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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

Date : 20091120

Dossier : T-1627-08

Référence : 2009 CF 1181

Ottawa (Ontario), le 20 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Boivin

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

 

- et -

 

ANDREW DONNIE AMOS

défendeur

 

- et -

 

 

L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

- et -

 

L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

intervenants

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT MODIFIÉ

 

[1]               Le procureur général du Canada sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 25 septembre 2008 par l’arbitre Dan Butler (l’arbitre) en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, article 2 (la LRTFP), à propos d’un grief qui avait été renvoyé à l’arbitrage conformément à l’article 209 de la LRTFP, mais qui a été réglé avant qu’une décision soit rendue au fond. Dans sa décision, l’arbitre a estimé qu’il avait compétence pour trancher un différend portant sur un protocole d’entente qu’avaient conclu les parties.

 

Les faits

[2]               L’auteur du grief et défendeur, Andrew Donnie Amos, travaille pour le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le ministère) comme gestionnaire principal de projet aux sous-groupe et niveau ENG 5. Le sous-ministre du ministère (l’administrateur général) a imposé au défendeur, par lettre datée du 29 mars 2005, une suspension disciplinaire de 20 jours sans rémunération. Le 2 mai 2005, le défendeur a déposé un grief contestant la suspension de 20 jours, et le grief fut renvoyé à l’arbitrage le 10 août 2005.

 

[3]               L’arbitre de grief Dan Butler a été nommé pour instruire l’affaire. Une audience a d’abord été convoquée à Halifax, en Nouvelle-Écosse, pour une période de trois jours débutant le 28 novembre 2006, puis l’audience a repris à Halifax le 1er mai 2007. Avec l’aide de l’arbitre, les parties sont parvenues le 2 mai 2007 à une entente, confirmée dans un protocole d’entente, qui traitait de plusieurs questions. Le protocole contenait un plan d’après lequel les parties devaient se rencontrer pour débattre et régler certaines questions se rapportant aux relations professionnelles entre le défendeur et le ministère.

 

[4]               Après la signature du protocole, le défendeur n’a pas retiré son grief.

 

[5]               Le 14 décembre 2007, le défendeur a demandé à la Commission de rouvrir l’examen du grief au fond, puisque l’administrateur général ne respectait pas les modalités du protocole, c’est-à-dire que le ministère n’avait pas honoré la promesse d’une rencontre avec le défendeur pour régler leurs points litigieux et établir de bonnes relations de travail.

 

[6]               Le 7 janvier 2008, l’administrateur général s’est opposé à la demande du défendeur, en invoquant deux moyens : d’abord, la conclusion d’un arrangement amiable, définitif et contraignant, avait eu pour effet de retirer toute compétence à l’arbitre; deuxièmement, il existait un principe bien établi selon lequel les arbitres agissant en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35, article 1 (l’ancienne loi), la loi antérieure à la LRTFP, n’étaient pas compétents pour faire appliquer un protocole d’entente.

 

[7]               L’arbitre n’a pas accepté de rouvrir l’examen du grief au fond, comme le lui demandait le défendeur. Il a plutôt ordonné la reprise de l’audience pour déterminer si l’administrateur général s’était ou non conformé aux conditions du protocole et, au besoin, pour prononcer la sanction qui s’imposait.

 

[8]               Comme le point soulevé n’avait pas été considéré dans le cadre de la LRTFP depuis qu’elle avait remplacé l’ancienne loi, et puisque les règles applicables étaient encore instables, l’arbitre a décidé d’accepter le dépôt d'observations par les parties et les intervenants. Selon lui, les circonstances exigeaient un examen attentif de sa compétence au regard de la LRTFP.

 

La décision contestée

[9]               La Commission s’est adressée par écrit aux parties et aux intervenants le 15 février 2008, l’arbitre les priant de déposer leurs conclusions sur les trois questions suivantes :

            [traduction]

1.      Lorsque les parties ont conclu une entente de règlement à l’égard d’un grief individuel renvoyé à l’arbitrage à l’encontre d’une mesure disciplinaire entraînant une suspension, la nouvelle Loi donne-t-elle compétence à un arbitre de grief pour décider si l’entente de règlement des parties est finale et exécutoire?

 

2.      Dans l’éventualité où la nouvelle Loi donne compétence à un arbitre de grief pour décider si l’entente de règlement des parties est finale et exécutoire, l’arbitre de grief a-t-il compétence pour entendre une allégation à l’effet qu’une partie ne s’est pas conformée à l’entente de règlement finale et exécutoire?

 

3.      Dans l’éventualité où l’arbitre de grief a compétence pour entendre une allégation à l’effet qu’une partie ne s’est pas conformée à l’entente de règlement finale et exécutoire, l’arbitre de grief a-t-il la compétence d’émettre l’ordonnance qu’il juge indiquée dans les circonstances?

 

[10]           Après examen du régime de l’ancienne loi, l’arbitre a conclu que la principale raison pour laquelle une entente de règlement empêchait tout arbitrage était le paragraphe 92(1) de l’ancienne loi, qui déterminait précisément les sujets susceptibles d’un renvoi à l’arbitrage. Les arbitres qui ont interprété le paragraphe 92(1) de l’ancienne loi ont conclu qu’un différend portant sur une entente de règlement ne concernait pas l’interprétation ou l’application d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale au sens de l’alinéa 92(1)a), ni une mesure disciplinaire ou un licenciement au sens des alinéas 92(1)b) ou c). Ils ne pouvaient donc pas faire appliquer un protocole d’entente.

