguments seront examinés à tour de rôle.

 

[66]           M. Mahjoub soutient qu’il faut prendre en compte la période totale de détention de sept ans, en plus de la période de deux ans durant laquelle il était soumis à de rigoureuses conditions de mise en liberté. Selon lui, cette période est suffisamment longue pour justifier une conclusion selon laquelle tous les liens qu’il pouvait avoir avec des groupes extrémistes ont été coupés. Il fait remarquer que, lors du précédent contrôle des conditions de mise en liberté, en mars 2009, la juge Layden‑Stevenson a reconnu que sa détention pendant sept ans devait être considérée comme une longue détention ayant entraîné la cessation des rapports et des communications avec des personnes ou des groupes extrémistes (Mahjoub no 4, paragraphe 58).

 

 

[67]           En ce qui concerne la cessation des rapports, M. Mahjoub soutient également que le contrôle permanent qu’exerce sur lui les autorités canadiennes ainsi que la publicité entourant sa cause depuis près de dix ans ont réduit considérablement les risques que des extrémistes islamiques entrent en contact avec lui. Il invoque les motifs du juge Nöel dans la décision Harkat, au paragraphe 86 :

 

Cela dit, il est difficile d’imaginer l’intérêt qu’une organisation relevant du réseau [le Réseau ben Laden, une organisation terroriste dont M. Harkat aurait été membre] pourrait avoir à l’égard d’une personne qui fait l’objet d’un contrôle de la part des autorités canadiennes depuis plus de dix ans. La Cour se demande également, par exemple, qui pourrait pressentir une telle personne avec un profil médiatique si grand. Comment une organisation pourrait-elle envisager demander à une personne si connue d’entreprendre des activités secrètes? La Cour n’a pas de réponse à ces questions, mais ce sont des questions évidentes qui viennent à l’esprit du décideur qui doit évaluer le danger que constitue une personne mise en liberté avec des conditions visant à neutraliser ce danger. La proportionnalité est un instrument qui exige l’adaptation de deux facteurs (le danger et les conditions) à une réalité changeante. Les circonstances ne sont pas statiques, elles évoluent avec le temps.

 

 

[68]           Quant au fardeau du gouvernement, M. Mahjoub fait valoir que le gouvernement ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve plus lourd qui lui était imposé sur le fondement de l’arrêt Charkaoui n1. Les principales allégations faites contre M. Mahjoub ont trait à ses liens avec des extrémistes islamiques et des terroristes, mais les ministres n’ont produit aucun élément de preuve démontrant que ces liens prétendus étaient toujours vivants. M. Mahjoub soutient que, hormis M. Jaballah, qui fait lui‑même l’objet de conditions rigoureuses de mise en liberté, il semble que tous ses contacts allégués sont à l’extérieur du Canada, sont détenus ou sont décédés. (Ahmed Agiza, Ahmed Hassan Badiya, Essam Hafez Marzouk seraient détenus en Égypte, on ne sait pas où se trouvent Mamdoh Mahmoub Salim et Mubarak Al-Duri, et Ahmad Said Khadr est décédé.)

 

[69]           M. Mahjoub fait valoir que l’argument des ministres selon lequel il reprendrait contact avec des extrémistes islamiques n’est fondé que sur une conjecture et n’est pas suffisant pour respecter la norme des motifs raisonnable de croire. L’argument de M. Mahjoub est que les ministres n’ont pas produit d’éléments de preuve démontrant qu’il s’était livré à des activités menaçantes ou qu’il avait communiqué avec des personnes impliquées dans l’extrémisme islamique depuis la délivrance du premier certificat en 2000. M. Mahjoub fait remarquer que le témoin du SCRS a admis que le SCRS ne possédait aucun nouveau renseignement indiquant qu’il s’était livré à des activités menaçantes depuis sa mise en liberté et sa réincarcération subséquente. M. Mahjoub soutient que la Cour ne devrait pas, lors de la détermination des conditions appropriées de mise en liberté, considérer la conjecture selon laquelle il reprendrait contact. Il invoque à cet égard les conclusions du juge Mosley dans la décision Almrei, au paragraphe 258 :

 

Les ministres ont également fondé en partie leurs observations sur des conjectures. Ils ont fait valoir, par exemple, que le risque posé par M. Almrei est impossible à contenir car ce dernier peut avoir des liens avec des terroristes dont les autorités canadiennes ne sont peut-être pas au courant et qu’une surveillance peut s’avérer inefficace parce que les agents ne sauront pas si une personne qui se tient à côté de M. Almrei, en faisant par exemple la queue dans un magasin d’alimentation, est un étranger ou un ami. J’admets qu’il y a des limites aux capacités d’obtention de renseignements et de surveillance, mais j’ai trouvé cela exagéré. La décision de maintenir une personne en détention ne devrait pas dépendre de la crainte de l’inconnu, mais de renseignements dignes de foi et concluants qui dénotent que la mise en liberté de cette personne constituerait une menace.

 

 

[70]           M. Mahjoub ajoute que l’évaluation du danger qu’il représente, effectuée par les ministres, telle qu’elle est décrite dans le résumé public de l’évaluation de la menace, est périmée. M. Mahjoub soutient que le résumé public de l’évaluation de la menace n’examine pas la question de savoir si la menace qu’il pose a diminué avec le temps. Premièrement, il ne donne aucun poids au fait que M. Mahjoub s’est conformé aux ordonnances de mise en liberté pendant deux ans ni à sa conduite pendant cette période et la période suivante, celle de sa réincarcération volontaire, et n’en tient pas compte. Deuxièmement, M. Mahjoub fait valoir que l’évaluation effectuée à l’égard de ses convictions extrémistes est périmée. Il fait valoir que le SCRS ne l’a pas interrogé en vue de la préparation de la plus récente évaluation de la menace et que le témoin du SCRS a reconnu que le dernier interrogatoire de M. Mahjoub remontait à 2000. Troisièmement, M. Mahjoub ajoute que l’argument du SCRS selon lequel les extrémistes islamiques ne peuvent pas se réadapter est fondé sur un stéréotype et est insoutenable.

 

[71]           Se fondant sur les arguments susmentionnés, M. Mahjoub fait valoir que le temps qu’il a passé en détention milite fortement en faveur de sa mise en liberté sous des conditions moins rigoureuses.

 

La position des ministres

 

[72]           Selon les ministres, le danger que constitue M. Mahjoub n’a pas diminué du fait de sa longue incarcération et de sa mise en liberté sous condition. Il faudrait donc maintenir des conditions rigoureuses de mise en liberté. Les ministres s’appuient sur le témoignage du témoin du SCRS dans la présente instance et de celui du témoin précédent du SCRS dans l’instance qui s’est tenue devant la juge Layden‑Stenvenson (Mahjoub no 4) pour faire valoir que la menace de voir M. Mahjoub reprendre contact avec des extrémistes islamiques existe.

 

[73]           Les ministres maintiennent que le danger que constitue M. Mahjoub a été limité, mais qu’il n’a pas diminué depuis que le juge Mosley a tiré ses conclusions. À l’appui de cet argument, les ministres invoquent le témoignage rendu par le témoin du SCRS qui a exposé la position du SCRS selon laquelle la menace posée par M. Mahjoub n’avait pas diminué depuis le 22 février 2008 (date à laquelle le résumé public du RRS a été déposé).

 

[74]           En ce qui concerne les contacts avec des extrémistes islamiques, les ministres font valoir que la menace de voir M. Mahjoub reprendre contact avec des extrémistes islamiques existe. Les ministres maintiennent que la plupart des contacts de M. Mahjoub avant sa première incarcération étaient des personnes liées au milieu terroriste islamique international, en particulier des individus liés au Jihad ou au VOC, et que M. Mahjoub peut actuellement avoir des contacts inconnus du SCRS dans ce milieu. Les ministres invoquent le témoignage de M. Guay, un témoin du SCRS produit devant la juge Layden‑Stevenson (Mahjoub no 4). M. Guay a déclaré que, si M. Mahjoub était autorisé à être seul à la maison, il serait en mesure de trouver des moyens pour communiquer avec des gens ou être contacté par eux. Les ministres demandent à la Cour de tenir compte des conclusions de la juge Layden-Stevenson concernant ce témoignage, selon lesquelles il y a un risque que M. Mahjoub puisse reprendre contact avec des extrémistes islamiques. Elle a déclaré, à cet égard, ce qui suit :

 

[…] Je reconnais par ailleurs qu’il n’a plus eu de rapports avec ses anciens contacts depuis le début de sa détention et de sa mise en liberté assortie de conditions. La possibilité de reprendre contact avec eux ne saurait toutefois être exclue (paragraphe 99).

 

 

[75]           Les ministres invoquent aussi le témoignage de M. Guay pour expliquer la nature de la menace qui résulterait de la reprise par M. Mahjoub de ses contacts avec des extrémistes islamiques. Selon M. Guay, une fois en communication avec d’autres individus dans le milieu, M. Mahjoub serait en mesure de fournir [traduction] « son appui, son encouragement et son poids personnel relativement à la cause [l’extrémisme musulman] en s’appuyant sur ses activités antérieures et sur ses accointances » (Mahjoub no 4, paragraphe 85). Les ministres soutiennent aussi que, en plus d’un soutien idéologique, M. Mahjoub pourrait fournir un soutien aux extrémistes islamiques en fonction de ses connaissances en matière de terrorisme. En particulier, ont déclaré les avocats des ministres :

 

[traduction]

 

M. Mahjoub sait comment établir des communications clandestines. En fonction de son expérience passée, il pourrait fournir un élément essentiel, un maillon qui pourrait manquer à certaines de ces personnes, compte tenu tout simplement de leur incapacité à mesurer, au bout du compte, la portée de leur activité terroriste. Ainsi, il ne s’en tient pas à des convictions idéologiques.

 

[76]           Les ministres font également valoir que les [traduction] « antécédents » terroristes de M. Mahjoub feraient de lui une personne d’intérêt pour des terroristes islamiques et que sa surveillance par les autorités canadiennes et la publicité entourant sa cause n’empêche pas la reprise de tels contacts. Le témoin du SCRS a déclaré que, à la lumière de la position de leadership de M. Mahjoub dans le VOC, l’idéologie dans laquelle il est engagé et ses activités antérieures, son profil public n’atténuerait pas la menace de la reprise des contacts. Sur ce point, les ministres s’appuient aussi sur les conclusions de la juge Dawson dans la décision Mahjoub no 2, au paragraphe 82 :

 

[B]ien que la publicité et la surveillance par un organisme de renseignements puissent gêner les activités terroristes, il faut se souvenir que les médias suivaient de près Ahmed Said Khadr après qu’il a été mis en liberté au Pakistan et pourtant, il a pu reprendre ses activités en appui de la Jihad.

 

 

[77]           Du fait de la nature des actes allégués qu’accomplirait M. Mahjoub et de celle de la menace qui en résulterait, les ministres soutiennent que le danger que constitue M. Mahjoub est sérieux et qu’il justifie des conditions très rigoureuses de mise en liberté. En dernier lieu, les ministres précisent que, même si le temps passé en détention est un facteur important, il n’est pas déterminant et tous les facteurs doivent être soupesés ensemble.

 

Analyse

 

[78]           Le paragraphe 82(2) de la LIPR exige qu’un contrôle de la détention de la personne désignée soit effectué tous les six mois. Cette exigence de la loi d’un contrôle périodique de la détention comporte la notion implicite que des changements puissent survenir sur le plan de la menace ou du danger que constitue la personne désignée avec l’écoulement du temps. Ce principe a été reconnu dans la décision Charkaoui (Re), 2005 CF 248, au paragraphe 39, lorsque le juge Noël examinait le rôle du juge dans l’appréciation des répercussions du temps passé en détention sur la menace posée par la personne désignée :

[…] Le législateur demande au juge désigné d’analyser la preuve en s’interrogeant si le danger est toujours existant. Ceci veut donc dire qu’il peut exister à un certain moment et non à un autre moment. On exige donc que le juge désigné évalue la preuve avec cette préoccupation à l’esprit. Il y a donc possibilité qu’il y ait imminence d’un danger mais que par la suite, celui-ci soit neutralisé. Il me semble que c’est ce que le législateur entend du rôle du juge désigné.

 

 

 

[79]           Des développements au Royaume-Uni concernant les répercussions de l’écoulement du temps sur des ordonnances de contrôle offrent une toile de fond qui s’avère utile à mon analyse. Il en a été question dans le Quatrième rapport de l’examinateur indépendant (Fourth Report of the Independent Reviewer Pursuant to Section 14(3) of the Prevention of Terrorism Act 2005). Dans ce rapport, lord Carlile of Berriew, c.r.,, écrit ce qui suit au paragraphe 58 :

[traduction]

 

Selon moi, ce n’est que dans quelques cas que les ordonnances de contrôle peuvent être justifiées pendant plus de deux ans. Une période plus longue portera gravement atteinte à l’utilité immédiate, à tout le moins, même dans le cas d’une personne dévouée au terrorisme. Le terroriste saura que les autorités conserveront un intérêt à l’égard de ses activités et de ses contacts, et qu’elles seront susceptibles de les scruter de près à l’avenir. Pour les organisateurs d’activités terroristes, quelqu’un ayant fait l’objet d’une ordonnance de contrôle pendant une période allant jusqu’à deux ans constitue un agent peu intéressant, dont on peut présumer qu’il est surveillé par l’État. Néanmoins, les documents que j’ai vus justifient la conclusion qu’il y a quelques contrôlés qui, malgré les restrictions qui leur sont imposées, réussissent à conserver certains contacts avec des groupes terroristes ou leurs membres, et une détermination à devenir opérationnel à l’avenir. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[80]           Comme dernière observation préliminaire, je souligne également que, dans le cas de M. Mahjoub, le dernier contrôle de la détention où il y avait eu une évaluation de la menace posée par M. Mahjoub était celui effectué par le juge Mosley, en février 2007 (Mahjoub no 3). Lors du contrôle des conditions de mise en liberté qui a eu lieu en mars 2009, devant la juge Layden‑Stevenson, les parties ont convenu de s’appuyer sur les conclusions du juge Mosley (Mahjoub no 4). Par conséquent, mon appréciation des répercussions du temps écoulé sur la menace posée par M. Mahjoub doit essentiellement tenir compte non seulement des changements survenus depuis le contrôle de mars 2009, mais aussi de ceux qui se sont produits depuis le contrôle de février 2007.

 

[81]           Le temps que M. Mahjoub a passé en détention ainsi que la durée de sa mise en liberté sous des conditions rigoureuses sont tous deux des facteurs pertinents dans la conduite d’un contrôle de la détention (Mahjoub no 4, paragraphe 53). M. Mahjoub a été détenu pendant près de dix ans. Bien que ce facteur ne l’emporte pas sur les autres considérations, il ne fait guère de doute que le temps que M. Mahjoub a passé en détention milite grandement en sa faveur dans le contexte du présent contrôle de la détention. (Almrei, paragraphe 270).

 

[82]           Je ne suis pas convaincu que la longue détention de M. Mahjoub a servi à la cessation de ses rapports et communications avec des personnes ou des groupes extrémistes. Je suis d’avis que la possibilité de renouer les contacts, en l’absence de tout nouvel élément de preuve indiquant le contraire, diminue avec l’écoulement du temps. Je suis aussi convaincu que la menace posée par M. Mahjoub a été atténuée du fait de son exposition médiatique ainsi que de la supervision et du contrôle exercés constamment à son égard par les autorités canadiennes depuis presque une décennie.

 

[83]           En ce qui a trait au fardeau de la preuve plus lourd imposé aux ministres, je crois utile de citer le passage suivant des motifs du juge Mosley qui ont suivi son contrôle de la détention de M. Mahjoub en février 2007 :

[L]’enquête concernant M. Mahjoub était pour ainsi dire terminée lorsqu’il a été détenu en vertu du certificat de sécurité. Les organismes de sécurité n’ont pas tenté de l’interroger depuis qu’il a été placé en détention. Le demandeur est aujourd’hui un homme malade et vieillissant, préoccupé par sa santé et par l’absence de rapports avec sa famille autres que ceux qu’il entretient par téléphone et par des visites occasionnelles. Les conditions de sa détention ont aggravé ce problème (Mahjoub no 3, paragraphe 138).

 

 

[84]           J’adopte cette observation et je conclus qu’elle est bien plus convaincante deux ans plus tard, étant donné le manque de nouveaux éléments de preuve produits par les ministres et la situation actuelle de M. Mahjoub.

