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Date : 20090626

Dossier : T-1577-07

Référence : 2009 CF 668

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2009

  En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

AIR CANADA

intimée et

défenderesse reconventionnelle

 

et

 

AIS INFONETICS INC.

 

défenderesse et

intimée reconventionnelle

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction et contexte

  • [1] Dans une requête datée le 18 décembre 2008, AIS Infonetics Inc. (AIS) demande à notre Cour une ordonnance interlocutoire enjoignant Air Canada à remettre à celle-ci, au bénéfice exclusif d’AIS, plusieurs millions de dollars en guise de garantie en regard de dommages-intérêts que notre Cour pourrait accorder à AIS à la suite d’une poursuite intentée le 28 août 2007 par Air Canada (AC) visant l’obtention de jugements déclaratoires en invalidité et en non-contrefaçon du brevet canadien 2,035,767 (le brevet 767) intitulé « distributeur de billets automatique », appartenant à AIS.

 

  • [2] La présente requête porte sur le brevet 767 en lien avec le système d’enregistrement en libre-service d’Air Canada mis en œuvre dans le cadre de bornes libre-service (les bornes) installées dans les aéroports canadiens en 1998 et ayant connu une croissance exponentielle depuis.

 

  • [3] Les bornes d’enregistrement libre-service visent à automatiser les services qu’offrent les agents du service à la clientèle d’Air Canada (les agents) aux détenteurs de billets d’AC (billets électroniques compris) lorsqu’ils s’enregistrent à l’aéroport. Ces services sont les suivants : 1) l’émission d’une carte d’embarquement; 2) changements aux départs prévus le jour même; 3) enregistrement des bagages; 4) sélection ou modification de sièges; et 5) paiement, le cas échéant, de tous frais de service associés aux précédents.

 

  • [4] Les détenteurs de billets d’Air Canada peuvent utiliser deux types de bornes à un aéroport canadien pour obtenir une carte d’embarquement d’AC : 1) bornes dédiées d’AC servant uniquement les détenteurs de billets d’AC (les bornes d’AC), et 2) les bornes libre-service CUSS (« Common-Use Self-Service ») administrées par les autorités aéroportuaires et qui permettent à plusieurs lignes aériennes, dont Air Canada, d’offrir leur service d’enregistrement aux mêmes bornes (les bornes CUSS).

 

  • [5] AIS est titulaire du brevet 767. L’inventeur au brevet est Douglas Huegel. Il est le président et seul actionnaire d’AIS. Il est l’auteur de l’invention protégée par le brevet 767. Le brevet 767 a été déposé le 6 février 1991, puis délivré en 1995. Il expire le 6 février 2011. Ni AIS ni M. Huegel n’a commercialisé l’invention revendiquée dans le brevet 767.

 

  • [6] Le brevet 767 comprend deux revendications : la revendication 1 est reliée au matériel et la revendication 14 liée au logiciel. Les autres réclamations dans le brevet 767 dépendent soit de la revendication 1 ou 14. La revendication 1 affirme que l’invention consiste en [traduction] « un terminal libre-service permettant la sélection et la délivrance de billets, à un utilisateur, dans le cadre de différents événements, selon une variété de paramètres, chacun étant composé de plusieurs éléments, chaque événement se tenant en plusieurs lieux, une pluralité de processeurs de localisation équivalant à une pluralité de lieux, chaque processeur de localisation étant associé à un desdits lieux ». La revendication 1 se poursuit en affirmant que chaque terminal libre-service comprend un processeur central, ainsi qu’un appareil d’affichage vidéo muni d’un écran, d’une mémoire pour conserver plusieurs événements et lieux, programmé afin de permettre à l’utilisateur de sélectionner un ou plusieurs billets pour l’un ou l’autre desdits événements devant se tenir à une heure prédéterminée à l’un ou l’autre des lieux et sera programmé de façon à recevoir le paiement des billets sélectionnés, puis à délivrer lesdits billets.

 

  • [7] La revendication 14 présente essentiellement le même libellé que la revendication 1, mais fait référence à une [traduction] « méthode de sélection et de délivrance de billets à un utilisateur une quelconque station en lien avec n’importe quel des événements [...] ».

 

  • [8] Le litige entre Air Canada et AIS a débuté par l’envoi d’une lettre le 16 juin 2007 des avocats d’AIS à l’avocat général d’Air Canada, soutenant que le système de bornes d’enregistrement libre-service d’AC, administré par AC ou les bornes CUSS, contrevenait au brevet 767. AIS a offert à AC de négocier une licence assortie de redevances appropriées. Le 22 juin 2007, l’avocat d’Air Canada a répondu en soutenant que sa cliente menait son enquête sur la question, mais indiquant qu’à première vue, les bornes utilisées par Air Canada [traduction] « ne semblent pas figurer dans la portée des revendications du brevet de votre cliente ».

 

  • [9] Air Canada a ensuite retenu les services d’un avocat externe en droit des brevets, lequel a informé les avocats d’AIS de son mandat visant à examiner l’allégation de contrefaçon. Il a indiqué qu’il répondrait d’ici la mi-août. L’avocat des brevets d’Air Canada a ensuite demandé une prorogation de délai d’un mois; ce qui a été refusé. Les avocats d’AIS ont fixé l’échéance de réponse d’AC à la fin d’août 2007.

 

  • [10] Le 28 août 2007, Air Canada a répondu en déposant la déclaration suivante devant notre Cour :

 

  1. un jugement déclaratoire, en vertu de l’article 60 de la Loi sur les brevets, voulant que les bornes CUSS et d’AC ne contrefont pas le brevet 767;

  2. un jugement déclaratoire voulant que l’utilisation desdites bornes ne constitue pas une contrefaçon du brevet 767;

 

  1. un jugement déclaration invalidant le brevet 767; et

 

  1. une ordonnance expurgeant le brevet 767 des dossiers du Bureau des brevets.

 

  • [11] En somme, Air Canada soutient que le brevet 767 porte sur un système permettant de sélectionner et de délivrer des billets pour des événements (c.-à-d. un événement sportif, un concert, une pièce de théâtre, une exposition dans un musée), lorsque ceux-ci se tiennent à différents emplacements (p. ex. complexes sportifs, théâtres, musées, etc.).

 

  • [12] AC soutient que ses bornes ou les bornes CUSS, permettant d’accéder directement au système de réservation d’AC, permettent à un voyageur, ayant déjà effectué sa réservation et acheté un billet pour un vol précis, d’obtenir des services d’enregistrement automatisés. Les bornes ne délivrent pas de billets d’AC et ne permettent pas de recevoir le paiement de tels billets. Ils permettent aux voyageurs d’AC d’obtenir une carte d’embarquement et les services associés à un vol réservé et déjà payé.

 

  • [13] Le 25 septembre 2007, AIS a répondu et déposée une demande reconventionnelle en contrefaçon du brevet 767 et soutenant sa validité.

 

  • [14] Une fois les plaidoiries terminées, une ordonnance de sauvegarde a été prononcée. Le 30 avril 2008, le protonotaire Morneau a délivré une ordonnance de disjonction en vertu de l’article 107 des Règles à la demande d’AC, malgré l’opposition d’AIS. Par conséquent, la question des dommages-intérêts ou de la comptabilisation des profits, si la contrefaçon est avérée, devra être abordée lorsque les questions de responsabilités auront été tranchées.

 

  • [15] À l’audience de cette requête, la Cour a été informée que les interrogatoires préalables avaient eus lieu et que les engagements avaient été satisfaits en grande partie. Une conférence préparatoire sera demandée sous peu.

