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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20090915

Dossier : GST-6823-07

Référence : 2009 CF 912

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2009

En présence de Monsieur le juge de Montigny

 

Dans l'affaire de la Loi sur la taxe d'accise

et

Dans l'affaire d'une cotisation ou des cotisations établies par le sous-ministre du Revenu du Québec en vertu de la Loi sur la taxe d'accise

 

contre

 

POLYMERE EPOXY-PRO INC., personne morale

légalement constituée, dont l’adresse du siège social est

le 460, boul. Roland-Godard, à Saint-Jérôme,

province de Québec, J7Y 4G8

Débitrice judiciaire

et

FRARE & GALLANT LTÉE, personne morale

légalement constituée ayant une place d’affaires

au 1355, avenue Valleyfield, à Laval,

province de Québec, H7C 2K5

Requérante-tierce saisie

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La tierce-saisie, Frare & Gallant Ltée, en appelle d’une ordonnance rendue le 22 juin 2009 par le protonotaire, Me Richard Morneau, confirmant une ordonnance provisoire émise le 1er août 2008 à l’effet que « ...toute somme due ou qui deviendrait due par la tierce saisie à la débitrice judiciaire et plus particulièrement, toute retenue contractuelle découlant d’un contrat intervenu entre la tierce saisie et la débitrice judiciaire pour la construction et/ou la rénovation d’un immeuble situé au 150, boul. Montréal-Toronto, à Montréal, province de Québec, soit saisie arrêtée aux fins de satisfaire à la somme de 12 361,19$ ... ». 

 

[2]               La tierce-saisie allègue essentiellement que le protonotaire a erré parce qu’elle ne doit aucun montant à la débitrice judiciaire, Polymère Épozy-Pro, étant donné le droit de rétention qu’elle peut légalement faire valoir sur les sommes qu’elle lui doit tant et aussi longtemps que cette dernière n’aura pas obtenu quittance de tous ses fournisseurs.

 

[3]               Après avoir dûment tenu compte des représentations écrites et orales des parties ainsi que de leurs dossiers respectifs, j’en suis venu à la conclusion que l’ordonnance du protonotaire devait être maintenue.

 

LES FAITS

[4]               Les faits ne sont pas contestés pour l’essentiel et peuvent être résumés comme suit.  La tierce saisie a obtenu du propriétaire de l’immeuble situé au 150, boul. Montréal-Toronto, à Montréal (ci-après « l’immeuble ») un contrat à titre d’entrepreneur général visant la rénovation de l’immeuble.  Pour réaliser ces travaux, la tierce saisie a engagé la débitrice judiciaire, laquelle a sous-contracté avec différents fournisseurs de matériaux, dont Peinture Micca Inc. et Chemor Inc.  Ces fournisseurs ont dénoncé leur contrat respectif avec la débitrice judiciaire auprès du propriétaire de l’immeuble, mais ils ne les ont jamais formellement dénoncés à la tierce saisie.  Tout au plus ces contrats ont-ils été « discutés » avec le président de la tierce saisie (tel qu’il appert de son affidavit), lequel a également reçu copie des dénonciations faites par les deux fournisseurs auprès du propriétaire de l’immeuble.

 

[5]               Bien que Micca et Chemor aient complété leur contrat respectif les liant avec la débitrice judiciaire, ceux-ci sont demeurés partiellement impayés et ont inscrit des hypothèques légales à titre de fournisseurs de matériaux à l’encontre du propriétaire.  Ils ont par la suite inscrit un préavis d’exercice d’un recours hypothécaire contre l’immeuble.   

 

[6]               Par ailleurs, la présente Cour a enregistré le 12 novembre 2007 un certificat ayant valeur de jugement pour un montant de 12 361,19$ (plus intérêts) en faveur du sous-ministre du Revenu du Québec et à l’encontre de la débitrice judiciaire, conformément aux dispositions de l’article 316 de la Loi sur la taxe d’accise (L.R.C. 1985, c. E-15; ci-après la « LTA »).  Il faut ici préciser que le sous-ministre du Revenu du Québec représente pour les fins de cette loi Sa Majesté du chef du Canada et agit en son nom.

