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Date :  20091105

Dossier :  T-404-09

Référence :  2009 CF 1136

Montréal (Québec), le 5 novembre 2009

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer 

 

ENTRE :

EDWARD BRUCE GENDRON

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du Président indépendant du Tribunal disciplinaire de l’Établissement de Cowansville (le « tribunal ») présentée en vertu du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, déclarant le demandeur coupable, en vertu de l’alinéa 40(l) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la « Loi »), d’avoir refusé de fournir un échantillon d’urine.

 

[2]               Le demandeur est détenu au pénitencier de Cowansville. Le 19 décembre 2008, les agents correctionnels lui ont demandé de fournir un échantillon d’urine. Selon ce que le demandeur a, par la suite, raconté au tribunal, M. Ferland, un des agents, lui aurait expliqué qu’il s’agissait d’un contrôle au hasard.

 

[3]               Un tel contrôle est autorisé par l’alinéa 54(b) de la Loi, qui dispose que :

[l]’agent peut obliger un détenu à lui fournir un échantillon d’urine […] [s’] il le fait dans le cadre d’un programme réglementaire de contrôle au hasard, effectué sans soupçon précis, périodiquement et, selon le cas, conformément aux directives réglementaires du commissaire.

 

 

Un refus du détenu de se soumettre à un tel contrôle constitue une infraction disciplinaire en vertu de l’alinéa 40(l) de la Loi.

 

[4]               Tel qu’envisagé par la Loi, une directive du commissaire réglemente la prise d’échantillons d’urine. Il s’agit de la directive intitulée « Prise et analyse d'échantillons d'urine dans les établissements », no 566-10, en date du 19 décembre 2008 (la « Directive »).

 

[5]               La disposition pertinente de la Directive est le paragraphe 19, en vertu duquel « [t]oute demande d'échantillon d'urine doit être présentée au détenu au moyen du formulaire «Avis de fournir un échantillon d'urine (CSC/SCC 1064) » (l’« avis »). Il est à noter que l’avis comporte une explication des sanctions applicables si un détenu refuse de fournir un échantillon d’urine.

 

[6]               L’avis n’a pas été formellement présenté au demandeur. Le procureur général insiste sur le fait que les agents l’avaient en leur possession et à la vue du demandeur, mais ne nie pas que les agents ne l’ont pas formellement présenté au demandeur.

 

[7]               Le demandeur a refusé de fournir l’échantillon d’urine demandé. Les agents ne lui ont pas présenté l’avis pour qu’il puisse y confirmer son refus par écrit. Ils ont plutôt rempli le formulaire eux-mêmes, indiquant que le demandeur a refusé de fournir l’échantillon d’urine.

 

[8]               Les agents ont préparé un rapport disciplinaire. Le rapport constitue en même temps un avis de l’accusation du demandeur de l’infraction prévue à l’alinéa 40(l) de la Loi, conformément au paragraphe 25(1) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (le « Règlement »).

 

[9]               Le Tribunal a trouvé le demandeur coupable d’avoir refusé de fournir un échantillon d’urine. Le demandeur ne contestait pas les faits qu’on lui reprochait. Il s’est plutôt fondé sur le fait qu’on ne lui a pas présenté l’avis et sur les déficiences du rapport pour contester la validité de la demande de fournir un échantillon d’urine et celle de l’accusation. Le tribunal a rejeté ces prétentions. Il a, notamment, estimé ne pas être lié par le paragraphe 19 de la Directive, qui exige la présentation de l’avis au détenu, concluant que ce qui importe, c’est que le détenu en sache le contenu.

 

[10]           Le demandeur demande le contrôle judiciaire de cette décision, plaidant notamment que la présentation de l’avis à un détenu est « une exigence essentielle concernant l’équité procédurale ».

 

[11]           Le demandeur soutient que « la [D]irective serait inutile si elle pouvait ne pas être respectée sans conséquence » (ibid.). Le demandeur s’appuie sur l’alinéa 54(b) de la Loi, qui dispose expressément que toute demande d’échantillon d’urine doit se faire « conformément aux directives réglementaires du commissaire ».

 

[12]           Le procureur général note, tout d’abord, que le demandeur connaît bien la procédure de prise d’échantillon d’urine, ainsi que les conséquences d’un refus de s’y soumettre. De plus, il pouvait voir l’avis qu’avait en sa possession M. Ferland, même si celui-ci ne le lui a pas formellement présenté. Selon le procureur général, « il s’agirait d’un formalisme trop rigide que de donner raison au demandeur en l’espèce ».

 

[13]           L’alinéa 54(b) de la Loi dispose que la prise d’échantillons d’urine doit se faire, le cas échéant, conformément aux directives du Commissaire du Service correctionnel du Canada (le « Commissaire »). Celui-ci a justement émis la Directive, qui prévoit de façon non équivoque que toute demande d’échantillon d’urine doit être présentée au moyen de l’avis. Comme le souligne Me Royer, le procureur du demandeur, il s’agit donc d’une exigence législative. Elle n’a pas été respectée en l’espèce.

 

[14]           L’argument du procureur général quant au formalisme et les préoccupations quant à la possibilité pratique de mettre en œuvre cette règle qui semblent avoir justifié, en partie, la décision du tribunal ne sont pas fondés. En effet, la Directive émane du Commissaire. Puisque celui-ci, en tant que spécialiste de « la prise en charge et la garde des détenus » (Loi, al. 5(a)), a jugé que l’exigence d’un avis écrit était appropriée pour respecter les demandes de l’équité procédurale, il n’appartient ni au tribunal ni à cette Cour de revoir cette exigence à la baisse en y créant des exceptions vagues au cas par cas.

 

[15]           À mon avis, le manquement à cette exigence était fatal. En conséquence, je n’ai pas besoin de considérer l’autre argument soulevé par le demandeur.

 

[16]           Cette demande de contrôle judiciaire doit être accordée, et la décision du tribunal, annulée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accordée, et la décision du tribunal, annulée.

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-404-09

 

INTITULÉ :                                       EDWARD BRUCE GENDRON c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 novembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 5 novembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel Royer

 

POUR LE DEMANDEUR

Éric Lafrenière

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Labelle, Boudrault, Côté et Associés

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.,

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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