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Cour fédérale

Federal Court

Date : 20091030

Dossier : IMM-1794-09

Référence : 2009 CF 1098

Ottawa (Ontario), ce 30e jour d’octobre 2009

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

SANCHEZ JIMENEZ, Yolanda

 

Partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

Partie défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, d’une décision rendue le 16 mars 2009 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la « SPR »), statuant que la demanderesse n’est pas une réfugiée au sens de la Convention.

 

[2]          Yolanda Sanchez Jimenez (la demanderesse) est citoyenne du Mexique et mère de deux filles. Elle aurait demandé l’asile sur la base de son appartenance à un groupe social particulier, soit celui des femmes victimes de violence conjugale. Elle allègue être persécutée par son ex-conjoint, Mariano Castillo Robles.

 

[3]          La décision repose essentiellement sur l’absence de crédibilité de la demanderesse. La SPR a trouvé qu’elle ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve, donc qu’elle n’a pas établi sa crainte de persécution en vertu d’un des motifs de la Convention. Le tribunal a de plus trouvé qu’elle n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’advenant son retour au Mexique elle serait exposée à un risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

[4]          La SPR a trouvé que le témoignage de la demanderesse, vague et imprécis, était truffé de contradictions et qu’il comportait en outre des omissions et des invraisemblances. Le tribunal l’a donc jugée non crédible.

 

[5]          Plus tard, dans une lettre datée du 14 août 2009, le tribunal a écrit :

Pour des raisons indépendantes de notre volonté, il nous est malheureusement impossible de vous faire parvenir copie de l’enregistrement de l’audience du 13 février 2009 dans ce dossier.

 

 

 

[6]          S’appuyant principalement sur Likele c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 1693 (C.F., 1re inst.) (QL), la demanderesse soumet d’abord qu’il y a eu un manquement au principe de justice naturelle en raison de la non-disponibilité d’une transcription de l’audience devant le tribunal. En conséquence, la demanderesse plaide qu’elle ne peut pas présenter tous ses arguments en regard de la présente demande de contrôle judiciaire. Je ne suis pas d’accord. L’article 17d) des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, n’impose pas au tribunal un devoir de préparer des transcriptions :

  17.  Dès réception de l’ordonnance visée à la règle 15, le tribunal administratif constitue un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l’ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :

 

d) la transcription, s’il y a lieu, de tout témoignage donné de vive voix à l’audition qui a abouti à la décision, à l’ordonnance, à la mesure ou à la question visée par la demande de contrôle judiciaire,

 

dont il envoie à chacune des parties une copie certifiée conforme par un fonctionnaire compétent et au greffe deux copies de ces documents.

 

  17.  Upon receipt of an order under Rule 15, a tribunal shall, without delay, prepare a record containing the following, on consecutively numbered pages and in the following order:

 

(d) a transcript, if any, of any oral testimony given during the hearing, giving rise to the decision or order or other matter that is the subject of the application for judicial review,

 

and shall send a copy, duly certified by an appropriate officer to be correct, to each of the parties and two copies to the Registry.

 

 

[7]          Madame la juge L’Heureux-Dubé a reconnu, au nom de la Cour suprême du Canada dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793, que la non-disponibilité de la transcription pouvait, dans certaines circonstances, causer un préjudice au demandeur quant à sa capacité de présenter une demande de contrôle judiciaire, et que ce préjudice constituait un déni de justice naturelle lorsque la décision que la Cour devait rendre ne pouvait pas être rendue sur la foi d'autres éléments de preuve. À ce sujet, la Cour suprême a exprimé ce qui suit à la page 842 :

     En l’absence d’un droit à un enregistrement expressément reconnu par la loi, les cours de justice doivent déterminer si le dossier dont elles disposent leur permet de statuer convenablement sur la demande d’appel ou de révision. Si c’est le cas, l’absence d’une transcription ne violera pas les règles de justice naturelle. Cependant, lorsque la loi exige un enregistrement, la justice naturelle peut nécessiter la production d’une transcription. Étant donné que cet enregistrement n’a pas à être parfait pour garantir l’équité des délibérations, il faut, pour obtenir une nouvelle audience, montrer que certains défauts ou certaines omissions dans la transcription font surgir une « possibilité sérieuse » de négation d’un moyen d’appel ou de révision. Ces principes garantissent l’équité du processus administratif de prise de décision et s’accommodent d’une application souple dans le contexte administratif.

                                                            (C’est moi qui souligne.)

 

 

Voir aussi Goodman c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 342 (C.F., 1re inst.) (QL), aux paragraphes 67 à 71, et le récent arrêt de mon collègue le juge Richard Boivin dans Navjot Singh c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 911.

 

[8]          Les cours doivent donc déterminer « si le dossier dont elles disposent leur permet de statuer convenablement sur la demande d’appel ou de révision ». Si c’est le cas, l’absence de transcription « ne violera pas les règles de justice naturelle » (Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301, ci-dessus).

 

[9]          En l’espèce, je constate que les motifs de la SPR comportent fréquemment un résumé du témoignage de la demanderesse. De plus, celle-ci n’a pas déclaré dans son affidavit que le tribunal n’a pas rapporté fidèlement son témoignage dans ses motifs et qu’il a, de ce fait, erré quant à sa conclusion d’absence de crédibilité.

 

[10]      Je conclus donc que l’absence de transcription, dans les circonstances, n’est pas un obstacle et qu’il n’y a pas de manquement à la justice naturelle.

 

[11]      La demanderesse s’en prend ensuite à l’appréciation faite par la SPR de sa crédibilité. Or, en matière de crédibilité et d’appréciation des faits, une analyse adéquate de la décision du tribunal verra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel [ainsi qu’à] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47). La Cour suprême nous dit dans Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 58 : « La SAI a eu l’avantage de tenir les audiences et d’évaluer la preuve, y compris le témoignage de l’intimé lui-même. » Par conséquent, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

 

[12]      La demanderesse doit s’acquitter d’un fardeau rigoureux pour réfuter la conclusion du tribunal selon laquelle elle n’est pas crédible (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)). Le tribunal peut tirer des conclusions raisonnables fondées sur des invraisemblances, sur le bon sens et sur la raison.

 

[13]      En l’espèce, après révision de la preuve et audition des procureurs des parties, je ne suis pas satisfait, à la lumière de tous ces principes et critères d’analyse, que l’intervention de la Cour soit justifiée. Bien qu’à certains égards j’aurais pu conclure différemment, il n’appartient pas à cette Cour de se substituer au tribunal spécialisé qu’est la SPR dans l’appréciation de la crédibilité et des faits, lorsque, comme ici, la demanderesse fait défaut de démontrer que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose (voir Khosa, ci-dessus).

 

[14]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 16 mars 2009 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1794-09

 

INTITULÉ :                                       SANCHEZ JIMENEZ, Yolanda c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 30 octobre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claudia Andrea Molina                  POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Yaël Levy                                      POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet Molina Inc.                                                      POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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