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Date : 20091110

Dossier : IMM-1784-09

Référence : 2009 CF 1144

Ottawa (Ontario), le 10 novembre 2009

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

GEROME ESTILUS CHERENFANT

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

[1]               M. Gerome Cherenfant est arrivé au Canada en 2006. Il a demandé l’asile au motif qu’il craignait d’être persécuté pour ses opinions politiques dans son pays natal, Haïti, qu’il avait fui en 2001. Entre-temps, il avait résidé aux États-Unis, où il avait essayé d’obtenir l’asile, sans succès.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande de M. Cherenfant, essentiellement en raison d’un manque de crédibilité. M. Cherenfant prétend que les conclusions de la Commission étaient déraisonnables et il me demande d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué.

 

[3]               Je ne puis trouver aucun motif justifiant l’annulation de la décision de la Commission et je devrai, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Trois questions ont été soulevées :

 

  1. La Commission a-t-elle tiré des conclusions déraisonnables en ce qui a trait à la crédibilité?
  2. La Commission a-t-elle omis de tenir compte de la preuve documentaire pertinente?
  3. La Commission a-t-elle appliqué la mauvaise norme de preuve?

 

II.     Analyse

 

1.      La Commission a-t-elle tiré des conclusions déraisonnables en ce qui a trait à la crédibilité?

 

[5]               M. Cherenfant a expliqué à la Commission que, du temps où il était adolescent, il avait participé aux activités d’une organisation politique communautaire en Haïti. Toutefois, en 1999, quand le groupe a commencé à faire la promotion de la violence, M. Cherenfant a décidé de le quitter. Fâchés de son départ, certains membres du groupe sont partis à sa recherche. Afin de leur échapper, M. Cherenfant est allé se cacher dans un autre quartier, avant de quitter Haïti en 2001.

 

[6]               La Commission a trouvé que le récit de M. Cherenfant soulevait un certain nombre de problèmes. Dans son exposé circonstancié, M. Cherenfant a déclaré s’être caché de mars 1999 à décembre 2001. Toutefois, il avait pu travailler comme installateur de téléphones. À l’audience, il a déclaré qu’il avait été inactif pendant cette période, qu’il avait attendu sans rien faire. Quand cette contradiction a été portée à son attention, M. Cherenfant est revenu sur son témoignage, affirmant alors n’être resté caché que quelques semaines. Il a été incapable de dire ce qu’il avait fait pendant le reste de cette période.

 

[7]               La Commission a relevé deux incohérences additionnelles. Elles étaient relativement mineures. Premièrement, dans son exposé, M. Cherenfant a déclaré être catholique. À l’agent qui l’avait interrogé à son point d’entrée au Canada, il avait affirmé être baptiste. Deuxièmement, M. Cherenfant a affirmé que son père avait été assassiné en 1986. Or, dans sa demande d’asile, il a déclaré avoir des frères ou sœurs nés en 1988 et en 1993. En ce qui a trait à la première de ces contradictions, M. Cherenfant affirme qu’il était catholique du temps où il vivait en Haïti, mais qu’il a fréquenté une église baptiste quand il se trouvait aux États-Unis. En ce qui concerne la deuxième contradiction, il a affirmé qu’il était pressé quand il avait rempli sa demande et qu’il n’avait pas eu le temps de vérifier les dates de naissance de ses frères ou sœurs.

 

[8]               M. Cherenfant fait valoir que les conclusions que la Commission a tirées relativement à son manque de crédibilité portaient sur des faits qui ne concernaient qu’indirectement sa demande. Il n’importait pas particulièrement de savoir quelle était sa religion ou quelles étaient les dates de naissance de ses frères ou sœurs. En outre, il avait pu se tromper en ce qui concerne la période pendant laquelle il s’était caché et la date à laquelle il avait quitté Haïti. Il est d’avis que la Commission n’aurait pas dû remettre en cause l’essentiel de sa demande parce que son témoignage avait soulevé des problèmes de cette nature.

[9]               Je ne peux annuler les conclusions de fait de la Commission que si elles sont déraisonnables. Même si certaines des contradictions relevées dans le témoignage de M. Cherenfant portaient sur des questions relativement mineures ou secondaires, d’autres avaient trait au cœur de son allégation selon laquelle il avait été menacé, poursuivi, contraint à se cacher et carrément forcé de fuir Haïti. Je ne puis en déduire que la conclusion de la Commission, selon laquelle M. Cherenfant n’avait pas pu expliquer de façon crédible ce qui lui était arrivé, était déraisonnable.

 

2.      La Commission a-t-elle omis de tenir compte de la preuve documentaire pertinente?

 

[10]           M. Cherenfant soutient que la Commission n’a pas correctement examiné le risque auquel il serait exposé s’il retournait en Haïti, considérant qu’il a déjà été actif sur le plan politique. La Commission s’est contentée de se demander si M. Cherenfant serait considéré comme étant une personne nantie et pourrait être la cible de criminels en Haïti. La Commission s’est appuyée sur la preuve documentaire ainsi que sur la jurisprudence (Prophète c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 331), établissant que le risque d’être victime d’un crime en Haïti était général, et qu’il n’était pas propre à M. Cherenfant. Par conséquent, cette allégation ne peut étayer ni une demande d’asile fondée sur l’appartenance à un groupe social particulier, ni une demande de protection fondée sur un risque personnel de subir des traitements cruels et inusités.

 

[11]           Dans les présentes circonstances, je ne vois aucune erreur dans l’analyse ou dans le traitement de la preuve effectués par la Commission. Celle-ci avait déjà rejeté en totalité l’allégation de M. Cherenfant selon laquelle il avait fait l’objet de persécution pour des raisons politiques avant son départ d’Haïti. La Commission n’avait pas à poursuivre l’analyse en vue d’établir si cette expérience politique exposerait M. Cherenfant à certains risques à son retour.

 

3.         La Commission a-t-elle appliqué la mauvaise norme de preuve?

 

[12]           M. Cherenfant prétend que la Commission n’a pas appliqué la bonne norme de preuve pour établir son statut de réfugié. Il soutient que les conclusions que la Commission a tirées relativement à sa crédibilité donnent à penser qu’elle a cherché des preuves de persécution selon la prépondérance de la preuve au lieu de se demander s’il y avait une possibilité sérieuse de persécution, ce qui aurait été la bonne norme.

 

[13]           Je ne vois aucun fondement aux prétentions de M. Cherenfant sur ce point. La Commission a expressément conclu qu’il n’y avait pas de [traduction] « possibilité sérieuse » que M. Cherenfant soit persécuté, ce qui est la bonne norme au regard de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Elle a ajouté que [traduction] « selon la prépondérance de la preuve », M. Cherenfant n’était pas une « personne à protéger », ce qui est la bonne norme au regard de l’article 97.

 

III.   Conclusion et décision

 

[14]           Les conclusions de fait de la Commission n’étaient pas déraisonnables compte tenu des éléments dont elle disposait. Elle n’a pas commis d’erreur dans la manière dont elle a traité la preuve documentaire et elle a appliqué la bonne norme pour décider si le statut de réfugié devait être accordé à M. Cherenfant. Par conséquent, je devrai rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question de portée générale n’est soulevée. 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question de portée générale n’est soulevée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1784-09

 

INTITULÉ :                                       GEROME ESTILUS CHERENFANT

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 10 novembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

François Kabemba

POUR LE DEMANDEUR

 

Kristina Dragaitis

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

FRANÇOIS KASENDA KABEMBA

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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