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Federal Court

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cour fédérale


Date : 20090923

Dossier : T‑1950‑08

Référence : 2009 CF 953

Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2009

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

ENTRE :

GERRARD GORDON FINLAY

demandeur

et

 

le ministre de la sécurité publique

et de LA PROTECTION civile et

KATHY RUSH, GESTIONNAIRE DE LA

DIVISION DE L’ARBITRAGE

 

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               Les défendeurs présentent la présente requête afin que la Cour leur accorde :

1.         une ordonnance accordant au défendeur, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, un jugement sommaire qui rejette l’ensemble de la demande du demandeur avec dépens;

2.         de façon subsidiaire, une prorogation du délai pendant lequel les défendeurs doivent signifier l’affidavit de documents;

3.         une ordonnance radiant Kathy Rush en tant que défenderesse dans la présente action;

4.         toute autre réparation que la Cour estime juste.

 

[2]               Le demandeur est arrivé, le 27 mars 2008, à l’Aéroport international de Vancouver en provenance des Philippines. À son arrivée, il avait en sa possession 9 850 $US, 2 300 $ taïwanais, 3 720 pesos philippins, 4 200 bahts thaïlandais et 20 $CAN (les espèces).

 

[3]               Lorsque le taux de conversion officiel de la Banque du Canada publié dans son Bulletin quotidien des taux de change en vigueur le 27 mars 2008 fut appliqué, la valeur canadienne des espèces était de 10 044,37 $.

 

[4]               Les agents des douanes à l’aéroport ont conclu que le demandeur avait importé des espèces d’une valeur égale ou supérieure à 10 000 $CAN sans les déclarer, contrairement à l’exigence établie au paragraphe 12(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17 (la Loi).

 

[5]               Les espèces ont été saisies et remises au demandeur, en conformité avec l’article 18 de la Loi, à la suite du paiement d’une amende de 2 500 $ prévue à l’article 18 du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002‑412.

 

[6]               Le demandeur n’a pas nié qu’il a importé les espèces au Canada, mais il conteste le taux de change utilisé par les défendeurs.

 

[7]               Le demandeur a fait valoir qu’on aurait dû utiliser le taux de change des institutions financières pour convertir les espèces, plutôt que le taux de la Banque du Canada. Le demandeur a soutenu que si lesdits taux de change avaient été utilisés, la valeur des espèces n’aurait pas dépassé le montant autorisé.

 

[8]               Dans une décision datée du 21 novembre 2008, les défendeurs ont décidé ce qui suit :

[traduction]

Après avoir examiné la situation, j’ai décidé que, selon les termes de l’article 27 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, cette loi ou le Règlement ont été violés en ce qui concerne les espèces ou les effets qui ont été saisis;

 

selon les termes de l’article 29 la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, la confiscation de la somme de 2 500 $ perçue en contrepartie de la remise des espèces ou des effets saisis est confirmée.

 

 

[9]               Les questions en litige

1.         Kathy Rush est‑elle une partie appropriée à la présente action?

2.         Y a‑t‑il une véritable question litigieuse, autrement dit un jugement sommaire devrait‑il être rendu?

 

[10]           Première question

            Kathy Rush est‑elle une partie appropriée à la présente action?

            Kathy Rush est une fonctionnaire du gouvernement du Canada, elle est gestionnaire à la Division de l’arbitrage, Direction des recours, à l’Agence des services frontaliers du Canada.

 

[11]           Le paragraphe 30(1) de la Loi est libellé de la façon suivante :

30.(1) La personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l’article 27 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d’action à la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

 

[12]           Il ressort clairement de ce paragraphe que le défendeur approprié dans la présente action est le ministre. Par conséquent, je suis d’avis que Kathy Rush n’est pas une défenderesse appropriée dans l’action et que son nom doit être enlevé ou biffé en tant que défenderesse.

 

[13]           Deuxième question

            Y a-t-il une véritable question litigieuse, autrement dit un jugement sommaire devrait‑il être rendu?

            Les dispositions pertinentes (paragraphes 12(1) et 12(3) de la Loi et articles 2 et 3 et paragraphe 4(1) du Règlement) exigent que chaque personne qui importe des espèces d’une valeur égale ou supérieure à 10 000 $ doit déclarer une telle importation à l’agent des douanes.

