Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                      

 

Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court


Date : 20090723

Dossier : IMM-4409-08

Référence : 2009 CF 752

Ottawa (Ontario), le 23 juillet 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

 

 

ENTRE :

H. JAYAWEERA MUHANDIRAMGE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision du 22 juillet 2008 (la décision) par laquelle le Premier secrétaire de l’Immigration (l’agent) du Haut-commissariat canadien à Colombo (Sri Lanka) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

 

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur a présenté le 28 décembre 2005, à Colombo (Sri Lanka) une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[3]               Le demandeur a indiqué qu’il avait accumulé dix-huit années d’études à temps plein, dont quatre années d’études à l’Institute of Chartered Accountants of Sri Lanka (ICASL).

 

[4]               L’agent a évalué sa demande le 29 mai 2008.

 

DÉCISION VISÉE PAR LE CONTRÔLE

 

[5]               L’agent a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de l’immigration au Canada relevant de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

[6]               L’agent a invoqué le paragraphe 12(2) de la Loi, qui prévoit que la sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada. Le paragraphe 75(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) prévoit que la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada et qui sont des travailleurs qualifiés. En vertu du Règlement, les demandes présentées à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) sont évaluées à l’aide des critères énoncés au paragraphe 76(1). L’évaluation permet d’établir si un travailleur qualifié pourra réussir son établissement économique au Canada. L’agent a évalué le demandeur selon la profession de directeur financier qui correspond au code 0111 de la Classification nationale des professions (CNP), et lui a attribué les points suivants :

Points selon l’évaluation                        Maximum possible

Âge                                          8                                                                     10

Expérience                               21                                                                    21

Emploi réservé                            0                                                                    10

Études                                      15                                                                    25

Compétence dans les

langues officielles                      10                                                                    24

Capacité d’adaptation                 4                                                                    10

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Total                                        58                                                                    100

 

[7]               L’agent n’a pas tenu compte des quatre années d’études du demandeur à l’Institute of Chartered Accountants (ICASL), car il estimait que ce dernier n’était pas agréé par la Tertiary and Vocational Education Commission (la TVEC) au Sri Lanka.

 

[8]               De ce fait, l’agent a attribué un pointage de 15 pour le facteur correspondant aux études et à un pointage total de 58. La note de passage est 67.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[9]               Le demandeur demande à la Cour d’examiner la question suivante dans le cadre de la présente demande :

 

1.                  L’agent a-t-il commis une erreur dans son interprétation de l’article 73 du Règlement au moment d’établir que l’autorité chargée d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer l’Institute of Chartered Accountants of Sri Lanka (ICASL) était la TVEC plutôt que l’ICASL?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[10]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en la présente instance :

Immigration économique

12(2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

Economic immigration

12(2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

 

[11]           Les dispositions suivantes du Règlement s’appliquent également en l’instance :

73. « diplôme » Tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer les établissements d’enseignement dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat. 

 

Catégorie

 

75. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.

 

Qualité

 

(2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

 

a) il a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au sens du paragraphe 80(7), ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande de visa de résident permanent, dans au moins une des professions appartenant aux genres de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions — exception faite des professions d’accès limité;

 

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification;

 

 

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

 

Exigences

 

(3) Si l’étranger ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe (2), l’agent met fin à l’examen de la demande de visa de résident permanent et la refuse.

Critères de sélection

 

76. (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

 

 

 

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

 

(i) les études, aux termes de l’article 78,

 

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

 

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

 

(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

 

(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

 

(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

 

b) le travailleur qualifié :

 

(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

 

 

(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

 

 

Nombre de points

 

(2) Le ministre établit le nombre minimum de points que doit obtenir le travailleur qualifié en se fondant sur les éléments ci-après et en informe le public :

a) le nombre de demandes, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), déjà en cours de traitement;

 

 

b) le nombre de travailleurs qualifiés qui devraient devenir résidents permanents selon le rapport présenté au Parlement conformément à l’article 94 de la Loi;

 

c) les perspectives d’établissement des travailleurs qualifiés au Canada, compte tenu des facteurs économiques et autres facteurs pertinents.