 

[85]           Les ministres n’admettent pas le fait que le danger présenté par M. Mahjoub a été minimisé ou a diminué en raison de sa détention prolongée ou de sa mise en liberté sous des conditions rigoureuses. À l’appui de leur position, ils soulignent essentiellement la preuve ayant étayé la délivrance du premier certificat à l’encontre de M. Mahjoub, laquelle preuve a été mise à jour dans le deuxième certificat. Ils invoquent les allégations contenues dans le RRS actuel, qui reprennent, pour l’essentiel, celles que contenait le premier RRS, le témoignage de M. Guay et celui du témoin du SCRS. Les ministres n’ont fondamentalement produit aucun nouvel élément de preuve contre M. Mahjoub à l’égard de la menace qu’il poserait. Rien dans le dossier n’indique que M. Mahjoub a eu, depuis sa détention initiale en 2000, quelque lien que ce soit avec des personnes ou des organisations terroristes d’aucune sorte, et ce, que ce soit durant sa longue incarcération ou durant le temps où il a été mis en liberté sous des conditions rigoureuses. Le dossier indique que M. Mahjoub a essentiellement respecté ses conditions de mise en liberté. En outre, il a, à maintes reprises, renoncé à l’extrémisme islamique et à l’usage de la violence. Dans ses motifs, le juge Mosley convenait que le désaveu de M. Mahjoub constituait un facteur pertinent. Il a déclaré :

Lorsqu’elle a conclu que M. Mahjoub ne s’était pas acquitté du fardeau de preuve qui lui incombait dans la décision Mahjoub no 2, la juge Dawson a insisté sur le fait qu’il n’avait pas lui‑même affirmé dans son témoignage qu’il avait renoncé à l’extrémisme islamique et à l’usage de la violence et que rien ne garantissait qu’il n’appuierait pas ou n’encouragerait pas des actes qui poseraient un danger ou qu’il ne participerait pas à de tels actes. Il s’agissait, aux yeux de la Cour, d’une « omission significative » : décision Mahjoub no 2, précitée, au paragraphe 87. La Cour a aussi rappelé les propos formulés par le juge Simon Noël dans la décision Charkaoui (Re), précitée, au paragraphe 53 : « [C]omment un juge désigné peut‑il évaluer l’existence d’un danger et la possibilité d’une libération avec conditions si la personne intéressée ne l’informe pas, entre autres, qu’il entend respecter les conditions? […] ».

 

[…]

 

Je signale également la réponse donnée par M. Mahjoub, lorsqu’il a témoigné à l’appui de sa demande, quand on lui a demandé pourquoi, dans les instances antérieures, il n’avait pas expressément condamné la violence. Il a simplement répondu qu’on ne lui avait pas posé la question. On pourrait cependant se demander pourquoi il ne l’a pas fait spontanément. Quoi qu’il en soit, son témoignage à cet égard répond à la réserve soulevée par la juge Dawson. (Mahjoub no 3, paragraphes 122 et 124.) [Non souligné dans l’original.]

 

 

[86]           Les ministres plaident que M. Mahjoub n’a pas changé et qu’on ne peut pas lui faire confiance. Ils n’ont produit aucun élément de preuve indépendant pour étayer leur position qu’une personne ayant les antécédents de M. Mahjoub ne peut pas changer. Ils n’ont pas non plus produit quelque élément de preuve que ce soit pour réfuter l’allégation formulée par M. Mahjoub selon laquelle il avait renoncé à la violence. Les ministres s’appuient sur la position suivante du SCRS : terroriste un jour, terroriste toujours. En contre‑interrogatoire, le témoin du SCRS a reconnu qu’il existait des rapports concernant des programmes de réadaptation pour les personnes engagées dans l’extrémisme islamique qui avaient été mis sur pied dans d’autres pays. Les avocates de M. Mahjoub ont aussi fait référence aux études longitudinales qui avaient apprécié les répercussions d’une longue détention sur les personnes engagées dans l’idéologie extrémiste qui n’ont pas accès aux programmes de réadaptation. Selon les avocates, ces rapports donnent à entendre que la majorité des individus ne reprennent pas leurs activités terroristes après leur mise en liberté à la suite d’une longue détention. Le témoin du SCRS ne fut d’aucune aide pour la Cour à l’égard de cette preuve.

 

[87]           Les ministres ne m’ont pas convaincu que la menace posée par M. Mahjoub pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui n’avait pas diminué avec l’écoulement du temps. Sur le fondement de la preuve produite, et compte tenu du fardeau imposé aux ministres, qui s’est alourdi avec l’écoulement du temps, je suis convaincu que la longue détention de M. Mahjoub ainsi que sa mise en liberté sous des conditions rigoureuses ont diminué le danger qu’il représente. Je suis convaincu que, après presque dix ans de détention et de mise en liberté sous condition, il a ainsi cessé de pouvoir communiquer avec des membres des réseaux islamistes extrémistes. Vu l’ensemble de la preuve, le temps que M. Mahjoub a passé en détention milite fortement en faveur de l’assouplissement de ses conditions de mise en liberté.

 

(3) Les raisons qui retardent l’expulsion

 

[88]           Dans l’arrêt Charkaoui n1, la Cour suprême du Canada déclarait au paragraphe 114 :

 

Les juges appelés à contrôler la détention en attente de l’expulsion vérifient si le retard était attribuable au détenu ou au gouvernement : Sahin, p. 231. Lors de l’examen de la demande de mise en liberté de M. Almrei, la Cour d’appel fédérale a affirmé que le juge chargé de l’examen peut « ne pas tenir compte, en tout ou en partie, du délai résultant d’une procédure amorcée par le demandeur qui a pour effet précis d’empêcher la Couronne d’appliquer la loi dans un délai raisonnable » : Almrei, 2005 CAF 54, par. 58; voir également Harkat, 2006 CF 628, par. 30. On ne devrait pas reprocher au gouvernement ou au détenu de se prévaloir, de façon raisonnable dans les circonstances, des dispositions applicables de la LIPR, ni reprocher au détenu une contestation raisonnable fondée sur la Charte. Par contre, il sera justifié de retenir un délai inexpliqué ou un manque de diligence contre la partie qui en est responsable.

 

 

 

[89]           Ce facteur autorise le juge désigné à prendre en considération tout retard inexpliqué dans l’expulsion ou tout manque de diligence d’une partie et à retenir ce retard contre la partie qui en est responsable. En l’espèce, par suite de l’entente dont ont convenu les parties selon laquelle seuls deux des facteurs énoncés dans l’arrêt Charkaoui n1 seraient débattus, aucune des parties n’a présenté de preuve concernant les raisons du retard dans l’expulsion. On a toutefois demandé aux parties d’aborder chacun des facteurs de l’arrêt Charkaoui n1 dans leurs observations finales.

 

[90]           M. Mahjoub fait valoir que le retard dans la divulgation, une condition exigée selon l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, [2008] 2 R.C.S. 326 (Charkaoui n2), devrait opérer contre les ministres. Les avocates de M. Mahjoub ont déclaré :

[traduction]

 

Maintenant, lorsque nous avons comparu devant la juge Layden‑Stevenson la dernière fois, dans la cause de M. Mahjoub relative au contrôle des conditions, nous avons qualifié ce facteur de neutre. Personne n’était fautif. Beaucoup de temps s’est écoulé. Pour nous, ce n’est plus un facteur neutre. Il n’y a aucune raison expliquant pourquoi M. Mahjoub n’a pas obtenu [Charkaoui n2] la divulgation de son dossier.

 

[…]

 

M. Mahjoub n’est responsable d’aucun retard. À ce moment‑ci, selon ce que nous pouvons constater, en tant qu’avocates pour l’audience publique, le retard est attribuable aux ministres.

 

 

 

[91]           Les ministres font valoir que, par son affirmation susmentionnée, M. Mahjoub a causé une surprise aux ministres, parce que les parties avaient convenu dès le début, à la lumière des circonstances, que les raisons du retard dans l’expulsion, en plus de deux des autres facteurs énoncés dans l’arrêt Charkaoui n1, seraient exclues du débat et de l’argumentation. Les ministres ont ajouté que les retards dans la divulgation dont il est question dans l’arrêt Charkaoui n2 ne devraient pas leur être opposés.

 

[92]           En me fondant sur l’entente convenue entre les parties sur la façon dont devait se dérouler le présent contrôle de la détention, et par équité pour les ministres, je considérerai ce facteur comme neutre aux fins du présent contrôle de la détention. Je laisse aux parties le soin de soulever la question dans les contrôles à venir.

 

 

(4) La durée anticipée du prolongement de la détention

 

[93]           Dans l’arrêt Charkaoui n1, la Cour suprême a décidé, au paragraphe 115 :

 

Si l’expulsion sera précédée d’une longue détention ou s’il n’est pas possible de déterminer pendant combien de temps la détention se prolongera, ce facteur jouera en faveur de la mise en liberté.

 

 

[94]           Le fait de prévoir une longue détention ou une mise en liberté sous des conditions rigoureuses avant l’expulsion constitue un facteur qui milite en faveur de la mise en liberté sous des conditions moins rigoureuses. Dans le cas de M. Mahjoub, la question du caractère raisonnable du certificat n’a pas encore été tranchée. S’il était conclu que le certificat est raisonnable, il serait aussi nécessaire de décider si M. Mahjoub, en tant que réfugié au sens de la Convention, peut être renvoyé du Canada, en application du paragraphe 115(2) de la LIPR.

 

[95]           M. Mahjoub affirme qu’il s’agit d’un facteur jouant en faveur de sa mise en liberté sous des conditions moins rigoureuses. Il soutient que le processus relatif au certificat de sécurité sera long et que, même si le certificat était déclaré raisonnable, son renvoi immédiat serait empêché par la situation inquiétante, en Égypte, en matière de droits de la personne et le risque auquel il serait exposé d’être soumis à la torture. En ce qui a trait au risque d’être soumis à la torture, M. Mahjoub invoque les rapports d’Amnistie Internationale et de Human Rights Watch ainsi que la décision de la juge Tremblay-Lamer dans l’affaire Mahjoub c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1503. Dans cette décision, la juge a conclu que la décision de la représentante du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, selon laquelle il y avait suffisamment de motifs de croire qu’il n’existait pas de risque important que M. Mahjoub soit soumis à la torture ou à de mauvais traitements en Égypte, était manifestement déraisonnable.

 

[96]           Les ministres reconnaissent qu’on ne peut déterminer le temps qui s’écoulera avant le renvoi de M. Mahjoub et concèdent que, par conséquent, ce facteur milite en faveur de M. Mahjoub. Encore une fois, les ministres incitent à la prudence en disant qu’un seul facteur de l’arrêt Charkaoui n1 ne devrait pas être déterminant et qu’il faut soupeser l’ensemble des facteurs.

 

[97]           Les ministres reconnaissent que l’expulsion d’une personne exposée à un risque important d’être soumise à la torture violera généralement l’article 7 de la Charte. Mais, dans l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1, la Cour suprême a bel et bien fait remarquer que, dans des circonstances exceptionnelles, une telle expulsion est possible. Les ministres soutiennent donc que la Cour ne peut pas adopter la conclusion selon laquelle M. Mahjoub fait face à une période de détention ou de mise en liberté sous condition indéterminée.

 

[98]           Je suis convaincu que ce facteur joue en faveur de M. Mahjoub. Vu le temps qu’il a déjà passé en détention et sous des conditions de mise en liberté, il est peu probable qu’il soit renvoyé du Canada dans un proche avenir. Bien que je convienne avec les ministres que ce facteur n’est pas déterminant et qu’il doit être apprécié conjointement avec les autres facteurs, il constitue, dans les circonstances, un facteur auquel il faut accorder un poids considérable.

 

 

(5) L’existence de solutions de rechange à la détention

 

[99]           Dans l’arrêt Charkaoui n1, la Cour suprême expliquait ce qui suit à l’égard du facteur de l’existence de solutions de rechange à la détention :

Des conditions de mise en liberté rigoureuses, comme celles imposées à M. Charkaoui et à M. Harkat, restreignent fortement la liberté individuelle. Toutefois, elles sont moins sévères que l’incarcération. Les solutions de rechange à une longue détention consécutive à un certificat, telles de sévères conditions de mise en liberté, ne doivent pas être disproportionnées par rapport à la nature du danger (paragraphe 116).

 

 

La position de M. Mahjoub

 

[100]       M. Mahjoub a d’abord cherché à expliquer davantage la notion de proportionnalité en s’inspirant du droit pénitentiaire et de la détermination de la peine. M. Mahjoub soutient que le principe énoncé dans l’arrêt R. c. Johnson, 2003 CSC 46, selon lequel la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, en est un de justice fondamentale qui doit également être respecté dans le contexte du droit de l’immigration et des contrôles de la détention.

 

[101]       M. Mahjoub fait valoir que, pour être proportionnelles, les conditions de mise en liberté doivent violer le moins possible ses droits, et en particulier son droit à la liberté, et doivent [traduction] « lui permettre, dans la mesure du possible, de vivre une vie normale ». La proportionnalité exige aussi que les conditions de mise en liberté soient réalistes à la lumière de la situation de la personne désignée. Il soutient que, dans son cas en particulier, pour établir les conditions de mise en liberté, la Cour doit prendre en considération les circonstances suivantes : personne n’est disponible pour agir à titre de surveillant résidant et il a, dans le passé, fait l’expérience de relations tendues avec l’ASFC, de sorte que ses contacts avec l’ASFC doivent être restreints au minimum.

 

[102]       M. Mahjoub affirme qu’il ne peut pas retourner vivre avec son épouse et ses enfants, et que personne d’autre n’est disponible pour agir à titre de surveillant résidant pour lui. Murray Lumley, qui était un surveillant agréé par la Cour pour M. Mahjoub au cours de sa précédente mise en liberté sous condition, a témoigné qu’il était prêt à agir encore une fois à titre de surveillant pour M. Mahjoub. En raison des contraintes relatives au transport et de ses obligations familiales, il ne serait disponible pour surveiller M. Mahjoub que trois fois par mois. El Sayed Ahmed, qui fut également un surveillant agréé par la Cour, a déclaré dans son témoignage qu’il serait disposé à surveiller M. Mahjoub trois à quatre fois par mois, mais que ces périodes devraient être exclusivement durant les fins de semaine. En cas d’urgence, M. Ahmed serait prêt à surveiller M. Mahjoub les soirs de semaine.

 

[103]       M. Mahjoub soutient que ses conditions de mise en liberté doivent être élaborées en tenant compte de sa situation particulière, à savoir le fait qu’il manque de surveillants résidants. À cet égard, il s’appuie sur les conclusions du juge Mosley dans la décision Almrei, au paragraphe 282 :

 

La Cour suprême a reconnu que de strictes conditions de mise en liberté peuvent sérieusement restreindre la liberté individuelle et qu’elles ne doivent pas être disproportionnées par rapport à la nature du danger : Charkaoui 1, précité, au paragraphe 116. Cette observation comporte implicitement, je crois, la reconnaissance du fait que l’imposition de conditions doit être adaptée aux circonstances de la personne visée. Dans le cas présent, ces circonstances ne comportent pas de parents proches ou d’amis qui seraient disposés à agir à titre de caution de surveillance résidante. […]

 

Le juge Mosley a conclu, en tenant compte de la situation de M. Almrei, qu’une caution de surveillance vivant dans la même résidence n’était pas un élément essentiel du plan de mise en liberté sous condition (Almrei, paragraphe 278).

 

[104]       M. Mahjoub fait remarquer que, dans le cas de M. Almrei, celui‑ci n’avait pas antérieurement été mis en liberté, alors que, dans son propre cas, la Cour a en sa possession des éléments de preuve démontrant que, durant sa période précédente de mise en liberté, il s’est conformé aux conditions rigoureuses de sa mise en liberté.

 

[105]       M. Mahjoub fait aussi valoir que le fait de se fier aux surveillants pour que la personne désignée se conforme aux conditions est disproportionné. À l’appui de cet argument, M. Mahjoub invoque la décision Jaballah c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 379, dans laquelle la juge Layden‑Stevenson a exprimé un certain manque de confiance dans l’efficacité des cautions de surveillance pour faire en sorte que la personne désignée respecte les conditions de mise en liberté (paragraphe 69).

