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Date : 20091029

Dossier : IMM-4096-08

Référence : 2009 CF 1112

Ottawa (Ontario), le 29 octobre 2009

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

AIYAMPILLAI NADARASA

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour statue sur une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent des visas du haut-commissariat du Canada à Colombo, au Sri Lanka, a refusé la demande de résidence permanente présentée par le demandeur dans la catégorie du regroupement familial. Le demandeur a été déclaré interdit de territoire en raison des fausses déclarations qu’il avait faites, ainsi que pour des raisons de sécurité.

 

[2]               Avant l’instruction de la demande de contrôle judiciaire, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) a, en vertu de l’article 87 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), demandé l’interdiction de la divulgation des renseignements sur lesquels l’agent s’était fondé et dont il avait tenu compte pour prendre sa décision. Ces renseignements ont été expurgés du dossier certifié du tribunal. L’instruction à huis clos de cette requête ex parte a eu lieu le 28 mai 2009. Par la suite, l’avocat du demandeur et celui du ministre ont été invités à formuler leurs observations publiquement dans le cadre d’une conférence téléphonique qui a eu lieu le 1er juin 2009. J’ai alors fait droit à la requête du défendeur et j’ai interdit la divulgation au demandeur et au public des renseignements qui avaient été expurgés du dossier certifié du tribunal. Les motifs qui suivent portent sur la requête présentée par le ministre en vue d’obtenir l’interdiction de la divulgation des renseignements de même que sur le fond de la demande de contrôle judiciaire de M. Nadarasa.

 

CONTEXTE

[3]               Âgé de 72 ans, le demandeur est un citoyen du Sri Lanka. En janvier 2005, l’aîné de ses deux fils, Vimalan, qui a depuis obtenu la citoyenneté canadienne, a présenté une demande en vue de le parrainer pour lui permettre d’immigrer au Canada en tant que membre de la catégorie du regroupement familial. À la suite du tsunami qui a frappé l’Asie du Sud‑Est, la demande de parrainage a fait l’objet d’un traitement accéléré. Après que le fils du demandeur eut été déclaré admissible à parrainer son père, le 14 janvier 2005, la demande a été transmise au haut‑commissariat du Canada à Colombo en juillet 2005.

 

[4]               En février 2007, le demandeur et son épouse se sont présentés à une première entrevue au haut-commissariat. Il n’y a aucune trace de cette entrevue, mais dans l’affidavit qu’il a déposé à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur affirme qu’il a été interrogé au sujet de ses études, de ses antécédents professionnels et des activités des Tigres tamouls (les LTTE) dans les régions où il avait habité et travaillé au cours de sa carrière. Il a vraisemblablement nié, tant en son nom personnel qu’au nom de sa famille, avoir été lié de quelque façon que ce soit aux LTTE.

 

[5]               Presqu’une année plus tard, le demandeur a été convoqué à une autre entrevue, dont la date a été fixée au 5 février 2008. Comme lors de sa première entrevue, il a été interrogé au sujet de ses antécédents d’emploi au sein du gouvernement du Sri Lanka. Suivant les notes versées au système STIDI, l’agent a dit au demandeur qu’il avait du mal à croire que les LTTE ne nuiraient pas à son travail, même lorsqu’il délivrait des permis pour permettre à des personnes sans terre d’acquérir et de cultiver des parcelles de terrain, étant donné que ce territoire était sous le contrôle des LTTE. Le demandeur a simplement rétorqué que ses décisions étaient acceptées et que les LTTE devaient avoir acquis des terres d’autres personnes en recourant à d’autres méthodes. L’agent a, dans le même ordre d’idées, contesté l’affirmation du demandeur suivant laquelle les LTTE ne l’avaient jamais contacté pour obtenir de l’argent lorsqu’il travaillait comme administrateur chargé de payer le salaire des membres du personnel. Le demandeur a expliqué que les LTTE perçoivent des taxes surtout auprès des propriétaires et des gens qui exploitent des entreprises.

 

[6]               Après cette série de questions, le demandeur a été interrogé au sujet des difficultés que posaient les LTTE à ses enfants. Le demandeur a déclaré que la police avait arrêté son fils cadet, Vickraman, qui avait été détenu pendant trois ans parce qu’il était soupçonné de faire partie des LTTE. Le demandeur a soutenu que son fils n’a jamais été impliqué dans les activités des LTTE, et que son fils n’a jamais fait de coupe forestière, rempli des sacs de sable ou pris des photographies pour les LTTE. Le demandeur a expliqué également qu’il était en tout temps au courant des activités de son fils, affirmant que son fils ne sortait jamais. L’agent lui a signalé que sa version des faits [traductioin] « contredit en grande partie les déclarations que Vickraman a faites au Canada ».