 

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

 

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — ne reflète pas l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

 

 

 

 

 

78. « temps plein » À l’égard d’un programme d’études qui conduit à l’obtention d’un diplôme, correspond à quinze heures de cours par semaine pendant l’année scolaire, et comprend toute période de formation donnée en milieu de travail et faisant partie du programme.

 

73. "educational credential" means any diploma, degree or trade or apprenticeship credential issued on the completion of a program of study or training at an educational or training institution recognized by the authorities responsible for registering, accrediting, supervising and regulating such institutions in the country of issue. 

 

 

 

 

Class

 

75. (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the federal skilled worker class is hereby prescribed as a class of persons who are skilled workers and who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who intend to reside in a province other than the Province of Quebec.

 

 

Skilled workers

 

(2) A foreign national is a skilled worker if

 

 

(a) within the 10 years preceding the date of their application for a permanent resident visa, they have at least one year of continuous full-time employment experience, as described in subsection 80(7), or the equivalent in continuous part-time employment in one or more occupations, other than a restricted occupation, that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

 

 

 

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

 

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties.

 

Minimal requirements

 

(3) If the foreign national fails to meet the requirements of subsection (2), the application for a permanent resident visa shall be refused and no further assessment is required.

 

Selection Criteria

 

76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

 

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

(i) education, in accordance with section 78,

 

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

 

(iii) experience, in accordance with section 80,

 

(iv) age, in accordance with section 81,

 

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

 

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

 

(b) the skilled worker must

 

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

Number of points

 

(2) The Minister shall fix and make available to the public the minimum number of points required of a skilled worker, on the basis of

 

(a) the number of applications by skilled workers as members of the federal skilled worker class currently being processed;

 

(b) the number of skilled workers projected to become permanent residents according to the report to Parliament referred to in section 94 of the Act; and

 

(c) the potential, taking into account economic and other relevant factors, for the establishment of skilled workers in Canada.

 

 

Circumstances for officer's substituted evaluation

 

 

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

78. "full-time" means, in relation to a program of study leading to an educational credential, at least 15 hours of instruction per week during the academic year, including any period of training in the workplace that forms part of the course of instruction. 

 

 

[12]           Les dispositions suivantes du guide opérationnel de Citoyenneté et Immigration Canada relatif au traitement des demandes à l’étranger (OP 6 – Travailleurs qualifiés – fédéral) (le Guide) s’appliquent en l’instance :

10.2 Études

 

Pour la définition des termes, voir la section 6.3.

L’évaluation des programmes d’études et l’attribution des points sont basées sur les normes existantes dans le pays où les études ont été faites. Le Règlement ne prévoit pas de

comparaisons avec le système scolaire canadien.

 

[…]

 

Un demandeur ayant obtenu un diplôme à la suite d’une formation à distance peut obtenir des points à condition que le diplôme en question soit visé par la définition de diplôme énoncée au R73. Si le diplôme ne répond pas au critère de durée (p. ex. baccalauréat obtenu après trois années d’étude), la définition d’équivalent temps plein doit être appliquée et l’on doit tenir compte des connaissances acquises par le bureau des visas au sujet des établissements d’enseignement locaux et des diplômes qu’ils décernent.

10.2 Education

 

For definition of terms, see Section 6.3.

Officers should assess programs of study and award points based on the standards that exist in the country of study. The Regulations do not provide for comparisons to Canadian educational standards;

 

 

A distance learning credential is eligible for points as long as it meets the definition of a credential as outlined in R73. If the credential is not described in terms of number of years duration (i.e., three-year bachelor’s degree), officers should apply the definition of full-time equivalent study and knowledge that the visa office has acquired on local education institutions and credentials.

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[13]           Le défendeur fait valoir que la décision de l’agent d’attribuer des points au demandeur pour le facteur des études comporte une question mixte de droit et de fait et que la norme de contrôle est celle de la raisonnabilité : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir) et Saleem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 389, au paragraphe 11. Je suis d’accord avec le défendeur.

 

[14]           Les décisions discrétionnaires d’un agent suscitent un degré de déférence élevé : voir les décisions Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2001 CFPI 837, au paragraphe 11; Bellido c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 CF 452, au paragraphe 5; et Hua c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CF 1647, aux paragraphes 25 à 28.