 

[106]       Quant à ses relations avec l’ASFC, M. Mahjoub soutient que sa situation personnelle requiert que les contacts entre lui et l’ASFC soient restreints au minimum. Selon lui, les conditions de mise en liberté doivent être élaborées de manière à ce qu’il ait à traiter personnellement avec l’ASFC le moins possible. Il a présenté des éléments de preuve concernant les relations tendues qu’il entretenait avec l’ASFC, tant au CSIK que durant sa précédente mise en liberté sous condition. En particulier, M. Mahjoub invoque le fait que les interactions avec l’ASFC au cours de sa précédente mise en liberté sous condition ont occasionné des tensions si importantes, à lui-même ainsi qu’à sa famille, qu’il n’a pas eu d’autre choix que de retourner volontairement en détention. M. Mahjoub s’appuie sur l’arrêt Voeller c. R., 2008 NBCA 37, une affaire de détermination de la peine, dans laquelle le juge Marc Richard, au nom de la Cour d’appel du Nouveau‑Brunswick, faisait remarquer ce qui suit au paragraphe 22 de ses motifs :

 

[C]ertaines conditions qu’un accusé pourrait trouver astreignantes pourraient sembler indulgentes à un autre accusé. Dans certains cas, l’objectif de prévention peut être atteint au moyen de conditions qui, envisagées d’une façon objective, pourraient être jugées indulgentes, mais dont les conséquences sur un accusé précis pourraient être, d’un point de vue subjectif, très dures. […]

 

 

[107]       M. Mahjoub fait valoir que les conditions de mise en liberté qu’il a proposées sont proportionnées. Elles offrent aux ministres l’assurance qu’il ne présentera pas une menace pour la sécurité nationale, tout en prenant également en compte sa situation personnelle, à savoir qu’il n’a pas de surveillant résidant et que ses relations avec l’ASFC sont tendues.

 

La position des ministres

 

[108]       Les ministres ne s’opposent pas à la mise en liberté de M. Mahjoub sous des conditions qui ne comprennent pas une caution de surveillance résidante. Cependant, ils soutiennent que les autres conditions de mise en liberté doivent être plus rigoureuses afin de contrebalancer l’absence de caution de surveillance résidante.

 

[109]       Les ministres s’opposent, pour des motifs opérationnels et de sécurité, à certaines des propositions avancées par M. Mahjoub, lesquelles réduiraient au minimum les contacts entre l’ASFC et lui.

 

Analyse

 

[110]       Ce facteur, c’est‑à‑dire « les solutions de rechange à la détention », exige que le juge désigné effectue une analyse relative à la proportionnalité en se fondant sur la nature de la menace et le droit à la liberté de la personne dans le but de déterminer les conditions appropriées à imposer à la personne désignée, que ce soit sous la forme d’une détention ou d’une mise en liberté assortie de conditions. Dans la décision Harkat, au paragraphe 86, le juge Noël déclarait ce qui suit :

 

[…] La proportionnalité est un instrument qui exige l’adaptation de deux facteurs (le danger et les conditions) à une réalité changeante. Les circonstances ne sont pas statiques, elles évoluent avec le temps.

 

 

[111]       Dans la décision Mahjoub no 4, la juge Layden‑Stevenson déclarait que les conditions de mise en liberté devaient être proportionnées par rapport à la menace, le juge doit donc effectuer une analyse relative à la proportionnalité en se basant sur le fait que :

 

[L]’objectif sous‑jacent visé par les contrôles judiciaires solides et réguliers est d’en arriver à une solution qui permet de trouver un équilibre entre le droit à la liberté de l’intéressé et la sécurité nationale du Canada et de sa population. Les conditions de la mise en liberté ne doivent pas être disproportionnées par rapport à la nature du danger (Charkaoui n1). […] (paragraphe 72.)

 

 

 

[112]       Dans le cas de ce facteur, il n’y a pas de désaccord sur les principes juridiques applicables. En outre, les ministres conviennent que, en présence de conditions appropriées, il ne serait pas nécessaire d’avoir un surveillant résidant pour M. Mahjoub et qu’il pourrait vivre seul. Sur le fondement de cette entente, de la preuve qui m’a été présentée et de la situation de M. Mahjoub, j’en suis venu à la conclusion qu’une caution de surveillance résidante n’était pas un élément essentiel du plan de mise en liberté sous condition de celui‑ci.

 

[113]       Ce sur quoi les parties ne s’entendent pas, c’est la question de savoir si, comme le font valoir les ministres, les conditions de mise en liberté devraient être plus rigoureuses, du fait qu’il n’y a plus de surveillant résidant, ou plus indulgentes, en raison du temps passé par M. Mahjoub en détention, de sa soumission aux conditions rigoureuses de mise en liberté pendant deux ans et des autres facteurs qu’il a soulevés. Il faudra examiner plus soigneusement chacune des conditions de mise en liberté proposées.

 

(6) Les autres facteurs

[114]       Avant d’aborder les conditions précises de mise en liberté avancées par les parties, je propose d’examiner d’abord les circonstances entourant les conditions de détention actuelles de M. Mahjoub. Dans un contrôle de la détention, le juge désigné doit prendre en compte l’ensemble des facteurs pertinents, y compris la possibilité d’un mauvais usage ou de l’application abusive des dispositions de la LIPR autorisant la détention (Charkaoui n1, paragraphes 110, 117 et 123). C’est sur cette base que je me propose d’examiner les conditions de détention de M. Mahjoub.

 

La position de M. Mahjoub

 

[115]       M. Mahjoub fait valoir que les difficultés globales qu’il a connues en raison des conditions de sa détention ainsi que sa santé physique et mentale actuelle sont des facteurs qui devraient jouer en faveur de conditions de mise en liberté moins rigoureuses.

 

[116]       M. Mahjoub soutient qu’il a une santé fragile et que celle‑ci a été affectée par sa détention. M. Mahjoub souffre d’hépatite C. Actuellement, il souffre aussi des effets de sa grève de la faim, qu’il avait entreprise, comme je l’ai mentionné précédemment, le 1er juin 2009 pour protester contre les conditions de sa détention. Le Dr Alan McBride, qui a fourni une assistance médicale à M. Mahjoub au CSIK, a témoigné que M. Mahjoub avait perdu environ 25 p. 100 de son poids corporel depuis le début de sa grève de la faim. Il a ajouté que M. Mahjoub était faible et lent dans ses mouvements, qu’il avait des étourdissements, et qu’il était dépressif et moins alerte du fait de sa grève de la faim.

 

[117]       Quant à sa santé mentale, M. Mahjoub soutient qu’il a survécu à la torture et qu’il souffre à présent du trouble de stress post‑traumatique (le TSPT) qui affecte les moyens à sa disposition et les limites avec lesquelles il peut faire face à ses conditions de détention actuelles. Il allègue que ces problèmes auront également des répercussions sur sa capacité à s’adapter aux futures conditions de mise en liberté. À l’appui de cette position, M. Mahjoub fait référence à une évaluation psychologique, effectuée par le Dr Michael Bagby et datée du 27 juin 2005. Le Dr Bagby est psychologue clinicien agréé et professeur au Département de psychiatrie de l’Université de Toronto. À la demande des avocates de M. Mahjoub, le Dr Bagby a examiné les effets psychologiques de la détention sur M. Mahjoub et a présenté un rapport sur son évaluation. M. Mahjoub fait valoir que les observations du Dr Bagby demeurent pertinentes.

 

[118]       M. Mahjoub invoque aussi un rapport intitulé From Persecution to Prison: the Health Consequences of Detention for Asylum Seekers, qui a été publié par l’organisation Médecins pour les droits de l’homme et le Programme pour les survivants de la torture de l’Hôpital de Bellevue et de l’Université de New York (2003 : New York). L’étude décrit, parmi d’autres questions de santé, les répercussions de la détention sur les niveaux d’anxiété, de dépression et de TSPT chez 70 demandeurs d’asile détenus aux États‑Unis. La majorité des personnes étudiées ont développé de tels symptômes avant d’arriver aux États‑Unis, par suite de la persécution dont elles ont été victimes dans leur pays d’origine. Selon cette étude :

[traduction]

 

Il semble que plus le temps passé en détention s’allonge, plus la détresse psychologique grandit. La gravité de tous les symptômes d’anxiété, de dépression et de TSPT était liée de manière significative à la durée de la détention. Quarante‑neuf participants (70 p. 100) ont déclaré que, dans l’ensemble, leur santé mentale s’était considérablement affaiblie alors qu’ils étaient en détention (p. 63).

 

 

[119]       M. Mahjoub trace un parallèle entre les résultats de cette étude et sa propre situation pour faire valoir que la durée et les conditions de sa détention ont aggravé ses problèmes psychologiques préexistants qui lui avaient initialement été causés par la persécution subie en Égypte.

 

[120]       En plus de ce qui précède, M. Mahjoub soutient que sa détention a eu d’autres répercussions négatives sur sa santé mentale, parce qu’il est détenu dans des conditions ressemblant à l’isolement cellulaire. Depuis son retour au CSIK, il y est le seul détenu. M. Mahjoub a témoigné qu’il était seul presque 24 heures sur 24. Il a aussi déclaré qu’il n’a qu’une seule véritable interaction sociale, avec un des gardiens, et ce, sur une fréquence d’une fois toutes les deux ou trois semaines. M. Mahjoub a fait remarquer qu’il pouvait parler au téléphone avec sa famille, ses avocates et les personnes autorisées par l’ASFC, et qu’il pouvait recevoir des visiteurs, mais qu’il n’y en avait eu que très peu. Enfin, à cet égard, M. Mahjoub a témoigné qu’il n’y avait pas de différence importante entre sa détention actuelle au CSIK et celle en isolement préventif au CDCUTO.

 

[121]       En outre, M. Mahjoub fait valoir qu’il est assujetti aux règles et politiques du CSIK, issues du système pénal, lesquelles ne sont pas adaptées à la détention d’une personne à des fins préventives. Il fait aussi remarquer que les politiques se prêtent mal à sa situation particulière, en tant que seul détenu au CSIK. Il a témoigné qu’il n’avait pas accès à ce qui suit : des programmes de formation professionnelle, des programmes d’éducation, des activités organisées, une bibliothèque ou un travailleur social. Il a déclaré avoir accès à sa cellule, une aire commune, une salle d’entraînement et une cour où se trouvent un banc et un parasol. Il a également à sa disposition une télévision, un lecteur CD, un ordinateur dans lequel est installé un programme de formation linguistique ainsi qu’un journal publié quotidiennement.

 

[122]       M. Mahjoub fait aussi état des nombreux problèmes qu’il a vécus pendant sa détention au CSIK. Il a témoigné relativement à ces problèmes et a fait référence à ses nombreuses plaintes écrites. En bref, il allègue ce qui suit :

a)                  Il n’a pas reçu ses repas, les a reçus en retard ou les portions étaient insuffisantes;

b)                  On lui a servi de la boisson au soja surie et de la viande crue;

c)                  On lui a donné un repas contenant un ressort en métal;

d)                  le personnel du CSIK l’a empêché d’avoir des communications téléphoniques avec sa famille;

e)                  Les agents ont fouillé sa barbe et son Coran, à l’encontre du règlement;

f)                    Les agents ont éteint son lecteur CD la nuit, même s’il ne dérangeait pas les gardiens, puisqu’ils se trouvaient dans une zone distincte;

g)                  Le nettoyage n’a pas été effectué selon le calendrier;

h)                  Le personnel lui a interdit d’aller dans la cour, malgré le fait qu’il s’agissait d’une activité prévue;

i)                    La famille de M. Mahjoub a eu de la difficulté à lui faire parvenir des effets personnels en raison de la politique stricte concernant le processus d’acquisitions d’effets additionnels;

j)                    On ne lui a pas permis d’avoir et de porter son propre manteau d’hiver;

k)                  Un agent en particulier lui a manqué de respect en frappant la porte de sa cellule, en demandant au préposé de mettre sa nourriture sur le plancher, en débranchant la ligne téléphonique au moment où il parlait avec sa famille, en ne l’appelant pas par son nom lorsqu’il lui parlait, en marchant sur son tapis de prière et en éteignant son lecteur alors qu’il écoutait son CD du Coran;

l)                    Il a été enfermé dans sa cellule après la livraison du repas ou le nettoyage, et ce, pour des périodes allant de quelques minutes à quelques heures, même si les portes devaient être immédiatement déverrouillées.

 

 

 

[123]       M. Mahjoub soutient que les circonstances susmentionnées relatives à sa santé et à ses conditions de détention actuelles doivent être considérées par la Cour dans le cadre du présent contrôle de la détention. Il fait valoir qu’elles justifient des conditions de mise en liberté moins rigoureuses. Il ajoute qu’en raison de ses problèmes de santé physique et mentale, il se verrait dans une situation pénible si des conditions rigoureuses lui étaient imposées. À cet égard, ses avocates plaident ce qui suit :

[traduction]

 

Le temps que M. Mahjoub a passé en détention, les effets de cette détention et la manière dont on l’a traité dans le passé favorisent grandement sa mise en liberté sous des conditions raisonnables, des conditions adaptées à ses besoins sur les plans physique et psychologique.

 

 

[124]       M. Mahjoub cite l’arrêt R. c. Wallace, [1973] O.J. No. 201, 11 C.C.C. (2d) 95, à l’appui de son argument. Dans cette affaire, l’appelant, qui avait été condamné à une période d’emprisonnement de 10 ans, interjetait appel au motif que le juge de première instance n’avait pas été en mesure de considérer la preuve concernant sa santé mentale et, plus particulièrement, le fait qu’il souffrait de schizophrénie paranoïde. La Cour d’appel de l’Ontario a accueilli l’appel et réduit la peine. Au paragraphe 15 de ses motifs, la Cour déclarait :

[traduction]

 

Il est clair qu’une peine de la durée de celle imposée constituait une sanction beaucoup plus sévère pour cet homme que pour une personne normale, en raison de la terreur dans laquelle il vit, du risque d’autodestruction et de la perte de réponse au traitement […]

 

 

La position des ministres

[125]       En réponse aux arguments de M. Mahjoub concernant son état de santé et les conditions actuelles de sa détention, les ministres avancent un certain nombre d’arguments.

 

[126]       On a jugé que M. Mahjoub était un réfugié au sens de la Convention, néanmoins les ministres contestent le fait qu’il ait été victime de torture. Les ministres n’ont pas abordé directement la prétention de M. Mahjoub selon laquelle il souffrait du TSPT.

 

[127]       En ce qui a trait aux conditions de détention actuelles de M. Mahjoub, les ministres ont fait entendre le témoignage de Mme Cathie Kench, directrice par intérim du CSIK. Mme Kench a témoigné au sujet des réponses données par l’administration du CSIK aux plaintes formulées par M. Mahjoub. Elle a fait remarquer que bien des politiques ayant causé des problèmes à M. Mahjoub avaient été modifiées. Elle a déclaré que des politiques avaient été évaluées à la lumière des plaintes de M. Mahjoub et qu’on avait jugé que ces politiques n’étaient pas nécessaires. D’autres avaient été modifiées ou adaptées en raison du fait que M. Mahjoub était le seul détenu.

 

Analyse

 

[128]       Je suis disposé à admettre que la situation personnelle de M. Mahjoub, y compris les conditions de sa détention actuelle et son état de santé, est un facteur approprié qui doit être examiné dans le cadre du présent contrôle de la détention.

 

[129]       Au cours des années qu’il a passées en détention, M. Mahjoub fut détenu dans un milieu institutionnel, dans une situation qui reflétait celle des pénitenciers fédéraux au Canada. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne les politiques qui réglementent les activités quotidiennes des personnes détenues au CSIK. À l’origine, les politiques opérationnelles au CSIK avaient été adoptées essentiellement en s’inspirant de celles qui étaient en application à Millhaven, le pénitencier fédéral attenant. Ces politiques étaient conçues pour un important pénitencier occupé par un grand nombre de détenus. De telles politiques étaient nécessaires pour garantir un environnement sûr pour les détenus et le personnel. Beaucoup de ces politiques ne conviennent pas à la détention de personnes désignées comme M. Mahjoub. Par exemple, les politiques opérationnelles traitant des fouilles des cellules, des isolements cellulaires, des dénombrements, des services d’alimentation et de la distribution des colis ne sont guère logiques dans un établissement n’ayant qu’une seule personne en détention préventive, en application de la LIPR. Il est vrai que beaucoup de ces politiques ont en fin de compte été modifiées ou éliminées par suite des plaintes formulées par M. Mahjoub auprès de l’administration. Cela indique que, dès le début, elles n’étaient pas nécessaires et qu’elles n’ont servi qu’à aggraver sévèrement les conditions de sa détention. Lorsque l’on prend en considération le fait que M. Mahjoub est détenu seul et qu’il est privé de toute interaction sociale significative, tout en ne bénéficiant pas des programmes d’éducation et des autres activités dont peuvent se prévaloir les détenus des pénitenciers fédéraux, on peut soutenir que, à bien des égards, sa détention au CSIK a été, et est plus sévère que les conditions imposées aux criminels servant de lourdes peines dans des pénitenciers fédéraux.