 

La requête

  • [16] La requête d’AIS vise à obtenir des fonds en garantis en vue d’une condamnation éventuelle d’Air Canada à lui verser des dommages-intérêts advenant que sa requête en contrefaçon eut gain de cause; c’est-à-dire qu’il est établi qu’Air Canada a contrefait le brevet 767 et que des dommages-intérêts ou une comptabilisation des profits soient prononcés à l’encontre de celle-ci. La requête d’AIS a été appuyée par l’affidavit de M. Huegel, assermenté après son interrogatoire préalable. Il a été contre-interrogé à l’égard de celui-ci et, de consentement, certaines parties de son interrogatoire préalable ont été produites au dossier.

 

  • [17] Plus particulièrement, AIS indique que sa requête vise à obtenir les suivantes :

 

  1. Injonction interlocutoire enjoignant l’intimée et défenderesse reconventionnelle Air Canada à :

 

  1. préparer, signifier et produire, dans les trente (30) jours de l’ordonnance visée par la présente requête, un relevé du nombre de transactions traitées par l’utilisation des bornes libre-service, nommément les bornes CUSS et d’AC dans sa déclaration du 1er janvier 2005, et ce, jusqu’à la date de la présente ordonnance;

 

  1. remettre à la Cour, au bénéfice exclusif de la défenderesse et intimée reconventionnelle AIS Infonetics Inc., la somme de trente sous (0,30 $) par transaction pour la période visée par le paragraphe 1.1 susmentionné; et

 

  1. préparer, signifier et produire un relevé du nombre de transactions traitées par l’entremise des bornes libre-service, dites les bornes CUSS et d’AC dans la déclaration, tous les trois mois à compter de la date de la présente ordonnance et remettre à la Cour, à la date du dépôt dudit relevé et au bénéfice exclusif de la défenderesse et intimée reconventionnelle AIS Infonetics Inc., la somme de trente sous (0,30 $) par transaction, et ce, jusqu’à l’échéance du brevet canadien 2,035,767.

 

  1. Jugement déclaratoire voulant que :

 

  1. les sommes remises conformément la présente ordonnance seront conservées au bénéfice exclusif de la défenderesse et intimée reconventionnelle AIS Infonetics Inc. afin de garantir le paiement de toute compensation monétaire qu’elle pourrait obtenir si elle obtient gain de cause sur le fond et ne pourront être retirées par l’intimée et défenderesse reconventionnelle Air Canada sans une ordonnance de la Cour.

 

  1. Une mesure en cas de défaut de la part d’Air Canada en regard des ordonnances susmentionnées comme suit :

 

  1. advenant qu’Air Canada soit en défaut des obligations énoncées dans les conditions susmentionnées, elle devra désactiver immédiatement ses bornes libre-service jusqu’à ce qu’elle se soit conformée à ses obligations en vertu de l’ordonnance, sous réserve des droits et des recours habituels associés au défaut de respecter une ordonnance de la Cour.

 

4.  Ordonnance de dépens en regard de la présente requête en cas de contestation.

 

  • [18] La requête d’Air Canada était appuyée par plusieurs affidavits, mais principalement ceux des personnes suivantes :

a) Pierre House, trésorier d’Air Canada; b) Patrice Ouellette, directeur, Plateforme de service à la clientèle d’Air Canada; et, c) Charles Plamondon, consultant dont les services ont été retenus par Air Canada, et qui a donné son opinion quant à la non-contrefaçon du brevet 767 des bornes CUSS et d’AC.

 

  • [19] Seul Patrice Ouellette a été contre-interrogé, mais pas sur son affidavit; de consentement des parties, la transcription de son interrogatoire préalable a été produite au dossier.

 

  • [20] Les questions au cœur du litige à la lumière des arguments sont les suivantes :

 

  • 1) Quel est le critère approprié permettant de déterminer l’existence d’une question sérieuse, dans le contexte d’une demande visant à contraindre une partie à effectuer un dépôt de sûreté à la Cour en vue d’éventuels dommages-intérêts, et des circonstances factuelles du litige entre les parties; notamment le fait que la responsabilité d’Air Canada n’a pas été établie et que, advenant qu’il soit tranché qu’elle eut contrefait le brevet 767, les dommages-intérêts ou la comptabilisation des profits n’ont pas été évalués? L’avocat d’AIS soutient que le critère approprié a été énoncé dans la décision de la Cour suprême dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, nommément, le critère d’existence d’un dossier défendable, qui ne soit ni frivole ni vexatoire. L’avocat d’Air Canada soutient que le critère est plus élevé; AIS doit démontrer qu’elle détient une preuve à première vue solide de contrefaçon par Air Canada de son brevet 767. À tout événement, l’avocat d’Air Canada soutient qu’AIS ne franchit même pas le seuil plus faible des deux seuils proposés.

 

  • 2) La deuxième question opposant les parties porte sur le préjudice irréparable. AIS soutient que la situation financière actuelle et prévue d’Air Canada dans un avenir rapproché est telle qu’elle peut raisonnablement craindre qu’il soit impossible d’obtenir le versement des dommages-intérêts d’Air Canada, le cas échéant. L’avocat d’Air Canada a répondu que sa cliente respectait ses obligations actuelles et que sa santé financière n’était pas en péril. À tout événement, il serait contraire à la loi qu’AIS cherche à avoir préséance sur les autres créanciers.

 

La preuve

  • 1) Au nom d’AIS

L’affidavit de Douglas Huegel

  • [21] Monsieur Huegel a été assermenté en regard de son affidavit le 15 décembre 2008. Il est le président et le seul actionnaire d’AIS, laquelle détient le brevet 767. Formé aux États-Unis et obtenant un doctorat en science de l’éducation en 1975 de l’Université Columbia, il a enseigné la physique et les mathématiques en Afrique de l’Est, aux États-Unis, puis à l’Université Dalhousie jusqu’à environ 1980. Il a ensuite quitté l’enseignement pour se lancer en affaires.

 

  • [22] Il affirme qu’au moment du dépôt de la demande du brevet 767 en février 1991, il cumulait déjà dix années d’expérience sérieuse dans les domaines des sciences informatiques et électroniques, y compris dans la création de bornes d’information touristique dans des hôtels, d’un jeu informatique à l’intention des touristes découvrant le métro montréalais, et dans la conception de systèmes d’information à large bande à médias mixtes pour des centres de conférence, entre autres.

 

  • [23] Il confirme qu’AIS n’a pas commercialisé les inventions divulguées dans le brevet 767 et qu’elle n’a aucune véritable activité commerciale. Il gagne sa vie en tant que consultant pour des sociétés cherchant à obtenir ses conseils quant au dépôt de demandes de crédit d’impôt à la recherche et le développement avec Revenu Canada. Il soutient qu’il était plus difficile technologiquement de mettre en œuvre les inventions divulguées dans le brevet 767 dans le milieu des années 1990 qu’aujourd’hui. Il mentionne l’augmentation de la puissance des ordinateurs ainsi que les améliorations aux infrastructures soutenant l’Internet.