 

[7]               Le 22 novembre 2007, le sous-ministre du Revenu du Québec transmettait à la tierce saisie une demande formelle de paiement en vertu des dispositions du paragraphe 317(3) de la LTA.  Dans le cadre de cette demande, on exigeait de la tierce saisie qu’elle verse immédiatement au sous-ministre du Revenu du Québec les sommes autrement et alors payables au débiteur fiscal ou à un créancier garanti du débiteur fiscal, jusqu’à concurrence de la somme alors due par le débiteur fiscal au sous-ministre du Revenu du Québec, soit la somme de 12 391,70$.

 

[8]               La tierce saisie n’ayant versé aucune somme au sous-ministre du Revenu du Québec suivant réception de cette demande formelle, une ordonnance provisoire de saisie-arrêt a été émise par le protonotaire Morneau à l’encontre de la tierce saisie le 1er août 2008, tel que précédemment mentionné.

 

[9]               Tout en reconnaissant dans sa déclaration écrite datée du 11 août 2008 l’existence d’un solde contractuel envers la débitrice judiciaire au montant de 81 506,32$, la tierce saisie soutient que ce montant ne peut être réclamé par le sous-ministre du Revenu du Québec en raison d’un droit de rétention dont elle bénéficie. 

 

QUESTION EN LITIGE

[10]           Cet appel soulève essentiellement la question de savoir si le droit de rétention qu’invoque la tierce saisie, à supposer qu’il existe, peut être opposé au sous-ministre du Revenu du Québec pour faire échec à la saisie-arrêt prononcée sous l’autorité de l’article 317 de la LTA.

 

ANALYSE

[11]           Les parties n’ont pas discuté des principes applicables en matière de révision d’une décision prononcée par un protonotaire.  Ces principes ont toutefois été clairement établis dans les arrêts Canada v. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 et Merck & Co c. Apotex Inc.[2004] 2 FCR 459.  Le juge saisi d’un appel contre une ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir, sauf si a) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir en se fondant sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits, ou b) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue de la cause.

 

[12]           En l’occurrence, il ne fait aucun doute que l’ordonnance du protonotaire porte sur une question déterminante puisqu’elle porte sur la validité même de la saisie-arrêt.  Les parties n’ayant par ailleurs soulevé aucune erreur flagrante dans son appréciation des faits, seule l’interprétation qu’il a faite du droit appliable est en litige.

 

[13]           La tierce saisie prétend bénéficier d’un droit de rétention dont la source serait à la fois contractuelle et légale.  S’agissant de l’aspect contractuel, le protonotaire a conclu que la preuve ne permettait pas de faire droit aux prétentions de la tierce saisie, dans la mesure où les bons de commande et les conditions générales complémentaires sur lesquels s’appuyaient la tierce saisie pour faire valoir son droit n’avaient pas été signés par la débitrice judiciaire.  Quant à l’assise légale du droit de rétention réclamé par la tierce saisie, le protonotaire s’est dit d’avis en obiter que l’article 2123 du Code civil du Québec ne pouvait trouver application parce qu’il ne vise que le propriétaire de l’immeuble sur lequel des travaux de rénovation ont été effectués et non la tierce saisie qui agissait à titre d’entrepreneur général.  À tout événement, le protonotaire a conclu que la fiducie présumée en faveur de Sa Majesté du chef du Canada prévue à l’article 222 de la LTA écarte et supplante tout droit de rétention dont pourrait se réclamer la tierce saisie.

 

[14]           La requérante tierce saisie n’a pas beaucoup insisté, tant dans ses représentations écrites que lors de l’audition, sur l’existence contractuelle du droit de rétention qu’elle prétend posséder.  Cela me paraît tout à fait justifié compte tenu de la preuve au dossier.  D’une part, la tierce saisie a admis dans ses prétentions écrites devant le protonotaire qu’il n’y a jamais eu de contrat formel entre elle et la débitrice judiciaire, mais uniquement des bons de commande, lesquels réfèrent à des conditions générales supplémentaires.

 

[15]           D’autre part, des bons de commande signés unilatéralement ne sauraient fonder un droit de rétention contractuel.  Il semble en effet qu’aucun des bons de commande produits dans le dossier n’ont été signés par la débitrice judiciaire.  Quant au document intitulé « conditions générales complémentaires » auquel réfère les bons de commande, celui-ci indique spécifiquement à l’avant-dernier point de la page 2, dans la section intitulée Facturation et paiement, que « lorsqu’entendu, une retenue de 10% est applicable ».  Or, non seulement ce document n’a-t-il pas été signé par la débitrice judiciaire, mais l’examen des bons de commande eux-mêmes révèle que la moitié d’entre eux n’ont pas été cochés « net 30 jours avec retenue 10% ».  Dans ces circonstances, le fondement contractuel d’un droit de rétention en faveur de la tierce saisie m’apparaît pour le moins ténu, pour ne pas dire inexistant.