 

[130]       Quant aux plaintes déposées par M. Mahjoub alors qu’il se trouvait en détention au CSIK, et il y en a eu un grand nombre, bien des éléments de preuve ont été produits. Dans bien des cas, les plaintes étaient légitimes et la direction du CSIK y a répondu en prenant les mesures nécessaires pour changer la politique. La preuve démontre que la direction a tenté de satisfaire à beaucoup de demandes faites par M. Mahjoub. Celui‑ci a témoigné avoir eu des difficultés particulières avec certains agents de correction, dont un en particulier qui lui manquait de respect. On a produit de la preuve contradictoire concernant certains incidents dont s’était plaint M. Mahjoub. Cela n’est d’aucune utilité pour déterminer qui est fautif dans chacun des nombreux incidents soulevés devant moi. Je suis disposé à admettre que M. Mahjoub se soit par moments montré difficile et peut‑être même déraisonnable dans ses demandes. Cependant, je suis d’avis que sa conduite s’explique en partie par le sentiment de frustration qu’il a éprouvé en raison de la durée et des conditions de sa détention et en partie par son état physique et mental.

 

[131]       En ce qui a trait au personnel et à la direction du CSIK, je suis prêt à admettre que, pour l’essentiel, la direction a fait de son mieux pour satisfaire M. Mahjoub. Il y a cependant eu des incidents inacceptables, comme lorsqu’on a trouvé un ressort en métal dans la nourriture de M. Mahjoub. Je suis convaincu qu’en fin de compte, la direction a pris les mesures nécessaires pour mener une enquête et s’assurer que de tels incidents ne se reproduisent plus.

 

[132]       Les difficultés vécues par M. Mahjoub lors de sa détention découlent des politiques administratives adoptées pour l’exploitation du CSIK qui ne sont pas, selon moi, adaptées à un établissement où on a la responsabilité de la détention préventive. Les politiques adoptées sont essentiellement celles d’un établissement carcéral fédéral, dont le mandat est fort différent, à savoir assurer la sécurité et la réadaptation des personnes ayant fait l’objet d’une déclaration de culpabilité criminelle. M. Mahjoub n’a été déclaré coupable d’aucun crime. La loi qui prévoit sa détention, la LIPR, vise un but différent, à savoir la détention préventive pour contenir la menace qu’il pose pour la sécurité du Canada ou la sécurité d’autrui en attendant que soit tranchée la question du caractère raisonnable du certificat de sécurité et, s’il est conclu que le certificat est raisonnable, qu’il soit renvoyé du Canada. La loi ne prévoit aucune conséquence pénale. Pourtant, comme il a déjà été mentionné, M. Mahjoub fut détenu seul et, pour une bonne partie du temps passé en détention, n’a pas bénéficié des programmes d’éducation ou autres, et ce, pendant tout près d’une décennie.

 

[133]       Comme je l’ai déjà mentionné, je suis disposé à reconnaître les conditions difficiles de la détention de M. Mahjoub à titre de facteur pertinent pour le présent contrôle de la détention. Puisque les ministres ne s’opposent pas à ce que M. Mahjoub soit mis en liberté sous condition, les éléments qui prennent de l’importance dans le contexte de ce facteur sont : l’incapacité qu’a démontrée M. Mahjoub de faire face à l’ASFC et de communiquer avec elle; l’isolement social prolongé dont il a souffert. Pour élaborer les conditions de mise en liberté, il importera, dans la mesure du possible, de réduire au minimum les contacts de M. Mahjoub avec l’ASFC ainsi que son isolement social, tout en assurant la sécurité nationale.

 

Les conditions de mise en liberté

                                                              

[134]       Je suis convaincu que les facteurs examinés précédemment, dans l’ensemble, jouent en faveur de la mise en liberté de M. Mahjoub, sous des conditions moins rigoureuses que celles qui avaient été fixées avant son retour en détention le 18 mars 2009. Certaines conditions rigoureuses seront nécessaires pour contrebalancer l’assouplissement et/ou l’élimination d’autres conditions comme l’exigence d’un surveillant résidant. Les conditions de mise en liberté qui découleront du présent contrôle de la détention résultent de la pondération des facteurs discutés précédemment et de l’équilibre entre le droit à la liberté de M. Mahjoub et la menace qu’il pose pour la sécurité nationale du Canada. Je suis convaincu que les conditions que j’établirai sont appropriées et suffisantes pour neutraliser la menace posée, et que sa mise en liberté sous condition ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui.

 

[135]       J’aborderai maintenant les conditions de mise en liberté à imposer. Toutes ces conditions résultant du présent contrôle de la détention sont reproduites à l’annexe A des présents motifs.

 

[136]       J’examinerai ci‑dessous les conditions sur lesquelles les parties ne s’entendent pas, de même que les modifications proposées par les parties aux conditions qui étaient en vigueur le 18 mars 2009, au moment où M. Mahjoub est retourné en détention. Comme je l’expliquerai, certaines conditions en rapport avec la résidence éventuelle de M. Mahjoub ne pourront être arrêtées définitivement que lorsqu’une résidence en particulier sera envisagée. À cet égard, je fixerai des lignes directrices, le cas échéant, et résumerai ensuite les conditions qui peuvent être établies à cette étape‑ci de l’instance.

 

 

Les cautionnements en espèces et les cautionnements de bonne exécution

 

[137]       M. Mahjoub propose que le montant à verser sous forme de cautionnements en espèces, pour sa mise en liberté, soit réduit à 7 500 $. Lors de sa première mise en liberté, le montant exigé et versé était de 32 500 $. Les ministres font valoir que le montant de 7 500 $ est insuffisant et que les cautionnements en espèces devraient être fixés à 20 000 $.

 

[138]       M. Mahjoub soutient que le montant des cautionnements en espèces de 7 500 $ qu’il propose doit être pris en considération avec les 48 000 $ en cautionnements de bonne exécution qui sont proposés. Il fait valoir que ce montant cumulatif est raisonnable lorsque l’on tient compte des autres restrictions qui lui seront imposées par les conditions de mise en liberté.

 

[139]       Il n’y a rien de magique dans la fixation de montants pour des cautionnements en espèces et des cautionnements de bonne exécution. À mon avis, pour ce faire, un facteur important consiste à examiner les montants établis lors du dernier contrôle ayant mené à la mise en liberté de M. Mahjoub. De cette façon, la Cour peut comparer les montants imposés précédemment avec les niveaux de menace en cause et les changements survenus depuis. Dans mon analyse qui précède, portant sur les facteurs applicables examinés dans le présent contrôle, j’ai tenu compte des changements survenus dans la situation de M. Mahjoub. L’ajustement qu’il propose quant aux cautionnements en espèces va trop loin. La réduction des cautionnements en espèces proposée par les ministres est raisonnable. Les cautionnements en espèce seraient fixés à 20 000 $. L’exigence relative aux cautionnements de bonne exécution sera fixée à 48 000 $, tel que cela a été convenu entre les parties.

 

La surveillance électronique et physique de la résidence

 

[140]       Les parties conviennent que M. Mahjoub devrait porter, en tout temps, un dispositif de télésurveillance (un système de positionnement global ou GPS) avec lequel l’ASFC sera en mesure de repérer l’endroit où il se trouve. Les parties sont en désaccord quant au libellé de la condition qui permettrait de retirer le dispositif à des fins médicales.

 

[141]       Les ministres demandent que M. Mahjoub ne soit autorisé à enlever le dispositif que pour [traduction] « un traitement médical essentiel », alors que lui demande qu’on lui permette de le retirer pour [traduction] « des raisons médicales ». Les parties s’entendent quant à ce que qui est visé, soit que le dispositif puisse être enlevé de façon intermittente pendant un examen ou un traitement médical, et non pendant une période prolongée ou indéfiniment en raison d’une affection. Pour résoudre le problème, j’adopterai le libellé de la condition que l’on trouve dans l’ordonnance antérieure de mise en liberté qui était rédigée comme suit : « Lorsque le dispositif de télésurveillance devra être retiré pour des raisons médicales essentielles et à la demande d’un médecin qualifié, l’ASFC en sera avisée au préalable et prendra les dispositions nécessaires à cette fin […] » (Mahjoub no 4, annexe A, paragraphe 2).

 

[142]       Les ministres proposent les conditions suivantes concernant la surveillance de la résidence de M. Mahjoub : que M. Mahjoub consente à une surveillance physique 24 heures sur 24 de la résidence ainsi qu’à une surveillance vidéo de toutes les entrées, et que les ministres installent à leurs frais l’équipement de vidéoconférence et de surveillance vidéo ainsi que des capteurs d’alarme sur toutes les portes et fenêtres de la résidence, selon ce que l’ASFC jugera nécessaire. De plus, les ministres font valoir que l’ASFC devrait avoir entière discrétion quant à la mise en place de l’équipement de surveillance vidéo dans la résidence, afin de répondre aux besoins opérationnels et de sécurité.

 

[143]       Les ministres soutiennent que la condition qu’un dispositif de vidéoconférence soit installé dans la résidence de M. Mahjoub est compatible avec les conditions de sa mise en liberté antérieure qui l’autorisait à demeurer seul à la maison à la condition qu’un dispositif de vidéoconférence soit installé (Mahjoub no 4, paragraphe 165). Les ministres font valoir qu’une telle condition est également compatible avec le cas de M. Almrei, qui a été mis en liberté sans surveillant résidant, mais avec l’exigence qu’un dispositif de vidéoconférence soit installé dans sa résidence (Almrei, paragraphe 287). Dans le cas de M. Almrei, l’ASFC a eu entière discrétion quant à la mise en place de l’équipement de vidéoconférence.

 

[144]       Les ministres demandent qu’avant la mise en liberté de M. Mahjoub, l’ASFC effectue une évaluation du site relativement à toute résidence envisagée et qu’elle en fasse rapport à la Cour. Les ministres demandent à la Cour de ne pas approuver un emplacement ne pouvant pas faire l’objet d’une surveillance électronique et physique.

 

[145]       M. Mahjoub s’oppose à l’installation d’un dispositif de vidéoconférence chez lui et, au cas où cela serait requis, il soutient que l’ASFC ne devrait pas avoir entière discrétion quant à la mise en place de l’équipement de surveillance vidéo dans la résidence.

 

[146]       M. Mahjoub accepte la condition permettant à l’ASFC d’effectuer une évaluation du site et de faire rapport à la Cour. Toutefois, il conteste la condition selon laquelle la Cour n’approuverait pas un emplacement ne pouvant pas faire l’objet d’une surveillance électronique et physique. Selon lui, la condition devrait accorder à la Cour un pouvoir discrétionnaire plus étendu, et il demande que la Cour conserve le pouvoir discrétionnaire de trancher la question de savoir si une résidence envisagée peut faire l’objet d’une surveillance électronique et physique ainsi que la question relative au genre de surveillance requis.

 

[147]       Lors de l’audience, les parties ont convenu qu’il serait difficile d’établir les exigences en détail concernant la surveillance électronique à la résidence avant de connaître l’emplacement de la résidence en cause et son type. Les conditions de mise en liberté peuvent avoir des répercussions sur l’emplacement et le type de résidence accessible à M. Mahjoub. Je suis aussi conscient que le genre de surveillance électronique requis aura un impact sur les options de résidence offertes à M. Mahjoub. Je présenterai en termes généraux quelle surveillance sera requise à la résidence et différerai la décision définitive jusqu’à ce qu’une résidence ait été envisagée et que l’ASFC ait été consultée quant à sa convenance.

 

[148]       Puisque M. Mahjoub vivra seul en l’absence d’un surveillant résidant, il importe que la résidence envisagée puisse faire l’objet d’une certaine forme de surveillance électronique et physique. Les exigences relatives à la surveillance ne doivent pas être astreignantes au point d’éliminer, de fait, toute option réaliste permettant à M. Mahjoub de se trouver une résidence. Lorsqu’il sera mis en liberté, les moyens de M. Mahjoub seront limités et il n’aura pas l’avantage de vivre avec sa famille. Je sais également qu’il se peut que la plupart des immeubles d’habitation à logements multiples ne permettent pas la surveillance vidéo des entrées par l’ASFC en raison du droit des autres locataires à la vie privée. Sans me prononcer sur la question à ce moment‑ci, je suis d’avis que, si la surveillance vidéo de l’entrée de la résidence n’est pas possible, il peut être utile, voire nécessaire, d’examiner d’autres moyens de surveillance à la résidence. Cela peut comprendre des détecteurs de mouvement aux fenêtres, la reconnaissance vocale, des interrupteurs magnétiques sur les portes, etc. L’ASFC est invitée à employer tout autre instrument à sa disposition afin d’assurer une surveillance électronique adéquate de la résidence. Un dispositif de vidéoconférence sera installé et l’ASFC sera autorisée à communiquer périodiquement avec M. Mahjoub. L’emplacement exact de ce dispositif dans la résidence dépendra de l’aménagement physique de la résidence. À défaut d’entente entre les parties, la Cour déterminera son emplacement et tranchera les autres questions concernant la surveillance électronique de la résidence.

 

[149]       M. Mahjoub devra consulter l’ASFC et prendre les dispositions nécessaires pour l’accès à la propriété afin de permettre à l’ASFC d’évaluer les options relatives à la surveillance de la résidence envisagée et, par la suite, de lui permettre d’installer cet équipement de surveillance, selon les besoins.

 

[150]       L’ASFC est tenue de faire rapport à la Cour de son évaluation de la propriété envisagée, et ce, en temps opportun, et en tenant compte des lignes directrices fournies dans les présents motifs.

 

Le couvre‑feu

 

[151]       Dans le cadre de ses conditions de mise en liberté les plus récentes, M. Majoub était autorisé à quitter sa résidence entre 8 h et 23 h. Lorsque l’ASFC estimait que c’était approprié, elle pouvait, à la demande de M. Mahjoub, prolonger ses heures de sortie et lui permettre d’être absent de la résidence plus tard que l’heure fixée pour le couvre‑feu. Les parties conviennent que l’ASFC devrait conserver ce pouvoir discrétionnaire. Toutefois, M. Mahjoub propose maintenant que son couvre‑feu se termine une heure plus tôt, soit qu’il commence à 23 h et se termine à 7 h. Il demande aussi d’être autorisé à être à l’extérieur de la résidence jusqu’à minuit durant le mois du Ramadan, pour qu’il puisse assister aux prières du soir.

 

[152]       Les ministres proposent un couvre‑feu allant de 21 h à 8 h. Ils proposent de prolonger le couvre‑feu afin de contrebalancer l’absence de surveillant résidant. Les ministres font en outre valoir que le couvre‑feu ne devrait pas être modifié durant le mois du Ramadan et que l’ASFC devrait continuer à détenir le pouvoir discrétionnaire de prolonger les heures de sortie de M. Mahjoub, sur demande.

 

[153]       Les absences de M. Mahjoub de sa résidence seront assujetties aux conditions qui seront abordées plus loin dans les présents motifs, dans la section traitant des sorties. Après avoir examiné les observations des parties, je suis convaincu que le couvre‑feu général devrait être fixé entre 22 h et 8 h. L’ASFC continuera d’avoir le pouvoir discrétionnaire de prolonger les heures de sortie, le cas échéant, à la demande de M. Mahjoub. Durant le mois du Ramadan, son couvre‑feu sera en vigueur de minuit à 8 h, aux seules fins de lui permettre d’assister aux prières.

 

 

Les visiteurs

 

[154]       En ce qui a trait aux visiteurs, les ministres proposent que les visites soient limitées aux personnes suivantes :

 

a)         les avocates de M. Mahjoub;

b)         Mme El Fouli, M. El Fouli ainsi que les deux fils de M. Mahjoub;

c)         en cas d’urgence, des pompiers, des policiers et des professionnels de la santé;

d)         un gérant d’immeubles ou un réparateur autorisé et qualifié, à la condition que M. Mahjoub n’ait aucun contact avec ces personnes lorsqu’elles se trouvent dans la résidence;

e)         les personnes autorisées au préalable par l’ASFC.

 

 

[155]       Les ministres sollicitent également l’imposition des obligations suivantes à tous les visiteurs : qu’ils comprennent les conditions de la mise en liberté de M. Mahjoub; qu’ils déclarent à l’ASFC tout manquement aux conditions et qu’ils obtiennent l’autorisation préalable de l’ASFC pour apporter à la résidence, ou y en enlever, un objet, un cadeau ou une communication écrite. Il est interdit à tous les visiteurs, à l’exception des avocates de M. Mahjoub, de Mme El Fouli et de M. El Fouli, d’apporter des dispositifs de télécommunication personnels ou tout autre dispositif permettant la connexion à Internet. L’ASFC doit recevoir un préavis de 48 heures avant la visite d’une personne autorisée et M. Mahjoub doit conserver un registre de l’ensemble des visiteurs.

