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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20091110

Dossier : IMM‑271‑09

Référence : 2009 CF 1147

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2009

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

ENTRE :

SLIMANE GUERGOUR

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

[1]               M. Slimane Guergour est arrivé au Canada en 2005. Il a présenté une demande d’asile au motif qu’il craignait la vengeance des autorités de l’Algérie, son pays d’origine, parce qu’il avait déserté l’armée, et au motif qu’il craignait d’être la cible de terroristes, parce qu’il avait été membre de l’armée par le passé.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) a conclu que la demande de M. Guergour n’était pas appuyée par des éléments de preuve crédibles et dignes de foi suffisants. La Cour a subséquemment rejeté sa demande d’autorisation de contrôle judiciaire.

 

[3]               M. Guergour a présenté également une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). À l’époque, il n’était pas représenté par un avocat. Sa demande d’ERAR n’était appuyée par aucune preuve ou allégation. Un agent d’ERAR a rejeté la demande de M. Guergour, qui me demande aujourd’hui d’infirmer cette décision et d’ordonner un nouvel ERAR au motif que l’agent avait le devoir d’effectuer des recherches sur les risques auxquels il était susceptible de faire face à son retour en Algérie. Il soutient en outre que la décision de l’agent était déraisonnable.

 

[4]               Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de l’agent, et je dois par conséquent rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Les questions en litige sont les suivantes :

 

1.                  L’agent a‑t‑il traité M. Guergour de manière injuste en omettant d’effectuer des recherches sur les risques auxquels il était susceptible de faire face en Algérie?

 

2.                  La décision de l’agent était‑elle déraisonnable?

 

II.     Analyse

 

1.      L’agent a‑t‑il traité M. Guergour de manière injuste en omettant d’effectuer des recherches sur les risques auxquels il était susceptible de faire face en Algérie?

 

[5]               M. Guergour soutient que l’agent d’ERAR ne peut simplement se fonder sur les observations présentées par un demandeur. Il doit veiller à obtenir tous les renseignements à jour sur la situation du pays en question. En conséquence, même si le demandeur n’a présenté aucune preuve ou qu’il a présenté quelques éléments de preuve seulement, l’agent doit faire un effort raisonnable, soutient‑il, pour s’assurer qu’il ne soit pas remis dans une situation de danger. Cette obligation est particulièrement importante, fait‑il valoir, lorsque le demandeur se représente lui‑même.

 

[6]               À mon avis, M. Guergour surestime le devoir de l’agent. Il est vrai qu’un agent a l’obligation « d’examiner les sources d’information les plus récentes lorsqu’[il] procède à l’évaluation des risques; [il] ne saurait se limiter aux pièces produites par le demandeur » (Hassaballa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 489, paragraphe 33). Cependant, le fardeau de preuve repose toujours sur le demandeur, qui doit préciser la nature du risque et présenter une preuve, en fait, une nouvelle preuve habituellement, à l’appui d’une allégation selon laquelle il serait exposé personnellement à un risque s’il retournait dans son pays d’origine (Bayavuge c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 65, paragraphe 43). Dans la présente affaire, M. Guergour n’a donné aucun motif à l’appui de son allégation relative au risque auquel il serait exposé, ni n’a‑t‑il fait référence à quelque preuve que ce soit. Ces circonstances ne peuvent donner lieu, à mon avis, à une obligation de l’agent d’effectuer des recherches sur un risque potentiel et non identifié auquel le demandeur est susceptible de faire face.

 

[7]               M. Guergour soutient que l’agent avait bel et bien été informé de sa situation personnelle et du fondement factuel de sa demande du fait de la décision rendue précédemment par la CISR. En conséquence, l’agent aurait pu approfondir la question de savoir s’il serait exposé à un risque en raison de son association passée avec l’armée (et de sa séparation ultérieure de celle‑ci), ainsi qu’il l’avait fait valoir devant la CISR. Cependant, cela aurait été l’équivalent d’un nouvel examen de la preuve présentée à la CISR et de la conclusion à laquelle cette dernière en était arrivée. De toute évidence, cela n’est pas l’objectif du processus d’ERAR.

 

[8]               M. Guergour indique également que l’agent aurait pu faire des recherches sur le traitement que l’Algérie réserve à leur retour aux demandeurs d’asile déboutés. Il s’agissait à son avis d’un facteur de risque évident que l’agent aurait dû évaluer.

 

[9]               Encore une fois, je conclus que cette prétention exagère la portée du devoir de l’agent envers le demandeur. Si elle était retenue, elle forcerait les agents à évaluer les motifs d’un risque potentiel cerné par les demandeurs, ainsi que tout autre risque susceptible de se poser dans la situation du demandeur, mais qui n’a pas été porté à l’attention de l’agent. À mon avis, cette proposition détonne par rapport au fardeau de preuve qui repose sur les demandeurs d’ERAR d’étayer leur prétention qu’ils courent un risque.

 

[10]           Bien que M. Guergour n’ait pas été représenté, je ne crois pas qu’en soi, cela ait porté atteinte à sa capacité de préciser le fondement de sa demande ni créé un devoir correspondant pour l’agent de rechercher des motifs potentiels à cet égard. Je ne peux pas conclure que M. Guergour a été traité de manière injuste.

 

2.      La décision de l’agent était‑elle déraisonnable?

 

[11]           M. Guergour soutient que la décision de l’agent était déraisonnable au motif que ce dernier s’est reporté à un seul document, à savoir le rapport sur l’Algérie publié en 2007 par le Département d’État américain, et qu’il a cité simplement un paragraphe introductif de ce rapport. L’agent n’a pas signalé les diverses questions sur les droits de la personne qui sont cataloguées dans le rapport. En outre, il s’est fondé sur le rapport pour appuyer sa conclusion selon laquelle la situation en Algérie ne s’était pas détériorée pendant la période qui a suivi la décision de la CISR, alors que le rapport traitait de circonstances se rapportant à l’année précédant la décision de la CISR.

 

[12]           Le rapport du Département d’État cité par l’agent a été publié après que la CISR eut rendu sa décision. Certes, il portait sur la situation telle qu’elle était au cours de l’année précédente, mais cette preuve sur la situation en Algérie était plus récente que celle dont disposait la CISR. Je ne peux reprocher à l’agent de s’être fondé sur cette preuve. Je ne peux non plus, étant donné l’omission de M. Guergour d’étayer sa demande, mettre en doute la décision de l’agent d’effectuer une recherche limitée.

 

[13]           Je ne peux pas conclure que la décision de l’agent était déraisonnable.

 

III.   Conclusion et dispositif

 

[14]           Étant donné que M. Guergour n’a précisé aucune source de risque ni signalé aucune preuve à l’appui de sa demande d’ERAR, l’agent n’avait pas le devoir d’effectuer des recherches sur les secteurs potentiels de risque. M. Guergour n’a pas été traité de manière injuste. Dans les circonstances, le fait que l’agent a mentionné un seul rapport sur les conditions en Algérie n’a pas revêtu sa décision d’un caractère déraisonnable.

 

[15]           Les avocats m’ont demandé la permission de présenter des observations sur une question à des fins de certification. J’examinerai les observations que j’aurai reçues dans un délai de dix jours suivant la présente décision.

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.      la Cour examinera les observations sur une question certifiée qui seront déposées dans un délai de dix (10) jours à compter de la délivrance des présents motifs.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-271-09

 

INTITULÉ :                                       SLIMANE GUERGOUR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 27 OCTOBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 10 NOVEMBRE 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew J. Brouwer

POUR LE DEMANDEUR

 

Sharon Stewart-Guthrie

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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