 

[16]           Passons maintenant à l’examen du droit de rétention légal prévu par le Code civil du Québec.  Au vu de la décision rendue par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Dans l’affaire de la faillite de Daltech Architectural Inc., 2008 QCCA 2441, le droit de rétention peut avoir une assise à la fois contractuelle et légale.  Le juge en chef écrivait dans le cadre de cette décision :  « Même si le droit de rétention est prévu dans un contrat, il n’en demeure pas moins qu’il découle directement de l’exception d’inexécution expressément prévue par le Code civil du Québec. » (para. 46).

 

[17]           À ce chapitre, les prétentions de la tierce saisie se heurtent également à quelques obstacles.  Dans un premier temps, il semble bien que cette dernière ne puisse se prévaloir de l’exception d’inexécution prévue à l’article 1591 du Code civil du Québec, dont le droit de rétention ne serait qu’une illustration.  Le texte de cette disposition se lit comme suit :

1591. Lorsque les obligations résultant d'un contrat synallagmatique sont exigibles et que l'une des parties n'exécute pas substantiellement la sienne ou n'offre pas de l'exécuter, l'autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d'exécuter son obligation corrélative, à moins qu'il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu'elle soit tenue d'exécuter la première.

1591. Where the obligations arising from a synallagmatic contract are exigible and one of the parties fails to perform his obligation to a substantial degree or does not offer to perform it, the other party may refuse to perform his correlative obligation to a corresponding degree, unless he is bound by law, the will of the parties or usage to perform first.

 

[18]           Or, l’obligation alléguée à l’égard de la remise de quittances par la débitrice judiciaire à la tierce saisie pour obtenir paiement n’a tout simplement pas été prouvée par la tierce saisie.  En effet, nulle part dans les documents produits par la tierce saise devant le protonotaire ne trouve-t-on l’obligation pour la débitrice judiciaire de fournir à la tierce saisie des quittances de ses sous-traitants afin d’obtenir le paiement des travaux réalisés.

 

[19]           Si l’article 2123 du Code civil du Québec ne constitue pas à proprement parler un droit de rétention, mais une illustration de l’exception d’inexécution, tel que l’affirmait la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Daltech, et que la tierce saisie n’a pas prouvé l’obligation qu’elle allègue selon laquelle la débitrice judiciaire devait obtenir et lui remettre des quittances de la part de Micca et Chemor pour obtenir paiement du solde contractuel, comment peut-elle alors bénéficier du droit prévu à l’article 2123 du Code civil du Québec?

 

[20]           En supposant même que cette dernière disposition puisse néanmoins trouver application, encore faudrait-il que ses conditions d’exercice soient rencontrées.  À cet égard, deux problèmes se posent.  Dans un premier temps, il n’est pas du tout certain que l’article 2123 du Code civil du Québec s’applique à un entrepreneur général.  Il est vrai, comme le souligne le représentant du sous-ministre du Revenu du Québec, que cette disposition ne réfère pas au propriétaire d’un immeuble mais bien au « client ».  Or, le législateur a référé explicitement au propriétaire d’un immeuble dans d’autres dispositions du Code (voir notamment les articles 2726 et 2731), ce qui laisserait supposer que l’article 2123 doit recevoir une application plus large. 

 

[21]           Bien que séduisant, cet argument de texte n’est pas nécessairement déterminant en lui-même.  En bout de ligne, c’est l’intention du législateur qui doit prévaloir.  Or, c’est au propriétaire que doivent dénoncer Micca et Chemor leur contrat respectif avec la débitrice judiciaire pour acquérir le droit d’inscrire une hypothèque légale selon les dispositions de l’article 2728 du Code civil du Québec, comme le relève avec beaucoup d’à-propos le représentant du sous-ministre du Revenu du Québec. Ne serait-ce pas là un indice permettant de déduire que le droit de rétention prévu par l’article 2123 ne vise que le propriétaire d’un immeuble, de façon à ce qu’il puisse retenir des sommes suffisantes pour faire face aux hypothèques légales que peuvent inscrire des sous-traitants sur son immeuble?

