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Date :  20090928

Dossier :  IMM-4089-08

Référence :  2009 CF 972

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2009

En présence de l'honorable Louis S. Tannenbaum

 

ENTRE :

JOSE LUIS VELOZ LOPEZ

LILIANA GUILLEN DOMINGUEZ

ALDAHIR VELOZ GUILLEN

JOSE LUIS VELOZ GUILLEN

ANA JAILINE VELOZ GUILLEN

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Je suis saisi d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (le Tribunal), rendue le 2 septembre 2008, selon laquelle les demandeurs, un couple et leurs trois enfants, citoyens mexicains, ne sont ni des « réfugiés au sens de la Convention » ni des « personnes à protéger » et qu’il existe pour eux une possibilité de refuge intérieur (« PRI »).

 

 

[2]               Les questions en litige sont les suivantes :

 

·        Le Tribunal a-t-il erré en n’analysant pas le meilleur intérêt des enfants quant à la question de la relocalisation au Mexique?

 

·        Le Tribunal a-t-il erré en décidant que les demandeurs avaient une PRI dont ils auraient pu se prévaloir au lieu de chercher l'asile au Canada?

 

[3]               En vertu de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, les décisions des tribunaux administratifs sont révisables selon la norme de la décision raisonnable lorsqu’il s’agit de questions de faits. Les questions d’équité procédurale sont révisables selon la norme de la décision correcte.

 

[4]               Jose Luis Veloz Lopez (le demandeur principal) allègue dans son formulaire de renseignements personnels (« FRP ») avoir été responsable, depuis 2004, de quatre taxis pour une entreprise à Coatzacoalcos, Mexique. Ses responsabilités comprenaient la résolution de problèmes des pannes mécaniques, les dépenses générales pour les voitures, le paiement des locataires du permis, l’embauche des chauffeurs et la réception des comptes. Le propriétaire, monsieur Ricardo Lopez, travaillait dans une plateforme pétrolière un mois à la fois, après lequel il revenait chez lui pour se reposer pendant une quinzaine de jours et, selon le demandeur principal, n’avait pas le temps de gérer son entreprise. Le demandeur principal allègue que monsieur Lopez « avait pleine confiance en moi … ».

 

[5]               Le demandeur principal allègue que le 20 novembre 2005 il a trouvé un paquet de cocaïne dans le taxi 1197 assigné à deux chauffeurs qui s’appelaient Juan et Ricardo. Il a avisé monsieur Lopez qui a subitement congédié Juan et Ricardo.

 

[6]               Le demandeur principal prétend que, quelques jours plus tard, Juan et Ricardo lui ont fait une offre de dix mille pesos par semaine s’il leur prêtait une voiture pendant quatre jours chaque semaine afin qu’ils puissent faire passer la drogue sans problème. Le demandeur principal allègue que lorsqu’il a refusé cette offre, ils l’ont menacé de façon plus ou moins continuelle durant le mois suivant. Finalement, le 24 décembre 2005, ils l’ont menacé dans un stationnement avec un pistolet. Il a couru vers sa voiture pour s’enfuir et a trouvé la radio volée et les sièges cassés. Il allègue qu’il est allé porter plainte devant les autorités mais qu’ils ne l’ont pas aidé puisqu’il n’avait pas de preuve des menaces. Durant l’audience devant le Tribunal, il a témoigné que la preuve relative à l’état de sa voiture n’était pas suffisante; que le ministère public exigeait qu’il soit blessé ou battu.

 

[7]               Le demandeur principal allègue que ce soir-là on l’a appelé sur son téléphone cellulaire pour lui dire que, s’il portait plainte, ses enfants et sa femme seraient morts. Il a averti son épouse,  qui est allée chez sa mère dans la ville d’Acayucan pour le mois de janvier avec leurs enfants, alors que le demandeur principal a quitté son emploi et est déménagé dans la ville de Villahermosa. Il prétend que Juan et Ricardo sont allés le chercher à Villahermosa. Ils n’ont pas réussi à le retrouver mais il a décidé de demander son passeport, qu’il a obtenu le 22 février 2006.

 

[8]               Liliana Guillen Dominguez (la demanderesse adulte), qui est l’épouse du demandeur principal, allègue dans son FRP qu’elle a vécu un enfer au mois de janvier 2006 chez sa mère puisque les agresseurs de son mari l’ont retrouvée et les ont menacer de mort, elle et sa famille. Durant le mois de février, elle a décidé de retourner à Coatzacoalcos afin de vendre tous ses biens et de déménager dans une autre ville.