 

  • [24] Il aborde les activités d’Air Canada dans son affidavit, lesquelles sont [traduction] « plutôt récentes et j’avais des raisons de soupçonner qu’elles se produisaient à un moment donné en 2005 ». Il a joint en pièce DH2 de son affidavit un très court extrait de la page 63 du magazine Business Week, du 4 juillet 2005, à propos des bornes d’enregistrement libre-service de Jet Blue [traduction] « conçues pour rendre le processus d’enregistrement à Jet Blue facile, rapide et presque agréable ». Il affirme avoir dès lors commencé à porter attention particulière à ceci lors de ses passages dans les aéroports aux fils de ses voyages, ce qui l’a amené à découvrir que l’IATA (International Air Transport Association) avait développé les bornes CUSS. Il a joint les documents de l’IATA en pièces à son affidavit. Il a ensuite soutenu, à la lumière des documents qu’il a consultés quant à la borne d’AC et à la déclaration d’AC dans le cadre des présentes [traduction] « la plateforme de base des bornes d’Air Canada est fondée sur la borne CUSS ».

 

  • [25] Monsieur Huegel a ensuite présenté les renseignements qu’il a obtenus de sources publiques en 2005, 2006 et 2007 afin de déterminer le degré de similitude entre les bornes d’AC et les bornes CUSS et, plus particulièrement, les avantages des bornes d’enregistrement libre-service des lignes aériennes, plus particulièrement en conjonction avec une billetterie en ligne.

 

  • [26] Il décrit les économies de coûts réalisées par l’utilisation de bornes d’enregistrement libre-service par rapport aux coûts associés à l’enregistrement à l’aide d’un agent de service à la clientèle : 0,16 $ à la borne, par rapport à 3,50 $-3,70 $ par l’entremise d’un agent; ceci signifie donc que chaque borne permet d’économiser 2,50 $ US ou 3,00 $ CA, au taux d’échange en vigueur au moment de son analyse.

 

  • [27] Après avoir décrit les procédures devant la Cour fédérale, il aborde dans son affidavit [traduction] « la borne d’Air Canada et le brevet ». Il fait référence à l’interrogatoire préalable de M. Ouellette et aux engagements, lesquels sont confidentiels à l’heure actuelle. Il avance :

[traduction]

 

Toutefois, je peux affirmer que l’utilisation par Air Canada des bornes visées par les présentes ainsi leur potentiel d’utilisation a augmenté et augmentera au fil des prochaines années. À titre d’exemple soutenant cette affirmation, un article publié sur le site International Business Machines (IMB) le 18 juin 2008. Il m’a été montré et figure en pièce DH-12 de mon affidavit, article du 18 juin 2008 intitulé « Air Canada is an early arrival in providing the next generation of self-service salutations ». (l’article d’IBM)

 

  • [28] Il affirme que M. Ouellette est en accord avec le contenu de l’article d’IBM et ajoute :
    [traduction]

33.  L’article décrit la plateforme technologique comme une solution dite « client léger ». Cette solution dit client léger est combinée à une infrastructure technologie standardisée. Ceci signifie simplement que la plupart des opérations informatiques ne sont pas effectuées à la borne en soi, mais par un ordinateur plus important, ce qui était ma compréhension de la chose depuis le début.

 

34.  Il est dit qu’Air Canada fait figure de chef de file de l’industrie et qu’elle détient une infrastructure de libre-service qui changera fondamentalement son modèle d’affaires, devant ainsi, selon les dires, la première ligne aérienne à offrir ses services « à la carte ». En outre, on parle également de la capacité d’Air Canada à mener la prochaine grande tendance de l’industrie, soit le déploiement extérieur de bornes dans des hôtels, des agences de location de voiture et d’autres sites de voyages.

 

35. L’article laisse également présager que cette nouvelle stratégie, reposant sur les bornes contrefaisant le brevet 767 à notre avis, a permis à la société de se tirer de ses procédures de faillite de 2003. Il est dit qu’Air Canada a enfreint la pratique standard de l’industrie regroupant les services en les offrant à la carte; ce faisant, qu’elle a dû apporter des améliorations draconiennes et rehausser ses capacités de libre-service. L’article explique clairement le rôle important de ces bornes dans ce plan.

 

  • [29] Monsieur Huegel cite l’article d’IMB afin d’offrir des détails techniques quant aux bornes d’enregistrement libre-service d’Air Canada.

 

  • [30] Monsieur Huegel a intitulé une rubrique de son affidavit [traduction] : « Air Canada profite de la technologie brevetée ». Partant de la prémisse voulant que les bornes d’Air Canada soient en contrefaçon du brevet 767, il affirme que les économies tirées par Air Canada de la contrefaçon se chiffrent à 3,00 $ par transaction. Il soutient qu’AIS n’a aucun pouvoir de négociation, à moins d’obtenir gain de cause et l’ordonnance demandée dans sa requête. Il conclut en disant :

    [traduction]

 

  1. Comme l’indique la défense produite par AIS, elle a répondu aux motifs de non-contrefaçon avancés par Air Canada. Bien que je ne sois pas un expert du droit des brevets, j’ai l’expérience et les connaissances scientifiques pour affirmer aisément que la majeure partie du présent dossier se résumera à interpréter quelques mots clés utilisés dans les revendications du brevet.

 

  1. L’article cité précédemment démontre que les fonctionnalités principales de la borne décrites dans les revendications sont résolument présentes dans les bornes d’Air Canada ou faciles à y incorporer. Le document de l’IATA nous permet de nous assurer davantage de la structure de base des bornes. Par conséquent, je suis convaincu qu’AIS a plus qu’une chance raisonnable d’avoir gain de cause dans le présent dossier. De plus, Air Canada n’a pas déposé aucune requête en radiation de quelque partie de la défense et de la requête reconventionnelle en contrefaçon d’AIS. Elle n’a pas non plus entrepris des procédures pour rejeter les conclusions du jugement sommaire, en partie ou entièrement, ou autrement. [Je souligne.]

 

  • [31] Le dernier élément qu’aborde Monsieur Huegel dans son affidavit s’intitule [traduction] : « Capacité de payer et équité dans le litige ». Il soulève plusieurs points :

 

  • Les bornes libre-service CUSS et d’AC génèrent des revenus de grand volume : chaque semaine, environ 138 634 enregistrements sont effectués par celle-ci, soit 42 % des passagers admissibles, 7,2 millions de transactions par année et des économies à la hauteur de 21 millions de $ par année, et ce, depuis le début de l’utilisation de celles-ci par Air Canada il y a plus de deux ans. À un taux de redevances de 10 % sur les profits d’AC, ceci signifierait une remise de 8 millions de $, tenant compte de la date d’échéance du brevet 767.

 

  • Or, il a reçu des renseignements [traduction] « de plusieurs sources » le convaincant que [traduction] « Air Canada n’aurait pas la capacité de payer les dommages-intérêts auxquels AIS aurait droit, advenant qu’elle eût gain de cause à l’issue du litige ». À ce titre, il s’appuie sur les suivantes : (1) le recours en 2003 à la protection des créanciers en vertu de la LACC; (2) s’il devait y avoir un recours des procédures en vertu de la Loi sur la faillite, il y aurait une suspension de la demande reconventionnelle en contrefaçon d’AIS; (3) son examen des résultats d’AC au troisième trimestre de 2008 par rapport au même trimestre en 2007 démontre que sa situation financière s’est aggravée; (4) différents rapports tirés du site de nouvelles Bloomberg; (5) les communiqués de presse d’AC admettant qu’elle reconnaissait son problème de liquidités; et (6) la dissolution d’ACE Holdings après la distribution de ses parts d’AC.

 

2) Au nom d’AC

(a) Affidavit de Pierre Houle

  • [32] Comme mentionné précédemment, M. Houle est le trésorier d’AC. Il a la responsabilité de s’assurer qu’AC conserve suffisamment de liquidités pour satisfaire à ses obligations financières. Il est responsable des transactions financières et bancaires d’AC, ainsi que de sa relation avec les agences de cotation. Il conteste l’affirmation de M. Huegel voulant qu’en raison de sa situation financière actuelle [traduction] « Air Canada n’aurait pas la capacité de payer les dommages-intérêts auxquels AIS aurait droit, advenant qu’elle eût gain de cause à l’issue du litige », au motif qu’elle est mal fondée.

