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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20091113

Dossier : T‑949‑05

Référence : 2009 CF 1160

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 13 novembre 2009

En présence de monsieur le juge Mosley

 

ENTRE :

FREDERICK L. NICHOLAS

demandeur

et

 

ENVIRONMENTAL SYSTEMS (INTERNATIONAL) LIMITED

BRIAN G. COOK

REIF WINERY INC. (faisant affaire sous la raison sociale de « REIF ESTATE WINERY »)

KLAUS REIF

et RE/DEFINING WATER INC.

 

défendeurs

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Dans une requête datée du 27 juillet 2009, et modifiée le 1er octobre 2009, le demandeur appelle de l’ordonnance du protonotaire Aalto datée du 17 juillet 2009, exigeant que le demandeur fournisse un cautionnement supplémentaire pour les dépens dans cette la présente action.

 

  • [2] La demande, déposée en juin 2005, allègue la violation du droit d’auteur et des droits moraux dans un rapport, daté du 3 juin 2003, que le demandeur a préparé pour un tiers. Le demandeur se représente lui‑même dans les procédures préalables au procès. Il est actuellement prévu que le procès débute le 10 avril 2010.

 

  • [3] Le demandeur réside habituellement hors du Canada. Ainsi, suivant la règle 416 des Règles des Cours fédérales, les défendeurs ont droit prima facie au cautionnement pour les dépens à moins que la Cour n’exerce le pouvoir discrétionnaire autorisé par la règle 417 de refuser une telle ordonnance. La règle 417 exige que le demandeur fasse preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien‑fondé de la cause.

 

  • [4] Dans leur requête de cautionnement initiale présentée à la protonotaire Tabib en décembre 2006, les défendeurs ont admis que la mesure avait des mérites, mais ils ont déclaré leur intention de contester vigoureusement la demande. Il s’agissait donc de décider si le demandeur était indigent. Dans son ordonnance du 22 décembre 2006, la protonotaire Tabib a refusé de conclure que le demandeur était indigent puisque, notamment, il n’avait pas expliqué pourquoi il n’avait pas d’emploi et pourquoi il ne pouvait pas dépendre de l’aide financière de sa femme pour amasser le cautionnement nécessaire.

 

  • [5] La protonotaire Tabib a exigé que le demandeur dépose un cautionnement de 20 000 $ pour les dépens des défendeurs engagés ou qui seront engagés à l’interrogatoire préalable des procédures. L’ordonnance prévoyait que le montant du cautionnement pourrait être payé en versements mensuels et varier sur une demande de changement dans les circonstances, des dépens supplémentaires engagés, ou pour fournir le cautionnement pour d’autres étapes du présent litige.

 

  • [6] Dans une requête écrite datée du 20 mai 2009, les défendeurs ont demandé un cautionnement supplémentaire aux motifs qu’ils ont engagé des dépens de plus de 400 000 $ afin de défendre l’action à ce jour et ont estimé qu’ils engageraient 100 000 $ en dépens supplémentaires pour se défendre contre l’action. Ils affirment que la demande aurait dû avoir été présentée sous une procédure simplifiée, le cas échéant, et ont allégué que la façon dont le demandeur avait poursuivi l’affaire avait été inutilement lourde et qu’elle leur avait occasionné des dépenses importantes. Les défendeurs ont demandé qu’un cautionnement soit calculé au haut de l’échelle de la colonne V du tableau du tarif B.

 

  • [7] Le demandeur a déposé une requête de réponse volumineuse demandant, notamment, que la requête soit refusée au motif que sa demande était bien fondée et qu’il avait démontré une indigence. Sur la question du mérite, le demandeur a déposé beaucoup de documents, y compris son mémoire relatif à la conférence préparatoire (MRCP). En ce qui concerne l’indigence, l’affidavit du demandeur renvoie longuement à son chômage continu, à ses dettes et à son incapacité à recueillir des fonds d’autres sources comme motif visant à refuser l’ordonnance.

 

DÉCISION FAISANT OBJET DE L’APPEL :

  • [8] Dans la décision du 17 juillet 2009, le protonotaire Aalto a conclu que les défendeurs avaient fourni un affidavit à l’appui pour la demande de cautionnement supplémentaire pour les dépens. Il a noté que le fardeau de prouver l’indigence revient au demandeur et il a soutenu qu’il n’y avait aucun motif pour réviser les conclusions déjà faites par la protonotaire Tabib. À son avis, les éléments de preuves ne révélaient pas que le demandeur est indigent comme ce concept est défini dans la jurisprudence.