 

[7]               L’agent a ensuite demandé au demandeur si lui et sa famille avaient déjà été déplacés. Il a répondu que, de 1996 à 2002, ils avaient été déplacés de Kilinochchi à Akarayam. L’agent lui a ensuite demandé pourquoi il n’avait pas parlé de cette période de résidence dans sa demande. Le demandeur a répondu qu’il s’était contenté d’indiquer son adresse postale, car il estimait que cette adresse était importante. L’agent lui a souligné qu’il était question dans la demande des adresses où il avait vécu.

 

[8]               L’agent a interrogé le demandeur au sujet de ce qu’il était advenu de sa maison pendant la période où il en avait été évincé. Il a affirmé qu’il avait reconstruit sa maison en 2002 et qu’il retournait en vérifier l’état une fois par mois. Il n’était pas retourné dans sa maison et l’avait louée à une de ses connaissances. L’agent l’a interrogé au sujet de la personne qui avait loué la maison. Il a répondu que c’était un enseignant qui l’avait louée, alors qu’au cours de sa première entrevue, il avait dit que les LTTE s’en étaient emparé. Là encore, il y avait de la confusion à ce sujet et le nom du locateur indiqué par le demandeur était différent de celui qu’il avait donné lors de sa dernière entrevue.

 

[9]               Encore une fois, on a demandé au demandeur de préciser lequel de ses fils travaillait pour les LTTE. Le demandeur a répondu que c’était Vickmaran, mais il s’est tout de suite repris pour affirmer que ses fils n’avaient jamais travaillé pour les LTTE, que la police soupçonnait seulement son fils cadet de travailler pour les LTTE. L’agent a souligné que cela posait problème parce que Vickmaran avait clairement déclaré aux autorités canadiennes qu’il avait effectivement travaillé pour les LTTE.

 

[10]           L’agent a dit au demandeur qu’il lui semblait impensable qu’il n’ait pas été au courant que Vickmaran travaillait trois ou quatre fois par semaine pour les LTTE. Déstabilisé, le demandeur a répondu qu’il était possible qu’il n’ait pas été au courant des allées et venues de ses fils puisque qu’il travaillait toute la journée. L’agent a quand même souligné au demandeur qu’il avait auparavant prétendu qu’il était sûr de ce que ses fils faisaient.

 

[11]           L’agent a ensuite dit au demandeur qu’il croyait qu’il n’avait pas dit la vérité à ce sujet de même qu’à propos de plusieurs autres aspects reliés à son travail et à ses interactions avec les LTTE, et qu’il faisait de fausses déclarations relativement à ce qu’il savait des activités de son fils cadet et de ses propres interactions avec les LTTE. L’agent a dit au demandeur que ses fausses déclarations étaient susceptibles d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi et qu’il était par conséquent interdit de territoire en vertu de l’article 40 de la LIPR. Il a ajouté qu’il craignait fort que certains renseignements non divulgués puissent entraîner son interdiction de territoire en vertu de l’article 34 de la LIPR. Le demandeur a seulement dit que la décision le décevait, mais il n’a pas tenté de dissiper les préoccupations de l’agent.

 

[12]           Suivant un rapport expurgé établi par le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS) au sujet du demandeur, rapport que l’agent avait vraisemblablement vu avant la seconde entrevue, Vickraman avait été interrogé par le SCRS au Canada et avait clairement avoué avoir travaillé pour les LTTE entre 1992 et 1996 alors qu’il vivait avec son père. Il aidait les LTTE trois ou quatre fois par semaine, en creusant des fossés, en remplissant des sacs de sable et en prenant des photos. Il travaillait aussi comme sentinelle pour les LTTE à Kilnochchi. Il a affirmé qu’il était convaincu qu’il était nécessaire de recourir à la violence pour atteindre les objectifs des LTTE. Suivant une note non datée versée au dossier certifié du tribunal, le fils cadet du demandeur risquait l’expulsion à la suite d’un examen de risques après le renvoi qui lui était défavorable.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[13]           Dans sa lettre de refus, l’agent a mis le demandeur au courant de sa conclusion qu’il ne répondait pas à la définition de membre de la catégorie du regroupement familial, essentiellement à cause de ses fausses déclarations. En voici le passage le plus pertinent :