 

[15]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a reconnu au paragraphe 44 que bien que la norme de la décision raisonnable simpliciter et celle de la décision manifestement déraisonnable soient différentes sur le plan théorique, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples ». La Cour suprême du Canada a donc conclu qu’il y a lieu de fondre en une seule les deux normes de « raisonnabilité ».

 

[16]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a également conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse pour arrêter la bonne norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante la norme de contrôle applicable pour une question particulière, la cour de révision peut adopter cette norme. C’est seulement lorsque la recherche se révèle infructueuse que la cour de révision doit procéder à l’examen des quatre facteurs constituant l’analyse de la norme de contrôle.

 

[17]           Compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir et de la jurisprudence antérieure de la Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable à la question soulevée est celle de la raisonnabilité. Au moment d’examiner une décision suivant la norme de raisonnabilité, l’analyse tiendra principalement à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : voir l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47. En d’autres termes, la Cour devrait intervenir seulement si la décision était déraisonnable au sens où elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. »

 

ARGUMENTS

            Le demandeur

 

[18]           Le demandeur prétend que l’agent a interprété la définition de « diplôme » au sens où la seule autorité pertinente à l’échelle nationale au Sri Lanka pour l’évaluation des études était la TVEC.

 

[19]           Le demandeur fait valoir que, selon la section 10.2 du Guide, les agents des visas devraient, au moment d’évaluer le facteur des études, attribuer des points en se fondant sur la manière dont le diplôme est considéré dans le pays où les études ont été faites. De l’avis de l’agent, l’agrément de la TVEC était un facteur déterminant pour conclure si les études administrées par l’ICASL devraient donner lieu à des points au facteur des études. Cependant, la TVEC ne régit pas les cours administrés par l’ICASL, car ce dernier est autonome et ses cours ne relèvent pas du mandat de la TVEC.

 

[20]           Le demandeur fait remarquer que les comptables agréés au Sri Lanka sont des professionnels réglementés par l’organe autonome qu’est l’ICASL. Cet établissement établit les exigences et les normes pour ses spécialistes comptables depuis la codification de sa loi constitutive, la loi du parlement no 23 de 1959 (Institute of Chartered Accountants Act (No. 23 of 1959)). La formation qu’offre l’ICASL à ses membres est similaire à celle du Barreau du Haut-Canada. Le sous-alinéa 3a)(ii) de la loi de 1959 énonce l’un des objectifs de l’ICASL :

 [traduction]

(L’institut aura pour mission) d’inscrire, d’instruire et de former les membres désireux d’apprendre ou d’améliorer leurs compétences et connaissances dans des domaines tels que la vérification, la gestion financière et la fiscalité.

 

 

[21]           Le demandeur fait valoir que les articles (1) à (33) de la loi no 34 de 1975 (Institute of Chartered Accountants (Amendment) Law (No. 34 of 1975)) énoncent des dispositions claires quant à la nature des examens de l’ICASL et des exigences en matière de formation pratique, et qu’ils détaillent minutieusement le processus d’examen. L’article 3 décrit comme suit la structure du processus d’examen :

[traduction]

Les examens d’admissibilité pour devenir membre de l’Institut comprendront :

a.       un examen intermédiaire;

b.      un examen final.

 

[22]           Le demandeur affirme qu’il est clair, compte tenu du mandat et de la portée des responsabilités de l’ICASL, que l’ICASL, aux termes de l’article 73 du Règlement, est « l’autorit[é] chargé[e] d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer les établissements d’enseignement dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat. »

 

[23]           Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en exigeant que les cours suivis par le demandeur en vue de devenir comptable agréé soient enregistrés auprès de la TVEC, étant donné l’autoréglementation de l’ICASL.

 

[24]           Le demandeur fait remarquer que l’autoréglementation de l’ICASL est semblable à celle exercée par le Barreau du Haut-Canada auprès des avocats en Ontario. Il soutient que l’analyse faite par l’agent s’appliquerait mieux à des cours de formation professionnelle et technique qui sont administrés au Sri Lanka, non à des cours en vue de devenir comptable agréé.

 

[25]           Le demandeur fait aussi renvoi à certains des objectifs de la TVEC qui sont affichés sur la page Web de cette organisation à l’adresse http://www.tvec.gov.lk/English/about_us.htm :

[traduction]

Mettre en œuvre le système national d’assurance qualité par l’entremise de l’enregistrement des établissements et de l’accréditation des cours de formation.

