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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court

Date : 20090902

Dossier : IMM-5246-08

Référence : 2009 CF 867

Ottawa (Ontario), le 2 septembre 2009

En présence de l’honorable Frederick E. Gibson

 

ENTRE :

MICHAEL ADE THOMPSON

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET

DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

[1]               Les présents motifs de l’ordonnance et l’ordonnance font suite à l’audience tenue le 26 août 2009 à Toronto qui porte sur une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 26 septembre 2008 qui rejetait la demande d’établissement présentée au Canada par le demandeur pour des motifs humanitaires.

Contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen du Nigéria né le 17 décembre 1957. Il est venu au Canada le 14 décembre 2003 et a demandé le statut de réfugié au sens de la Convention. Cette demande a été rejetée le 29 juin 2005. Il a présenté sa présente demande d’établissement au Canada le 10 janvier 2007, et a demandé un examen des risques avant renvoi le 30 mai 2007. Les deux demandes ont été présentées en anglais, puisqu’il s’agit de la seule langue officielle que le demandeur est capable de parler, de lire et d’écrire.

 

[3]               La demande d’établissement au Canada fondée sur des motifs humanitaires (la demande CH) et la demande d’examen des risques avant renvoi ont été examinées et ont fait l’objet d’une décision défavorable au demandeur à Montréal, par un agent qui a versé ses notes au dossier ainsi que les motifs de sa décision en français. Les décisions et les notes au dossier ont été renvoyées au bureau où les demandes avaient été présentées, lequel était situé dans un endroit plus près de la résidence du demandeur.

 

[4]               Le demandeur a été convoqué le 24 novembre 2008 au Centre d'exécution de la loi du Toronto métropolitain pour prendre connaissance des décisions concernant son examen des risques avant renvoi et sa demande CH. Les avis de décision ont été fournis au demandeur en anglais. Les notes au dossier au sujet de son examen des risques avant renvoi, initialement écrites en français, ont été fournies au demandeur au moyen d’une version traduite en anglais. Les notes au dossier en ce qui concerne la demande CH n’étaient disponibles que dans la version française originale. Le demandeur a exigé que ces notes soient traduites, et qu’une version anglaise lui soit fournie. Cette version des notes contenues au dossier portant sur la demande CH n’a été fournie au demandeur qu’au début de février 2009. Donc, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision portant sur les motifs humanitaires présentée par le demandeur, ainsi que le dossier du demandeur à l’appui de cette dernière demande ont été rédigés et présentés sans que le demandeur et son avocat n’aient eu accès à une version anglaise, préparée aux frais du défendeur, et des notes au dossier, lesquelles constituaient les motifs de la décision défavorable portant sur les motifs humanitaires.   

La question

[5]               Dans le mémoire des arguments du demandeur, celui-ci souligne que les défendeurs ont violé son droit, garanti par la Constitution, d’être entendu et de recevoir des communications dans la langue officielle de son choix, soit l’anglais, et qu’il a été privé de l’équité procédurale parce que l’on ne lui a pas accordé le droit minime de pouvoir bénéficier d’une version traduite des notes de l’agent [traduction] « […] au moment où on lui a transmis la décision », et qu’il a été privé de son droit à la justice naturelle et fondamentale vu qu’il n’a pas été en mesure de préparer et de poursuivre sa demande de contrôle judiciaire de la décision contestée dans la langue officielle qu’il comprend et dans laquelle il pourrait donner ses instructions à son avocat.  

 

[6]               De plus, le demandeur, sans préciser davantage, a prétendu que le décideur [traduction] « […] a négligé des éléments de preuve pertinents dans sa décision ».

 

[7]               L’avocat n’a pas donné suite à la question des éléments de preuve négligés devant la Cour. La seule question qui était donc soumise à la Cour était celle de la privation du droit garanti au demandeur par la Charte canadienne des droits et libertés qu’une institution de l’État communique avec lui dans la langue de son choix, ainsi que les droits liés à l’équité procédurale et à la justice naturelle et fondamentale.