[traduction]

 

Lors de votre entrevue du 5 février 2008, vous avez fait une présentation erronée sur les faits importants suivants ou avez fait une réticence sur les faits suivants :

 

- Détails concernant les rapports de votre famille avec les LTTE

- Lieux où vous avez habité

- Personnes qui ont loué vos propriétés

 

Le fait que vous ayez fait une présentation erronée sur ces faits importants ou une réticence sur ces faits entraînait ou risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi, parce qu’en faisant de fausses déclarations au sujet des renseignements de base vous concernant personnellement ou concernant votre famille, vous m’empêchiez de vous interroger au sujet de votre admissibilité, ce qui aurait pu m’amener à rendre une décision incorrecte au sujet de votre admissibilité.

 

En conséquence, vous êtes interdit de territoire au Canada pour une période de deux ans à compter de la date de la présente lettre. De plus, en raison de vos nombreuses fausses déclarations, je ne suis pas convaincu que vous soyez admissible du point de vue de la sécurité.

 

 

 

QUESTIONS À TRANCHER

[14]           Le demandeur soulève essentiellement deux questions dans sa demande de contrôle judiciaire. Il soutient tout d’abord que l’agent des visas a violé un principe de justice naturelle en faisant reposer sa décision sur des éléments de preuve extrinsèques que le demandeur n’était pas en mesure de réfuter. En second lieu, il affirme que la décision n’est pas suffisamment motivée et qu’elle est libellée en des termes vagues et généraux.

 

[15]           Ces deux questions doivent être examinées en fonction de la norme de la décision correcte. Les questions d’équité procédurale doivent être examinées en tant que questions de droit et il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à cet égard. Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a déclaré dans l’arrêt Sketchley c. Canada (P.G.) 2005 CAF 404, au paragraphe 53 : « [s]oit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation ».

 

[16]           Mais je vais tout d’abord examiner la requête présentée par le défendeur en vertu de l’article 87 de la LIPR.

 

ANALYSE

A) La requête en interdiction de divulgation

[17]           L'État a grandement intérêt à protéger la sécurité nationale et à protéger ses services de renseignements. La divulgation de renseignements confidentiels risque de nuire à la capacité des organismes d’enquête de s’acquitter de leur mandat en matière de sécurité nationale (Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 420, au paragraphe 58, Chiarelli c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, aux pages 744 à 746). D’ailleurs, notre Cour a reconnu, dans l’affaire Henrie c. Canada (C.S.A.R.S.), [1989] 2 C.F. 229, que la non-divulgation des renseignements relatifs à la sécurité nationale constitue une exception importante au principe de la publicité des débats judiciaires.

 

[18]           La Cour suprême du Canada et d’autres juridictions ont reconnu de façon constante l’importance de l’intérêt de l’État à mener des enquêtes en matière de sécurité nationale, de même que le fait que l’intérêt qu’a la société en ce qui concerne la sécurité nationale est susceptible de restreindre la communication des renseignements aux personnes visées par leur non-divulgation. Dans l’arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général), [2002] 4 R.C.S. 3, la Cour a préconisé l’application d’une norme de contrôle judiciaire empreinte de déférence si le ministre est en mesure de démontrer que la divulgation permet raisonnablement de conclure que la sécurité du Canada serait compromise.

 

[19]           Notre Cour a examiné la raison d’être de la nécessité de protéger les renseignements concernant la sécurité nationale dans le contexte des affaires d’immigration (voir p. ex. Sogi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1429; confirmé par 2004 CAF 212; Gariev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CF 531; Alemu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2004 CF 997; Segasayo c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 372; Malkine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 496; Rajadurai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 119).

 

[20]           En l’espèce, le ministre affirme que la divulgation des passages expurgés du dossier certifié du tribunal (le DCT) serait préjudiciable à la sécurité nationale ou compromettrait la sécurité de certaines personnes. Le demandeur, en revanche, soutient que le fait qu’il n’a pas accès aux renseignements qui ont été retranchés du dossier l’empêche de savoir ce qu’il doit prouver.