 

[9]               Le demandeur principal est retourné à Coatzacoalcos, après le 22 février 2006, pour dire à sa femme qu’il quittait le pays. Rendu là, il prétend avoir été attaqué et que son père l’aurait sauvé. Le 7 mars 2006, il a quitté Coatzacoalcos pour arriver le lendemain au Canada où il a immédiatement revendiqué le statut de réfugié.

 

[10]           Au début de mars 2006, la demanderesse adulte s’est rendue à Villahermosa, avec ses enfants, où ils sont restés pendant plusieurs mois avec une amie, sans problème. Durant l’audience devant le Tribunal, elle a témoigné que les choses allaient si bien qu’elle pensait ne plus avoir de problèmes (Dossier du Tribunal, p. 326).

 

[11]           La demanderesse adulte allègue qu’elle est retournée à Coatzacoalcos le 16 juin 2006 pour obtenir un certificat d’inscription à l’école de sa fille. Durant son témoignage, elle a expliqué que ceci était nécessaire afin de pouvoir l’inscrire dans une nouvelle école à Villahermosa. Elle a été attaquée par deux hommes qui ont menacé de la violer si elle ne leur disait pas où se trouvait son mari. Deux passants l’ont sauvée et elle est allée à la police le jour même pour faire une déclaration de l’incident. Dans sa déclaration, elle ne nomme pas les individus qui l’ont attaquée, mais elle indique que ce sont les mêmes personnes qui la menacent au téléphone depuis le départ de son mari en décembre 2005 (Dossier du Tribunal, p. 221).

 

[12]           La demanderesse adulte admet dans son FRP qu’elle a paniqué et elle a décidé de devancer son voyage pour fuir définitivement les criminels. Ses enfants et elle sont venus au Canada le 16 juillet 2006 et ils ont fait leur demande de refuge à l’aéroport à Montréal.

 

[13]           La demanderesse adulte allègue de plus que, le 30 juillet 2006, sa mère a dû présenter une dénonciation à la police puisqu’elle a été suivie et menacée. Elle prétend que sa mère a dû retourner à Acayucan à cause de cette situation.

 

[14]           La décision du Tribunal indique que la question déterminante est la possibilité de refuge intérieur (para. 15). Le Tribunal conclut que les demandeurs n’ont pas établi, selon la prépondérance des probabilités que, s’ils devaient retourner vivre au Mexique, ils seraient exposés partout au pays à une possibilité sérieuse de persécution ou à un risque, plus probable que le contraire, de menaces à leurs vies de la part des deux personnes en question, soit Juan et Ricardo. De plus, le Tribunal conclut qu’à part leur crainte subjective liée à l’existence partout au Mexique du trafic de la drogue, les demandeurs n’ont présenté aucune preuve indiquant qu’il existait des obstacles qui les empêchaient de s’établir ailleurs au Mexique, soit par exemple à Monterrey ou à Merida (Dossier du Tribunal, p. 9).

 

Le Tribunal a-t-il erré en n’analysant pas le meilleur intérêt des enfants quant à la question de la relocalisation au Mexique?

 

[15]           Les demandeurs prétendent que le Tribunal a erré en n’appliquant pas l’article 159(1)h) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la « Loi ») qui indique :

 

159. (1) Le président est le premier dirigeant de la Commission ainsi que membre d’office des quatre sections; à ce titre :

 

 

[…]

 

h) après consultation des vice-présidents et du directeur général de la Section de l’immigration et en vue d’aider les commissaires dans l’exécution de leurs fonctions, il donne des directives écrites aux commissaires et précise les décisions de la Commission qui serviront de guide jurisprudentiel;

 

159. (1) The Chairperson is, by virtue of holding that office, a member of each Division of the Board and is the chief executive officer of the Board. In that capacity, the Chairperson

 

[…]

 

(h) may issue guidelines in writing to members of the Board and identify decisions of the Board as jurisprudential guides, after consulting with the Deputy Chairpersons and the Director General of the Immigration Division, to assist members in carrying out their duties;

 

 

 

Les directives qui, selon les demandeurs, auraient dû être suivies sont les Directives données par la présidente en application du paragraphe 65(3) de la Loi sur l’immigration (les « Directives »). Ils soumettent que les Directives indiquent que la Section du statut de réfugié (SSR) doit d’abord tenir compte du meilleur intérêt de l’enfant en déterminant la procédure à suivre pour l’examen de la revendication du statut de réfugié d’un enfant.