 

  • [9] Le protonotaire a conclu que le fardeau du demandeur n’avait pas été libéré sur la requête et que [traduction] « […] le demandeur a à ce jour été en mesure de recueillir les fonds requis pour aider dans le cadre du litige. Un cautionnement accru pour les dépens est requis. »

 

  • [10] Un projet de mémoire des dépens avait été fourni dans le cadre de la requête des défendeurs fixant une estimation au haut de l’échelle de la colonne V de 47 000 $. Le protonotaire Aalto a conclu que bien qu’il y ait peu à critiquer dans le projet de mémoire, certaines dépenses n’étaient pas justifiées. Il a ordonné que le demandeur paye le montant de 36 000 $ à titre de cautionnement supplémentaire pour les dépens engagés, et qui seront engagés, jusqu’à la fin du procès avec les dépends de la requête à être payés quelle que soit l’issue de la cause. L’ordonnance prévoyait qu’il pouvait s’acquitter du montant en étapes d’un minimum de 1 500 $ par mois, à compter du 17 août 2009, si le solde est payé à la cour au moins 30 jours avant la date fixée pour l’instruction de l’action.

 

  • [11] Il est actuellement prévu que le procès devrait débuter le 12 avril 2010 et qu’il durera trois jours. Le demandeur n’a pas encore effectué de paiement à la cour en acquittement de l’ordonnance du 17 juillet 2009. Dans une requête datée du 16 octobre 2009, le demandeur a sollicité la suspension de l’ordonnance du 17 juillet 2009, « nunc pro tunc » en vertu de la règle 398(1)b) des Règles des Cours fédérales. Le demandeur ne s’est pas présenté à l’audition de l’appel le 2 novembre 2009. Un avocat s’est présenté au nom du demandeur. L’avocat a informé la Cour qu’il s’y présentait à titre gracieux et qu’il n’avait pas été retenu pour agir à titre d’avocat inscrit au dossier. On lui a permis de faire des observations à titre du représentant du demandeur pendant lesquelles il a reconnu que la requête de sursis est maintenant théorique puisque l’audience de l’appel avait lieu et qu’il n’y avait aucune raison à la Cour de considérer la requête. Je suis d’accord.

 

QUESTION EN LITIGE :

  • [12] La question en litige dans le présent pouvoir est à savoir si le protonotaire Aalto a commis une erreur flagrante en décidant de faire preuve de discrétion en demandant d’autres cautionnements pour les dépens.

 

NORME DE CONTRÔLE :

  • [13] La norme de contrôle applicable aux décisions discrétionnaires d’un protonotaire a été établie par la Cour d’appel fédérale dans Canada c. Aqua‑Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), [1993] A.C.F. no 103, et elle a reçu l’approbation de la Cour suprême du Canada dans Z.I. Pompey Industrie c. ECU‑LINE N.V., [2003] 1 R.C.S. 450, [2003] S.C.J. no 23, au paragraphe 18 :

Le juge des requêtes ne doit modifier l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire que dans les cas suivants : a) l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire sur le fondement d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits, ou b) le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire relativement à une question ayant une influence déterminante sur la décision finale quant au fond[.]

 

 

  • [14] Le critère Aqua‑Gem a été reformulé dans Merck & Co. c. Apotex Inc., (2003), 315 R.C.F. 175, [2003] A.F.C. no 1925, comme suit :

[…] le juge saisi de l’appel contre l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

a) l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal,

b) l’ordonnance est entachée d’erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

 

DISCUSSION :

  • [15] Le demandeur n’a pas soutenu que la question de cautionnement pour les dépens est une « influence déterminante à l’issue du principal ». Il semble, de toute façon, être réglé dans la jurisprudence de notre Cour que le critère plus strict de « déterminante » ne serait pas respecté par la question du cautionnement pour les dépens : Contour Optik Inc. c. Hakim Optical Laboratory Ltd (F.C.T.D.), (2000), 10 C.P.R. (4e) 357, [2000] A.F.C. no 2060, au paragraphe; Heli Tech Services (Canada) Ltd. c. Weyerhaeuser Co. (C.F. 1re inst.), (2006), 56 C.P.R. (4e) 432, [2006] A.C.F. no 1494, au paragraphe 18; Coombs c. La Reine, 2008 CF 894, [2008] A.C.F. 1128, au paragraphe 12; Merck & Co. c. Apotex Inc. (C.A.F.), (2003), 30 C.P.R. (4e) 40, [2003] A.C.F. no 1925, au paragraphe 22.