 

[21]           Après avoir examiné attentivement les renseignements qui ont été expurgés du DCT et qui se trouvent dans l’affidavit secret et dans les annexes qui y sont jointes, et pour lesquels le défendeur réclame une ordonnance d’interdiction de communication, j’arrive à la conclusion que ces renseignements répondent parfaitement à la définition de renseignements qui, s’ils étaient divulgués, seraient préjudiciables à la sécurité nationale ou compromettraient la sécurité de certaines personnes, de sorte qu’ils ne devraient donc pas être divulgués au public ou au demandeur et à son avocat. Compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, le droit de savoir du demandeur ne l’emporte pas sur l’intérêt important invoqué par le défendeur en ce qui a trait à la sécurité nationale.

 

[22]           En tout premier lieu, comme c’était le cas dans bon nombre des affaires mentionnées au paragraphe 19, le demandeur n’est pas détenu et son droit à la liberté n’est pas en jeu, contrairement à la situation des personnes qui font l’objet d’un certificat de sécurité. D’ailleurs, le demandeur ne réside même pas au Canada, et il ne peut donc prétendre que l’un ou l’autre des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés a été violé par suite de la non-divulgation de certains renseignements.

 

[23]           De plus, les passages expurgés du DCT sont minimes et je suis convaincu que leur non-communication n’empêche nullement le demandeur de faire valoir son point de vue. La décision n’a pas été prise en fonction des renseignements qui n’avaient pas été communiqués au demandeur, qui a été mis au courant de l’essentiel des préoccupations de l’agent des visas. Ainsi qu’il le reconnaît dans son affidavit, on lui a dit à plusieurs reprises que les soupçons de l’agent des visas reposaient sur les interactions que lui et sa famille avaient eues avec les LTTE. On lui a dit que sa version des faits ne correspondait pas à celle de son fils cadet. Il m’est donc impossible de conclure que le fait que certains des passages du DCT ont été expurgés à la demande du défendeur a nui de façon appréciable à la capacité du demandeur de faire valoir son point de vue et de participer pleinement et utilement à la présentation de sa demande de contrôle judiciaire de la décision contestée.

 

B) L’utilisation d’éléments de preuve extrinsèques

[24]           Le demandeur soutient que l’agent des visas a manqué à un principe de justice naturelle parce qu’il a fondé sa décision exclusivement sur des éléments de preuve extrinsèques auxquels il n’était pas en mesure de répondre. Plus particulièrement, le demandeur affirme que l’agent ne lui a jamais présenté les éléments de preuve sur lesquels il s’était fondé pour laisser entendre que le fils cadet du demandeur avait admis avoir travaillé pour les LTTE. Le demandeur ne pouvait donc pas répondre directement à cette apparente contradiction et a été réduit à exprimer sa désolation lorsque l’agent lui a parlé des activités de son fils.

 

[25]           Mais contrairement à ce qu’affirme le demandeur, il ne ressort pas de la jurisprudence de notre Cour que le demandeur doit effectivement recevoir le document sur lequel l’auteur de la décision s’est fondé, mais bien que les renseignements contenus dans ce document doivent être communiqués au demandeur pour lui donner l'occasion de prendre connaissance des renseignements qui lui sont défavorables et de donner sa version des faits. L’extrait suivant des motifs du juge Rothstein (alors juge à notre Cour) dans le jugement Dasent c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 720, au paragraphe 23, illustre ce principe :

À mon sens, la question qu'il faut se poser est celle de savoir si la requérante a eu connaissance des renseignements de façon à pouvoir corriger les malentendus ou les déclarations inexactes susceptibles de nuire à sa cause. La source des renseignements ne constitue pas un élément distinctif en soi, pour autant que les renseignements ne sont pas connus de la partie requérante. Ce qu'il faut savoir, c'est si celle-ci a eu la possibilité de répondre à la preuve. C'est ce que les règles d'équité sur le plan de la procédure exigent, selon une jurisprudence établie depuis longtemps. Pour reprendre les commentaires bien connus que lord Loreburn L.C. a formulés dans l'affaire Board of Education c. Rice, [1911] A.C. 179 (H.L.), à la page 182:

[traduction] Ils peuvent obtenir des renseignements de la façon qu'ils jugent la meilleure, en accordant toujours à ceux qui sont parties au différend la possibilité raisonnable de corriger ou de contredire toute affirmation pertinente qui est préjudiciable à leur opinion.

 

Voir également : Muliadi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 2 C.F.  205 (C.A.F.), Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 41, et Knizeva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 268.