 

  • [33] Monsieur Houle a donné les motifs suivants pour réfuter l’allégation de M. Huegel :

 

  • 1) La différence observée dans les revenus de fonctionnement d’AC au cours du troisième trimestre de 2007 par rapport au même trimestre en 2008 a été causée par une augmentation record du prix du carburant en 2008; soit de 49 % par rapport à cette même période en 2007. Cette augmentation du prix du carburant était inattendue et rapide, ce qui n’a pas permis à AC de s’adapter immédiatement à ce nouvel environnement économique, notamment en ajustant ses liquidités si rapidement.

 

  • 2) AC a connu une solide croissance de ses revenus de 121 millions de $ au cours du troisième trimestre de 2008.

 

  • 3) AC a conclu des transactions financières afin d’augmenter ses liquidités à court et à long terme. Ces transactions étaient les suivantes : (a) un accord conclu le 1er décembre 2008 avec Aéroplan sur des modalités de paiement accéléré à la délivrance de billets de remises; il s’agit d’un accord semblable à celui conclu par certaines lignes aériennes américaines avec les banques qui gèrent leurs programmes de grands voyageurs; (b) un accord de prêt garanti de 95 millions de $ signé le 22 décembre 2008, avec deux grandes banques européennes; (c) une série de financements garantis avec GE Capital conclus le 24 décembre 2008, évalués à environ 283 millions de $; et (d) une facilité de crédit renouvelable garanti conclue le 31 décembre 2008 avec la Banque CIBC permettant à AC de bénéficier de 100 millions de $ de crédit renouvelable.

 

  • 4) Monsieur Houle a conclu son explication de l’amélioration des liquidités comme suit [traduction] : « les transactions précédentes ont amélioré les liquidités à court terme à long terme d’AC; il n’y a aucun fondement à l’allégation selon laquelle AC ne pourrait pas respecter ses obligations financières continues ».

 

  • 5) Il a joint trois rapports des analyses de UBS, Merrill Lynch (ML) et Canaccord Capital (Canaccord) à son affidavit. En outre, ceux-ci commentent favorablement l’augmentation des liquidités d’AC; lesquelles sont [traduction] « adéquates pour affronter un ralentissement économique dans un avenir rapproché » (UBS); « ces transactions améliorent non seulement les liquidités du transporteur, mais dénotent également la souplesse financière d’Air Canada malgré la tourmente sur les marchés financiers » (ML); et « nous sommes maintenant convaincus qu’Air Canada a réglé ses problèmes de liquidités et que le transporteur aérien est désormais en bonne position pour demeurer une ligne aérienne profitable, présumant que le WTI (prix du carburant) demeure à des prix aussi faibles » (Canaccord).

 

  • 6) Il a remarqué (en date du 29 janvier 2009) une baisse considérable du prix sur les marchés du pétrole brut (soit de 145,29 $ à 41,58 $ le baril).

 

  • 7) Il a ajouté que le plan de liquidation d’ACE en ce qui a trait au transfert d’actions [traduction] « n’aura aucune répercussion sur les liquidités actuelles ou éventuelles d’AC ou sur sa capacité à respecter ses obligations financières ».

 

  • 8) Il a affirmé [traduction] « à ma connaissance, aucun fournisseur important n’a modifié ses modalités de paiement habituelles avec AC au motif qu’elle n’aurait pas la capacité de faire ses paiements à terme ».

 

(b) Affidavit de Patrice Ouellette

  • [34] Monsieur Ouellette est le directeur, plateforme de service à la clientèle depuis avril 2006. Il connaît donc bien les services d’enregistrement d’AC aux aéroports, incluant ses bornes d’enregistrement libre-service dans les aéroports canadiens. Son affidavit porte principalement le processus de réservation et d’achat de billets.

 

  • [35] Au paragraphe 6 de son affidavit, il a décrit les étapes d’embarquement dans un vol d’AC dans les termes suivants :

    [traduction]

 

Afin de voyager sur un vol d’AC, le passager doit effectuer différentes étapes, lesquelles peuvent être catégorisées comme suit :

 

  • Effectuer une réservation de voyage, acheter un billet et obtenir ledit billet;

  • S’enregistrer pour le vol;

  • Passer à travers les vérifications de sécurités exigées; et

  • Remettre sa carte d’enregistrement à la porte d’embarquement avant de monter dans l’avion. [Je souligne.]

 

  • [36] Il a décrit le processus de réservation que doit suivre un passager; il doit communiquer son identité, le lieu de départ, la destination, la classe du billet et la date de départ prévue. La réservation est ensuite effectuée et ces renseignements sont conservés dans le système numérique de réservations d’AC. Il indique [traduction] : « la réservation doit avoir été effectuée avant l’enregistrement ». Il décrit ensuite le système de réservation d’AC, lequel existait « suivant un modèle informatique centralisé depuis la fin des années 1960 ou le début des années 1970 permettant de conserver des renseignements numériques sur les réservations de voyages, auxquels peuvent accéder les agents de service à la clientèle depuis un terminal informatique à un centre d’appel d’AC, à un comptoir d’enregistrement à un aéroport relié au système de réservation d’AC ou à une borne d’enregistrement libre-service, laquelle est également reliée au système de réservation d’AC ».

 

  • [37] Il a ensuite décrit la capacité de billetterie. Il indique que le billet est généralement acheté au moment de la réservation. Le billet se voit attribuer un numéro, lequel est entré dans le système de réservation d’AC. Il écrit [traduction] : « le billet, qu’il soit en format papier ou électronique, doit toujours avoir été acheté avant l’enregistrement ».

 

  • [38] Au paragraphe 14 de son affidavit, il décrit ainsi le processus d’enregistrement :

 

[traduction]

Les passagers détenteurs de billets et d’une réservation sur un vol d’AC doivent s’enregistrer avant le départ de leur vol. L’enregistrement a pour principal objectif de vérifier et de confirmer que le passager détient une réservation valide et qu’il a dûment payé son billet. Il s’agit de vérifier l’identité du passager et de vérifier ces renseignements à ceux qui figurent dans le système de réservation d’AC. Si le passager n’a pas acheté de billet avant son enregistrement, il sera redirigé vers un comptoir de billets d’AC afin qu’il puisse régler le prix du vol et se faire délivrer un billet. Conséquemment, à défaut d’avoir une réservation, le passager ne peut ni utiliser le billet ni s’enregistrer. [Je souligne.]

 

  • [39] Il a ensuite abordé le processus d’enregistrement traditionnel effectué par le personnel de la ligne aérienne aux comptoirs d’enregistrement; c’est-à-dire lorsqu’un agent utilise un ordinateur lié au système de réservation d’AC pour déterminer si la réservation a dûment été effectuée, si le voyage a été payé et, si tout est en ordre, émet une carte d’enregistrement au passager en vue de son vol. Il indique [traduction] : « les comptoirs d’enregistrement traditionnels ne permettent pas d’effectuer une réservation ou d’acheter un billet ».