 

[16]           Les demandeurs soumettent que le Tribunal n’analyse nulle part, ni lors de l’audience ni lors des décisions rendues, le meilleur intérêt des enfants. Au soutien de ces prétentions, ils plaident la décision du juge Shore dans Nahimana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 161. Ils prétendent qu’il ne serait pas du meilleur intérêt des enfants d’aller vivre dans d’autres villes ailleurs au Mexique, étant donné qu’ils ont déjà été trouvés dans une ville qui est à plus de 10 heures de voyage en voiture de la ville de Mexico, et que le Tribunal n’a pas pris ce fait en considération au moment de rendre sa décision.

 

[17]           Le défendeur soumet que le Tribunal n’a pas commis une erreur révisable en ne faisant pas référence aux Directives. Il soumet qu’il est dans le meilleur intérêt de l’enfant que chaque enfant qui revendique le statut de réfugié soit dûment représenté. Dans le cas présent, les trois mineurs ont été accompagnés par leur mère qui a été désignée représentante par le Tribunal. Même si le Tribunal ne mentionne pas les Directives, le défendeur soutient qu’il s’est conformé à celles-ci ainsi qu’aux prescriptions de la Loi.

 

[18]           Le défendeur soumet que la décision Nahimana, précitée, se distingue du cas présent puisqu’elle concernait deux mineurs « non accompagnés » qui revendiquaient l’asile au Canada, et non pas des mineurs accompagnés par leurs parents comme en l’espèce.

 

[19]           Les Directives qui sont entrées en vigueur le 30 septembre 1996 indiquent que :

 

La Loi sur l'immigration ne prévoit pas de règles de procédure ni de critères particuliers applicables aux revendications présentées par des enfants, sauf pour ce qui est de la désignation d'un représentant aux fins des procédures devant la SSR. […] (Je souligne.)

 

[…]

 

La Loi sur l'immigration exige la désignation d'un représentant dans tous les cas où un enfant revendique le statut de réfugié. Si l'enfant est accompagné de ses parents, l'un d'eux est généralement désigné à cette fin. (Notes omises.)

 

[20]           Tel qu’indiqué par le défendeur, le fait que ces Directives ne soient pas mentionnées spécifiquement dans la décision n’a pas d’incidence fatale (Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1066, aux paras. 12 à 15). Il est clair que le Tribunal a suivi les Directives et la Loi en nommant la demanderesse comme représentante des enfants au début de l’audience.

 

[21]           Je n’accepte pas la soumission des demandeurs à l’égard du meilleur intérêt des enfants et leur relocalisation à une autre ville du Mexique, ou leur prétention que le Tribunal n’a pas considéré cette question au moment de rendre sa décision. Le procès verbal indique tout à fait le contraire :

 

Q. : Pendant que vous étiez à Villahermosa, Madame, est-ce que vous avez eu des problèmes à cause des deux personnes qui ont déjà agressé votre mari?

 

R. : Non. Et c’est la raison pour laquelle je pensais qu’il n’y aurait plus ce problème. C’est pour cette raison-là que j’ai dû aller à Coasa Coalcos [sic] pour avoir les bulletins pour que je puisse inscrire mes enfants pour qu’ils se trouvent les écoles en bonne et due forme.

 

 

 

[22]           Je trouve que le Tribunal s’est acquitté de son obligation de considérer le meilleur intérêt des enfants dans le cadre des Directives et de la Loi.

 

Le Tribunal a-t-il erré en décidant que les demandeurs avaient une PRI dont ils auraient pu se prévaloir au lieu de chercher l'asile au Canada?

 

[23]           Les demandeurs allèguent qu’il n’était pas raisonnable pour le Tribunal de punir le demandeur principal car il ne connaissait pas le nom de famille des deux agresseurs. Ils prétendent que la famille a essayé de se relocaliser dans le territoire mexicain sans succès. De plus, ils soumettent que, d’après la preuve présentée au Tribunal, ce ne serait pas difficile pour quelqu’un de les retrouver au Mexique en obtenant des listes d’électeurs à l’aide de la carte d’électeur. 

 

[24]           Le défendeur soumet que le Tribunal n’a pas commis une erreur révisable lorsqu’il a conclu que les demandeurs pouvaient se prévaloir d’une PRI à Monterrey ou à Merida. Il soumet qu’il était loisible au Tribunal de tirer une inférence négative quant à la crédibilité du demandeur principal; que mis à part l’allégation générale voulant qu’aucune ville ne soit sécuritaire au Mexique, les demandeurs n’ont invoqué aucun autre facteur pour justifier l’impossibilité de se relocaliser ailleurs au Mexique; et finalement, qu’il est évident à la lecture des motifs du Tribunal que celui-ci a considéré l’ensemble de la preuve présentée.