 

Assurer l’établissement et le maintien de normes par les établissements d’enseignement supérieur et de formation professionnelle.

 

Élaborer et tenir à jour un système national de qualifications pour les professions.

 

Assurer le développement d’établissements d’enseignement supérieur et de formation professionnelle grâce à des programmes de perfectionnement en gestion et un soutien financier.

 

 

[26]           Le demandeur invoque un affidavit du président de l’ICASL, dans lequel ce dernier déclare que le fait d’exiger l’enregistrement auprès de la TVEC à des fins de reconnaissance [traduction] « équivaut à reléguer la loi du parlement au second plan. »

 

[27]           Le demandeur prétend également que le défendeur a reconnu que l’agent aurait dû tenir compte de ses études. N’est toutefois pas pertinente l’affirmation du défendeur portant que même si l’agent en avait tenu compte, seulement 22 points auraient été attribués pour le facteur des études, vu que le dossier ne renferme aucun élément pour étayer cette affirmation. Le dossier contient plutôt l’évaluation des études réalisée par l’agent. Dans le dossier, l’agent a reconnu que le demandeur avait besoin d’une maîtrise, mais qu’il n’avait pas accumulé au moins dix-sept années d’études comme l’énonce l’alinéa 78(2)f) du Règlement :

78(2) f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

78(2) (f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full-time or full-time equivalent studies.

 

[28]           Le demandeur fait valoir que l’agent n’a pas tiré les deux conclusions que le défendeur énonce maintenant dans le cadre de ses observations : (1) que les études en vue de devenir comptable agréé ne devraient pas être considérées par l’agent vu qu’il ne s’agit pas d’un diplôme universitaire; et (2) que les études n’étaient pas un préalable à la maîtrise obtenue par le demandeur.

 

[29]           Le demandeur affirme que l’alinéa 78(3)a) et le sous-alinéa 78(3)b)(i) du Règlement ne sont pas pertinents du fait qu’ils visent les situations où un demandeur a obtenu deux maîtrises, ou deux baccalauréats, et que le Règlement veille à ce que le demandeur ne récolte pas le double des points dans de telles situations. Toutefois, au sous-alinéa 78(3)b)(i) du Règlement, il est énoncé que les points sont attribués en fonction du diplôme qui procure le plus de points, ce qui, en l’occurrence, serait une maîtrise, peu importe les préalables à cette maîtrise (contrairement à l’affirmation du défendeur).

 

Le défendeur

            Erreur négligeable

 

[30]           Le défendeur prétend que même si le demandeur avait obtenu un pointage dépassant le nombre maximal de points possibles pour les études, ces points n’auraient pas aidé le demandeur à obtenir un visa de résidence permanente.

 

[31]           Le défendeur admet que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte des études de demandeur à l’ICASL; cependant, même si l’agent avait reconnu ces études, le demandeur n’aurait pas suffisamment de points pour les études. Le défendeur soutient que l’agent ne disposait d’aucune preuve établissant que l’ICASL est une université; par conséquent, les études suivies à l’ICASL seraient considérées comme menant à un diplôme autre qu’un diplôme universitaire, et le nombre maximal d’années pouvant être reconnu aux termes du sous-alinéa 78(2)e)(i) du Règlement serait trois années, portant ainsi le total à quinze années d’études pour le demandeur. Par conséquent, le nombre maximal de points que le demandeur pourrait obtenir est 22 points, ce qui porterait son pointage à 65 points, soit deux points de moins que les 67 points requis.

 

[32]           Le défendeur soutient aussi que le demandeur ne pouvait pas obtenir le nombre de points maximal pour les études parce que les cours suivis à l’ICASL n’étaient pas un préalable à sa maîtrise. Le programme préalable à la maîtrise était un diplôme de professionnel en transports. Par conséquent, les études suivies à l’ICASL ne figureraient pas dans le calcul des années d’études prévues au paragraphe 78(3) du Règlement, lequel interdit le calcul cumulatif. Le calcul repose sur le diplôme obtenu le plus élevé. Selon un calcul basé sur sa maîtrise, le demandeur n’aurait pas obtenu dix-sept années d’études à temps plein, ou l’équivalent temps plein, mais plutôt quinze années d’études. Le sous-alinéa 78(2)e)(i) du Règlement indique que le nombre de points maximal obtenu pour les études serait 22 points. Cette nouvelle évaluation équivaut à un pointage global de 65 points dans le cadre de la demande de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), un tel pointage étant cependant toujours insuffisant pour accueillir la demande.  Voir la décision Bhuiya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 878.