 

[11]           L’arbitre s’est ensuite demandé si la LRTFP avait modifié le droit antérieur. Il a tiré les conclusions suivantes, qui ont guidé sa décision finale sur les trois questions soumises aux parties et aux intervenants:

- Je dois faire en sorte que les dispositions de la nouvelle Loi « […] s’interprète[nt] de la manière la plus équitable et la plus large […] » qui soit conforme avec la promotion de « […] la collaboration [entre les parties] […] » tout en contribuant « […] à résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes […] » et en encourageant le « […] respect mutuel et […] l’établissement de relations harmonieuses […] ».

 

- L’une des pierres d’assise de la nouvelle Loi est l’accent qu’elle met sur le règlement volontaire de différends par la médiation. Il est essentiel, pour l’efficacité des mécanismes de médiation, que l’on puisse s’attendre à ce que les modalités d’une entente de règlement soient respectées.

 

- Compte tenu du paragraphe 236(1) de la nouvelle Loi et de l’orientation donnée par les décisions rendues dans la foulée de Weber, dont Vaughan, la partie 2 de la nouvelle Loi doit être considérée comme un régime exclusif et complet de règlement des différends qui procède « […] par voie de grief […] ». La compétence d’un arbitre de grief doit s’inscrire dans ce cadre.

 

[12]           Selon l’arbitre, le point de savoir s’il existait une entente définitive et exécutoire requérait un examen du dossier. Les parties avaient signé un protocole d’entente qu’elles considéraient à l’époque comme un règlement définitif et exécutoire du différend. L’arbitre a conclu qu’il avait le pouvoir de dire si les parties avaient conclu une entente définitive et exécutoire.

 

[13]           L’arbitre a dit ensuite qu’il existait deux scénarios possibles dans le règlement d’un différend portant sur un protocole d’entente :

Option 1 : Le différend fait clairement l’objet d’un nouveau grief déposé en vertu de l’article 208 de la nouvelle Loi. Puisque l’objet d’un tel grief ne fait pas partie de la liste des sujets qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1), la décision au dernier palier de la procédure applicable aux griefs est finale et exécutoire.

 

Option 2 : Le différend sur l’entente de règlement découle du grief initial. Un arbitre a compétence pour examiner le différend si le sujet du grief initial tombe dans le champ de compétence d’un arbitre de grief, tel que prévu par le paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi.

 

[14]           Après examen du critère exposé dans l’arrêt Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14, [2000] 1 R.C.S. 360, 251 N.R. 16 (l’arrêt Regina Police Association Inc.), l’arbitre a conclu que le même critère devait s’appliquer lorsqu’il s’agit de choisir entre deux formules de règlement des différends énoncées dans la même loi.

 

[15]           L’arbitre a reconnu que la LRTFP ne contient pas de disposition explicite attestant une intention du législateur de conférer aux arbitres le pouvoir de trancher un différend portant sur un protocole d’entente, mais il s’est néanmoins déclaré compétent parce que, selon lui, le fait d’investir l’arbitre du pouvoir de trancher un différend lorsque l’objet du grief initial relève du paragraphe 209(1) de la LRTFP participe à la réalisation des objets de cette Loi. D’après lui, sa décision de se déclarer compétent reflétait une interprétation « large et équitable » du paragraphe 209(1) de la LRTFP, et elle découlait logiquement de l’application du critère d’« essence » énoncé dans l’arrêt Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, 183 N.R. 241 (l’arrêt Weber), et explicité dans l’arrêt Regina Police Association Inc..

 

[16]           Il a donc conclu qu’« un arbitre de grief a compétence pour examiner une allégation selon laquelle une partie ne respecte pas un règlement final et exécutoire si le différend sur l’entente de règlement est lié à un grief initial dont l’objet est visé par le paragraphe 209(1) de la nouvelle Loi ».

 

[17]           L’arbitre a finalement conclu qu’il avait aussi compétence pour rendre l’ordonnance que dictaient les circonstances.

 

Les points litigieux

[18]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les points suivants :

1.         Quelle norme de contrôle faut-il ici appliquer à la décision de l’arbitre?

2.         L’arbitre a-t-il commis une erreur et outrepassé sa compétence lorsqu’il a ordonné la reprise de l’audience pour déterminer si l’administrateur général s’était ou non conformé aux modalités du protocole d’entente et, au besoin, pour prononcer la sanction qui s’imposait?

 

Les dispositions applicables

[19]           Les dispositions légales applicables sont les suivantes :

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, article 2 :

Impossibilité de révision par un tribunal

51. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, les ordonnances et les décisions de la Commission sont définitives et ne sont susceptibles de contestation ou de révision par voie judiciaire qu’en conformité avec la Loi sur les Cours fédérales et pour les motifs visés aux alinéas 18.1(4) a), b) ou e) de cette loi.

 

Orders not to be reviewed by court

51. (1) Subject to this Part, every order or decision of the Board is final and may not be questioned or reviewed in any court, except in accordance with the Federal Courts Act on the grounds referred to in paragraph 18.1(4)(a), (b) or (e) of that Act.