 

[14]           Dans la présente affaire, l’agent a eu des motifs raisonnables de croire que le paragraphe 12(1) de la Loi avait été violé lorsque le demandeur n’a pas déclaré les espèces. L’agent n’a pas cru qu’il y avait des motifs raisonnables de soupçonner que les espèces étaient des produits de la criminalité ou du financement des activités terroristes. Par conséquent, l’agent a remis les espèces après avoir reçu le paiement de l’amende de 2 500 $.

 

[15]           Les paragraphes 213(2) et 216(3) des Règles des Cours fédérales s’appliquent à la présente requête de jugement sommaire :

213.(2) Le défendeur peut, après avoir signifié et déposé sa défense et avant que l’heure, la date et le lieu de l’instruction soient fixés, présenter une requête pour obtenir un jugement sommaire rejetant tout ou partie de la réclamation contenue dans la déclaration.

 

216.(3) Lorsque, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu’il existe une véritable question litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d’une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l’ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.

 

[16]           Au paragraphe 8 de Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853 (1re inst.), la juge Tremblay‑Lamer a résumé les principes généraux de la jurisprudence relative aux jugements sommaires de la façon suivante :

1.         ces dispositions ont pour but d’autoriser la Cour à se prononcer par voie sommaire sur les affaires qu’elle n’estime pas nécessaire d’instruire parce qu’elles ne soulèvent aucune question sérieuse à instruire (Old Fish Market Restaurants Ltd. c. 1000357 Ontario Inc. et al.);

 

2.         il n’existe pas de critère absolu (Feoso Oil Ltd. c. Sarla (Le)), mais le juge Stone, J.C.A. semble avoir fait siens les motifs prononcés par le juge Henry dans le jugement Pizza Pizza Ltd. c. Gillespie. Il ne s’agit pas de savoir si une partie a des chances d’obtenir gain de cause au procès, mais plutôt de déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès;

 

3.         chaque affaire devrait être interprétée dans le contexte qui est le sien (Blyth et Feoso);

 

4.         les règles de pratique provinciales (spécialement la Règle 20 des Règles de procédure civile de l’Ontario [R.R.O. 1990, Règl. 194]) peuvent faciliter l’interprétation (Feoso et Collie);

 

5.         saisie d’une requête en jugement sommaire, notre Cour peut trancher des questions de fait et des questions de droit si les éléments portés à sa connaissance lui permettent de le faire (ce principe est plus large que celui qui est posé à la Règle 20 des Règles de procédure civile de l’Ontario) (Patrick);

 

6.         le tribunal ne peut pas rendre le jugement sommaire demandé si l’ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires pour lui permettre de trancher les questions de fait ou s’il estime injuste de trancher ces questions dans le cadre de la requête en jugement sommaire (Pallman et Sears);

 

7.         lorsqu’une question sérieuse est soulevée au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l’affaire, parce que les parties devraient être contre-interrogées devant le juge du procès (Forde et Sears). L’existence d’une apparente contradiction de preuves n’empêche pas en soi le tribunal de prononcer un jugement sommaire; le tribunal doit « se pencher de près » sur le fond de l’affaire et décider s’il y a des questions de crédibilité à trancher (Stokes).

 

[17]           Comme il a été déclaré à l’audience de la présente requête, une seule question avait été soulevée dans le présent appel. La question était énoncée par les défendeurs aux paragraphes 28 à 32 du mémoire des faits et du droit des défendeurs :

[traduction]

28.       Le seul motif pour lequel le demandeur conteste la conclusion selon laquelle il a contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi le 27 mars 2008 a toujours été que, si les taux de change utilisés avaient été autres que ceux employés par les agents des douanes, la valeur exprimée en dollars canadiens des espèces n’aurait pas atteint le seuil annoncé de 10 000 $.

 

Voir les lettres datées du 29 mars 2008, du 31 juillet 2008 et du 21 août 2008; pièces « C », « E » et « F » de l’affidavit de Rush / RGM, aux pages 11 à 13, 17 à 24 et 25 à 27.

 

29.       La seule question en litige dans la présente action est donc de savoir quels taux de change auraient dû être utilisés pour déterminer la valeur du dollar canadien des espèces. Si les taux sur lesquels le ministre s’est fondé sont utilisés, alors les espèces dépassent le montant prescrit et la contravention au paragraphe 12(1) de la Loi s’est nécessairement produite. Si les taux allégués par le demandeur sont utilisés, alors les espèces n’ont pas excédé le montant prescrit et la présente action doit être accueillie.