 

[25]           Dans l’arrêt Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706, la Cour d’appel a énoncé que pour en arriver à la conclusion que la possibilité d’une PRI existe vraiment, le Tribunal doit premièrement être convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté dans la partie du pays où, selon lui, il existe une possibilité de refuge et, deuxièmement, la situation dans cette partie du pays doit être telle qu'il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur, compte tenu de toutes les circonstances, de s'y réfugier.

 

[26]           Les demandeurs soumettent que la crédibilité n’est pas un point en litige mais il est évident, d’après la lecture de la décision contestée, que la question de crédibilité a joué un rôle dans sa conclusion. L'évaluation de la crédibilité d'un demandeur constitue l'essentiel de la compétence du Tribunal. La Cour a statué que le Tribunal a une expertise bien établie pour statuer sur des questions de fait, et plus particulièrement pour évaluer la crédibilité d'un demandeur (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993) 160 N.R. 315).

 

[27]           Le demandeur principal a écrit dans son FRP qu’il avait la responsabilité d’engager les chauffeurs de taxi et que Juan et Ricardo étaient des chauffeurs; qu’il payait les taxes et les locataires des permis; que son patron n’avait pas le temps de gérer son entreprise et qu’il lui faisait confiance. De plus, c’est lui qui a trouvé la cocaïne et qui a rapporté l’incident à son patron.  Au paragraphe 16 de la décision, le Tribunal a écrit :

 

[…] Le Tribunal conclut que l’omission par le demandeur principal de fournir un document pouvant corroborer que, dans le cadre de son travail, il a trouvé de la drogue dans une voiture utilisée par 2 personnes qui travaillaient depuis 6 mois pour son patron, est importante et conclut que cette omission porte atteinte à sa crédibilité.

 

[28]           La conclusion du Tribunal n’est pas une punition. Considérant que Juan et Ricardo et la cocaïne retrouvée dans leur taxi étaient le catalyseur pour tous les événements qui selon les demandeurs les ont menés au Canada, la conclusion du Tribunal n’est pas déraisonnable. À cet égard, les commentaires de la juge Hansen dans la décision Muthiyansa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 17 sont pertinents:

 

13     J'estime toutefois que ce n'est pas l'absence en soi de documents corroborant ses dires qui est à l'origine des doutes du tribunal. C'est plutôt que la demanderesse a été incapable de convaincre le tribunal de la raison pour laquelle, après avoir passé dix mois au Canada, elle n'avait fait aucun effort pour récupérer son certificat de mariage et les actes de naissance de ses enfants qui se trouvaient au Sri Lanka, d'autant plus que son histoire était reliée à son conjoint. Si la SSR n'a pas cru son histoire, ce n'est pas à cause de l'absence des documents, mais de l'absence d'efforts pour les récupérer. Par conséquent, je ne puis conclure que la SSR a commis une erreur en tirant sa conclusion sur ce point concernant la crédibilité.

 

[29]           Les demandeurs avaient le fardeau de démontrer qu'ils ne pouvaient bénéficier d'aucune possibilité de refuge interne dans une autre partie du Mexique (Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 164). Tel que décrit au paragraphe 20 de ces motifs, la demanderesse adulte a témoigné qu’elle n’a pas reçu de menaces et n’a pas eu de problèmes pendant les 6 mois au cours desquels elle et ses enfants étaient chez son amie à Villahermosa. Son témoignage révèle plus :

 

Q. : […] Alors avant de venir au Canada, Madame, avez-vous songé [sic] aller vous établir dans une autre partie de votre pays?

 

R. : Oui. J’ai pensé à m’établir à Villahermosa et j’étais déjà en train de l’atteindre, et alors voilà, quand je vais chercher les certificats d’école de mes enfants, alors j’ai vécu ce que j’ai mis dans la dénonciation.

 

Q. : Mais à Villahermosa même […] – à Villahermosa même vous n’avez jamais eu de problème avec eux.

 

R. : Non. Non.

 

Q. : Alors continuez, je vous écoute.

 

R. : J’ai pris la décision après avoir vécu ce que j’ai vécu le 16 juin.

 

Q. : Vous avez pris la décision de quoi?

 

R. : De ne pas me balader plus d’un endroit à un autre et d’être avec mon époux pour qu’il nous protège.

 

 

[30]           Il est évident que la demanderesse adulte et ses enfants ont pu se relocaliser avec succès au Mexique. De plus, le demandeur principal a témoigné qu’avant de venir s’établir au Canada, il n’a pas considéré aller s’établir dans une autre région du Mexique :

 

Q. : […] Est-ce que, avant de venir vous établir au  - avant de venir au Canada vous avez songé à aller vous établir dans une autre région du Mexique, par exemple à Monterrey ou à Merida?