 

Droit du fonctionnaire

208. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

 

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

 

 

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

 

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

 

 

Réserve

(2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

 

Réserve

(3) Par dérogation au paragraphe (2), le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel relativement au droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

 

Réserve

(4) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application à son égard de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale qu’à condition d’avoir obtenu l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention collective ou la décision arbitrale et d’être représenté par cet agent.

 

Réserve

(5) Le fonctionnaire qui choisit, pour une question donnée, de se prévaloir de la procédure de plainte instituée par une ligne directrice de l’employeur ne peut présenter de grief individuel à l’égard de cette question sous le régime de la présente loi si la ligne directrice prévoit expressément cette impossibilité.

 

 

 

 

Réserve

(6) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur une mesure prise en vertu d’une instruction, d’une directive ou d’un règlement établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

 

Force probante absolue du décret

(7) Pour l’application du paragraphe (6), tout décret du gouverneur en conseil constitue une preuve concluante de ce qui y est énoncé au sujet des instructions, directives ou règlements établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

Right of employee

208. (1) Subject to subsections (2) to (7), an employee is entitled to present an individual grievance if he or she feels aggrieved

 

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

 

(i) a provision of a statute or regulation, or of a direction or other instrument made or issued by the employer, that deals with terms and conditions of employment, or

 

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award; or

 

(b) as a result of any occurrence or matter affecting his or her terms and conditions of employment.

 

Limitation

(2) An employee may not present an individual grievance in respect of which an administrative procedure for redress is provided under any Act of Parliament, other than the Canadian Human Rights Act.

 

 

Limitation

(3) Despite subsection (2), an employee may not present an individual grievance in respect of the right to equal pay for work of equal value.

 

 

 

Limitation

(4) An employee may not present an individual grievance relating to the interpretation or application, in respect of the employee, of a provision of a collective agreement or an arbitral award unless the employee has the approval of and is represented by the bargaining agent for the bargaining unit to which the collective agreement or arbitral award applies.

 

 

 

Limitation

(5) An employee who, in respect of any matter, avails himself or herself of a complaint procedure established by a policy of the employer may not present an individual grievance in respect of that matter if the policy expressly provides that an employee who avails himself or herself of the complaint procedure is precluded from presenting an individual grievance under this Act.

 

Limitation

(6) An employee may not present an individual grievance relating to any action taken under any instruction, direction or regulation given or made by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

 

Order to be conclusive proof

 

(7) For the purposes of subsection (6), an order made by the Governor in Council is conclusive proof of the matters stated in the order in relation to the giving or making of an instruction, a direction or a regulation by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

 

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

 

 

 

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

 

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

 

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

 

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

 

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

 

Application de l’alinéa (1)a)

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

 

 

Désignation

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

Reference to adjudication

209. (1) An employee may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award;

 

(b) a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty;

 

(c) in the case of an employee in the core public administration,

 

(i) demotion or termination under paragraph 12(1)(d) of the Financial Administration Act for unsatisfactory performance or under paragraph 12(1)(e) of that Act for any other reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct, or

 

 

 

 

(ii) deployment under the Public Service Employment Act without the employee’s consent where consent is required; or

 

(d) in the case of an employee of a separate agency designated under subsection (3), demotion or termination for any reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct.

 

 

 

Application of paragraph (1)(a)

(2) Before referring an individual grievance related to matters referred to in paragraph (1)(a), the employee must obtain the approval of his or her bargaining agent to represent him or her in the adjudication proceedings.

 

Designation

(3) The Governor in Council may, by order, designate any separate agency for the purposes of paragraph (1)(d).

 

Décision définitive et obligatoire

214. Sauf dans le cas du grief individuel qui peut être renvoyé à l’arbitrage au titre de l’article 209, la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable en la matière est définitive et obligatoire et aucune autre mesure ne peut être prise sous le régime de la présente loi à l’égard du grief en cause.

Binding effect

214. If an individual grievance has been presented up to and including the final level in the grievance process and it is not one that under section 209 may be referred to adjudication, the decision on the grievance taken at the final level in the grievance process is final and binding for all purposes of this Act and no further action under this Act may be taken on it.

 

Médiation

226. (2) En tout état de cause, l’arbitre de grief peut, avec le consentement des parties, les aider à régler tout désaccord entre elles, sans qu’il soit porté atteinte à sa compétence à titre d’arbitre chargé de trancher les questions qui n’auront pas été réglées.

Power to mediate

226. (2) At any stage of a proceeding before an adjudicator, the adjudicator may, if the parties agree, assist the parties in resolving the difference at issue without prejudice to the power of the adjudicator to continue the adjudication with respect to the issues that have not been resolved.

 

Décision au sujet du grief

228. (2) Après étude du grief, il tranche celui-ci par l’ordonnance qu’il juge indiquée. Il transmet copie de l’ordonnance et, le cas échéant, des motifs de sa décision :

 

 

a) à chaque partie et à son représentant ainsi que, s’il y a lieu, à l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle appartient le fonctionnaire qui a présenté le grief;

 

 

 

 

b) au directeur général de la Commission.

 

Decision on grievance

228. (2) After considering the grievance, the adjudicator must render a decision and make the order that he or she considers appropriate in the circumstances. The adjudicator must then

 

(a) send a copy of the order and, if there are written reasons for the decision, a copy of the reasons, to each party, to the representative of each party and to the bargaining agent, if any, for the bargaining unit to which the employee whose grievance it is belongs; and

 

(b) deposit a copy of the order and, if there are written reasons for the decision, a copy of the reasons, with the Executive Director of the Board.