 

  • [40] Au paragraphe 16 de son affidavit, M. Ouellette décrit certains services offerts aux passagers aux comptoirs d’enregistrement traditionnels, incluant les suivants :

 

  • Enregistrement des bagages allant dans la soute de l’aéronef;

  • Sélection des sièges ou demandes de changement de siège;

  • Demande de départ hâtif;

  • Demande de changement le jour même, y compris :

    • o Report du départ dans la même journée (p. ex. après avoir manqué un vol),

    • o Un vol direct au lieu d’un vol de correspondance,

    • o Un changement de ville de correspondance,

    • o Un surclassement de la classe de voyage.

Les changements le jour même sont seulement possibles au courant de la même journée. Par exemple, il n’est pas possible de modifier la date de départ prévue au moment de l’enregistrement. Il en va de même pour un changement de destination, par exemple. Certains passagers (p. ex. les mineurs non accompagnés) peuvent uniquement utiliser l’enregistrement traditionnel et certains services (p. ex. repas particulier ou fauteuil roulant) doivent être demandés avant l’enregistrement.

 

  • [41] Il remarque que certains des services offerts aux comptoirs d’enregistrement traditionnel sont assortis de frais, lesquels doivent être réglés par les passagers à l’enregistrement.

 

  • [42] Monsieur Ouellette a ensuite décrit les bornes d’enregistrement libre-service, lesquelles permettent aux [traduction] « passagers d’accomplir toutes ou certaines des étapes d’enregistrement par eux-mêmes » afin d’accélérer le processus d’enregistrement et de réduire le temps d’attente aux comptoirs d’enregistrement. Il dit [traduction] : « les bornes d’enregistrement libre-service automatisent certaines fonctions d’enregistrement de routine habituellement exécutées par le personnel de la ligne aérienne et remplacement essentiellement les agents à l’enregistrement ».

 

  • [43] Après avoir décrit les différences entre le système d’enregistrement libre-service d’AC et les bornes CUSS, il a nommé les services disponibles aux bornes CUSS et d’AC et a indiqué que les services offerts à l’enregistrement traditionnels sont également offerts aux bornes CUSS et d’AC. Les services comportent certaines limites : (1) la réservation doit avoir été effectuée et le billet doit avoir été payé et délivré avant d’utiliser les bornes d’enregistrement; elles ne peuvent pas réaliser ces deux fonctions; (2) si la réservation a été effectuée et que le passager a son billet, il peut utiliser les bornes d’enregistrement en fournissant, par exemple, le numéro de référence de la réservation, ce qui permettra à la borne de transmettre la demande de carte d’enregistrement au système de réservation d’AC; et (3) si tout est en ordre, le système de réservation d’AC transmettra à la borne CUSS ou d’AC les renseignements du vol associés à la réservation, y compris l’attribution préliminaire du siège.

 

  • [44] Monsieur Ouellette souligne que les bornes CUSS et d’AC permettent à un passager détenant une réservation et un billet de demander un départ hâtif, car leur système est relié au système de réservation d’AC. Il remarque également que les bornes déterminent s’il y a des frais associés aux services d’enregistrement. Le montant des frais sera affiché et peut être réglé en étant porté au compte de la carte de crédit utilisée pour acheter le billet ou à l’aide du lecteur de carte magnétique de la borne CUSS ou d’AC. Puis, la borne imprime et délivre la carte d’enregistrement au passager.

 

  • [45] Il conclut son affidavit en mettant en lumière les allégations suivantes tirées de l’affidavit de M. Huegel, assermenté le 15 décembre 2008, au motif qu’elles sont inexactes :

 

  • 1) Au paragraphe 6, M. Huegel a mentionné [traduction] : « les activités avancées dans la demande reconventionnelle d’AIS sont “plutôt récentes” [...] M. Ouellette réplique que les bornes libre-service ne sont pas plutôt récentes; elles ont été déployées dans les aéroports canadiens à compter de 1998 ».

 

  • 2) Il soutient que certaines affirmations de M. Huegel sont inexactes, notamment celles voulant que la pièce DH-12 (l’article d’IMB) et les documents de l’IATA démontrent que les fonctionnalités principales de la borne [traduction] « décrites dans les revendications sont résolument présentes dans les bornes d’Air Canada ou faciles à y incorporer » et que le document de l’IATA [traduction] « permet de nous assurer davantage de la structure de base des bornes. Par conséquent, je suis convaincu qu’AIS a plus qu’une chance raisonnable d’avoir gain de cause dans le présent dossier ». Monsieur Ouellette réplique :

 

[traduction]

Les documents mentionnés (l’article d’IBM et les spécifications de la borne CUSS de l’IATA) ne contiennent pas suffisamment de renseignements sur le système d’enregistrement libre-service d’AC pour permettre une comparaison aux revendications du brevet.

 

  • 3) Il soutient :

 

[traduction]

Monsieur Huegel avance, au paragraphe 35 de son affidavit : « il est dit qu’Air Canada a enfreint la pratique standard de l’industrie regroupant les services en les offrant à la carte; ce faisant, qu’elle a dû apporter des améliorations draconiennes et rehausser ses capacités de libre-service ».

 

Puis répond :

 

« L’article explique clairement le rôle important de ces bornes dans ce plan. » AC offre une vaste gamme de catégories de prix, chacune étant associée à un nombre plus ou moins important d’options de voyages, mais celles-ci sont sélectionnées au moment de l’achat du billet et n’ont rien à voir avec l’enregistrement libre-service. Il s’agit simplement d’un moyen pratique de vendre des voyages aux clients en leur permettant de voir plus facilement les options et les différents tarifs offerts et d’ajouter ou d’exclure certaines options, selon le tarif qu’ils sont prêts à payer pour leur billet.

 

  • [46] Sa conclusion générale, sous l’intitulé [traduction] « La réservation et le billet sont des conditions préalables » indique :

 

[traduction]

Les bornes CUSS et d’AC ne permettent pas aux passagers d’effectuer une réservation ou d’acheter un billet et ne délivrent pas de billets. Elles sont reliées au processus d’enregistrement, et non à la réservation ou à la délivrance de billets.

 

(c) Affidavit de Charles Plamondon

  • [47] Charles Plamondon est consultant et vice-président, Développement et intégration des systèmes à SSAQ, Société d’Assurance-Vie Inc., où il est responsable d’une équipe de 80 développeurs de systèmes informatiques et de 30 consultants. Il a obtenu un baccalauréat en génie informatique à l’Université Laval en 1987. Il travaille avec des systèmes informatiques depuis 1986 et avec des systèmes de billetterie depuis 1993. Plus particulièrement, de 1997 à 2000, il était le directeur du développement technologique à CONCEPT ÉLECTRONIQUE MICROFLEX INC., laquelle a été achetée plus tard par TICKETMASTER, la plus grande entreprise de billetterie en direct au monde. Il a travaillé chez TICKETMASTER de 2000 à 2007, et a occupé le poste de vice-président et directeur général de la division MICROFLEX de 2003 à 2007. Il était alors responsable des opérations de la division du Québec, y compris du développement de logiciels et de soutien technique en regard du système de distribution de billets pour les marchés québécois et scandinaves et de Las Vegas.

 

  • [48] Il a reçu le mandat suivant des procureurs d’AC en regard des présentes procédures :

 

  • Examiner le brevet canadien numéro 2,035,767 (le brevet 767);

  • Analyser le système d’enregistrement libre-service d’AC visé par la présente poursuite; et

  • Déterminer si le système d’enregistrement libre-service d’AC contrefait l’une des revendications du brevet 767, le cas échéant. [Je souligne.]