 

[156]       M. Mahjoub accepte, dans l’ensemble, les conditions relatives aux visiteurs, mais propose quatre changements aux conditions des ministres. Premièrement, il demande qu’en plus de ses avocates, le personnel de celles‑ci soit autorisé à entrer dans la résidence, puisqu’il les aide à distribuer des documents, à préparer des affidavits et à exécuter d’autres tâches du genre. Deuxièmement, M. Mahjoub fait valoir qu’on devrait lui permettre de parler au gérant de l’immeuble et aux réparateurs qualifiés qui viennent chez lui pour réparer et entretenir la résidence. M. Mahjoub soutient que la restriction faisant en sorte qu’il n’ait aucun contact, quel qu’il soit, avec ces personnes est irréaliste, puisqu’il devra nécessairement les informer des réparations requises. Troisièmement, M. Mahjoub fait valoir que les visiteurs ne devraient pas être obligés de déclarer ses manquements, le cas échéant, aux conditions, parce que cela transformerait, dans les faits, ces visiteurs en surveillants et que cela aurait une incidence négative sur son interaction sociale avec eux. À cet égard, M. Mahjoub fait valoir que les conditions doivent être élaborées de façon à normaliser sa vie autant que possible. Enfin, M. Mahjoub soutient que ses avocates ne devraient pas être obligées d’obtenir l’autorisation préalable de l’ASFC pour lui apporter des documents. Les ministres ne s’opposent pas à cette demande, que j’estime raisonnable.

 

[157]          J’examinerai chacun des changements proposés par M. Mahjoub, sauf le dernier que j’ai déjà approuvé. Premièrement, en ce qui concerne le personnel des avocates de M. Mahjoub, je ne vois pas pourquoi les membres du personnel ne devraient pas être autorisés à titre de visiteurs et avoir le même statut à cet égard que les avocates. M. Mahjoub devra fournir à l’ASFC la liste des personnes faisant partie du personnel de ses avocates.

 

[158]       Deuxièmement, je conviens avec M. Mahjoub que la restriction selon laquelle il ne doit avoir aucun contact avec le gérant de l’immeuble ou les réparateurs qualifiés lorsqu’ils sont chez lui aux fins de réparation est irréaliste ou irréalisable. Sa situation personnelle fait en sorte qu’il vive seul et que, par conséquent, il n’y ait personne d’autre sur place pour traiter avec le gérant de l’immeuble ou les réparateurs. M. Mahjoub sera autorisé à communiquer avec le gérant de l’immeuble ou les réparateurs qualifiés pour donner des instructions et fournir des renseignements concernant les réparations, mais ne communiquera avec eux pour aucune autre raison.

 

[159]       J’aborde maintenant la troisième question, celle de savoir si on devrait imposer aux visiteurs l’obligation de déclarer les manquements de M. Mahjoub aux conditions de mise en liberté. M. Mahjoub a accepté la condition selon laquelle les visiteurs doivent lire et comprendre les conditions de sa mise en liberté et celle selon laquelle les visiteurs, à l’exception de quelques personnes en particulier, doivent obtenir l’autorisation préalable de l’ASFC. Il soutient cependant que de leur imposer l’obligation de déclarer des manquements aux conditions aurait une incidence négative sur son interaction sociale avec eux, car cela les transformerait, dans les faits, en surveillants. Je conviens que le fait d’exiger de ces visiteurs qu’ils déclarent maintenant tout manquement aurait indubitablement une incidence négative sur l’interaction sociale de M. Mahjoub avec le nombre limité de personnes qui le visiteraient potentiellement. À mon avis, cette exigence additionnelle est inutile.

 

Les sorties

 

[160]       Les conditions applicables à M. Mahjoub au sujet de ses sorties prennent plus d’importance dans sa situation actuelle. Puisqu’il demeurera seul, il n’aura pas de surveillant disponible d’emblée pour l’accompagner à toutes ses sorties.

 

[161]       Les ministres conviennent que M. Mahjoub devrait être autorisé à vivre sans surveillant résidant. Ils soutiennent que les sorties devraient être assorties de conditions rigoureuses. En dehors des heures du couvre‑feu, les ministres visent à obtenir les conditions suivantes :

a)                  M. Mahjoub doit être accompagné par un surveillant agréé par la Cour chaque fois qu’il quitte la résidence;

b)                  M. Mahjoub doit obtenir une autorisation préalable pour les sorties. Les demandes d’autorisation doivent être faites sur une base hebdomadaire, avec un préavis d’au moins 72 heures ouvrables pour les absences de la semaine suivante. La demande doit préciser les endroits où M. Mahjoub souhaite se rendre et les heures de départ et de retour prévues;

c)                  Les sorties doivent être limitées à trois par semaine, pour des périodes ne dépassant pas quatre heures;

d)                  Les sorties doivent être limitées au périmètre géographique prédéterminé;

e)                  M. Mahjoub devra signaler son départ à l’ASFC avant de quitter la résidence et signaler son retour sans délai;

f)                    Pour les rendez‑vous médicaux et psychologiques, M. Mahjoub n’est pas tenu d’obtenir une autorisation préalable, mais il doit aviser l’ASFC 48 heures à l’avance et fournir une preuve de présence à l’ASFC, sauf en cas d’urgence médicale.

 

 

[162]       M. Mahjoub prétend que les conditions qui précèdent équivaudraient à une détention à domicile. M. Mahjoub n’est pas d’accord avec la condition relative au surveillant, l’autorisation préalable et la limitation des sorties (trois par semaine, de quatre heures chacune). Voici les conditions qu’il propose quant aux sorties :

 

a)                  Il devra donner à l’ASFC un préavis de 90 minutes pour les sorties;

b)                  Les sorties doivent être limitées au périmètre géographique prédéterminé;

c)                  Il devra signaler son départ à l’ASFC avant de quitter la résidence et signaler son retour sans délai;

d)                  Il lui sera permis d’effectuer ses sorties sans surveillant.

 

 

 

[163]       M. Mahjoub soutient que d’exiger des surveillants, en particulier lors des sorties quotidiennes, comme aller à l’épicerie, est une condition inutilement onéreuse. Il affirme également que, depuis que sa famille n’est plus concernée par son ordonnance de mise en liberté, il ne dispose actuellement d’aucun surveillant pouvant l’accompagner dans ses sorties quotidiennes.

 

[164]       M. Mahjoub ajoute que le risque allégué qu’il vienne en contact avec des personnes qui sont d’intérêt spécial pour l’ASFC n’est que spéculation et ne justifie pas les conditions rigoureuses proposées par les ministres relativement aux sorties. Il fait également valoir qu’une autorisation préalable n’est pas nécessaire pour toutes les sorties et que cela ne servira qu’à accroître les communications avec le personnel de l’ASFC.

 

[165]       M. Mahjoub affirme que les conditions qu’il propose pour les sorties, lesquelles prévoient qu’il avise l’ASFC de ses sorties, qu’il signale son départ à l’ASFC avant de quitter la résidence et qu’il signale son retour sans délai, sont suffisantes pour s’assurer de la neutralisation de la menace qu’il pose. À cet égard, M. Mahjoub fait également remarquer qu’il sera soumis au dispositif de repérage GPS en tout temps et que le préavis permettra à l’ASFC d’exercer une surveillance discrète et de le contrôler au hasard durant ces sorties.

 

[166]       M. Mahjoub s’oppose aussi à la condition de fournir à l’ASFC une preuve de présence pour les rendez‑vous médicaux et psychologiques. M. Mahjoub soutient que cela servirait à le stigmatiser et que ce serait inutile, parce que l’ASFC est et sera avisée de l’identité de ses médecins. Il soutient également que cette exigence est onéreuse, eu égard à l’obtention et à la fourniture d’une preuve de présence.

 

[167]       J’ai l’intention d’aborder les questions en litige qui ont trait aux sorties dans l’ordre suivant : les limites quant au nombre et à la durée des sorties hebdomadaires, les surveillants lors des sorties, l’autorisation préalable et les conditions relatives aux rendez‑vous médicaux.

 

[168]       Dans le cadre de la précédente ordonnance de mise en liberté, M. Mahjoub était limité à trois sorties par semaines de quatre heures chacune. Cette limite ne concernait que les sorties exigeant une autorisation préalable de l’ASFC. Les sorties suivantes n’étaient pas assujetties à cette exigence et n’étaient limitées ni quant au nombre ni quant à la durée : les sorties à la mosquée; ses marches pour faire de l’exercice; lorsqu’il accompagnait ses enfants pour aller et revenir de l’école; ses rendez‑vous médicaux. M. Mahjoub pouvait aussi demander l’autorisation de prolonger trois sorties familiales par mois au‑delà de la durée limite de quatre heures. Les conditions qui seront élaborées dans l’ordonnance jointe aux présents motifs, eu égard aux sorties, ne doivent pas être plus rigoureuses que celles en vigueur au moment de son retour en détention.

 

[169]       Pour élaborer les conditions de la présente mise en liberté de M. Mahjoub, j’ai tenu compte, à titre de facteur pertinent, des périodes prolongées d’isolement social qui lui avaient été imposées pendant son incarcération, et ce n’est pas en raison de quelque inconduite de sa part pendant sa détention. Je crois que ce facteur est particulièrement pertinent lorsqu’il est question des conditions relatives aux sorties de M. Mahjoub. En imposant des limites quant aux sorties (trois fois par semaine, à raison de quatre heures chacune), selon ce que les ministres proposent, M. Mahjoub se verrait, dans les faits, imposer un couvre‑feu de 24 heures pour quatre jours de la semaine et un couvre‑feu de 20 heures pour les trois autres jours. Rien ne justifie, dans les circonstances, la limitation du nombre des sorties de cette manière. Récemment, la Chambre des lords, dans l’arrêt Secretary of State for the Home Department v. JJ and others (FC), [2007] UKHL 45, a eu l’occasion d’examiner une ordonnance de contrôle qui imposait, à une personne contrôlée, un couvre‑feu de 18 heures associé à l’exigence que les visiteurs soient préalablement autorisés (entre autres conditions). Lord Bingham of Cornhill a déclaré ceci au paragraphe 25 de ses motifs :

[traduction]

 

L’effet d’un couvre‑feu de 18 heures, associé à l’exclusion effective de visiteurs sociaux, signifiait que les personnes contrôlées étaient, en pratique, en isolement cellulaire pendant cette longue période tous les jours, pour une durée indéterminée, et avaient peu d’occasions de communiquer avec le monde extérieur, n’avaient pas suffisamment de moyens pour pouvoir s’offrir des équipements importants afin de se divertir et savaient que leur appartement était susceptible d’être perquisitionné en tout temps.

 

 

 

Il est important de s’assurer que les conditions à être imposées dans la situation de M. Majoub n’équivaudront pas, dans les faits, à une peine en isolement cellulaire. M. Mahjoub sera seul dans sa résidence. Outre le nombre limité de visiteurs qu’il recevra, sa seule occasion d’interaction sociale sera pendant ses sorties, et sera nécessairement, compte tenu de sa situation, contrôlée et limitée.

 

[170]       Compte tenu de la situation de M. Mahjoub, le fait d’exiger qu’il soit accompagné dans toutes ses sorties par un surveillant n’est pas pratique. Imposer une telle condition le restreindrait à un nombre très limité de sorties, puisque aucun des surveillants proposés ne serait disponible pour l’accompagner plus qu’un nombre limité d’heures par mois. Cette condition était réaliste lorsque M. Mahjoub vivait avec les membres de sa famille et que ceux‑ci étaient disponibles pour l’accompagner. Ce n’est plus le cas. On n’a proposé aucun surveillant résidant et il est improbable qu’on en trouve un. Par conséquent, afin de ne pas imposer à M. Mahjoub une condition qui le placerait essentiellement dans une situation ressemblant à l’isolement cellulaire, d’autres options doivent être examinées. À mon avis, l’option privilégiée et la plus appropriée, à la lumière de la situation de M. Mahjoub, est de lui permettre de quitter sa résidence sans surveillant, mais sous des contrôles stricts. Autrement dit, il s’agit de lui permettre de mener certaines activités précises dans un secteur géographique limité prédéterminé et pendant une période donnée, sur une base quotidienne. L’ASFC sera avisée de ces sorties et sera en mesure de suivre les déplacements de M. Mahjoub, qui portera un dispositif de repérage GPS en tout temps. En outre, l’ASFC aurait la liberté d’effectuer une surveillance discrète et de le contrôler au hasard durant ces sorties, si on estimait que cela était nécessaire. Ces conditions, selon moi, sont suffisantes pour neutraliser le danger présenté.

 

[171]       Exiger que M. Mahjoub obtienne une autorisation avant toute sortie n’est pas pratique non plus. M. Mahjoub se débrouillera seul et devra quitter sa résidence pour faire son marché et acheter d’autres articles ménagers sur une base régulière. À mon avis, une autorisation préalable pour de telles sorties n’est pas requise dans les circonstances.

 

[172]       Entre 10 h et 16 h, M. Mahjoub sera autorisé à quitter sa résidence, sans surveillance et sans autorisation préalable de l’ASFC, et ce, pour une période de quatre heures. Pendant ces « sorties quotidiennes sans surveillance », les activités suivantes seront permises :

(1)        Dans un périmètre géographique limité, qui sera déterminé une fois que sera fixé l’emplacement de sa résidence, M. Mahjoub pourra aller faire ses courses dans un certain nombre d’établissements de vente au détail, dont il faudra établir la liste, et en revenir, afin de faire son marché et d’acheter d’autres articles ménagers;

(2)        Dans le périmètre géographique limité, M. Mahjoub pourra marcher, faire du jogging, courir ou se rendre dans un parc, s’il y en a un dans le périmètre géographique, afin de faire de l’exercice ou de simplement passer le temps et relaxer;

(3)        À la demande de M. Mahjoub, après un préavis de deux semaines, toute autre activité approuvée par l’ASFC, dans le même périmètre géographique limité.

 

[173]       Les parties doivent se consulter et faire rapport à la Cour en temps opportun relativement au nombre et au choix des établissements de vente au détail envisagés, conjointement ou séparément, auxquels pourra avoir accès M. Mahjoub ainsi qu’au périmètre géographique restreint à être délimité pour les sorties quotidiennes sans surveillance. À défaut d’entente, les parties soumettront des observations sur les questions en litige et la Cour tranchera.

 

[174]       Les « sorties quotidiennes sans surveillance » seront assujetties à un préavis, à une notification et à d’autres conditions, lesquelles sont précisées dans l’annexe A des présents motifs.

 

[175]       M. Mahjoub aura également droit à d’autres sorties, en présence d’un surveillant agréé par la Cour et avec l’autorisation préalable de l’ASFC, dans un plus grand secteur géographique, qui sera délimité une fois que l’emplacement de la résidence de M. Mahjoub sera fixé. Quant au nombre et à la durée de ces sorties, je suis d’avis que leur durée devrait être augmentée et être fixée à huit heures au lieu de quatre. Je maintiens le nombre de sorties à trois par semaine. Les conditions qui s’appliqueront à ces sorties autorisées et surveillées sont établies au paragraphe 23 de l’annexe A.

 

 

[176]       Enfin, je vais aborder l’exigence contestée, sollicitée par les ministres, concernant la documentation des rendez‑vous médicaux. Bien que je m’interroge quant à savoir si cette exigence est si onéreuse que les avocates de M. Mahjoub voudraient me le faire croire, je ne vois pourtant pas comment la démarche aiderait à neutraliser le danger. Les ministres connaissent les noms des médecins à consulter et les heures des consultations prévues. Si on se préoccupe du fait que M. Mahjoub puisse être ailleurs durant les heures convenues, cela peut alors être facilement surveillé par l’ASFC. Encore une fois, les heures de ces consultations seront connues et M. Mahjoub portera un dispositif de repérage GPS en tout temps. Selon moi, la condition prévoyant qu’il fournisse à l’ASFC une preuve de présence n’est pas nécessaire et ne lui sera pas imposée.

 

[177]       J’exigerai cependant que M. Mahjoub signe une autorisation, que prépareront les avocats des ministres, afin de permettre à tous les médecins, psychiatres et autres fournisseurs de soins de santé, sans exception, que pourra consulter M. Mahjoub, de communiquer à l’ASFC les renseignements confirmant ce qui suit : M. Mahjoub est un de leurs patients; la date, l’heure, le lieu et la durée de tout rendez‑vous ou traitement.

 

Les déplacements

 

[178]       Comme il a été mentionné précédemment, la limite géographique à l’intérieur de laquelle M. Mahjoub se déplacera durant ses sorties avec un surveillant agréé par la Cour et l’autorisation préalable de l’ASFC (le périmètre des sorties surveillées) ne pourra être déterminée qu’une fois que l’emplacement de sa résidence aura été fixé. J’encourage les parties à se consulter et à s’entendre sur le périmètre de ce secteur géographique. Dans le cas contraire, les parties devront, en temps opportun, formuler des observations sur la question et la Cour délimitera le périmètre.