 

 

 

[26]           Il vaut la peine de noter que le Guide du traitement des demandes à l'étranger, de Citoyenneté et Immigration Canada, précise que l’agent doit offrir au demandeur la possibilité d’éclaircir les doutes de l’agent. On trouve ce qui suit dans le chapitre du Guide relatif à la procédure (OP 1) :

Les demandeurs doivent avoir la possibilité d’apporter des preuves et d’invoquer des arguments. Ceci comprend qu’on doit leur fournir une traduction/interprétation appropriée. L’agent doit tenir compte de tous les éléments et doit noter (dans le STIDI) ceux sur lesquels il a fondé son évaluation et expliquer les raisons pour lesquelles il n’a pas tenu compte de certains éléments. Les agents doivent respecter cette exigence dans tous les cas, bien qu’à des degrés divers. La nature de la possibilité offerte au demandeur sera en fonction de la complexité de la demande. Dans le cas des personnes qui demandent un visa de visiteur, les agents doivent exprimer leurs préoccupations et mentionner la réponse du demandeur au dossier. Le demandeur doit connaître l’affaire, c.-à-d. que l’information détenue par l’agent doit être révélée au demandeur avant que la décision soit prise. Par exemple, si un agent se fie à des preuves extrinsèques (par ex. des preuves provenant d’autres sources que du demandeur), il doit donner au demandeur la possibilité de s’expliquer. Les demandeurs de résidence permanente et certains visiteurs pourront avoir besoin de plus de temps pour éclaircir les doutes de l’agent. Dans de tels cas, le compte rendu doit être plus détaillé. Lorsque les préoccupations sont d’ordre médical, l’agent doit suivre les procédures décrites dans le chapitre OP 15. L’agent doit aussi suivre des instructions spécifiques pour évaluer l’expérience professionnelle des travailleurs qualifiés (voir le chapitre OP 6). Il doit expliquer sa décision à l’aide de faits et de raisons objectives.

 

 

[27]           En l’espèce, le demandeur a déclaré, lors de son entrevue avec l’agent que son fils cadet n’avait jamais été impliqué de quelque façon que ce soit avec les LTTE. En réponse, l’agent a confronté le demandeur aux déclarations que Vickraman avait faites aux autorités canadiennes, à qui il avait affirmé avoir travaillé pour les LTTE alors qu’il se trouvait au Sri Lanka. Il ressort des notes versées au système STIDI que l’agent a accordé au demandeur l’occasion de répondre, ce que le demandeur ne conteste pas. Je n’arrive pas à voir ce que le demandeur aurait pu dire s’il avait pris connaissance par écrit des déclarations faites par son fils.

 

[28]           Vu ce qui précède, j’estime donc que l’agent n’a de toute évidence pas violé les principes d’équité procédurale en ne divulguant pas au demandeur des renseignements extrinsèques pour qu’il les commente. Confronté à ces renseignements, le demandeur n’a pas été en mesure de donner une explication raisonnable au sujet des contradictions relevées.

 

C) Suffisance des motifs

[29]           Le critère de la suffisance des motifs a été bien formulé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Via Rail Canada Inc. c. Lemonde, [2001] 2 C.F. 25 :

[21] L'obligation de motiver une décision n'est remplie que lorsque les motifs fournis sont suffisants. Ce qui constitue des motifs suffisants est une question qui doit être tranchée en fonction des circonstances de chaque espèce. Toutefois, en règle générale, des motifs sont suffisants lorsqu'ils remplissent les fonctions pour lesquelles l'obligation de motiver a été imposée. Pour reprendre les termes utilisés par mon collègue le juge d'appel Evans [traduction] : «[t]oute tentative pour formuler une norme permettant d'établir le caractère suffisant auquel doit satisfaire un tribunal afin de s'acquitter de son obligation de motiver sa décision doit en fin de compte traduire les fins visées par l'obligation de motiver la décision»  [J.M. Evans et al, Administrative Law (4th ed.), Toronto : Emond Montgomery, 1995, à la page 507].

 

[22] On ne s'acquitte pas de l'obligation de donner des motifs suffisants en énonçant simplement les observations et les éléments de preuve présentés par les parties, puis en formulant une conclusion. Le décideur doit plutôt exposer ses conclusions de fait et les principaux éléments de preuve sur lesquels reposent ses conclusions. Les motifs doivent traiter des principaux points en litige. Il faut y retrouver le raisonnement suivi par le décideur et l'examen des facteurs pertinents.