 

[22]           Il ne m’est pas nécessaire de trancher cette question dans le cadre du présent litige, et ce pour plusieurs raisons.  D’abord parce que la Cour d’appel du Québec a semblé prendre pour acquis (même si elle n’a pas véritablement discuté de la question) qu’un entrepreneur général pouvait se prévaloir du droit de rétention prévue par l’article 2123 du Code civil du Québec : voir Daltech, précité. 

 

[23]           Ensuite parce qu’en admettant même que la tierce saisie puisse se prévaloir de cette disposition, elle n’en a pas respecté les conditions d’application.  L’article 2123 énonce en effet ce qui suit :

2123. Au moment du paiement, le client peut retenir, sur le prix du contrat, une somme suffisante pour acquitter les créances des ouvriers, de même que celles des autres personnes qui peuvent faire valoir une hypothèque légale sur l'ouvrage immobilier et qui lui ont dénoncé leur contrat avec l'entrepreneur, pour les travaux faits ou les matériaux ou services fournis après cette dénonciation.

 

Cette retenue est valable tant que l'entrepreneur n'a pas remis au client une quittance de ces créances.

 

Il ne peut exercer ce droit si l'entrepreneur lui fournit une sûreté suffisante garantissant ces créances.

2123. At the time of payment, the client may deduct from the price of the contract an amount sufficient to pay the claims of the workman, and those of other persons who may exercise a legal hypothec on the immovable work and who have given him notice of their contract with the contractor in respect of the work performed or the materials or services supplied after such notice was given.

 

The deduction is valid until such time as the contractor gives the client an acquittance of such claims.

 

The client may not exercise the right set out in the first paragraph if the contractor furnishes him with sufficient security to guarantee the claims.

 

[24]           Or, tel que précédemment mentionné, les fournisseurs Micca et Chemor n’ont pas dénoncé leur contrat avec la débitrice judiciaire à la tierce saisie, mais seulement au propriétaire de l’immeuble. 

 

[25]           Mais plus fondamentalement, l’applicabilité de l’article 2123 du Code civil du Québec prend un caractère académique lorsque l’on tient compte des paragraphes 222(1) et (3) ainsi que du paragraphe 317(3) de la LTA.  Ces dispositions se lisent comme suit :

222. (1) La personne qui perçoit un montant au titre de la taxe prévue à la section II est réputée, à toutes fins utiles et malgré tout droit en garantie le concernant, le détenir en fiducie pour Sa Majesté du chef du Canada, séparé de ses propres biens et des biens détenus par ses créanciers garantis qui, en l'absence du droit en garantie, seraient ceux de la personne, jusqu'à ce qu'il soit versé au receveur général ou retiré en application du paragraphe (2).

 

 

 

 

[…]

 

(3) Malgré les autres dispositions de la présente loi (sauf le paragraphe (4) du présent article), tout autre texte législatif fédéral (sauf la Loi sur la faillite et l'insolvabilité), tout texte législatif provincial ou toute autre règle de droit, lorsqu'un montant qu'une personne est réputée par le paragraphe (1) détenir en fiducie pour Sa Majesté du chef du Canada n'est pas versé au receveur général ni retiré selon les modalités et dans le délai prévus par la présente partie, les biens de la personne -- y compris les biens détenus par ses créanciers garantis qui, en l'absence du droit en garantie, seraient ses biens -- d'une valeur égale à ce montant sont réputés:

 

a) être détenus en fiducie pour Sa Majesté du chef du Canada, à compter du moment où le montant est perçu par la personne, séparés des propres biens de la personne, qu'ils soient ou non assujettis à un droit en garantie ;

 

 

b) ne pas faire partie du patrimoine ou des biens de la personne à compter du moment où le montant est perçu, que ces biens aient été ou non tenus séparés de ses propres biens ou de son patrimoine et qu'ils soient ou non assujettis à un droit en garantie ;

 

 

Ces biens sont des biens dans lesquels Sa Majesté du chef du Canada a un droit de bénéficiaire malgré tout autre droit en garantie sur ces biens ou sur le produit en découlant, et le produit découlant de ces biens est payé au receveur général par priorité sur tout droit en garantie.