 

R. : Non.

 

Q. : Et pourquoi pas?

 

R. : Parce que ce sont des villes dans lesquelles il n’y a pas la sécurité non plus.

 

Q. : D’autres raisons?

 

R. : Tout simplement pour notre sécurité.

 

Q. : Quand vous dites « tout simplement pour notre sécurité », parce que vous craignez – parce que dans ces autres villes il n’y a pas de sécurité non plus, c’est ce que vous dites?

 

R. : C’est bien ça.

 

Q. : À part cette crainte là qu’il n’y avait pas de sécurité dans ces autres villes, est-ce qu’il y avait d’autres facteurs qui vous empêchaient d’aller vous établir dans l’une ou l’autre de ces deux villes, Monterrey et Merida?

 

R. : Non.

 

[31]           Dans son affidavit à l’appui de la présente demande, le demandeur principal dit que Juan et Ricardo avaient la protection d’un certain monsieur Arredondo, un consommateur de cocaïne, qui était auparavant recteur d’université et qui assume maintenant un poste important au sein du Ministère de l’Éducation de l’État de Veracruz. Cette information n’était pas dans son FRP et quand le Tribunal lui a demandé pourquoi, le demandeur principal a répondu qu’il l’avait oublié. Voilà ce que le Tribunal a écrit à cet effet :

 

Le Tribunal juge que cette explication n’est pas raisonnable, étant entendu que cette information est cruciale et ne peut être assimilée à un détail. Le Tribunal conclut que cette omission porte atteinte à la crédibilité du demandeur principal quant à savoir si les 2 personnes qui le menaçaient au Mexique étaient liées et protégées par M. Arredondo.

 

La perception, par un tribunal, qu'un revendicateur n'est pas crédible sur un point important de sa revendication peut équivaloir à la conclusion qu'il n'y a pas de preuve crédible qui pourrait supporter la revendication (Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.F.) et Chavez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 962, au para. 7).

 

[32]           Le fait que la preuve documentaire ne soit pas mentionnée dans les motifs du Tribunal ne rend pas une décision viciée (Perrier c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 35). Cela dit, au paragraphe 21 de sa décision, le Tribunal remarque :

 

[…] Après avoir analysé leurs témoignages et l’ensemble des documents déposés par les demandeurs devant la Section de la protection des réfugiés (SPR), le Tribunal juge qu’en fait, les demandeurs n’ont pas établi l’identité des 2 personnes qui les menacent, ni l’influence qu’ils peuvent avoir aujourd’hui sur l’ensemble du territoire mexicain, ni les activités qu’ils mènent, ni, même à supposer que ces activités soient celles alléguées par les demandeurs, si celles-ci débordent le territoire de l’État de Veracruz où ils vivaient. […]

 

Considérant, de plus, ses conclusions par rapport à la crédibilité du demandeur principal, il n’était pas déraisonnable pour le Tribunal d’accorder peu de poids à la preuve présentée au sujet des cartes d’électeur.

 

[33]           Lors de l’audition devant le soussigné, le 7 juillet 2009, les demandeurs ont demandé la permission de produire un mémoire supplémentaire amendé afin d’introduire certains nouveaux arguments. Le défendeur s’est objecté et l’objection fut prise en délibéré. Le soussigné est d’avis que les demandeurs n’ont pas démontré des circonstances exceptionnelles afin de permettre un tel amendement. L’objection du défendeur est accueillie.

 

[34]           Pour ces motifs, je conclue que la décision du Tribunal est raisonnable et que l’intervention de la Cour n’est pas justifiée. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que, pour les motifs précités, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question d’importance générale n’a été soumise par les parties pour certification et aucune n’est certifiée.

 

 

                                                                                                « Louis S. Tannenbaum »

                                                                                    _________________________________

                                                                                                         Juge suppléant

 


 

AUTORITÉS CONSIDÉRÉES PAR LA COUR

 

1.    Nahimana c. M.I.C., 2006 CF 161

2.    Rasaratnam v. Canada (M.E.I.), [1992] 1 F.C. 706

3.    Navarro c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 358

4.    Canada (M.C.I.) c. Khan, 2005 CF 398

5.    Munoz c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 1273

6.    Estrella c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 633

7.    Singh c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 134

8.    Valenzuela Del Real c. Canada (M.C.I.), 2008 CF 140

9.    Varga c. Canada (M.C.I.), 2006 CAF 394




COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4089-08

 

INTITULÉ :                                       JOSE LUIS VELOZ LOPEZ et al c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge suppléant Tannenbaum

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 septembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Cristina Marinelli

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Geneviève Bourbonnais

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Cristina Marinelli, avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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