 

 

[30]           La demande de résidence permanente du demandeur a été refusée en raison du fait qu’il était interdit de territoire pour fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR et qu’il avait omis de fournir des renseignements suffisamment crédibles et dignes de foi pour convaincre l’agent qu’il n’était pas interdit de territoire conformément au paragraphe 11(1) de la LIPR. Pour appuyer ses conclusions, l’agent a relevé plusieurs invraisemblances dans les déclarations du demandeur, des contradictions entre ses déclarations antérieures et celles qu’il avait faites lors de son entrevue la plus récente, et des divergences entre ses déclarations et celles de son fils cadet, en particulier en ce qui concerne l’implication de son fils dans les activités des LTTE.

 

[31]           Les contradictions, invraisemblances et divergences relevées dans le témoignage du demandeur sont exposées en détail dans les notes versées au système STIDI. Ces notes appuient pleinement la conclusion que le demandeur est interdit de territoire pour fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR et qu’il n’a pas fourni des renseignements suffisamment crédibles et dignes de foi pour convaincre l’agent qu’il n’était pas interdit de territoire conformément au paragraphe 11(1) de la LIPR. Les motifs de l’agent satisfont donc au critère de la suffisance puisqu’ils informent le demandeur des raisons pour lesquelles sa demande est refusée et qu’ils ne compromettent pas sa capacité de présenter une demande de contrôle judiciaire. Ainsi que mon collègue le juge Shore l’affirme dans le jugement Za’rour c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1281 :

[19] Les motifs de la décision informent le demandeur des raisons pour lesquelles sa demande de résidence permanente a été refusée et n’ont pas porté atteinte à son droit de solliciter un contrôle judiciaire. Il est bien établi que les motifs d’une décision ont deux objectifs principaux : faire savoir à l’intéressé que les points soulevés ont été examinés, et lui permettre d’exercer son droit d’en appeler ou de solliciter un contrôle judiciaire. (Via Rail Canada Inc. c. Lemonde (C.A.), [2000] A.C.F. n° 1685 (QL); Townsend c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CFPI 371, [2003] A.C.F.  n° 516 (QL); Fabian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1527, [2003] A.C.F. n° 1951 (QL).)

 

[20]           Par ailleurs, la Cour suprême du Canada a jugé, dans l’arrêt R. c. Sheppard, [2002] 1 R.C.S. 869, aux paragraphes 33, 46 et 53, que l’insuffisance d’un exposé de motifs ne crée pas un droit d’appel distinct, en ce sens qu’elle constituerait automatiquement une erreur susceptible de contrôle. Elle concluait que « l’obligation de donner des motifs, peu importe le contexte dans lequel elle est invoquée, devrait recevoir une interprétation fonctionnelle et fondée sur l’objet ». Lorsque le dossier tout entier indique le fondement sur lequel le juge des faits est arrivé à sa décision, la partie qui veut faire infirmer la décision pour cause d’insuffisance des motifs doit montrer que cette insuffisance des motifs nuit à l’exercice d’un droit d’appel prévu par la loi. (Il est également fait référence à l’arrêt R. c. Kendall (C.A.), [2005] O.J. no 2457.)

 

 

 

[32]           De plus, en dépit des affirmations contraires du demandeur, les motifs de l’agent sont clairs et concis et ne sont pas exprimés en termes vagues ou généraux. L’agent affirme dans les termes les plus nets que le demandeur est interdit de territoire pour fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR et qu’il n’a pas fourni des renseignements suffisamment crédibles et dignes de foi pour convaincre l’agent qu’il n’était pas interdit de territoire conformément au paragraphe 11(1) de la LIPR. Plus précisément, compte tenu des nombreuses et sérieuses fausses déclarations [traduction] « quant à ce qu’il savait des activités de son fils et de ses propres interactions avec les LTTE », la préoccupation invoquée pour justifier l’interdiction de territoire a de toute évidence trait à la sécurité (notes versées dans le système STIDI, dossier de la demande, à la page 16).

 

[33]           Pour les motifs qui précèdent, je suis par conséquent d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. Aucune question d’importance générale n’a été proposée en vue d’une certification, et aucune n’est soulevée au vu des faits de l’espèce.

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4096-08

 

INTITULÉ :                                       AIYAMPILLAI NADARASA

 

                                                            et

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 octobre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Joel Sandaluk

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Jamie Todd

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MAMANN & SANDALUK

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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