 

[33]           Le défendeur conclut que l’erreur de l’agent est négligeable. Le demandeur n’aurait pas eu assez de points pour être admissible à un visa de résidence permanente. Les erreurs liées à des aspects qui n’ont aucune incidence sur une décision ne devraient pas justifier l’annulation de la décision. Voir les décisions : Yassine c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 949 (C.A.F.), aux paragraphes 3 à 5; Miranda c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 437; Nyathi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2003 CF 1119 aux paragraphes 18 et 24, et N’Sungani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CF 1759, au paragraphe 25. Par conséquent, la demande du demandeur devrait être rejetée.

 

ANALYSE

 

[34]           Le défendeur admet que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte des études suivies par le demandeur à l’ICASL, mais il prétend qu’il s’agissait d’une erreur négligeable, car même si l’agent avait reconnu ces études, cette reconnaissance n’aurait toujours pas permis au demandeur de récolter assez de points pour obtenir un pointage global de 67 points.

 

[35]           Les notes de l’agent indiquent clairement qu’il a reconnu que le demandeur possédait une maîtrise. Ainsi, aux termes de l’alinéa 78(2)f) du Règlement, le demandeur devait montrer qu’il avait accumulé « un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein ».

 

[36]           Cependant, comme le défendeur le souligne, les études à l’ICASL n’étaient pas un préalable à la maîtrise en sciences de la gestion de la marine marchande (Master of Science in Shipping Management) que le demandeur a obtenue en 1998 à l’Université maritime mondiale (World Maritime University) en Suède. Le demandeur a donc accumulé seulement quinze, et non dix-sept, années d’études préalables à sa maîtrise. Le nombre maximal de points pour ses études serait de 22 points, ce qui ne lui permettrait pas d’obtenir le total de 67 points exigés.

 

[37]           Le demandeur affirme que nul ne conteste le fait qu’il a accumulé au moins dix-sept années d’études avant l’obtention de sa maîtrise, et qu’il a donc droit aux 25 points en application de l’alinéa 78(2)f) du Règlement, ce qui porte son total au nombre requis de 67 points.

 

[38]           La mésentente des parties semble porter sur la question de savoir si les années passées par le demandeur à l’ICASL devraient compter dans le calcul des « dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein » suivant l’alinéa 78(2)f) du Règlement. Le demandeur affirme qu’elles comptent ou, du moins, qu’il ne convient pas que la Cour tranche sur cette question et que l’affaire devrait être renvoyée à un autre agent pour réexamen. Essentiellement, le demandeur affirme que, dans le calcul des dix-sept années, il n’a pas besoin de démontrer qu’il a fait des études connexes et qu’il a seulement besoin de démontrer que les années d’études l’ont mené à l’obtention d’une maîtrise.

 

[39]           Le défendeur affirme qu’il est inutile de renvoyer l’affaire pour un nouvel examen, car il est évident que les années d’études à l’ICASL ne peuvent être utilisées en l’espèce. Elles ne constituaient pas un préalable à la maîtrise; elles faisaient partie d’une formation non requise et parallèle.

 

[40]           Je crois que le défendeur a raison de dire que, malgré l’erreur commise par l’agent de ne pas tenir compte des études à l’ICASL, s’il est inutile de renvoyer l’affaire pour qu’une nouvelle décision soit rendue (parce que le demandeur n’a aucune chance de voir acceptée sa demande à titre de travailleur qualifié), je devrais alors rejeter la demande. Voir les décisions Persaud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2009] A.C.F. no 229, au paragraphe 40. Je dois donc me demander s’il est impossible d’attribuer 25 points au demandeur pour les études parce que ses études à l’ICASL ne peuvent compter dans le calcul des années d’études à temps plein complètes aux termes de l’alinéa 78(2)f) du Règlement.