 

Caractère définitif des décisions

 

233. (1) La décision de l’arbitre de grief est définitive et ne peut être ni contestée ni révisée par voie judiciaire.

 

Interdiction de recours extraordinaires

(2) Il n’est admis aucun recours ni aucune décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action de l’arbitre de grief exercée dans le cadre de la présente partie.

 

Decisions not to be reviewed by court

233. (1) Every decision of an adjudicator is final and may not be questioned or reviewed in any court.

 

No review by certiorari, etc.

(2) No order may be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any of the adjudicator’s proceedings under this Part.

 

Différend lié à l’emploi

 

236. (1) Le droit de recours du fonctionnaire par voie de grief relativement à tout différend lié à ses conditions d’emploi remplace ses droits d’action en justice relativement aux faits — actions ou omissions — à l’origine du différend.

 

 

 

Application

(2) Le paragraphe (1) s’applique que le fonctionnaire se prévale ou non de son droit de présenter un grief et qu’il soit possible ou non de soumettre le grief à l’arbitrage.

 

 

Exception

(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas au fonctionnaire d’un organisme distinct qui n’a pas été désigné au titre du paragraphe 209(3) si le différend porte sur le licenciement du fonctionnaire pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite.

 

Disputes relating to employment

236. (1) The right of an employee to seek redress by way of grievance for any dispute relating to his or her terms or conditions of employment is in lieu of any right of action that the employee may have in relation to any act or omission giving rise to the dispute.

 

Application

(2) Subsection (1) applies whether or not the employee avails himself or herself of the right to present a grievance in any particular case and whether or not the grievance could be referred to adjudication.

 

Exception

(3) Subsection (1) does not apply in respect of an employee of a separate agency that has not been designated under subsection 209(3) if the dispute relates to his or her termination of employment for any reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct.

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35, article 1 :

Arbitrage des griefs
Renvoi à l'arbitrage

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur:

 

a) l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

 

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

 

 

 

 

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

 

Adjudication of Grievances
Reference to Adjudication

92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to

 

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award,

 

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4),

 

(i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or

 

(ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or

 

(c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty,

 

and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.

 

 

Analyse

1.         Quelle norme de contrôle faut-il ici appliquer à la décision de l’arbitre?

[20]           Selon le demandeur, la compétence de l’arbitre dans la présente affaire est une pure question de droit qui dépend de l’interprétation de la LRTFP, sans que les faits soient véritablement déterminants, et l’arbitre ne détient aucune spécialisation que n’aurait pas la Cour fédérale. Le demandeur prétend qu’une analyse contextuelle n’est pas nécessaire puisque la Cour a déjà dit que c’est la décision correcte qui est applicable comme norme à la décision d’un arbitre lorsque la nature de cette décision concerne les limites de la compétence de l’arbitre (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 57).

 

[21]           Selon le défendeur, la question posée, à savoir si, du point de vue du défendeur, il subsistait, après la médiation des parties, des questions non réglées justifiant la poursuite de la procédure d’arbitrage selon le paragraphe 226(2) de la LRTFP, est une question mixte de droit et de fait. Le défendeur soutient que la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer est la raisonnabilité, parce que tous les facteurs pertinents, à savoir l’existence ou non d’une disposition privative, la raison d’être du tribunal administratif, la nature de la question et l’expertise du tribunal administratif, appellent une retenue envers la décision de l’arbitre (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 34).

 

[22]           Le défendeur affirme qu’une analyse contextuelle devrait être effectuée, puisque la présente affaire porte sur des faits concrets, sur le pouvoir discrétionnaire de l’arbitre, sur des considérations de politique générale et sur l’interprétation de la LRTFP. En présence d’une question touchant aux faits, à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ou à une politique générale, la retenue s’impose habituellement d’emblée (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 53). Malgré l’existence de questions de droit, la question soulevée intéresse proprement le cas du défendeur et l’interprétation des nouvelles dispositions contenues dans la LRTFP. La décision de l’arbitre fait intervenir d’importantes préoccupations de politique générale, notamment le déroulement du processus de médiation prévu par la LRTFP, et il y a des dispositions privatives dans les paragraphes 51(1) et 233(1), ce qui a pour effet de limiter les possibilités pour l’auteur d’un grief de s’adresser à la Cour fédérale. En outre, il est admis que les arbitres de grief détiennent une certaine expertise dans le domaine des relations de travail (arrêt Dunsmuir).

 

[23]           L’intervenant, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), ajoute que, même si les décisions portant sur la compétence continuent d’être examinées d’après la décision correcte, la notion de compétence s’entend ici au sens strict de la « faculté du tribunal administratif de connaître de la question » (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 59), et il ajoute qu’une question d’interprétation de la loi n’est pas assimilable à une question de compétence (Conseil des Canadiens avec déficiences c. Via Rail Canada Inc., 2007 CSC 15, [2007] 1 R.C.S. 650, 360 N.R. 1, au paragraphe 91; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 25; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Office des transports du Canada), 2008 CAF 363, 383 N.R. 349, aux paragraphes 56 et 57).