 

  • [16] La Cour devrait, par conséquent, seulement intervenir avec l’ordonnance du protonotaire Aalto si elle est satisfaite qu’il a commis [traduction] « une erreur flagrante » du fait qu’il a fondé sa décision sur un principe juridique erroné ou sur une mauvaise compréhension des faits et, par la suite, seulement à l’examen de novo des éléments de preuve, la Cour énonce une conclusion différente au regard des faits et du droit. Un examen de novo peut seulement considérer les éléments de preuve qui étaient devant le protonotaire. Les défendeurs se sont opposés à juste titre de l’inclusion d’éléments de preuve supplémentaires dans l’affidavit du demandeur dans son dossier d’appel. Je n’ai aucunement considéré ces nouveaux éléments de preuve pour en arriver à une décision.

 

  • [17] Bien que le demandeur ait soulevé quelques questions connexes concernant la décision d’exiger un cautionnement additionnel, la question centrale était de savoir si le protonotaire avait commis une erreur de principe ou mal saisi les faits en concluant que le demandeur n’avait pas démontré qu’il faisait preuve d’indigence au sens du règlement 417 des Règles des Cours fédérales.

 

  • [18] La définition de « sans le sou » que le juge Max Teitelbaum a dérivée des dictionnaires dans Ferguson c. Arctic Transportation Ltd., (1996), 118 F.T.R. 154, [1996] A.C.F. no 1074, au paragraphe 17, avait été appliquée de façon uniforme dans les arrêts subséquents. Une personne [traduction] « impécunieuse » est une personne qui a [traduction] « besoin d’argent, est pauvre, sans le sou, appauvrie ou nécessiteuse ».

 

  • [19] Le fardeau de la preuve reposer sur le demandeur qui affirme être indigent afin de chercher à éviter de déposer un cautionnement pour dépens. Une divulgation complète et franche est requise de façon à ce qu’il n’y ait pas de question importante laissée sans réponse : Morton c. Canada (Procureur général), (2005), 75 O.R. (3d) 63, [2005] O.J. no 948, au paragraphe 32.

 

  • [20] La raison d’être de l’adoption du critère d’indigence en vertu de la règle 417 avait été établie par le juge Douglas Campbell dans Heli Tech Services, précité au paragraphe 4. Les tribunaux ont été anxieux d’assurer un accès à la justice lorsqu’un plaideur est tenu de verser un cautionnement pour dépens, mais qu’il n’est pas en mesure de le faire. Voici comment cela été exprimé par le juge Reid dans John Wink Ltd. c. Sico Inc., (1987), 57 O.R. (3d) 705, 15 C.P.C. (2d) 187, [1987] O.J. no 5, au paragraphe 8 :

[traduction]

 

Il ne peut faire de doute que, s’il était fait obstacle à l’instruction d’une cause en raison de la pauvreté d’un demandeur, il en résulterait une injustice. Si l’ordonnance avait pour conséquence l’anéantissement de la cause, elle ne devrait pas être prononcée.

 

 

  • [21] La raison, comme l’a dit de façon plus imagée le juge Reid, est que si une telle ordonnance « empêche le demandeur de poursuivre l’instance règle de fait l’affaire ». Cela peut être une puissante raison pour un défendeur de demander une telle ordonnance.

 

  • [22] Les tribunaux s’inquiétaient également qu’un défendeur ayant gain de cause, s’il est accueilli, ne devrait pas être effectivement privé des dépens par un défaut de ne pas exiger de cautionnement. Cette préoccupation a souvent surgi dans le contexte des demandeurs qui ont décidé d’exploiter l’entreprise et d’ester en justice par l’entremise d’une société fictive sans actifs : Fortyn c. Canada (T.D.), [2000] 4 C.F. 184, [2000] A.C.F. no 686, aux paragraphes 19 et 20 citant Smith Bus Lines Ltd. c. Banque de Montréal, (1987), 61 O.R. (2d) 688, aux pages 704 et 705, [1987] O.J. no 1197.

 

  • [23] Par conséquent, comme l’a observé le juge Reid (à la page 709 du rapport O.R.) :

[traduction]

 

Pour invoquer l’indigence, il doit être prouvé que si le cautionnement est exigé, les poursuites prendront fin ‑ parce que non seulement le demandeur ne possède pas la somme nécessaire aux fins du cautionnement, mais aussi parce qu’il n’a pas cette somme à sa disposition.