 

30.       La question de savoir quels taux de change devraient être utilisés pour déterminer la valeur exprimée en dollars canadiens des espèces n’est pas une question véritable qui requiert une décision dans le cadre d’une action. Il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire quant aux taux qui sont utilisés pour déterminer la valeur des espèces aux fins de la Loi. Le Règlement est clair – la valeur exprimée en dollars canadiens est déterminée lorsqu’on se base sur :

 

[…] le taux de conversion officiel de la Banque du Canada publié dans son Bulletin quotidien des taux de change en vigueur à la date de l’importation ou de l’exportation […].

 

            Règlement, alinéa 2(1)a)

 

31.       Les taux de conversion officiels de la Banque du Canada publiés dans son Bulletin quotidien des taux de change en vigueur le 27 mars 2008 sont déposés en preuve dans la présente requête. Il n’y a pas de véritable question quant à savoir si ces taux auraient dû être appliqués pour déterminer la valeur exprimée en dollars canadiens des espèces puisque le Règlement est clair.

 

Le Bulletin quotidien des taux de change de la Banque du Canada au 27 mars 2008, pièce « J » de l’affidavit Rush / RGM, à la page 34.

 

32.       L’application des taux de la Banque du Canada aux espèces (voir le paragraphe 6 ci­dessus) établit sans conteste que les espèces avaient une valeur exprimée en dollars canadiens de plus de 10 000 $. Il n’y a tout simplement pas de véritable question litigieuse quant aux taux qui auraient dû être appliqués et quant à savoir si la valeur exprimée en dollars canadiens des espèces dépassait le seuil rapporté.

 

 

[18]           Il n’y a pas de question relative à la crédibilité dans la présente affaire.

 

[19]           Le demandeur s’est fondé sur différents taux de change pour convertir ses devises et, par l’utilisation de ces taux, il était en­dessous du montant de 10 000 $. Toutefois, le paragraphe 2(1) et l’alinéa 2(2)a) du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets est libellé de la façon suivante :

2.(1) Pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi, les espèces ou effets dont l’importation ou l’exportation doit être déclarée doivent avoir une valeur égale ou supérieure à 10 000 $.

 

(2) La valeur de 10 000 $ est exprimée en dollars canadiens ou en son équivalent en devises selon :

 

a) le taux de conversion officiel de la Banque du Canada publié dans son Bulletin quotidien des taux de change en vigueur à la date de l’importation ou de l’exportation;

 

 

[20]           De plus, la question de savoir si le demandeur savait que la valeur des espèces était égale ou dépassait le montant prescrit n’est pas pertinente. Dans Zeid c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 CF 539, au paragraphe 53, le juge de Montigny a déclaré ce qui suit :

Il ressort à l’évidence de cette jurisprudence que l’intention subjective du passager qui a omis de faire une déclaration n’est pas un facteur pertinent. Il est de jurisprudence constante que la preuve de cette intention n’est pas nécessaire étant donné qu’il s’agit d’un système de déclaration volontaire et que ceux qui omettent de faire cette déclaration sont assujettis à une responsabilité absolue.

 

[21]           Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’y a pas de question litigieuse dans la présente action et qu’une ordonnance doit être rendue accordant au défendeur, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, un jugement sommaire qui rejette la demande du demandeur (appel). Il n’y aura pas d’ordonnance quant aux dépens.


 

ORDONNANCE

 

[22]           LA COUR ORDONNE :

1.         Kathy Rush n’est pas une défenderesse appropriée dans la présente action et son nom est enlevé ou biffé en tant que défenderesse.

2.         Un jugement sommaire est accordé au défendeur, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, rejetant la demande du demandeur (appel) dans la présente action.

3.         Il n’y a pas d’ordonnance quant aux dépens.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                               T‑1950‑08

 

INTITULÉ :                                             GERRARD GORDON FINLAY

                                                                  c.

                                                                  LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET         DE LA PROTECTION CIVILE et

                                                                  KATHY RUSH, GESTIONNAIRE DE LA

                                                                  DIVISION DE L’ARBITRAGE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Vancouver (CoLOMBIE‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     le 23 mars 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             le juge O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                            le 23 septembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Gerrard Gordon Finlay

 

LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Liliane Bantourakis

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gerrard Gordon Finlay

Vancouver (Colombie‑Britannique)

LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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