222. (1) Subject to subsection (1.1), every person who collects an amount as or on account of tax under Division II is deemed, for all purposes and despite any security interest in the amount, to hold the amount in trust for Her Majesty in right of Canada, separate and apart from the property of the person and from property held by any secured creditor of the person that, but for a security interest, would be property of the person, until the amount is remitted to the Receiver General or withdrawn under subsection (2).

 

[…]

 

(3) Despite any other provision of this Act (except subsection (4)), any other enactment of Canada (except the Bankruptcy and Insolvency Act), any enactment of a province or any other law, if at any time an amount deemed by subsection (1) to be held by a person in trust for Her Majesty is not remitted to the Receiver General or withdrawn in the manner and at the time provided under this Part, property of the person and property held by any secured creditor of the person that, but for a security interest, would be property of the person, equal in value to the amount so deemed to be held in trust, is deemed

 

 

(a) to be held, from the time the amount was collected by the person, in trust for Her Majesty, separate and apart from the property of the person, whether or not the property is subject to a security interest, and

 

 

 

(b) to form no part of the estate or property of the person from the time the amount was collected, whether or not the property has in fact been kept separate and apart from the estate or property of the person and whether or not the property is subject to a security interest

 

 

and is property beneficially owned by Her Majesty in right of Canada despite any security interest in the property or in the proceeds thereof and the proceeds of the property shall be paid to the Receiver General in priority to all security interests.

 

317. (3) Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout texte législatif fédéral à l'exception de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, tout texte législatif provincial et toute règle de droit, si le ministre sait ou soupçonne qu'une personne est ou deviendra, dans les douze mois, débitrice d'une somme à un débiteur fiscal, ou à un créancier garanti qui, grâce à un droit en garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal, il peut, par avis écrit, obliger la personne à verser au receveur général tout ou partie de cette somme, immédiatement si la somme est alors payable, sinon dès qu'elle le devient, au titre du montant dont le débiteur fiscal est redevable selon la présente partie. Sur réception par la personne de l'avis, la somme qui y est indiquée comme devant être versée devient, malgré tout autre droit en garantie au titre de cette somme, la propriété de Sa Majesté du chef du Canada, jusqu'à concurrence du montant dont le débiteur fiscal est ainsi redevable selon la cotisation du ministre, et doit être versée au receveur général par priorité sur tout autre droit en garantie au titre de cette somme.

317. (3) Despite any other provision of this Part, any other enactment of Canada other than the Bankruptcy and Insolvency Act, any enactment of a province or any law, if the Minister has knowledge or suspects that a particular person is, or will become within one year, liable to make a payment

 

(a) to a tax debtor, or

 

(b) to a secured creditor who has a right to receive the payment that, but for a security interest in favour of the secured creditor, would be payable to the tax debtor,

 

the Minister may, by notice in writing, require the particular person to pay without delay, if the moneys are payable immediately, and in any other case as and when the moneys become payable, the moneys otherwise payable to the tax debtor or the secured creditor in whole or in part to the Receiver General on account of the tax debtor's liability under this Part, and on receipt of that notice by the particular person, the amount of those moneys that is so required to be paid to the Receiver General shall, despite any security interest in those moneys, become the property of Her Majesty in right of Canada to the extent of that liability as assessed by the Minister and shall be paid to the Receiver General in priority to any such security interest.

 

[26]           Au terme des deux premiers de ces paragraphes, Sa Majesté du chef du Canada se voit conférée une fiducie présumée à l’égard des sommes perçues au titre de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») dès qu’il y a manquement de la débitrice fiscale à l’égard de son obligation de versement.  En outre, de par les dispositions du paragraphe 222(3)a) de la LTA, les biens de la débitrice judiciaire sont réputées être détenues en fiducie pour Sa Majesté du chef du Canada à compter du moment où la TPS a été perçue et cette fiducie présumée continue de s’appliquer jusqu’au jour du paiement.  Les dispositions équivalentes de la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.), paras. 227(4) et (4.1)) ont d’ailleurs été reconnues valides par la Cour suprême dans l’affaire First Vancouver Finance c. M.R.N., [2002] 2 R.C.S. 720.