 

[179]       J’accueillerai la demande de M. Mahjoub voulant que l’ASFC ait le pouvoir discrétionnaire d’autoriser des sorties surveillées à l’extérieur du périmètre jusqu’à un maximum de 12 sorties par année civile, pour autant que la sortie ne dépasse pas 150 kilomètres de la résidence. M. Mahjoub demande que le préavis pour de telles sorties soit réduit à une semaine avant la sortie prévue. Cette demande fut examinée par la juge Layden‑Stevenson dans la décision Mahjoub no 4, au paragraphe 112 :

 

[…] Chaque demande [visant une sortie en dehors du périmètre géographique] exigerait que l’on apprécie un certain nombre de facteurs, notamment les suivants : la distance en cause, la nature du lieu visé, l’objet de la sortie, le mode de transport proposé, la présence d’objets interdits (près du lieu proposé), et la possible réaction de l’ASFC en cas de manquement grave. Je suis loin d’être certaine que le préavis proposé d’une semaine est suffisant pour permettre à l’ASFC d’examiner comme il se doit une telle demande. Je conclus donc que le préavis en question devrait être de deux semaines au lieu d’une semaine.

 

 

Je suis d’accord avec l’appréciation de ma collègue et j’adopte sa conclusion. La période de préavis demeurera la même, soit deux semaines avant la date de la sortie envisagée.

 

La surveillance supplémentaire

 

[180]       Les ministres font valoir comme condition que M. Mahjoub consente à une surveillance physique lors de toutes ses sorties, sans exception. M. Mahjoub fait valoir que la condition devrait être modifiée de manière que l’ASFC ne puisse qu’effectuer une surveillance discrète. Il a proposé la surveillance discrète en invoquant l’argument selon lequel ses conditions de mise en liberté devraient être élaborées de façon à les adapter à sa situation particulière et aux relations difficiles qu’il a entretenues avec l’ASFC dans le passé. Les avocates de M. Mahjoub déclaraient à cet égard :

 

[traduction]

 

La surveillance physique lors des sorties était un problème constant. Le fait que vous êtes accompagné par des agents à l’épicerie du coin ou chez Zellers laisse une marque dans l’esprit des gens. Il ne peut jamais agir normalement s’ils sont avec lui. Je n’ai rien contre le fait qu’ils le suivent, mais qu’ils le fassent discrètement. M. Mahjoub ne devrait pas avoir à accepter de voir des agents détruire sa vie, parce que c’est ce qu’ils ont fait, et ils ont détruit sa famille dans le processus.

 

 

 

 

[181]       Les ministres accordent une importance particulière à la surveillance, en raison des limites technologiques du système de repérage GPS et du fait que la condition relative aux surveillants, qui compenserait ces limites, n’existera plus. En ce qui a trait à la demande de M. Mahjoub pour que la surveillance physique par l’ASFC durant les sorties s’effectue de manière discrète, par opposition à la « surveillance visuelle directe », les ministres font valoir que le choix de la technique de surveillance constitue une décision opérationnelle qu’il vaut mieux laisser à l’ASFC. À l’appui de cet argument, les ministres invoquent la décision Mahjoub no 4, dans laquelle la juge Layden‑Stevenson répondait de la façon suivante à la demande de M. Mahjoub, qui souhaitait que la surveillance soit discrète :

 

Je répugne à m’ingérer dans les décisions administratives que prend l’ASFC. Les modalités de la surveillance est une question qui relève de son champ de compétence. Le tribunal n’est pas bien équipé à cet égard et il s’en remet essentiellement à l’ASFC pour surveiller les activités de M. Mahjoub (paragraphe 123).

 

 

Elle faisait également remarquer ce qui suit :

 

[…] N’ayant pas l’avantage de disposer d’une évaluation personnalisée du risque, je suis mal placée pour déterminer si la « surveillance visuelle directe » qui a été effectuée constituait une réponse appropriée au risque. En tout état de cause, on ne peut rien changer à la conduite passée de l’intéressé. Je ne suis pas mieux placée pour interdire à l’ASFC de procéder à l’avenir à une « surveillance visuelle directe », et ce, essentiellement pour la même raison. […] (paragraphe 126)

 

 

 

[182]       Les ministres soutiennent aussi qu’un examen des motifs du juge Mosley dans la décision Mahjoub c. Canada (Citizenship and Immigration), 2007 CF 1366, démontre qu’il avait conféré à l’ASFC un pouvoir discrétionnaire considérable concernant la surveillance physique de M. Mahjoub, et ils font valoir qu’un tel pouvoir discrétionnaire est encore une fois justifié, en raison de la nature opérationnelle de ce choix.

 

[183]       Je conviens que les décisions opérationnelles concernant le choix de la technique de surveillance relèvent de l’expertise de l’ASFC. Toutefois, compte tenu des difficultés qu’a connues M. Mahjoub avec l’ASFC dans le passé, j’encouragerais l’ASFC à effectuer sa surveillance, tant physique qu’électronique, de la manière la moins envahissante possible. J’approuverai l’utilisation de la surveillance physique discrète pour toutes les sorties, en plus des autres méthodes de surveillance physique dont dispose l’ASFC. Cela permettra à l’ASFC d’effectuer sa surveillance physique d’une façon moins envahissante. Pour que tout soit clair, j’ajoute que je n’ai pas l’intention d’interdire la « surveillance visuelle ».

 

L’interception des communications

 

[184]       Deux questions en litige ont été soulevées relativement à l’interception des communications orales : les conférences téléphoniques à trois (les conférences à trois) et les exceptions à l’interception des communications orales de M. Mahjoub. Je les examinerai l’une après l’autre.

 

[185]       Au départ, les ministres ont proposé comme condition qu’il ne soit pas permis à M. Mahjoub de faire des conférences à trois, sauf pour les appels établis par la Cour fédérale lorsqu’il est une partie à l’instance. M. Mahjoub a demandé d’être autorisé à faire des conférences à trois avec ses avocates, puisque celles‑ci travaillent à partir de bureaux situés dans des endroits différents. Durant les observations finales, les ministres ont soulevé une objection à la condition proposée par M. Mahjoub concernant les conférences à trois. Les ministres ont demandé qu’une audience à huis clos soit tenue au sujet des conférences à trois. Après avoir consulté leurs propres spécialistes en la matière et avoir discuté avec les avocats spéciaux, les ministres ont retiré leur objection et ont ainsi écarté la nécessité de tenir une audience à huis clos sur le sujet. Les parties s’entendent maintenant sur les modalités proposées par M. Mahjoub pour la condition concernant les conférences à trois. Je vais permettre les conférences à trois entre M. Mahjoub et ses avocates. Je suis convaincu que cela ne soulève aucune inquiétude sur le plan de la sécurité.

 

[186]       Les ministres et M. Mahjoub sont en désaccord quant à l’importance des exceptions à l’interception des communications orales. Les parties conviennent, et c’était la pratique, que, lorsque le contenu des communications orales interceptées se rapporte à des communications avocat‑client, l’analyste, après avoir constaté qu’il s’agissait d’une communication entre avocat et client, cessera de surveiller la communication et supprimera l’interception. M. Mahjoub demande que cette exception soit étendue aux communications entre lui et les fournisseurs de soins de santé. M. Mahjoub fait valoir que les renseignements partagés dans ces communications ont un caractère très personnel et que l’ASFC ne devrait pas y avoir accès.

 

[187]       Les ministres s’opposent à cette demande et font valoir que les fournisseurs de soins de santé ne sont pas des officiers de la Cour ayant des responsabilités professionnelles spécifiques à l’égard de la Cour. Les fournisseurs de soins de santé n’ont aucune obligation de ce genre envers la Cour et ils sont régis par des ordres professionnels différents.

 

[188]       Les ministres reconnaissent que la question en l’espèce ne concerne pas le professionnalisme des fournisseurs de soins de santé. Je suis d’accord avec eux. La preuve dont je dispose indique que les médecins et autres fournisseurs de soins de santé de M. Mahjoub ont eu une conduite professionnelle et ont respecté le processus judiciaire. Ils ont démontré de la sollicitude et ont offert à M. Mahjoub des traitements, tant pour sa santé physique que pour sa santé mentale.

 

[189]       L’interception des communications orales entre M. Mahjoub et ses fournisseurs de soins de santé se rapporte à une méthodologie de surveillance et il s’agit bien d’une question relevant de l’expertise opérationnelle de l’ASFC. Je ne suis pas disposé, à ce moment‑ci, à limiter davantage la mesure dans laquelle l’ASFC peut intercepter les communications orales.

 

Le droit de l’ASFC de perquisitionner

[190]         Les ministres proposent que les employés de l’ASFC, toute personne désignée par elle ou tout agent de la paix, aient accès en tout temps à la résidence de M. Mahjoub afin de vérifier sa présence dans la résidence ou de s’assurer qu’il satisfait aux conditions de son ordonnance de mise en liberté.

 

[191]         M. Mahjoub fait valoir que l’ASFC devrait être tenue d’obtenir au préalable une autorisation judiciaire pour perquisitionner sa résidence. À l’appui de son argument, M. Mahjoub invoque la décision Harkat (Re), 2009 CF 659, dans laquelle la Cour a modifié le droit de l’ASFC de perquisitionner la résidence de M. Harkat en imposant à l’ASFC l’obligation additionnelle d’aviser la Cour et d’obtenir une autorisation judiciaire pour toute perquisition faite sur le fondement des conditions de mise en liberté.

 

[192]       Les ministres s’opposent à l’exigence d’une autorisation judiciaire pour que l’ASFC puisse perquisitionner la résidence de M. Mahjoub. Ils affirment que la modification de la condition dans le cas de M. Harkat a été imposée par la Cour en réponse à une fouille déraisonnable effectuée par l’ASFC. Les ministres soutiennent qu’aucune fouille de ce genre n’a été effectuée dans le cas de M. Mahjoub. Celles qui ont été faites l’ont été conformément aux modalités de l’ordonnance, et non avec un excès de zèle ou de manière trop large. Selon les ministres, rien ne justifie une autorisation judiciaire de perquisitionner et on ne devrait pas l’inclure dans les conditions.

 

[193]       Je suis d’accord avec les ministres. La condition, telle que les ministres l’ont élaborée, prévoit clairement que les fouilles de la résidence par l’ASFC doivent être effectuées pour les seules fins suivantes : vérifier la présence de M. Mahjoub dans la résidence et s’assurer qu’il satisfait aux conditions de l’ordonnance. Rien n’indique que l’ASFC a effectué une fouille déraisonnable de la résidence de M. Mahjoub dans le passé. À mon avis, la condition relative à la perquisition que les ministres ont élaborée est suffisante comme prévention contre les fouilles déraisonnables.

 

Les enregistrements audio et vidéo

 

[194]       M. Mahjoub souhaite enregistrer ses interactions avec les agents de l’ASFC dans le but d’avoir un enregistrement objectif de tout conflit pouvant naître avec l’ASFC. Personne ne conteste que les interactions entre M. Mahjoub et l’ASFC ont été tendues dans le passé. M. Mahjoub sollicite donc l’autorisation d’enregistrer ces interactions au moyen d’un enregistrement audio ou vidéo.

 

[195]       Les ministres s’y opposent et demandent que la condition suivante soit incluse dans l’ordonnance :

[traduction]

 

Ni M. Mahjoub ni qui que ce soit d’autre dans la résidence n’enregistrera les agents de l’ASFC à l’aide d’un dispositif audio ou vidéo, pendant l’exercice de leurs fonctions de contrôle du respect des conditions de la présente ordonnance.

 

 

[196]       Les ministres font valoir que M. Mahjoub ne devrait jamais être autorisé à faire des enregistrements audio ou vidéo des agents de l’ASFC. Ils invoquent la décision Mahjoub no 4, où la juge Layden‑Stevenson a rejeté une demande semblable d’écarter la condition, imposée par le juge Mosley, qui interdisait à M. Mahjoub de faire des enregistrements audio et vidéo de ses interactions avec les agents de l’ASFC.

 

[197]       Dans la décision Mahjoub c. Canada (Citizenship and Immigration), 2007 CF 1366, le juge Mosley expliquait le raisonnement sous‑tendant cette interdiction de la façon suivante, au paragraphe 101 :

[…] je reconnais avec les défendeurs que les agents chargés de faire appliquer les ordonnances de la Cour ne devraient pas être exposés à la possibilité de voir leur image divulguée au public, car cela leur ferait courir des risques et compromettrait leur aptitude à s’acquitter de leurs obligations. Ils sont tenus de s’identifier lorsqu’ils se présentent au domicile du demandeur, mais la manifestation de leur présence ne devrait pas aller plus loin. Le demandeur, ou quiconque est présent à son domicile, doit s’abstenir d’enregistrer les agents sur bande magnétique ou magnétoscopique lorsqu’ils accomplissent leurs fonctions.

 

 

 

[198]       En réponse, M. Mahjoub convient que l’enregistrement vidéo peut soulever des questions en matière de sécurité et de vie privée, mais allègue que ces préoccupations ne concernent pas l’enregistrement audio.

 

[199]       Je conviens qu’il y a moins d’inquiétude quant à la sécurité des agents de l’ASFC en permettant l’enregistrement audio, mais le risque n’est pas entièrement écarté. En outre, la Cour devrait être en mesure de compter sur le comportement professionnel des agents de l’ASFC lorsqu’ils exercent leurs fonctions. Le fait d’ordonner que leurs interactions avec M. Mahjoub soient enregistrées enverrait un signal comme quoi on ne peut pas leur faire confiance dans l’exercice de leurs responsabilités. On ne peut inférer rien de tel du dossier dont je dispose. Il s’ensuit qu’il n’est pas justifié d’imposer une condition permettant l’enregistrement des interactions entre M. Mahjoub et les agents de l’ASFC. On s’attend des agents agréés de l’ASFC qu’ils exécutent leurs tâches d’une manière professionnelle et dans le respect absolu des ordonnances de la Cour. Par conséquent, la demande des ministres visant à obtenir une condition interdisant un tel enregistrement sera accueillie.

 

La limite à l’utilisation des interceptions et des photographies faites par l’ASFC

[200]       M. Mahjoub demande que des restrictions particulières limitent l’utilisation des interceptions et des photographies faites par l’ASFC, et plus précisément qu’elles ne soient pas communiquées à une autre entité, à moins qu’elles ne décrivent une activité ou ne contiennent des renseignements pertinents à l’égard d’une menace posée par M. Mahjoub ou d’un manquement à l’une ou l’autre des conditions de mise en liberté. Les ministres ne s’opposent pas à cette demande.

 

[201]       Les dernières conditions de mise en liberté ne précisaient pas une telle limite pour l’ASFC. Ce n’est pas la première fois que cette question est soulevée. Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et Ministre de la Sécurité publique) c. Mahjoub, 2009 CF 34, M. Mahjoub s’est opposé à la pratique de l’ASFC consistant à faire des photocopies du courrier intercepté et à les conserver. La juge MacTavish a examiné la question. Elle a jugé que la collecte et la conservation d’informations par l’ASFC durant la surveillance de M. Mahjoub devaient être effectuées strictement dans le but de s’assurer que M. Mahjoub respecte l’ordonnance et les conditions, et non aux fins de la recherche de renseignements. Je suis d’accord avec la conclusion de ma collègue. La restriction concernant le fait de faire et de garder des photocopies du courrier intercepté s’appliquera selon l’entente convenue entre les parties.

 


ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE que :

 

 

1.                  M. Mahjoub soit mis en liberté, sous réserve des conditions de mise en liberté contenues dans l’annexe A jointe aux présentes.

 

2.                  les parties fassent rapport à la Cour, comme l’exigent les motifs qui précèdent, sur les questions non réglées, et ce, le plus tôt possible.

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur

 


ANNEXE A

DES MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET DE L’ORDONNANCE

rendus le 30 novembre 2009

dans l’affaire concernant

MOHAMED ZEKI MAHJOUB

DES-7-08

 

CONDITIONS RELATIVES À LA MISE EN LIBERTÉ DE M. MAHJOUB

 

Engagement à se conformer aux conditions

1.                  M. Mahjoub signera un document, devant être rédigé par ses avocates et approuvé par les avocats des ministres, dans lequel il accepte de se conformer strictement à chacune des conditions énoncées dans la présente ordonnance.

Surveillance électronique

2.                  Avant d’être mis en liberté, M. Mahjoub sera muni d’un dispositif de télésurveillance (un système de positionnement global ou GPS), selon les dispositions que pourra prendre l’ASFC, ainsi qu’un dispositif de repérage. M. Mahjoub devra porter en tout temps par la suite le dispositif de surveillance et le charger selon les instructions. Il n’altérera à aucun moment le dispositif de surveillance ou le dispositif de repérage, ni ne permettra qu’on les altère.

 

3.                  Si M. Mahjoub ne charge pas le dispositif de surveillance de la manière appropriée, l’ASFC se réserve le droit d’annuler toute sortie ou visite jusqu’à ce que le dispositif soit chargé.