 

[24]           L’IPFPC est d'accord avec le défendeur que la norme de contrôle qu’il faut appliquer est la raisonnabilité, puisque l’arbitre a utilisé ses connaissances spécialisées en matière de droit et de politique des relations de travail, et puisque sa décision était protégée par une disposition privative (Canada (Procureur général) c. Assh, 2005 CF 734, 272 F.T.R. 314, au paragraphe 9; Chow c. Canada (Procureur général), 2008 CF 942, 331 F.T.R. 54, aux paragraphes 46 et 47).

 

[25]           La Cour croit qu’il s’agit ici de savoir si l’arbitre était ou non compétent, et la norme de contrôle à appliquer est donc la décision correcte. Comme l’expliquait la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 59 :

[…] une véritable question de compétence se pose lorsque le tribunal administratif doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l’a investi l’autorisent à trancher une question. L’interprétation de ces pouvoirs doit être juste, sinon les actes seront tenus pour ultra vires ou assimilés à un refus injustifié d’exercer sa compétence : D. J. M. Brown et J. M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (feuilles mobiles), p. 14‑3 et 14‑6.

 

[26]           La Cour reconnaît que d’autres facteurs pertinents doivent être pris en compte, par exemple la présence de dispositions privatives explicites dans les articles 51 et 233 de la LRTFP, d'importantes considérations de politique générale, notamment l’accent mis sur la médiation et sur le compromis, un accent qui se dégage de la LRTFP, enfin la pratique générale du régime des relations de travail, tous des facteurs qui appellent une certaine retenue envers la décision de l’arbitre. Cependant, « lorsque la cour de révision se penche sur l’étendue d’un pouvoir décisionnel ou de la compétence accordée par la loi, l’analyse relative à la norme de contrôle vise à déterminer quel pouvoir le législateur a voulu donner à l’organisme en la matière » (arrêt Dunsmuir, au paragraphe 29; voir aussi Canada (Procureur général) c. Basra, 2008 CF 606, 327 F.T.R. 305). La décision de l’arbitre est indissociable du contexte factuel propre au défendeur, mais la question soulevée reste une question de compétence qui requiert l’interprétation de dispositions précises de la LRTFP et qui appelle donc l’application de la décision correcte comme norme de contrôle.

2.         L’arbitre a-t-il commis une erreur et outrepassé sa compétence lorsqu’il a ordonné la reprise de l’audience pour déterminer si l’administrateur général s’était ou non conformé aux modalités du protocole d’entente et, au besoin, pour prononcer la sanction qui s’imposait?

 

Les articles 208 et 209 de la LRTFP

[27]           Selon le demandeur, le régime général prévu par la LRTFP autorise la présentation de griefs en application de l’article 208 et prévoit la possibilité, dans des cas restreints, de renvoyer certains griefs à l’arbitrage en application de l’article 209. Le demandeur fait donc valoir que l’arbitre n’a pas compétence pour trancher un différend portant sur un protocole d’entente, mais il relève que le fonctionnaire n’est pas sans recours. Il peut déposer un grief selon l’article 208 à propos de questions se rapportant à un protocole d’entente et, s’il n’est pas satisfait du résultat du grief au dernier palier, il peut présenter à la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision.

 

[28]           Selon le demandeur, il n’est intervenu dans la jurisprudence ou dans les dispositions de la LRTFP aucun changement qui ferait qu’un arbitre pourrait aujourd’hui se déclarer compétent pour faire appliquer un protocole d’entente. La jurisprudence issue de l’ancienne loi avait établi que l’existence d’une entente définitive et exécutoire avait pour effet de retirer toute compétence à l’arbitre (MacDonald c. Canada, (1998), 158 F.T.R. 1, 83 A.C.W.S. (3d) 1033; Bhatia c. Conseil du Trésor (Travaux publics Canada), [1989] C.R.T.F.P.C. n°141 (QL); Fox c. Conseil du Trésor (Commission de l'immigration et du statut de réfugié), 2001 CRTFP 130 (QL); Bedok c. Conseil du Trésor (Ministère du Développement des ressources humaines), 2004 CRTFP 163 (QL)). L’ancienne loi établissait aussi qu’un arbitre n’avait pas compétence pour faire appliquer un protocole d’entente (Bhatia; Conseil du Trésor c. Deom, [1985] C.R.T.F.P.C. n°150 (QL); Van de Mosselaer c. Conseil du Trésor (Ministère des Transports), 2006 CRTFP 59 (QL)). Selon le demandeur, le paragraphe 92(1) de l’ancienne loi est pour l’essentiel repris dans le paragraphe 209(1) de la LRTFP.

 

[29]           Pour le demandeur, l’analyse qu'a faite l’arbitre de l’« essence » du différend, selon le critère élaboré par la Cour suprême du Canada, ne permet pas de définir le champ de la compétence de l’arbitre selon l’article 209 de la LRTFP. L’arbitre a appliqué les critères exposés dans l’arrêt Weber, l’arrêt Regina Police Association Inc., la décision Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [2006] CCRI n° 362, et d’autres précédents (la jurisprudence découlant de l'arrêt Weber), pour savoir si le différend dont il s’agit ici relevait de l’article 208 de la LRTFP, qui autorise le fonctionnaire à déposer un grief, ou de l’article 209, qui énumère les cas où un grief peut être renvoyé à l’arbitrage.