 

[41]           Comme l’a conclu la juge MacTavish au paragraphe 13 de Bhuiya, le paragraphe 78(3) du Règlement prévoit que les points sont attribués en fonction du diplôme qui procure le plus de points. Les parties en l’espèce s’entendent sur le fait que le diplôme d’études du demandeur qui procure le plus de points est sa maîtrise.

 

[42]           Eu égard aux faits dans Bhuiya, la juge MacTavish a conclu, au paragraphe 19, que le « fait que Mlle Bhuiya ait pu suivre une année supplémentaire d’études après avoir obtenu sa maîtrise ne transforme pas sa maîtrise de 16 années en une maîtrise de 17 années ». Or les faits devant moi soulèvent une question quelque peu différente.

 

[43]           La question en l’espèce est de savoir si, au moment de calculer le nombre d’années qui ont mené à l’obtention de la maîtrise par le demandeur, le temps consacré aux études à l’ICASL par ce dernier aurait été compté par l’agent si cette question lui était venue à l’esprit.

 

[44]           Le défendeur affirme que ces années d’études ne pouvaient pas compter parce qu’elles n’étaient pas pertinentes eu égard à la maîtrise et qu’elles constituaient, en fait, une formation non connexe, non requise et parallèle qui menait à l’obtention d’un autre type de compétence. Le demandeur affirme qu’il lui suffit d’avoir au moins dix-sept années d’études, et qu’il n’a pas besoin d’avoir fait une formation connexe, qu’il n’avait qu’à démontrer que ses études se situent dans la ligne de progression vers l’obtention du diplôme qui procure le plus de points. À tout le moins, comme l’affirme le demandeur, l’agent doit déterminer si les études exigées à l’ICASL s’inscrivaient dans les années d’études ayant mené à l’obtention de la maîtrise. Il n’y a rien dans le Règlement qui empêche d’inclure les années d’études à l’ICASL dans le calcul visé à l’alinéa 78(2)f) du Règlement.

 

[45]           Dans la décision Bhuiya invoquée par le demandeur, l’agent avait précisément conclu que le diplôme d’études supérieures de Mlle Bhuiya en gestion du personnel n’était « pas dans la ligne de progression vers l’obtention de son diplôme qui procure le plus de points », soit la maîtrise qu’elle a obtenue. L’année que Mlle Bhuiya a consacrée au diplôme d’études supérieures n’a donc pas été incluse dans le calcul des années menant à l’obtention de la maîtrise. La juge MacTavish a approuvé cette manière de calculer et conclu qu’une telle interprétation du Règlement était conforme au Guide de l’Immigration et aux objectifs décrits dans le résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) concernant le Règlement.

 

[46]           Bien que je convienne avec le défendeur que la décision rendue dans Bhuiya ne reposait pas sur l’année consacrée au diplôme après que Mlle Bhuiya ait obtenu sa maîtrise, l’agent en l’espèce n’a pas conclu que les années d’études du demandeur à l’ICASL n’étaient pas dans ligne de progression vers l’obtention du diplôme qui procure le plus de points et je ne dispose pas d’une preuve suffisante pour tirer une telle conclusion. Par conséquent, il m’est impossible de conclure si l’erreur commise par l’agent était négligeable, ou si un autre agent n’ayant pas commis l’erreur de ne pas tenir compte des études suivies par le demandeur à l’ICASL considérerait les années d’études faites par le demandeur à l’ICASL comme étant dans la ligne de progression vers l’obtention du diplôme qui procure le plus de points.

 

[47]           En définitive, je me dois de conclure que, si l’erreur n’avait pas été commise, une conclusion différente favorable au demandeur aurait pu être tirée. En conséquence, la présente affaire devrait être renvoyée à un autre agent chargé de l’examiner.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

 

1.                  La demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent chargé de l’examiner à nouveau en tenant compte des présents motifs.

 

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

« James Russell »

         Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4409-08

 

INTITULÉ :                                       H. JAYAWEERA MUHANDIRAMGE

                                               

            c.

           

            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 2 JUIN 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 23 JUILLET 2009

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Max Chaudhary                                                            POUR LE DEMANDEUR

 

Jocelyn Clarke                                                  POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Max Chaudhary                                                POUR LE DEMANDEUR

Avocat

North York (Ontario)

                       

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.