 

4.                  Lorsque le dispositif de télésurveillance devra être retiré pour des raisons médicales essentielles et à la demande d’un médecin qualifié, l’ASFC en sera avisée au préalable et prendra les dispositions nécessaires pour le retrait temporaire du dispositif ainsi que pour la surveillance de M. Mahjoub pendant que le dispositif est retiré.

 

5.                  M. Mahjoub devra permettre à l’ASFC d’installer à ses frais dans la résidence qui aura été choisie une ou des lignes téléphoniques terrestres distinctes répondant aux exigences de l’ASFC afin de rendre possible une surveillance électronique efficace. M. Mahjoub devra consentir à la désactivation de tout service ou fonction de ces lignes téléphoniques terrestres spécialisées qui pourrait être requise. M. Mahjoub devra suivre toutes les instructions qui lui seront données relativement à l’utilisation de l’équipement de télésurveillance et de tout autre dispositif nécessaire au fonctionnement approprié et complet de l’équipement et du système de télésurveillance.

 

6.                  L’ASFC devra installer l’équipement nécessaire, le mettre à l’essai et faire ensuite savoir à la Cour si elle estime que l’équipement fonctionne correctement et que tout ce qui est nécessaire a été fait pour assurer la surveillance électronique.

 

 

 

Cautions et cautionnements de bonne exécution

7.                  Avant la mise en liberté de M. Mahjoub, la somme de 20 000 $ devra être versée à la Cour conformément à l’article 149 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. En cas de manquement à l’une ou l’autre des conditions de l’ordonnance mettant M. Mahjoub en liberté, les ministres pourront solliciter une ordonnance portant que le montant total et les intérêts courus soient versés au procureur général du Canada. Les personnes suivantes verseront à la Cour les sommes indiquées :

 

a)      Rizwan Wanchoo                           2 500 $

b)      John Valleau                                   5 000 $

 

Les noms d’autres cautions seront fournis.

 

 

 

8.                  Avant la mise en liberté de M. Mahjoub, les personnes nommées ci‑dessous devront signer un cautionnement de bonne exécution selon lequel elles reconnaissent être liées envers Sa Majesté du chef du Canada quant aux montants précisés ci‑dessous. Chaque cautionnement de bonne exécution sera assorti de la condition suivante : si M. Mahjoub enfreint l’une des conditions prévues dans l’ordonnance de mise en liberté, laquelle pourrait être modifiée, les sommes garanties par les cautionnements seront confisquées au profit de Sa Majesté. Les conditions des cautionnements de bonne exécution, qui devront être conformes à celles des garanties visées à l’article 56 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), et aux dispositions de la partie 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, traitant des garanties, seront communiquées par les avocats des ministres aux avocates de M. Mahjoub. Chaque caution devra reconnaître par écrit avoir lu les conditions prévues dans la présente ordonnance et déclarer explicitement avoir compris la présente condition.

 

a)      El Sayed Ahmed                               5 000 $

b)      Murray Lumley                                 5 000 $

c)      Maggie Panter                                10 000 $         

d)      Elizabeth Block                                 1 000 $         

e)      Dwyer Sullivan                               20 000 $         

f)        Elizabeth O’Connor                          1 000 $

g)      Patricia Taylor                                  1 000 $

h)      John Valleau                                     5 000 $

 

Résidence

 

9.                  M. Mahjoub fera des démarches pour trouver une résidence appropriée. La résidence devra pouvoir faire l’objet d’une surveillance électronique et physique, comme le précisent les motifs de l’ordonnance.

 

10.              L’ASFC effectuera une évaluation du site relativement à la résidence envisagée et fera rapport à la Cour à ce sujet, y compris les moyens de surveillance qu’elle propose pour cette résidence. Après avoir examiné l’évaluation de l’ASFC, la Cour peut, si elle approuve la résidence, ordonner l’installation de la totalité ou d’une partie de l’équipement de surveillance recommandé par l’ASFC pour qu’il y ait une surveillance adéquate de la résidence.

 

11.              Au moment de sa mise en liberté, M. Mahjoub sera conduit par la GRC (ou un autre organisme qui aura été choisi par l’ASFC et la GRC) à la résidence approuvée. M. Mahjoub y habitera seul. Afin que soit protégée sa vie privée, l’adresse de la résidence ne figurera pas dans le dossier public de la présente instance.

 

12.               M. Mahjoub devra demeurer dans sa résidence en tout temps, sauf s’il y a urgence médicale ou autre, ou dans les cas prévus par la présente ordonnance.

 

13.              Le terme « résidence » utilisé dans les présents motifs réfère exclusivement à la maison d’habitation ou à l’appartement, à l’exclusion de tout espace extérieur qui y est associé.

 

14.              Un dispositif de vidéoconférence devra être branché dans la résidence de M. Mahjoub. L’ASFC peut, périodiquement, communiquer avec M. Mahjoub sur le dispositif de vidéoconférence et M. Mahjoub doit répondre. M. Mahjoub et l’ASFC conviendront de l’emplacement exact du dispositif de vidéoconférence dans la résidence. À défaut d’entente entre M. Mahjoub et l’ASFC, la Cour déterminera l’emplacement du dispositif de vidéoconférence après avoir examiné les observations des parties.

 

15.              Les ministres installeront, à leurs frais, un autre équipement de surveillance approuvé dans la résidence. M. Mahjoub et le propriétaire, ou son représentant désigné, donneront à l’ASFC un accès raisonnable à la résidence dans le but d’évaluer les options de surveillance et d’installer l’équipement de surveillance. Il est entendu que l’équipement de surveillance demeure la propriété de l’ASFC. En outre, l’ASFC enlèvera l’équipement et fera les réparations appropriées à la propriété lorsque M. Mahjoub cessera d’y résider.

 

16.              L’équipement de surveillance approuvé devra être placé de façon à ce que la surveillance puisse s’effectuer avec le moins d’empiètement possible sur la vie privée de M. Mahjoub ou de toute autre personne.

 

17.              M. Mahjoub devra consentir à une surveillance physique 24 heures sur 24 de la résidence, telle qu’elle a été approuvée.

 

 

Surveillants

 

18.              M. Mahjoub proposera des personnes pour approbation par la Cour afin d’agir à titre de cautions de surveillance pour lui dans les cas où de tels surveillants sont requis pour l’accompagner dans ses sorties surveillées.

 

19.              M. Mahjoub informera l’ASFC de l’identité de ses cautions de surveillance proposées. M. Mahjoub et ses cautions de surveillance proposées devront consentir par écrit à être interrogés par l’ASFC ou en son nom, individuellement ou collectivement, comme l’exigera l’ASFC.

 

Couvre‑feu

 

20.              Sauf s’il y a urgence médicale ou autre, ou dans les cas prévus par la présente ordonnance, M. Mahjoub ne devra pas s’absenter de sa résidence entre 22 h et 8 h.

 

21.              Le couvre‑feu sera ajusté durant le Ramadan. Chaque jour au cours du mois du Ramadan, entre 22 h et minuit, M. Mahjoub sera autorisé à quitter sa résidence aux seules fins d’assister aux prières à la mosquée. Les conditions relatives aux sorties à la mosquée sont énoncées dans l’alinéa 23c) ci‑dessous.

 

22.              À la demande de M. Mahjoub et lorsqu’elle jugera approprié de le faire, l’ASFC pourra modifier le couvre‑feu de M. Mahjoub et lui permettre d’être absent de la résidence après 22 h.

 

 

Sorties

 

23.              M. Mahjoub pourra, entre 8 h et 22 h :

 

a)   avec l’autorisation préalable de l’ASFC, quitter la résidence trois (3) fois par semaine pour une durée maximale de huit (8) heures par absence, à la condition qu’il demeure dans le secteur déterminé à l’alinéa 23e).

 

i.         L’autorisation pour ces sorties devra être demandée au moins 72 heures avant l’absence envisagée, et l’endroit ou les endroits où M. Mahjoub désire se rendre ainsi que l’heure à laquelle il se propose de partir et de revenir à la résidence devront être précisés. Il est entendu que toute demande d’autorisation devra être faite à l’avance afin que l’ASFC puisse disposer d’au moins trois (3) jours ouvrables complets pour examiner la demande.

 

ii.       Si les endroits des sorties ont été approuvés auparavant par l’ASFC, la demande d’autorisation pourra être faite par téléphone quatre heures à l’avance.

 

iii.      Si de telles absences sont autorisées, M. Mahjoub devra signaler son départ avant de quitter la résidence et signaler son retour sans délai, conformément aux instructions plus précises que lui donnera un représentant de l’ASFC.

 

b)      en avisant au préalable l’ASFC, quitter la résidence au besoin et pour la durée nécessaire pour des rendez‑vous médicaux ou psychologiques et des examens, des traitements ou des opérations connexes. Le préavis devra être donné au moins 48 heures avant l’absence envisagée et préciser l’endroit ou les endroits où M. Mahjoub doit se rendre ainsi que l’heure de son départ et l’heure prévue de son retour à la résidence. M. Mahjoub devra signaler son départ avant de quitter la résidence et signaler son retour sans délai, conformément aux instructions plus précises que lui donnera un représentant de l’ASFC. Pour ces sorties, il n’est pas nécessaire d’obtenir une autorisation préalable de l’ASFC.

 

i.         M. Mahjoub signera un document, devant être rédigé par les avocats des ministres, dans lequel il autorise tous les médecins, psychiatres et autres fournisseurs de soins de santé, sans exception, qu’il pourra consulter, à communiquer à l’ASFC les renseignements confirmant qu’il est un de leurs patients ainsi que la date, l’heure, le lieu et la durée de tout rendez‑vous ou traitement qu’il a fixé, ou pour lequel il s’est présenté.

 

c)       en avisant au préalable l’ASFC, M. Mahjoub pourra quitter la résidence pour se rendre à une mosquée, approuvée par l’ASFC. Le préavis de l’absence envisagée devra être donné 30 minutes à l’avance durant les heures ouvrables, et 90 minutes à l’avance en dehors des heures ouvrables et préciser la durée prévue entre le départ de la résidence et le retour. M. Mahjoub devra signaler son départ avant de quitter la résidence et signaler son retour sans délai, conformément aux instructions plus précises que lui donnera un représentant de l’ASFC. Pour ces sorties, il n’est pas nécessaire d’obtenir une autorisation préalable de l’ASFC.

 

d)      Sauf pour les « sorties quotidiennes sans surveillance » prévues au paragraphe 24 des présentes, durant toutes les sorties, M. Mahjoub devra être accompagné en tout temps par une caution de surveillance agréée par la Cour qui devra assumer la responsabilité de surveiller M. Mahjoub et s’assurer qu’il se conforme entièrement à toutes les conditions de la présente ordonnance. Cela exige que la caution de surveillance agréée par la Cour demeure continuellement avec M. Mahjoub lorsqu’il est à l’extérieur de la résidence, excepté pour le temps qu’il est en consultation avec des médecins, qu’il subit des examens ou un traitement ou qu’il suit une thérapie, conformément à l’alinéa 23b). En pareil cas, les cautions de surveillance doivent demeurer aussi près qu’il soit raisonnablement possible de la salle dans laquelle M. Mahjoub est en consultation, ou reçoit son traitement ou sa thérapie. Il est entendu que les cautions de surveillance agréées par la Cour sont les personnes autorisées aux termes du paragraphe 18 des présentes.

 

e)      Sauf pour les « sorties quotidiennes sans surveillance » prévues au paragraphe 24 des présentes et pour les sorties prévues à l’alinéa 23f), M. Mahjoub devra demeurer dans la limite géographique déterminée comme suit :

 

La limite géographique sera précisée

 

f)  L’ASFC, à la demande de M. Mahjoub et lorsqu’elle le jugera approprié, pourra autoriser des sorties en dehors du secteur géographique décrit à l’alinéa 23e), sous réserve des conditions suivantes :

 

i.       pour autant que la sortie ne se fasse pas à plus de 150 kilomètres de la résidence de M. Mahjoub;

ii.       toute demande relative à une telle sortie devra être présentée au moins deux semaines avant la date envisagée;

iii.      l’ASFC pourra autoriser jusqu’à 12 sorties de ce genre dans une année civile;

iv.      les sorties autorisées à l’extérieur du secteur géographique déterminé seront par ailleurs assujetties aux conditions applicables énoncées au paragraphe 23.

 

g)  M. Mahjoub est autorisé à communiquer avec des personnes dans les domaines des services et du commerce de détail, lorsque cela sera nécessaire ou accessoire à ses déplacements et à son magasinage durant les sorties.

 

h)      Durant les sorties, M. Mahjoub peut « passer du temps » avec les personnes qu’il rencontre « par hasard ». Les échanges permis doivent être brefs (en passant) et de nature superficielle.

 

i)        Si, au cours d’une sortie, M. Mahjoub se trouve dans une urgence médicale nécessitant son hospitalisation, il devra en aviser l’ASFC le plus tôt possible et lui indiquer l’endroit où on l’a amené pour être traité, et il devra l’aviser immédiatement à son retour à la résidence.

 

j)        Lors de ses absences de la résidence, M. Mahjoub ne pourra être accompagné que par :

 

i.         ses avocates, Barbara Jackman, Marlys Edwardh et Adriel Weaver, ainsi que les membres désignés de leur personnel qui les assistent dans l’affaire;

 

ii.       Mona El Fouli, son épouse, Ibrahim et Yusuf, ses enfants, ainsi que Haney El Fouli, son beau‑fils;

 

iii.      les signataires de cautionnements et les cautions dont le nom figure aux paragraphes 7 et 8;

 

iv.     les personnes autorisées en tant que cautions de surveillance aux termes du paragraphe 18;

 

v.       les personnes autorisées à titre de visiteurs aux termes de l’alinéa 27g);

 

vi.     toute personne autorisée à l’avance par l’ASFC. Les conditions de l’autorisation de visiteurs, qui se trouvent à l’alinéa 27g), s’appliquent aux personnes sollicitant l’autorisation de l’ASFC en vertu du présent sous‑alinéa.

 

k)      Durant toutes ses absences de la résidence, M. Mahjoub devra porter sur lui, en tout temps, le dispositif de repérage permettant la surveillance électronique.

 

l)        Lorsqu’il quittera la résidence, M. Mahjoub ne devra pas se rendre à un aéroport, une gare, un terminus d’autobus ou une agence de location de véhicules, ni monter à bord d’un bateau ou d’un navire, à l’exception du traversier des îles de Toronto. M. Mahjoub pourra se rendre aux stations de métro aux seules fins d’utiliser les services de transport en commun de surface, mais ne pourra pas, en aucun temps, aller dans le métro ou entrer dans un wagon de métro.

 

m)    Lorsqu’il quittera la résidence, M. Mahjoub ne devra pas rencontrer des personnes avec lesquelles il aurait pris rendez‑vous, à l’exception de :

 

i.         ses avocates, Barbara Jackman, Marlys Edwardh et Adriel Weaver, ainsi que les membres désignés de leur personnel qui les assistent dans l’affaire;

 

ii.       Mona El Fouli, son épouse, Ibrahim et Yusuf, ses enfants, ainsi que Haney El Fouli, son beau‑fils;

 

iii.      les signataires de cautionnements et les cautions dont le nom figure aux paragraphes 7 et 8;

 

iv.     les personnes autorisées en tant que cautions de surveillance aux termes du paragraphe 18;

 

v.       les personnes autorisées à titre de visiteurs aux termes de l’alinéa 27g);

 

vi.     toute personne autorisée à l’avance par l’ASFC. Les conditions de l’autorisation de visiteurs, qui se trouvent à l’alinéa 27g), s’appliquent aux personnes sollicitant l’autorisation de l’ASFC en vertu du présent sous‑alinéa.

 

 

« Sorties quotidiennes sans surveillance »

 

24.              Sur une base quotidienne, M. Mahjoub pourra, entre 10 h et 16 h, quitter sa résidence en l’absence d’une caution de surveillance agréée par la Cour et sans autorisation préalable de l’ASFC. Ces sorties sont appelées les « sorties quotidiennes sans surveillance » et sont assujetties aux conditions suivantes :

 

a)      Lorsque M. Mahjoub quittera la résidence pour une sortie quotidienne sans surveillance, il devra demeurer dans la limite géographique déterminée comme suit :

 

La limite géographique sera précisée

 

 

            Il est entendu que ce secteur géographique sera le périmètre géographique approuvé pour les sorties quotidiennes sans surveillance et qu’il sera différent, et plus restreint, que le périmètre géographique approuvé aux fins des sorties surveillées, qui est déterminé à l’alinéa 23e).

 

b)      M. Mahjoub devra aviser l’ASFC au moins 90 minutes avant de quitter la résidence. Il devra préciser le trajet qu’il prévoit faire et les endroits où il se rendra durant la sortie.