 

 

Analyse

[8]               Les paragraphes 19(1) et 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés établissent le droit être entendu et d’être jugé dans l’une ou l’autre des langues officielles devant les tribunaux crées par le Parlement, comme la Cour. Ils accordent aussi les droits à la population canadienne, lorsqu’elle a des rapports avec les institutions de l’État canadien, de pouvoir les tenir, dans une certaine limite, dans la langue officielle de son choix et de recevoir des communications dans la langue de son choix. En ce qui concerne les institutions gouvernementales, les dispositions sont silencieuses quant au délai dans lequel la communication dans la langue officielle du choix de la personne doit être fournie. Donc, je considère comme étant implicite que les institutions gouvernementales, lorsque les dispositions s’appliquent, doivent fournir les communications dans un délai « raisonnable » à partir du moment où le droit de recevoir les communications dans une langue officielle précise est invoqué, ou, en d’autres termes, dans un délai qui ne causera aucun préjudice à l’individu sollicitant la communication dans une langue précise.

 

[9]               Compte tenu des faits de la présente affaire, le délai de communication des notes au dossier concernant la décision faisant l’objet du contrôle en l’espèce était peut-être anormalement long, mais je conclus que celui-ci n’a causé aucun préjudice au demandeur. 

 

[10]           En l’espèce, le demandeur a présenté sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en temps opportun. Bien que celle-ci emploie une terminologie générique, elle identifie avec précision la décision dont le contrôle est sollicité, la réparation recherchée, ainsi que le motif pour lequel la réparation est demandée. Elle n’a pas été contestée par les défendeurs, et elle suffit entièrement à la Cour pour instruire la présente affaire.

 

 

[11]           Dans la même veine, le dossier de demande du demandeur a été produit en temps opportun. Il inclut les notes versées par le décideur au dossier, quoique dans la seule version qui était alors disponible au demandeur, soit la version française. De toute évidence, la Cour et les défendeurs ont été en mesure de se fonder sur cette version, soit la version originale, des notes au dossier. Le dossier de la demande n’inclut pas l’affidavit du demandeur, mais plutôt celui d’une adjointe administrative du bureau où travaille l’avocat du demandeur. Cette lacune n’a aucun lien avec une absence, lors de la production du dossier, d’une version en langue anglaise des notes de l’agent au dossier.

 

[12]           Le « mémoire des arguments du demandeur » était peu détaillé, mais était suffisant dans ce cas-ci pour permettre à un juge de la Cour d’accorder l’autorisation de contrôle judiciaire pour faire instruire la présente demande.

 

[13]           Finalement, une traduction vers l’anglais des notes au dossier de l’agent à l’appui de la décision faisant l’objet du contrôle a été fournie au demandeur bien avant que ne soit entendue la demande.

 

[14]           Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le demandeur n’a pas subi quelque préjudice que ce soit dans la poursuite de la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire en raison du retard à lui fournir une version anglaise des notes au dossier rédigées par l’agent dont la décision fait l’objet du contrôle judiciaire en l’espèce. Par conséquent, selon la norme de contrôle de la décision correcte, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.   

 

 

 

 

Certification d’une question

[15]           À la clôture de l’audience portant sur la présente demande, les avocats ont été avisés que la demande serait rejetée, et il leur a aussi été sommairement fait part des motifs de rejet de la demande. L’avocat du demandeur a proposé que la question suivante soit certifiée :

[traduction]

Les droits du demandeur prévus à la constitution sont-ils violés lorsqu’il demande un statut d’immigrant dans la langue officielle qu’il écrit, parle, lit, comprend et préfère, et qu’il reçoit une communication de la part de l’État dans l’autre langue officielle, qu’il n’écrit pas, ne parle pas, ne lit pas, ne comprends pas ou ne préfère pas, contrairement au paragraphe 19(1) et au sous‑alinéa 20(1)b)(2) de la Charte des droits et libertés?

 

 

L’avocat des défendeurs s’est prononcé contre la certification de la question proposée, ou contre toute autre question. Je suis d’accord avec la position de celui-ci. Compte tenu des faits de l’affaire, la question proposée ne se pose tout simplement pas. De plus, la présente demande de contrôle judiciaire est tranchée en fonction des faits qui y sont propres, et ne soulève par conséquent pas une question grave de portée générale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

                                                                                               

                                                                                                            « Frederick E. Gibson »

Juge suppléant

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5246-08            

 

 

INTITULÉ :                                       MICHAEL ADE THOMPSON c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                                                               

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 26 août 2009

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge suppléant Gibson

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             Le 2 septembre 2009  

 

 

COMPARUTIONS :

 

Munyonzwe Hamalengwa                                                         POUR LE DEMANDEUR

 

John Provart                                                                              POUR LES DÉFENDEURS

                                                                                                           

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Munyonzwe Hamalengwa

Avocat

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

John H. Sims, c.r.                                                                    

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LES DÉFENDEURS

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