 

[30]           D’après le demandeur, l’arbitre a utilisé les limites imposées par l’article 236 de la LRTFP et la jurisprudence de la Cour suprême pour élargir à tort sa compétence à l'égard de l’article 209, et il ajoute que l’arbitre a commis une erreur en assimilant l'exhaustivité du régime légal à sa propre compétence. La décision susmentionnée Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada a pour effet de valider sa compétence à l'égard du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, mais cette analyse ne s’étend pas à la compétence d’un arbitre à l'égard de la LRTFP. Pareillement, l’analyse faite par l’arbitre dans la décision Rexway Sheet Metal Limited, [1989] OLRB Rep. November 1154, concerne la Loi sur les relations de travail de l’Ontario, L.O. 1980, c. 228,  laquelle n’est d’aucune utilité s’agissant de la compétence d’un arbitre à l'égard de l’article 209 de la LRTFP.

 

[31]           Selon le défendeur, l’arbitre était fondé à dire que les nouveautés de la LRTFP ont eu pour effet d’élargir la compétence de l’arbitre par rapport à ce que prévoyait l’ancienne loi, en y ajoutant une compétence à l’égard des différends portant sur des ententes de règlement. L’arbitre a considéré le préambule de la LRTFP, estimant qu’il devait recevoir une interprétation libérale, fondée sur l’objet visé, et que l’intention du législateur était que la médiation joue un rôle essentiel dans le régime légal.

 

[32]           Le défendeur fait valoir que l’arbitre a eu raison de conclure qu’il fallait appliquer comme critère l’« essence » du litige, critère exposé dans l’arrêt Weber, l’arrêt Regina Police Association Inc. et l’arrêt Nouveau-Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, 183 N.R. 229, qui permet de dire si un différend relève ou non du régime exhaustif de la LRTFP, et l’arbitre a conclu qu’il était compétent, en l’espèce, pour examiner la question du non-respect d’un protocole d’entente.

 

[33]           Comme l’a fait remarquer l’arbitre, la compétence d’un arbitre est définie dans la LRTFP et non dans une convention collective, comme c’est souvent le cas pour d’autres lois n’intéressant pas la fonction publique. Invoquant la décision Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et la décision Rexway, le défendeur affirme qu’il y a un lien ici entre l’objet du protocole d’entente et celui du grief initial.

 

[34]           Selon le défendeur, la décision de l’arbitre était raisonnable, eu égard aux nouvelles dispositions de la LRTFP, aux circonstances particulières de la présente affaire et surtout au fait que le grief initial n’a pas été retiré et qu’il est question de non-respect d’un protocole d’entente résultant de la médiation intervenue dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

 

[35]           L’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) fait valoir que la compétence de l’arbitre est essentielle pour assurer l’homogénéité des recours et que l’étendue de la compétence conférée aux arbitres par la LRTFP doit être la même pour tous les types de griefs admissibles à l’arbitrage. Lorsque le différend initial est admissible à l’arbitrage, alors l’AFPC est d'accord avec le défendeur que l’arbitre demeure compétent pour statuer sur un différend découlant d’un compromis, à cause du « lien étroit » qui existe entre d’une part un différend qui pourrait ultérieurement surgir à propos du non-respect du protocole d’entente et d’autre part l’essence du grief initial admissible à l’arbitrage.

 

[36]           Selon l’AFPC, l’idée du demandeur selon laquelle un recours est possible par le dépôt, en vertu de l’article 208 de la LRTFP, d’un nouveau grief non admissible à l’arbitrage, va à l’encontre de l’objet et de l’esprit de la Loi et, s’agissant des griefs collectifs et des griefs de principe, un tel recours est tout simplement inexistant.

 

[37]           Selon l’IPFPC, il n’était pas nécessaire pour l’arbitre de conduire une analyse du genre de celle de l’arrêt Weber afin de savoir à quel mécanisme d’exécution – arbitrage ou dépôt d’un nouveau grief – le défendeur devait s’en rapporter pour montrer que l’employeur n’avait pas respecté le protocole d’entente. Le point principal n’était pas de savoir lequel de deux régimes concurrents devrait être appliqué pour assurer le respect du protocole d’entente, mais plutôt de savoir si l’arbitre se trouvait dépouillé de sa compétence après la signature du protocole (arrêt Regina Police Association Inc., au paragraphe 26). Si l’on affirme que l’arbitre a été dépouillé de sa compétence après la signature du protocole, alors il devient nécessaire de considérer les options dont dispose le défendeur pour faire respecter le protocole.

 

[38]           La LRTFP, qui est entrée en vigueur le 1er avril 2005, remplaçait l’ancienne loi. Entre autres objectifs, la LRTFP vise à organiser l’établissement d’une capacité de gestion des conflits au sein des ministères et à créer un dispositif plus complet de règlement des griefs. Contrairement à ce que l’on peut observer pour d’autres lois s’occupant de relations de travail, par exemple le Code canadien du travail et la Loi sur les relations de travail de l’Ontario, la Cour constate que la compétence du décideur dans le cas présent est clairement définie aux articles 208 et 209 de la LRTFP. Dans la LRTFP, le décideur est également investi du pouvoir de travailler d’une manière informelle avec les parties, en agissant comme intermédiaire entre elles et en les aidant à parvenir plus rapidement à un compromis.

 

[39]           La Cour est d’avis qu’il n’y a pas de différence appréciable entre l’article 92 de l’ancienne loi et l’article 209 de la LRTFP. Il n’est donc pas nécessaire, comme on le prétend, d’écarter la jurisprudence interprétant l’article 92 de l’ancienne Loi. Cela dit, la Cour reconnaît aussi que la LRTFP a apporté certaines nouveautés, notamment avec le paragraphe 226(2) et l’article 236, examinés plus loin.