 

  • [49] Au paragraphe 9 de son affidavit, il écrit [traduction] : « je m’estime qualifié pour lire et comprendre le brevet 767, ainsi que le fonctionnement du système d’enregistrement libre-service d’AC dont il est question ». Il poursuit au prochain paragraphe en décrivant les principes dont il a tenu compte pour parvenir à ses conclusions en regard de deux revendications indépendantes; les revendications 1 et 14 voulant qu’il s’agisse d’un terminal libre-service (revendication 1) et une méthode (revendication 14) de sélection et de délivrance de billets à quiconque à en regard de plusieurs des événements (comme un événement sportif, un concert, une pièce de théâtre, etc.) se tenant dans un lieu parmi d’autres (complexes sportifs, théâtres, musées, etc.).

 

  • [50] Au paragraphe 15 de son affidavit, il a identifié les problèmes suivants en lien avec les anciens systèmes de délivrance de billets, tels qu’expliqués par le brevet 767 ainsi que les solutions avancées par celui-ci :

 

PROBLÈME

 

a) Nécessité de se rendre à de nombreux endroits pour choisir les billets des événements qui se tiennent en différents lieux.

 

b) Si les billets sont distribués dans de nombreux points de vente, chacun s’étant fait attribuer un nombre de billets, il se peut que de nombreux points de vente manquent de billets, tandis que d’autres en ont toujours.

 

c) Heures d’opérations limitées en raison de la nécessité d’une présence humaine aux points de vente, restreignant ainsi l’accès aux billets.

 

d) Le plan du plancher n’est pas toujours disponible à tous les points de vente (le plan serait disponible seulement au lieu même de l’événement, par exemple).

 

SOLUTION

 

  • a) Obtention d’une liste consolidée des événements se tenant dans tous les lieux à de nombreux terminaux libre-service.

 

 

  • b) Détermination de la disponibilité des billets instantanément au terminal libre-service, grâce à l’envoi d’une demande de disponibilité de siège au processeur de localisation, lorsque nécessaire au cours de la séquence d’achat.

 

 

  • c) Augmentation des heures d’opérations en raison du caractère entièrement automatisé des terminaux libre-service.

 

  • d) Affichage du plan de plancher pour chaque événement prévu à chaque terminal.

 

 

 

  • [51] Il poursuit, aux paragraphes 16 à 22, en expliquant le fonctionnement du terminal libre-service visé par le brevet 767.

 

  1. [traduction]

    Le terminal libre-service du brevet 767 permet aux utilisateurs de sélectionner, d’acheter et d’obtenir des billets au terminal lui-même, sans avoir à se rendre à l’emplacement prévu pour la tenue de l’événement.

 

  1. Le terminal libre-service comprend un processeur central, lequel comporte une mémoire conservant les événements prévus dans un autre lieu.

 

  1. Le terminal libre-service est relié, par un modem et un serveur de réseau, à des « processeurs de localisation » associés à chaque lieu où se tient un événement et comportant un répertoire de la disposition des sièges et des disponibilités de ceux-ci.

 

  1. Illustration omise.

 

  1. L’utilisateur du terminal libre-service sélectionne un ou plusieurs événements, en fonction de plusieurs options (appelées « paramètres », chacun comportant plusieurs « éléments ») offertes au terminal. Les options ou les paramètres comprennent l’emplacement, le nom de l’événement, la date et l’heure de l’événement, les sièges ainsi que le nombre de billets désirés par l’utilisateur.

 

  1. Une fois que l’utilisateur a sélectionné un événement (en fonction de son emplacement, de la date et de l’heure, de l’emplacement du siège et du nombre de billets désirés), le processeur central du terminal libre-service communique, par l’entremise d’un modem et d’un serveur réseau, avec le processeur de localisation où se tiendra l’événement sélectionné, afin d’obtenir des renseignements quant à la disponibilité des billets demandés.

 

  1. Si les billets sont disponibles, le terminal libre-service permettra au client d’acheter des billets. Le terminal libre-service est équipé de la capacité à recevoir un paiement en espèces et d’un lecteur de carte de crédit afin de permettre au client de régler son achat au terminal. Une fois le paiement accepté, le termina libre-service délivre les billets à l’utilisateur.

 

  • [52] Monsieur Plamondon a analysé les deux revendications indépendantes : soit la revendication 1 portant sur le terminal, le matériel, et la revendication 14 portant sur le logiciel du terminal. Aux paragraphes 25 à 29, il remarque l’utilisation du mot billet dans la revendication 1. Dans le contexte du brevet 767, ce mot s’entend comme étant la réservation et la preuve d’achat conférant un droit d’entrée à une personne à un événement, lequel, dans le contexte du brevet 767, est un spectacle présenté à un lieu à une date donnée selon certains paramètres, étant les caractéristiques d’un événement donné, comme le lieu, les dates et les heures et des billets dudit événement, comme les sièges, le prix, le nombre de billets associés au lieu de l’événement. Il comprend que le processeur central assorti d’une mémoire signifie, dans le brevet 767, [traduction] « une mémoire conservant une liste complète de tous les événements se déroulant à tous les lieux desservis par le terminal libre-service, laquelle se trouve dans le processeur central ».

 

  • [53] Il est inutile que je répète l’analyse de M. Plamondon de la revendication indépendante 14, le logiciel étant, selon lui, la méthode de sélection et de délivrance de billets à un utilisateur. Il effectue pratiquement la même analyse qu’en regard de la revendication 1.

 

  • [54] Il ajoute, à son analyse, la description du système d’enregistrement libre-service CUSS et d’AC telle qu’expliquée par M. Ouellette dans son affidavit, et ajoute que [traduction] « cette description correspond à ma propre analyse du système [...] ». [Je souligne.]

 

  • [55] Monsieur Plamondon, à compter du paragraphe 35 de son affidavit, compare la revendication 1 au système d’enregistrement libre-service d’AC. Il affirme que sa comparaison a mis en lumière [traduction] « cinq différences fondamentales ».

 

  • 1) Le système d’enregistrement libre-service CUSS et d’AC ne permet pas aux voyageurs de sélectionner des billets pour des vols et n’en délivre pas. Il émet seulement des cartes d’embarquement qui, selon M. Ouellette, ne constituent pas un billet énonçant les modalités et les conditions du voyage.

 

  • 2) Le terminal libre-service ne sélectionne pas et ne délivre pas des billets en lien avec différents événements. Monsieur Plamondon remarque qu’il a déjà mentionné dans son affidavit que [traduction] « il est difficile d’appliquer le libellé des revendications de ce brevet à l’industrie des transports ». À son avis [traduction] : « l’approche la plus logique serait de définir “l’événement” comme étant la ville de destination du vol ». Il remarque, à la lumière de l’affidavit de M. Ouellette (ainsi que de sa propre évaluation), la borne CUSS et d’AC ne permet pas aux voyageurs de sélectionner une destination parmi d’autres. La borne CUSS et d’AC permet uniquement de délivrer une carte d’embarquement en regard à une destination présélectionnée.

 

  • 3) L’avion ne peut pas être le lieu de l’événement. L’avion est seulement un moyen de transport et non le lieu de l’événement. Au paragraphe 47, il souligne d’autres difficultés à l’application du libellé du brevet 767 à l’industrie des transports.

 

  • 4) En outre, le système d’enregistrement libre-service CUSS et d’AC ne perçoit pas le paiement des billets pour les vols; il perçoit les frais associés aux services qui peuvent être facturés pour des changements de vol le jour même effectués en regard à un billet déjà sélectionné et payé ou à d’autres frais, comme des bagages excédentaires.

 

  • 5) Le système d’enregistrement libre-service CUSS et d’AC ne contient pas de mémoire lui permettant de conserver des données quant aux vols. Ces renseignements sont conservés dans le système de réservation d’AC.