 

 

  • [24] Dans le cas d’une société fictive sans actifs découverts, les tribunaux peuvent raisonnablement s’attendre à ce que les actionnaires fournissent l’indemnisation. Dans le cas d’un demandeur qui n’est pas constitué en société, il est approprié d’examiner d’autres sources de fonds qui peuvent être offertes au plaideur, y compris ceux détenus par de proches parents. Par exemple, dans Ferguson, précité, le juge Teitelbaum a rejeté un argument que le demandeur était indigent en invoquant la preuve qu’il avait des économies de 13 000 $, qu’il avait reçu une pension annuelle d’environ 60 000 $ et qu’il était propriétaire de plusieurs propriétés exemptes d’hypothèque en propriété conjointe avec sa femme.

 

  • [25] En l’espèce, en réponse à la requête des défendeurs pour un cautionnement supplémentaire, le demandeur a fourni des éléments de preuves au sujet de sa situation financière et de celle de sa femme aux paragraphes 148 à 180 de son affidavit, avec des preuves à l’appui. Le protonotaire Aalto a traité des éléments de preuve du demandeur en émettant les commentaires suivants à la page 4 de son ordonnance :

[traduction]

 

Les éléments de preuve sont loin d’être « particulièrement robustes », ce qui est nécessaire pour s’acquitter du fardeau de démontrer l’indigence. Le demandeur a déposé un long affidavit dans le cadre de son dossier de requête, lequel compte plus de 600 pages. Une grande partie semble répéter les éléments de preuve qui étaient la protonotaire Tabib, bien que certaines informations aient été mises à jour. Le demandeur se réfère au fait qu’il n’est pas actuellement employé; que lui et sa femme possèdent une maison bien qu’il ne soit plus sur acte de fiducie; qu’il a engagé des frais importants d’environ 21 000 $ US pour préparer des requêtes, y compris les photocopies et les reliures; que sa carte de crédit a été suspendue; que des dépenses imprévues ont été engagées en raison d’inondations et d’ouragans; qu’il a de la valeur en espèces dans une police d’assurance‑vie; qu’il consacre tout son temps à ce litige et ne travaille qu’occasionnellement dans la conception d’un logiciel qu’il dit faire jusqu’à la nécessité d’intenter ce litige; que sa société n’a aucun revenu; qu’il a encaissé un REER d’une valeur de 3220,08 $ qu’il a établi lorsqu’il vivait au Canada; qu’il soutient un fils de son mariage précédent; qu’il a obtenu des fonds d’un collègue pour l’aider à payer l’ordonnance précédant pour le cautionnement des frais; que son père lui a avancé des fonds pour ce litige; et, qu’il n’a pas d’autres sources de fonds ou d’actifs.

 

 

  • [26] En toute déférence au savant protonotaire, j’ai beaucoup de difficulté à comprendre de quelle façon les preuves du demandeur n’ont pas démontré qu’il était indigent. Dans la lecture que je faisais de ces éléments de preuve, il a répondu aux préoccupations soulevées par la protonotaire Tabib dans l’ordonnance de décembre 2006. Le demandeur a expliqué qu’il est travailleur autonome, mais qu’il n’a pas de revenu; qu’il est grandement endetté et assujetti à une ordonnance de pension alimentaire pour enfant pour laquelle il a des arriérés; il n’a pas de crédit et dépend du revenu d’infirmière de sa femme afin de s’acquitter des dépenses de subsistance de la famille. Le domicile familial est grandement hypothéqué et le montant minimal de l’équité restant est bien loin du montant du cautionnement requis. Son REER était maintenant épuisé. La carte de crédit de sa femme a été suspendue. Le demandeur a emprunté des fonds à son père et à un ancien collègue afin de respecter les frais de litige, y compris l’ordonnance de cautionnement initiale, mais, explique‑t‑il, ces sources de fonds ne lui sont plus disponibles. Aucune autre source de fonds n’est identifiée. Une action en recouvrement non liée sur le solde dû d’un billet à ordre délivré par l’un des défendeurs dans la présente action restait en attente devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario, mais il n’y avait aucune indication qu’il serait réglé à court terme.

 

  • [27] Au paragraphe 180 de son affidavit, le demandeur a expliqué qu’une ordonnance de cautionnement supplémentaire pour les dépens l’empêcherait de continuer son action contre les défendeurs. Il n’a pas été contre‑interrogé sur son affidavit. Le protonotaire Aalto a reconnu cette situation, mais s’est fondé sur le fait que le demandeur avait été en mesure de recueillir les fonds à mesure qu’il en avait besoin pour aider au litige. Ce facteur est pertinent, mais il ne peut pas être déterminant lorsque le demandeur a autrement démontré au moyen de preuves non contestées qu’il est indigent.