 

[27]           Ces dispositions particulières écartent et supplantent notamment les dispositions de la législation provinciale, dont celles du Code civil du Québec, de même que toute règle de droit, et confèrent à Sa Majesté du chef du Canada, une priorité non seulement à l’égard des créanciers ordinaires de la débitrice fiscale, mais au surplus à l’égard des créanciers garantis.  Au surplus, le paragraphe 317(3) de la LTA stipule que sur réception de la demande formelle de paiement de Sa Majesté du chef du Canada par le débiteur de la débitrice fiscale, la créance du tiers saisi envers la débitrice judiciaire devient la propriété de Sa Majesté du chef du Canada, nonobstant le droit provincial et toute autre règle de droit.

 

[28]           La tierce saisie a bien tenté de faire valoir que son obligation envers la débitrice judiciaire n’était pas encore née, du fait que cette dernière ne lui avait pas remis les quittances de ses fournisseurs, et que la fiducie créée au bénéfice de Sa Majesté du chef du Canada ne pouvait faire une créance qui n’existait pas encore.  Avec respect, cet argument m’apparaît spécieux.  Le droit de rétention, en supposant même qu’il puisse trouver application dans le cadre du présent litige, et peu importe la façon de le qualifier, ne peut être autre chose qu’ « une sûreté réelle conférée par la loi pour garantir l’exécution d’une obligation » (Jobin, P.-G. et J.L. Baudouin, Les obligations, 6e éd., Yvon Blais, p. 816). 

 

[29]           Or, la définition que donne la LTA d’un « droit en garantie », à l’article 123, est non seulement très large mais correspond précisément à la définition que donne les auteurs Jobin et Baudouin au droit de rétention.  Cette définition se lit comme suit :

123. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à l'article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

 

    […]

droit en garantie"

 

"droit en garantie" Droit sur un bien qui garantit l'exécution d'une obligation, notamment un paiement. Sont notamment des droits en garantie les droits nés ou découlant de débentures, hypothèques, mortgages, privilèges, nantissements, sûretés, fiducies réputées ou réelles, cessions et charges, quelle qu'en soit la nature, de quelque façon ou à quelque date qu'ils soient créés, réputés exister ou prévus par ailleurs.

123. (1) In section 121, this Part and Schedules V to X,

 

 

 

[…]

"security interest"

 

"security interest" means any interest in property that secures payment or performance of an obligation, and includes an interest created by or arising out of a debenture, mortgage, hypothec, lien, pledge, charge, deemed or actual trust, assignment or encumbrance of any kind whatever, however or whenever arising, created, deemed to arise or otherwise provided for;

 

[30]           Compte tenu des termes clairs de la LTA, il ne me semble donc faire aucun doute que la tierce saisie ne peut opposer son droit allégué de retenir les sommes dues à la débitrice judiciaire à l’encontre de la saisie arrêt prononcée en faveur du sous-ministre du Revenu du Québec, agissant pour Sa Majesté du chef du Canada.  Cette conclusion peut apparaître dure dans la mesure où elle expose la tierce saisie à verser deux fois les montants dûs aux fournisseurs impayés.  Mais tel est l’effet de la loi, et il n’appartient pas à cette Cour d’y apporter des modifications.

 

[31]           Pour tous les motifs qui précèdent, la requête de la tierce saisie est rejetée, et l’ordonnance rendue par le protonotaire Me Richard Morneau le 22 juin 2009 est confirmée, le tout avec dépens en faveur du sous-ministre du Revenu du Québec.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête de la tierce saisie soit rejetée, et que l’ordonnance rendue par le protonotaire le 22 juin 2009 soit confirmée, avec dépens.

 

 

 

« Yves de Montigny »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        GST-6823-07

 

INTITULÉ :                                       Polymere Epoxy-Pro Inc., personne morale légalement constituée, dont l’adresse du siège social est le 460, boul. Roland-Godard, à Saint-Jérôme, province de Québec, J7Y 4G8

 

                                                            et

 

                                                            Frare & Gallant Ltée, personne morale légalement constituée ayant une place d’affaires au 1355, avenue Valleyfield, à Laval, province de Québec, H7C 2K5

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 31 août 2009

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS :                      le 15 septembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Pierre Bouchard

 

POUR LA DÉBITRICE JUDICIAIRE

Me Simon Turmel

 

POUR LA REQUÉRANTE-TIERCE SAISIE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VEILLETTE, LARIVIÈRE

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉBITRICE JUDICIAIRE

GREENSPOON PERREAULT s.e.n.c.r.l.

Avocats

Montréal (Québec)

POUR LA REQUÉRANTE-TIERCE SAISIE

 

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