 

c)      La durée de la sortie ne devra pas dépasser 4 heures, chaque fois.

 

d)      M. Mahjoub devra signaler son départ avant de quitter la résidence et signaler son retour sans délai, conformément aux instructions plus précises que lui donnera un représentant de l’ASFC.

 

e)      Durant son absence de la résidence, M. Mahjoub pourra se rendre dans l’un ou l’autre des établissements de vente au détail dans le périmètre géographique limité, déterminé à l’alinéa 24a), qui sont énumérés ci‑dessous, y magasiner et en revenir :

 

Les noms des établissements de vente au détail seront fournis

 

 

f)        Durant son absence de la résidence, M. Mahjoub pourra se rendre dans les parcs locaux dans le périmètre géographique limité, déterminé à l’alinéa 24a), qui sont énumérés ci‑dessous, y passer du temps et en revenir :

 

 Les noms des parcs seront fournis

 

 

g)      Durant son absence de la résidence, M. Mahjoub pourra avoir accès à tout secteur dans le périmètre géographique limité, déterminé à l’alinéa 24a), afin d’y faire de l’exercice (c.‑à‑d. de la marche, du jogging ou de la course.)

 

 

h)      M. Mahjoub ne devra pas se rendre ni se trouver dans des endroits ou des établissements non précisés dans la présente condition.

 

i)        L’ASFC pourra, à la demande de M. Mahjoub présentée deux semaines à l’avance, et lorsqu’elle jugera approprié de le faire, autoriser d’autres activités auxquelles il pourra se livrer ou d’autres endroits auxquels il pourra avoir accès dans le périmètre géographique limité déterminé à l’alinéa 24a).

 

j)        Les conditions décrites aux alinéas 23g) à m) des présentes, applicables aux sorties en général, s’appliqueront également.

 

 

 

Surveillance physique durant les sorties

 

25.              M. Mahjoub devra consentir par écrit à la surveillance par GPS 24 heures sur 24, telle qu’elle est décrite au paragraphe 2 et à la surveillance physique pendant toutes les sorties, sans exception. Conformément aux motifs de l’ordonnance, l’ASFC effectuera la surveillance physique de M. Mahjoub de la manière la moins envahissante possible.

 

Communications interdites

 

26.              M. Mahjoub ne devra, en aucun temps ni d’aucune manière, s’associer ou communiquer directement ou indirectement avec :

 

a)      les personnes qui, selon ce qu’il sait ou devrait savoir, soutiennent le terrorisme ou le Jihad violent ou qui se sont trouvées dans un camp d’entraînement ou dans une maison d’accueil exploitée par une entité qui soutient le terrorisme ou le Jihad violent;

 

b)      les personnes qui, selon ce qu’il sait ou devrait savoir, ont un casier judiciaire;

 

c)      les personnes que la Cour pourrait éventuellement désigner dans une ordonnance modifiant la présente ordonnance.

 

 

Visiteurs

 

27.              Seules les personnes suivantes sont autorisées à entrer dans la résidence de M. Mahjoub :

 

a)      ses avocates, Barbara Jackman, Marlys Edwardh et Adriel Weaver, ainsi que les membres désignés de leur personnel qui les assistent dans l’affaire;

 

b)      Mona El Fouli, son épouse, Ibrahim et Yusuf, ses enfants, ainsi que Haney El Fouli, son beau‑fils;

 

c)      les signataires de cautionnements et les cautions dont le nom figure aux paragraphes 7 et 8;

 

d)      les personnes autorisées en tant que cautions de surveillance aux termes du paragraphe 18;

 

e)      en cas d’urgence, des pompiers, des policiers et des professionnels de la santé;

 

f)        un gérant d’immeubles et/ou des réparateurs autorisés et qualifiés. Un préavis devra être donné à l’ASFC au moins 24 heures avant l’heure prévue des travaux, sauf en cas d’urgence. M. Mahjoub ne devra avoir aucun contact avec ces personnes lorsqu’elles seront dans la résidence, sauf dans la mesure où cela sera nécessaire pour donner des instructions ou fournir des renseignements concernant les réparations;

 

g)      une personne autorisée à l’avance par l’ASFC. En vue d’obtenir cette autorisation, il faudra fournir à l’ASFC, au moins 72 heures avant la première visite, le nom, l’adresse et la date de naissance de la personne ainsi que tout renseignement additionnel que l’ASFC pourra juger nécessaire. L’ASFC est autorisée par la Cour à faire des vérifications sur les plans des antécédents criminels et de la sécurité pour chacune des personnes voulant être ajoutées sur la liste des visiteurs approuvés de M. Mahjoub. L’ASFC n’utilisera pas les informations obtenues au cours du contrôle du respect des conditions de la présente ordonnance aux fins de la recherche de renseignements, et personne ne fera l’objet d’une enquête pour la seule raison qu’il ou elle a demandé le statut de visiteur autorisé.

 

28.              Tous les visiteurs devront fournir à l’ASFC un document signé, devant être rédigé par les avocats des ministres, dans lequel ils reconnaîtront avoir compris les conditions de la mise en liberté de M. Mahjoub.

 

29.              Tous les visiteurs devront obtenir l’autorisation préalable de l’ASFC pour apporter à la résidence, ou y en enlever, un objet, un cadeau ou une communication écrite, à l’exception des documents apportés ou enlevés par les avocates et les membres de leur personnel.

 

30.              L’ASFC devra être avisée 48 heures à l’avance de toute visite subséquente de la part d’une personne déjà autorisée, sous réserve d’une renonciation à cette exigence à la discrétion de ses agents. L’ASFC peut retirer son autorisation aux visiteurs déjà autorisés, et ce, en tout temps.

 

 

31.              Les personnes qui sont autorisées à entrer dans la résidence, ne pourront apporter aucun dispositif de télécommunication personnel (comme un téléphone cellulaire ou un BlackBerry), ni aucun autre dispositif permettant la connexion à Internet ou la communication sans fil, y compris les appareils de jeu personnels, et s’assureront que M. Mahjoub n’aura aucun accès, directement ou indirectement, à un tel dispositif.

 

32.              Les avocates de M. Mahjoub pourront apporter des dispositifs de télécommunication personnels. Mona et Haney El Fouli pourront apporter des dispositifs de télécommunication personnels, pour autant qu’ils signent un engagement selon lequel ils ne permettront pas à M. Mahjoub d’avoir accès à ces dispositifs.

 

33.              M. Mahjoub devra conserver un registre des visiteurs qui entrent chez lui dans un format que lui fournira l’ASFC et il devra le rendre disponible pour vérification, à la demande de l’ASFC.

 

 

Équipement ayant une capacité de communication et accès à Internet

 

34.              Sous réserve de ce qui est prévu aux présentes, M. Mahjoub ne devra pas, directement ou indirectement, posséder, avoir à sa disposition ou utiliser un poste de radio ou un dispositif radio ayant une capacité de transmission, de l’équipement de communication ou du matériel permettant la connexion à Internet, ou une composante d’un tel équipement, notamment un téléphone cellulaire, un ordinateur muni d’un modem ou permettant l’accès à Internet, ou une composante d’un tel ordinateur, une console de jeux, comme un Wii ou un Playstation, qui a la capacité d’accéder à Internet, un téléavertisseur, un télécopieur, un téléphone public, un téléphone à l’extérieur de la résidence, une installation Internet ou un appareil portatif comme un BlackBerry.

 

35.              Aucun ordinateur ayant l’accès sans fil à Internet ne devra être permis dans la résidence. M. Mahjoub ne pourra utiliser qu’une (1) ligne téléphonique terrestre conventionnelle située dans la résidence (la ligne téléphonique), hormis les lignes téléphoniques terrestres spécialisées dont il est question au paragraphe 5, sous les conditions suivantes :

 

a)      M. Mahjoub ne fera ni n’acceptera les conférences téléphoniques à trois, à l’exception des appels organisés par la Cour fédérale du Canada, lorsqu’il est une partie à l’instance ou des appels auxquels ne prendront part que M. Mahjoub et ses avocates;

 

b)      M. Mahjoub n’est pas autorisé à utiliser les fonctions du renvoi d’appel pour faire suivre des appels de sa résidence à une autre ligne téléphonique;

 

36.              En cas d’urgence à l’extérieur de la résidence, et que personne n’est en mesure de faire l’appel pour lui, M. Mahjoub sera autorisé à utiliser un téléphone à l’extérieur de sa résidence pour appeler l’ASFC afin de l’informer de la situation et de l’endroit où il se trouve. Il pourra également appeler le 911 en cas d’urgence.

Communications interceptées

37.              M. Mahjoub pourra utiliser une ligne téléphonique terrestre conventionnelle située dans la résidence, hormis les lignes distinctes spécialisées de l’ASFC, pour la transmission de la voix et de télécopies. Sauf pour les appels se rapportant à des communications avocat‑client, M. Mahjoub devra consentir par écrit à l’interception par l’ASFC, ou en son nom, de toutes les communications orales ou écrites. L’ASFC sera notamment autorisée à intercepter le contenu des communications orales, et aussi à obtenir les registres de télécommunications afférents à cette ligne téléphonique. Le fournisseur de services de téléphonie et de télécopie devra être approuvé à l’avance par l’ASFC. Cela comprend également l’interception par l’ASFC, ou en son nom, des communications écrites ou des colis, entrants ou sortants, livrés à la résidence ou envoyés à partir de celle‑ci, que ce soit par courrier, messager ou autre. La formule de consentement sera rédigée par les avocats des ministres.

 

38.              Lorsque le contenu des communications orales interceptées liées à la ligne téléphonique terrestre dans la résidence de M. Mahjoub se rapportera à des communications avocat‑client, l’analyste, après avoir constaté qu’il s’agit d’une communication entre M. Mahjoub et ses avocates cessera de surveiller la communication et supprimera l’interception. Les avocates de M. Mahjoub ainsi que tout membre du personnel des avocates s’identifieront ou mentionneront clairement le nom du cabinet au début de chacun des appels faits à M. Mahjoub.

 

39.              M. Mahjoub n’ouvrira aucune lettre ni aucun colis reçus à sa résidence qui n’ont pas été inspectés et autorisés par l’ASFC. À la réception d’une lettre ou d’un colis, M. Mahjoub communiquera immédiatement avec l’ASFC et transférera la lettre ou le colis pour inspection.

 

40.              Tout le courrier entrant sera intercepté, inspecté, copié si nécessaire et livré directement à M. Mahjoub dans les deux (2) jours ouvrables.

 

41.              En ce qui a trait aux lettres ou colis sortants, M. Mahjoub communiquera avec l’ASFC par téléphone et l’informera qu’il a du courrier à expédier. Dans les 24 heures, sous réserve de circonstances imprévues, l’ASFC récupérera la lettre non cachetée et/ou le colis non fermé, et l’expédiera pour le compte de M. Mahjoub après avoir inspecté et copié la lettre et/ou le colis. M. Mahjoub assumera les coûts liés à l’expédition de toute communication écrite ou de tout colis.

 

42.              L’ASFC et M. Mahjoub conviendront d’une procédure pour la récupération et la livraison du courrier intercepté par l’ASFC, avec un minimum de contacts directs entre M. Mahjoub et l’ASFC. À défaut d’entente, les parties devront déposer en temps opportun des observations écrites sur la question avec les options que la Cour pourra considérer, et la Cour déterminera la procédure à suivre pour l’interception du courrier.

 

Droit de l’ASFC de perquisitionner

43.              M. Mahjoub devra permettre aux employés de l’ASFC, à toute personne désignée par elle ou à tout agent de la paix, d’avoir accès en tout temps à la résidence (sur production d’une carte d’identité) afin de vérifier sa présence dans la résidence ou de s’assurer qu’il satisfait aux conditions de la présente ordonnance. Il est entendu que M. Mahjoub devra permettre à ces personnes de fouiller la résidence, d’enlever tout objet, d’installer, d’entretenir et de réparer au besoin le matériel lié à l’équipement de télésurveillance ou aux lignes téléphoniques terrestres distinctes spécialisées. Tout objet enlevé pour lequel sera invoqué le secret professionnel liant l’avocat à son client devra être conservé sous scellés jusqu’à ce que la Cour l’ait examiné.

 

Enregistrement audio et vidéo

 

44.              Ni M. Mahjoub ni qui que ce soit d’autre dans la résidence n’enregistrera les agents de l’ASFC à l’aide d’un dispositif audio ou vidéo, pendant l’exercice de leurs fonctions de contrôle du respect des conditions de la présente ordonnance.

 

Photographies prises et interceptions recueillies par l’ASFC

 

45.              Conformément aux motifs de la présente ordonnance, toutes les photographies prises par l’ASFC dans l’exécution de ses fonctions relativement à M. Mahjoub devront être protégées et ne devront pas être communiquées à une autre entité, à moins qu’une photographie ne décrive une activité correspondant à une menace dont on a des motifs raisonnables de soupçonner qu’elle est posée par M. Mahjoub ou à un manquement à l’une ou l’autre des conditions de mise en liberté dont on a des motifs raisonnables de soupçonner qu’il a été commis.

 

46.              Conformément aux motifs de la présente ordonnance, toutes les interceptions de communications orales ou écrites faites par l’ASFC, ou en son nom, devront être protégées. Aucune interception ne devra être communiquée à une autre entité, à moins qu’elle ne contienne des renseignements correspondant à une menace dont on a des motifs raisonnables de soupçonner qu’elle est posée par M. Mahjoub ou à un manquement à l’une ou l’autre des conditions de mise en liberté dont on a des motifs raisonnables de soupçonner qu’il a été commis.

 

47.              Rien dans la présente ordonnance ne déroge aux obligations de présentation de rapports que doit remplir l’ASFC conformément à la loi.

Passeport et documents de voyage

48.              Le passeport et tous les documents de voyage de M. Mahjoub, le cas échéant, devront demeurer en possession de l’ASFC. Il sera interdit à M. Mahjoub, à moins d’autorisation préalable de l’ASFC, de demander, d’obtenir ou de posséder un passeport ou des documents de voyage, des billets d’autobus, de train ou d’avion ou tout autre document lui permettant de voyager. M. Mahjoub pourra néanmoins utiliser les services de transport en commun de surface de la ville dans le périmètre géographique déterminé à l’alinéa 23e).

Ordonnance de renvoi

49.              Si son renvoi du Canada est ordonné, M. Mahjoub devra se présenter en conséquence aux autorités aux fins de son renvoi. Il devra également se présenter devant la Cour lorsque celle‑ci l’exigera.

Armes

50.              M. Mahjoub ne pourra pas posséder une arme, une imitation d’arme, des substances nocives ou des explosifs, ou des composantes de ceux‑ci.

 

Conduite

51.              M. Mahjoub devra avoir une bonne conduite et ne pas troubler l’ordre public.

Arrestation et détention

52.              Tout agent de l’ASFC ou agent de la paix, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une condition de la présente ordonnance n’a pas été respectée, pourra procéder à l’arrestation sans mandat de M. Mahjoub et le placer en détention :

a)      Dans les 48 heures qui suivent, un juge de la Cour, désigné par le juge en chef, devra décider s’il y a eu manquement à une condition de la présente ordonnance, si les conditions de la présente ordonnance devraient être modifiées et si M. Mahjoub devrait être placé sous garde;

b)      Si M. Mahjoub ne respecte pas scrupuleusement toutes les conditions de la présente ordonnance, il pourra être détenu sur nouvelle ordonnance de la Cour.

Changement de résidence

53.              M. Mahjoub ne peut changer le lieu de sa résidence sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de la Cour. Il doit fournir à l’ASFC un préavis de 30 jours francs relativement à tout changement de résidence envisagé. Nul ne peut occuper la résidence sans l’autorisation de l’ASFC.

Infraction

54.              Tout manquement à la présente ordonnance constitue une infraction au sens de l’article 127 du Code criminel ainsi qu’une infraction visée à l’alinéa 124(1)a) de la LIPR.

Modification de l’ordonnance

55.              La Cour peut modifier les conditions de la présente ordonnance, en tout temps, sur demande d’une partie ou d’office en avisant les parties.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        DES-7-08

 

INTITULÉ :                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE c. MOHAMED ZEKI MAHJOUB

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             LES 13, 14, 15, 18, 19, 26 ET 28 OCTOBRE 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 30 NOVEMBRE 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Donald MacIntosh

James Mathieson

Marcel Larouche

Rhonda Marquis

Judy Michaely

Dupe Oluyomi

 

POUR LES DEMANDEURS

Barbara Jackman

Marlys Edwardh

Adriel Weaver

 

Anil Kapoor

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCAT SPÉCIAL

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES DEMANDEURS

Jackman & Associates

 

Marlys Edwardh Barristers

Professional Corporation

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 


AVOCATS SPÉCIAUX :

Gordon Cameron

Anil Kapoor

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