[40]           Comme les parties l’ont fait remarquer à l’audience, d’autres régimes de relations de travail maintiennent la compétence de l’arbitre à l’égard du grief après la conclusion d’une entente. Cependant, cela n’a jamais été le cas jusqu’à maintenant au sein de la fonction publique, car les procédures visant à faire reconnaître les droits et obligations en matière d’emploi diffèrent quelque peu de celles du secteur privé (Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11, [2005] 1 R.C.S. 146). Il n’apparaît pas évident que, par l’adoption de la LRTFP, le législateur ait voulu changer la situation.

 

Le paragraphe 226(2) de la LRTFP

[41]           Le paragraphe 226(2) de la LRTFP donne à l’arbitre le pouvoir d'entreprendre avec les parties une médiation, sans préjudice de son pouvoir de trancher les questions qui n’auront pas été réglées et qui ne figurent pas dans un protocole d’entente. Selon le défendeur, si un arbitre croit que certaines questions demeurent non réglées, alors, nonobstant l’existence d’un protocole d’entente, son pouvoir de rendre l’ordonnance qui s’impose non seulement est sous-entendu dans la jurisprudence et dans le préambule de la LRTFP, mais découle clairement des paragraphes 226(2) et 228(2) de la LRTFP, à plus forte raison lorsque le grief initial n’a pas été retiré, comme c’est le cas ici.

 

[42]           Le défendeur fait valoir que, si l’arbitre n’avait pas compétence pour décider si une partie a ou non effectivement vidé le différend en se pliant aux modalités d’une entente dans le cadre de la LRTFP, alors l’employé ne disposerait d’aucun recours devant les tribunaux pour faire constater la violation, ni d’aucun autre recours satisfaisant, puisque l’essence du différend découle manifestement de la LRTFP.

[43]           Selon l’AFPC, la nature exhaustive de la LRTFP, le paragraphe 226(2) de la LRTFP et l’accent mis par la nouvelle loi sur le règlement volontaire des différends, tout cela permet d’affirmer que les arbitres ont le pouvoir d’instruire des griefs portant sur des différends non réglés qui résultent du non-respect d’un protocole d’entente.

 

[44]           Selon l’IPFPC, bien qu’un protocole d’entente ait été conclu, l’arbitre a estimé avec raison que, par suite de l’affirmation du défendeur selon laquelle l’employeur avait contrevenu au protocole, il restait après la médiation des questions encore non réglées, ce qui autorisait la poursuite de la procédure d’arbitrage. Il suffit donc ici d’appliquer le paragraphe 226(2) de la LRTFP pour savoir si l’arbitre avait le pouvoir de poursuivre la procédure.

 

[45]           Si un employé dépose un grief en application de l’article 209 de la LRTFP, le grief est examiné par le décideur, et les parties peuvent recourir à la médiation pour régler leur différend. La Cour croit que, selon le paragraphe 226(2) de la LRTFP, lorsque l’entente est signée, l’arbitre doit se limiter à l’examen des questions qui n’ont pas été réglées et qui ne figurent pas dans le protocole d’entente.

 

[46]           Au cours de l’audience, le défendeur et les intervenants ont fait valoir que le paragraphe 226(2), combiné au préambule de la LRTFP, à la politique générale en matière de relations de travail, à l’interprétation libérale du texte et au fait que la LRTFP constitue un régime exhaustif, tout cela montre selon eux que l’intention du législateur était d’accroître la compétence de l’arbitre. Cependant, la manière dont la Cour interprète le paragraphe 226(2) de la LRTFP, les pouvoirs de l’arbitre et en particulier la compétence du décideur dans le contexte de la LRTFP ne s’accorde pas avec la position du défendeur et des intervenants.

 

[47]           Le paragraphe 226(2) de la LRTFP confère au décideur des pouvoirs de médiation et, lorsqu’un protocole d’entente est conclu, le décideur conserve sa compétence, mais uniquement pour les questions qui ne sont pas réglées. Par exemple, si un grief requiert l’examen de cinq questions et que trois d’entre elles sont réglées dans un protocole d’entente, alors, selon le paragraphe 226(2), l’arbitre conservera sa compétence et pourra poursuivre la procédure d’arbitrage, mais uniquement pour régler les deux questions restantes qui ne font pas partie du protocole d’entente.

 

[48]           L’arbitre écrivait dans sa décision qu’il est courant qu’un grief soit retiré à la suite d’un protocole d’entente. Pour une raison inconnue, il n’y a pas eu retrait du grief dans la présente affaire. Cependant, la LRTFP ne fait nulle part obligation à l’auteur du grief de retirer le grief après la conclusion d’un protocole. S’il y a telle obligation, alors il est d’usage, pour plus de sûreté, d’en faire état dans le protocole.

 

[49]           Dans le cas présent, le protocole signé par le demandeur et le défendeur ne faisait pas partie du dossier. Compte tenu du paragraphe 226(2) de la LRTFP, la Cour est d’avis que, lorsqu’il existe un protocole d’entente, la compétence de l’arbitre ne dépend pas de savoir si le fonctionnaire a ou non retiré son grief. La signature d’un protocole atteste plutôt l’intention commune des parties d’abandonner la procédure introduite en vertu de l’article 209 de la LRTFP et donc de mettre fin à l’arbitrage en choisissant de régler leur différend au moyen du protocole. Le demandeur et le défendeur sont présumés avoir signé de bonne foi le protocole. Le protocole a mis fin au différend entre les parties, et l’arbitre a donc cessé d’être compétent.