 

  • [56] La conclusion de M. Plamondon quant à une éventuelle contrefaçon de la revendication 1 par les bornes CUSS et d’AC figure au paragraphe 54 :

 

[traduction] À tout le moins, les quatre premières distinctions entre la revendication 1 et le système d’enregistrement libre-service d’AC mentionnées précédemment portent sur ce que j’estime être des éléments essentiels de celle-ci. On conçoit manifestement, à la suite de mon examen et de mon analyse du brevet, que ces caractéristiques auraient été perçues par tout lecteur avisé comme étant essentielles à l’invention du titulaire du brevet. De plus, il n’y a aucune indication, quelle qu’elle soit, dans le brevet que ses exigences n’étaient pas essentielles au titulaire du brevet. [Je souligne.]

 

  • [57] Il effectue une analyse semblable quant au libellé de la revendication 14. Il parvient à une conclusion similaire, soit à l’existence de cinq distinctions entre les bornes CUSS et d’AC et la revendication 14.

 

  • [58] Sa conclusion générale est la suivante :

 

[traduction]

71.
  Conséquemment, à mon avis, le système d’enregistrement libre-service d’AC ne se situe aucunement dans la portée du brevet 767 lequel vise un système de sélection et d’achat de billets, et non d’enregistrement ou de délivrance de carte d’embarquement pour un vol.

 

72.  Ainsi, il n’est nullement surprenant qu’il y ait autant de distinctions entre la borne d’enregistrement libre-service d’AC et les revendications du brevet 767, tant en nombre que sur le fond de celui-ci. [Je souligne.]

 

Discussion

  • [59] Deux questions principales émanent de l’espèce : (1) Quel est le test approprié pour déterminer si AIS a démontré l’existence d’une question sérieuse? (2) AIS a-t-elle établi qu’elle subirait un préjudice irréparable si l’ordonnance demandée n’était pas accordée?

 

(a) Le critère de la question sérieuse dans l’espèce

  • [60] L’avocat d’AIS, s’appuyant sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc., [1989] 2 F.C. 451 (un dossier de demande d’injonction interlocutoire dans un dossier en contrefaçon de marque de commerce dans lequel Turbo Resources cherchait à empêcher le défendeur à utiliser l’expression « Premium Turbo Tested Motor Oil » dans l’attente du procès et l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 de la Cour suprême du Canada, dossier dans lequel l’intimé souhait obtenir un redressement interlocutoire en regard des dispositions portant sur les emballages adoptées récemment conformément à la Tobacco Control Act, lesquelles étaient contestées en regard de la Charte. L’avocat d’AIS soutient que l’existence d’une question sérieuse devant être tranchée doit être évaluée en regard de la norme réduite voulant qu’un demandeur doive démontrer qu’il détient un dossier défendable qui ne soit ni frivole ni vexatoire. En vertu de ce critère, le juge des requêtes limite son analyse à un examen préliminaire du dossier sur le fond.

 

  • [61] L’avocat d’AIS fait référence à plusieurs dossiers récents où ce critère a été adopté par les Cours dans les dossiers de droit d’auteur, nommément : (1) Boston Pizza International Inc. c. Boston Market Corp., (2003) 26 C.P.R. (4e) 78 (F.C.); et, (2) CMAC Mortgages Ltd. c. Canadian Mortgage Expert Centres Ltd., (2007) 63 C.P.R. (4e) 360 (C.F.).

 

  • [62] En contrepartie, l’avocat d’AC soutient qu’AIS doit présenter une preuve à première vue solide établissant la probabilité d’avoir gain de cause pour satisfaire au critère de la question sérieuse. Il soutient que l’ordonnance demandée n’est pas une injonction, mais plutôt une ordonnance de mise en garantie de fonds en vue d’attribution de dommages-intérêts à l’issue de la procédure en contrefaçon de brevet intentée par AIS. Il s’appuie sur les décisions suivantes : (1) Reading & Bates Horizontal Drilling Co. et al c. Spie, Horizontal Drilling Co. Inc. et al, (1986) 13 C.P.R. (3d) 37, un dossier dans lequel le juge Cullen a ordonné une mesure alternative à une injonction Mareva par le dépôt en garantie d’une somme de 400 000 $ par la défenderesse en vue d’une condamnation éventuelle à verser des dommages-intérêts à l’intimée; (2) Jelin Investments Ltd. c. Signtech Inc., (1990) 34 C.P.R. (3d) 148, dossier où la juge Reed a ordonné un dépôt d’une sûreté pour d’éventuels dommages-intérêts; et, (3) Merck & Co. c. Nu-Pharm Inc., (2000) 4 C.P.R. (4e) 464, où le juge Muldoon, a refusé une demande d’injonction interlocutoire, ordonnant à la défenderesse de verser à la Cour 10 % de ses ventes tous les mois, remarquant que dans les circonstances, il s’agissait de la meilleure façon de s’assurer que justice serait faite. L’avocat d’AC soutient que dans tous ces cas, il s’agissait de dépôts en sûreté pour d’éventuels dommages-intérêts et la partie ayant eu gain de cause avait démontré une preuve à première vue solide. Il s’est également appuyé, par analogie, sur la décision de la Cour suprême dans Aetna Financial Services Ltd. c. Feigelman, [1985] 1 R.C.S. 2.

 

  • [63] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que le critère applicable à l’espèce est celui de la probabilité de succès, soit de l’existence d’une preuve à première vue solide. À tout événement, si je me trompe, j’estime, étant donné la preuve qui m’est soumise, qu’AIS n’a même pas établi qu’elle détenait un dossier défendable. La preuve du témoin expert d’AC sur les brevets n’est pas contredite, il n’a pas été contre-interrogé, mais il avance que l’allégation d’AIS voulant que les bornes libre-service CUSS et d’AC constituent une contrefaçon du brevet 767 n’a aucun fondement.

 

  • [64] Je partage l’avis de l’avocat d’AC voulant que la nature de l’ordonnance demandée par AIS ne soit pas une ordonnance interlocutoire, comme l’énonce sa demande, alors qu’elle cherche à maintenir le statu quo jusqu’à l’audience sur le fond et la détermination du préjudice irréparable. Elle s’apparente davantage à une injonction Mareva, laquelle vise à geler les actifs disponibles et, dans l’espèce, à saisir des actifs ou à restreindre des droits sans procès. En de telles circonstances, le demandeur doit démontrer une preuve à première vue solide (voir Aetna aux paragraphes 7, 8, 10, 26, 28 et 30).

 

  • [65] Il s’agit du raisonnement qui sous-tend, à mon sens, les décisions de notre Cour citées par l’avocat d’AC, portant sur des dossiers d’ordonnance de dépôt en sûreté en vue d’éventuels dommages-intérêts avant que la responsabilité n’eût été établie, et nécessitant la démonstration d’une probabilité de succès. Il s’agit là, selon moi, d’un raisonnement approprié, car une telle ordonnance retire, dans l’espèce à AC, le droit d’utiliser ses actifs dans le cours normal de ses affaires avant que sa responsabilité n’eût été établie.

 

  • [66] À tout événement, AIS ne franchit pas le seuil moindre de démontrer que sa revendication voulant que les bornes CUSS et d’AC contreviennent au brevet 767 a un fond, défendable, en regard de la preuve dont je dispose aujourd’hui. Je dois examiner la structure des bornes CUSS et d’AC telle qu’elle est aujourd’hui, et non selon ce qu’elle pourrait être à l’avenir, ce que j’estime être le fondement majeur du dossier d’AIS. Ainsi, à l’heure actuelle, une injonction visant à empêcher un préjudice éventuel est dite une injonction quia timet et elle exige la démonstration d’une probabilité de succès.