 

  • [28] À mon avis, il constitue une erreur de principe de présumer que puisque le demandeur avait par le passé été en mesure de satisfaire à une ordonnance de cautionnement modeste pour les dépens qu’il serait en mesure de le faire à nouveau lorsque le seul élément de preuve devant la cour ayant trait à la situation financière du demandeur indique le contraire. À contrecœur, je dois conclure que le protonotaire a commis une erreur de principe et mal interprété les faits. En révisant les éléments de preuve qui étaient devant le protonotaire, de novo, je conclus que le demandeur a démontré une indigence et que l’ordonnance de cautionnement pour dépens d’aurait pas avoir dû être délivrée.

 

  • [29] J’arrive à cette conclusion à contrecœur parce qu’il est clair à partir du dossier de la Cour qu’il aurait pu avoir servi comme une gentillesse au demandeur d’[traduction] « arrêter net cette action ». Les défendeurs pourraient bien avoir raison que la demande aurait dû avoir été traitée selon la procédure simplifiée et que le demandeur ne peut qu’espérer réaliser des dommages‑intérêts préétablis s’il a gain de cause. Il ne m’incombe pas de décider dans le présent pourvoi, mais il est évident à partir de son affidavit et de ses observations écrites que le demandeur n’a pas une opinion objective ou, on pourrait dire, réaliste, du succès qu’il peut s’attendre à réaliser sur le sort de sa demande.

 

  • [30] Je suis également convaincu que la façon dont le demandeur a présenté sa demande a ajouté aux coûts engagés à ce jour. Les défendeurs ont droit de se défendre vigoureusement contre l’action de la façon dont ils jugent nécessaire. Je n’oublie pas non plus que si les défendeurs réussissent et que le demandeur est condamné aux dépens, il est possible qu’ils ne soient pas en mesure de les recouvrer si le cautionnement n’est pas requis. La Cour n’a aucune raison de croire que les défendeurs ont des [traduction] « ressources considérables » capables de s’acquitter facilement de ces coûts. Néanmoins, si le principe de l’accès à la justice signifie quelque chose, il doit permettre à une partie comme M. Nicholas d’avoir l’occasion de plaider.

 

  • [31] Je ne suis pas influencé dans mon opinion de cette affaire par l’effort extraordinaire entrepris par le demandeur pour démontrer le caractère méritoire de son action. La règle 417 prévoit que la Cour peut refuser d’ordonner la fourniture d’un cautionnement pour les dépens si le demandeur fait la preuve de son indigence et si elle est convaincue du bien‑fondé de la cause. Il s’agit d’un examen de concert. Les facteurs ne l’emportent pas les uns sur les autres. Le demandeur doit démontrer fondement et indigence. Les défendeurs ont admis que l’action avait du mérite sur la requête initiale de cautionnement tout en niant une grande partie de la demande. Les protonotaires Tabib et Aalto n’ont pas cru qu’il était nécessaire d’examiner l’affaire au‑delà de cette concession. Je ne le crois pas non plus. Rien dans les présents motifs ne devrait s’interpréter par le demandeur comme l’endossement de son opinion de la solidité de son dossier.

 

  • [32] Le demandeur a présenté ses observations écrites que le protonotaire Aalto aurait dû se récuser d’entendre la requête après avoir été informé des informations confidentielles divulguées à la conférence préparatoire. Ce moyen est dénudé de tout fondement et le représentant du demandeur n’a pas insisté à ce sujet à l’audience. Le critère d’inégalité est très strict et nécessite une preuve de partialité ou de crainte raisonnable de partialité : Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369; R. c. S(R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484. Que le protonotaire pourrait avoir été informé de telles informations n’est pas, en soit, est suffisant. Il faudrait, de plus, un certain fondement objectif sur lequel une personne raisonnable pourrait inférer que le protonotaire aurait été influencé de façon consciente ou inconsciente par les renseignements. Le demandeur n’a pas fourni de motifs pour cette conclusion.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que l’appel soit accueilli et que l’ordonnance du protonotaire Aalto datée du 17 juillet 2009, exigeant un cautionnement pour dépens soit annulée. Les dépens suivront à l’issue de la cause.

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T‑949‑05

 

INTITULÉ :  FREDERICK L. NICHOLAS

 

  et

 

  ENVIRONMENTAL SYSTEMS (INTERNATIONAL)

  LIMITED; BRIAN G. COOK; REIF WINERY INC.

  (exerçant son activité sous la dénomination de « REIF ESTATE WINERY »); KLAUS REIF;

  et RE/DEFINING WATER INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE   Le 2 novembre 2009

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :   Le 13 novembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Peter Clyne

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Sarah M. Huggins

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

PETER CLYNE

Avocats

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

SARAH M. HUGGINS

Torys LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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