 

L’article 236 de la LRTFP

[50]           Selon le demandeur, l’article 236 de la LRTFP codifie les principes exposés dans l’arrêt Vaughan et a pour effet d’empêcher le fonctionnaire de soumettre à une cour de justice tout différend lié à son emploi, l’obligeant ainsi à recourir au régime établi par le législateur. Selon le demandeur, l’article 236 n’a pas pour effet d’élargir la compétence de l’arbitre, qui est clairement délimitée par l’article 209 de la LRTFP, car l’article 236 se borde à écarter la compétence de la Cour. L’arbitre ne saurait indûment élargir sa compétence à l'égard de l’article 209 en disant simplement que l’auteur du grief ne peut pas s’adresser aux tribunaux pour faire sanctionner le non-respect du protocole. Dans ce contexte, l’auteur du grief dispose d’une voie de recours, à savoir le dépôt d’un grief en application de l’article 208 de la LRTFP.

 

[51]           Le défendeur fait valoir que, en raison de l’inclusion de l’article 236 dans la LRTFP, le régime légal établi doit être exhaustif. L’arbitre a considéré que l’existence d’une disposition privative, à savoir l’article 233, et l’existence d’une clause limitant la compétence de la Cour fédérale, à savoir l’article 236, étaient la preuve que la LRTFP constitue un régime exclusif et exhaustif (arrêt Weber; SCFP, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, 26 N.R. 341; St. Anne Nackawic Pulp & Paper c. Section locale 219 du Syndicat canadien des travailleurs du papier, [1986] 1 R.C.S. 704, 68 N.R. 112, et arrêt Vaughan). Si une incertitude découle d’un grief, considéré dans son essence, alors le défendeur affirme que l’incertitude doit être dissipée au moyen du régime légal.

 

[52]           Selon l’AFPC, le caractère exécutoire d’un protocole d’entente est essentiel pour que soient atteints les objectifs de la LRTFP, énoncés dans son préambule. L’AFPC soutient que la jurisprudence antérieure concernant la compétence de l’arbitre à l’égard d'ententes issues de griefs dans le cadre de l’ancienne loi n’est d’aucun secours pour délimiter la compétence d’un arbitre dans le cadre de la LRTFP (arrêt Weber, paragraphe 67; arrêt O’Leary, paragraphe 3; arrêt Vaughan, paragraphes 13-15, 33-42), parce que l’article 236 de la LRTFP refuse à l’auteur du grief le bénéfice d’autres voies de recours.

 

[53]           Dans l’ancienne loi, la partie qui était en désaccord avec la procédure de règlement du grief pouvait s’en rapporter aux tribunaux. La Cour croit que, en incluant l’article 236 dans la LRTFP, le législateur voulait éviter cette situation et limiter le recours de l’auteur du grief à la procédure interne envisagée par la LRTFP.

 

[54]           La LRTFP constitue certes un régime exhaustif assorti d’options restreintes pour certains cas précis. La Cour est d’avis que l’article 236 de la LRTFP a été adopté pour retirer à la Cour sa compétence à l’égard du grief dans le cadre du processus interne, mais la Cour demeure compétente pour procéder à un contrôle judiciaire. La Cour n’admet pas l’idée d’après laquelle l’article 236 de la LRTFP a pour effet d’élargir la compétence de l’arbitre aux différends découlant d’un protocole d’entente. La Cour croit que le régime de la LRTFP et les dispositions applicables lues conjointement avec l’article 236 de la LRTFP n’autorisent pas cette manière de voir. Si le législateur avait voulu étendre la compétence de l’arbitre comme le croient le défendeur et les intervenants, il aurait inséré dans la LRTFP une disposition en ce sens, comme il l’a fait par exemple dans le Code canadien du travail. Sans une telle disposition, la Cour ne peut pas conclure à un élargissement de la compétence conférée à l’arbitre.

 

[55]           L’arbitre a donc commis une erreur en concluant qu’il était compétent pour examiner dans la présente affaire le différend relatif au protocole d’entente. Cependant, l’auteur du grief n’est pas sans recours, puisqu’il peut, en vertu de l’article 208 de la LRTFP, déposer un grief se rapportant au protocole et que, s’il n’est pas satisfait de l’issue du grief au dernier palier, il pourra présenter à la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue.

 

[56]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-1627-08

 

INTITULÉ :                                       Procureur général du Canada c. Andrew Donnie Amos

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 10 NOVEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 20 NOVEMBRE 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Jennifer Lewis

 

POUR LE DEMANDEUR

Kenneth Al MacLean

 

POUR LE DÉFENDEUR

Isabelle Roy

 

POUR L’INTERVENANT, L’IPFPC

Andrew Raven

Julie Shugarman

 

POUR L’INTERVENANTE, L’AFPC

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

Boyne Clarke

Avocats

 

POUR LE DÉFENDEUR

Welchner Law Office

Corporation professionnelle

 

POUR L’INTERVENANT, L’IPFPC

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Avocats

POUR L’AFPC

 

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