 

  • [67] La seule preuve possible de contrefaçon possible par les bornes d’enregistrement CUSS et d’AC est celle de M. Huegel, lequel reconnaît candidement qu’il n’est pas un expert du droit des brevets et qui, à l’issue de son contre-interrogatoire, a reconnu qu’il ne connaissait pas beaucoup le fonctionnement des bornes CUSS et d’AC, ne les ayant pas utilisées.

 

  • [68] Sa preuve doit être mise en contraste avec celle de l’expert en brevets d’AC, lequel n’a pas été contre-interrogé par l’avocat d’AIS, en regard des instructions qu’il a reçues sur les règles d’interprétation des brevets établies par la Cour suprême du Canada dans Free World Trust c. Électro Santé Inc., (2000) 9 C.P.R. (4e) 168. De plus, cet expert n’a pas été contre-interrogé en regard de son analyse des éléments essentiels du brevet 767, plus particulièrement sur les revendications 1 et 14, ou sur sa conclusion voulant que les bornes CUSS et d’AC n’enfreignent pas le brevet 767. Il est évident et manifeste des documents disponibles sur le site web d’AC que les bornes CUSS et d’AC peuvent uniquement être utilisées si le client d’AC a déjà effectué sa réservation et payé son vol. Ces bornes ne délivrent pas de billets d’AC et ne permettent pas d’effectuer une réservation. Elles ne permettent pas d’acheter des billets. Ces conclusions sont appuyées par l’ensemble de la preuve, y compris l’interrogatoire de M. Ouellette, l’analyse de M. Plamondon et la preuve documentaire produite par AC par l’entremise de ses différents déposants. AIS n’a produit aucune preuve contredisant ces conclusions. Le juge Rouleau est parvenu à une conclusion semblable dans Giffin c. Canstar Sports Group Inc. et al, (1990) 29 C.P.R. (3d) 26 lorsqu’il a déterminé qu’il n’y avait aucune question sérieuse de contrefaçon de brevet à l’issue de l’application du critère Turbo Resources.

 

(b) Préjudice irréparable émanant de la situation financière d’AC

  • [69] Bien qu’il ne soit pas rigoureusement nécessaire d’aborder la question du préjudice irréparable puisque les trois parties du critère RJR-MacDonald sont conjonctives et que je n’ai pas décelé de question sérieuse, j’estime qu’il serait prudent d’aborder la question de la situation financière d’AC soulevée par AIS, laquelle la priverait, selon elle, d’obtenir des dommages-intérêts à l’issue d’une décision en sa faveur sur le fond.

 

  • [70] La règle est claire : « [l]e terme “irréparable” a trait à la nature du préjudice et non à son étendue. C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre. » (Voir RJR-MacDonald à la page 341).

 

  • [71] Le droit est également clair que la preuve d’un préjudice irréparable doit être manifeste et non spéculative; elle doit appuyer une conclusion voulant que le demandeur subisse un préjudice irréparable (voir, par exemple, Centre Ice Ltd. c. National Hockey League, (1994) 53 C.P.R. (3d) 34).

 

  • [72] Il incombe à AIS d’établir que la situation financière actuelle d’AC est telle qu’elle ne serait pas en mesure d’obtenir le versement de dommages-intérêts advenant qu’elle eût gain de cause. L’examen de cet argument nécessite la production d’une preuve convaincante d’un expert financier, mandaté par AIS, obtenue directement ou à la suite d’un contre-interrogatoire et concluant, tenant compte de tous les actifs et les passifs d’Air Canada, qu’AIS ne serait pas en mesure d’obtenir le versement adéquat des dommages-intérêts obtenus découlant de la contrefaçon du brevet par AC.

 

  • [73] J’estime qu’AIS n’a pas produit une preuve suffisante pour se décharger de son fardeau de preuve. Elle s’appuie sur les seuls résultats financiers du troisième trimestre de 2008, lesquels démontrent une détérioration de la situation par rapport aux résultats au même trimestre en 2007. Le trésorier d’AC explique que ses résultats sont attribuables à des coûts de carburant exorbitants, lesquels n’étaient pas représentatifs des coûts antérieurs et anticipés par AC. Il a expliqué d’autres éléments positifs au troisième trimestre de 2008. Monsieur Houle a reconnu la nécessité d’augmenter les liquidités de la société et a présenté les efforts réalisés en ce sens. Il n’a pas été soumis à un contre-interrogatoire. Sa preuve n’est pas contredite. Conséquemment, l’argument d’AIS quant à l’existence d’un préjudice irréparable est majoritairement spéculatif et n’est pas clair.

 

  • [74] Je dois mentionner que l’avocat d’AIS, en réponse, a tenté déposer les derniers états financiers annuels consolidés d’AC. Il souhaitait présenter des arguments en regard de ces documents. J’ai refusé leur admission. Le dépôt de ces documents était inapproprié en raison d’un défaut d’avis et qu’il n’avait pas permis à AC de les commenter.

 

  • [75] Je mentionnerai un dernier élément. AC a soutenu que même si AIS établissait l’existence d’un préjudice irréparable, elle n’aurait tout de même pas droit à la réparation demandée. AC s’est appuyé sur la décision du protonotaire Lafrenière dans Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd., (2004) 32 C.P.R. (4e) 142, où l’intimée avait établi que la défenderesse était responsable d’une contrefaçon de brevet et avait demandé une mesure de sauvegarde, craignant de ne pas pouvoir recouvrir les dommages-intérêts éventuels. Dans ce dossier, la défenderesse a fait faillite avant que l’intimée puisse présenter sa requête en ordonnance de sauvegarde. L’intimée a néanmoins poursuivi sa procédure en incluant, entre autres, le syndic de faillite.

 

  • [76] Le protonotaire a rejeté la requête. Il s’est appuyé sur l’alinéa 67(1)(a) de la Loi sur la faillite traitant des fiducies n’étant pas partie des biens du failli, mais a rejeté cet argument. L’avocat d’AIS a tenté de soulever l’argument de la fiducie en citant une décision récente de la Cour d’appel du Québec portant sur la faillite de Les Entreprises BigKnowledge.

 

  • [77] Or, étant donné les circonstances de l’espèce et mes conclusions quant au préjudice irréparable et à la question sérieuse, il est inutile que j’aborde cet argument.

 

  • [78] Pour ces motifs, la requête d’AIS est rejetée avec dépens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que la requête est rejetée avec dépens, lesquels seront fixés à la limite supérieure prévue à la colonne IV du tableau du tarif des Règles des Cours fédérales.

 

 

    « François Lemieux »

  _____________________________

  Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-1577-07

 

INTITULÉ :  AIR CANADA c. AIS INFONETICS INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Les 21 et 22 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :  JUGE LEMIEUX

 

DATE DU JUGEMENT :  Le 26 juin 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. François Guay

Mme Emilie Dubreuil

 

POUR L’INTIMÉE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

M. Bob H. Sotiriadis

M. Marvin A. Segal

 

POUR LA DÉFENDERESSE/

INTIMÉE RECONVENTIONNELLE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Montréal (Québec)

 

POUR L’INTIMÉE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Léger Robic Richard LLP

Montréal (Québec)

 

Gross, Pinsky, Solicitors

Montréal (Québec)

FOR THE DEFENDANT/

INTIMÉE RECONVENTIONNELLE

 

 

 

 

 

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