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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20091026

Dossier : T-168-09

Référence : 2009 CF 1079

Ottawa (Ontario), le 26 octobre 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NEAR

 

 

ENTRE :

ERIKA NINO VEGA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               L’appel vise une décision datée du 11 décembre 2008 par laquelle une juge de la citoyenneté a refusé la demande de citoyenneté canadienne de la demanderesse (la décision).

 

[2]               La demanderesse est d’avis que les motifs de la décision étaient insuffisants et que la juge de la citoyenneté a écarté des éléments de preuve importants et n’a pas examiné la question de savoir si elle était une résidente du Canada malgré le fait qu’elle ait été physiquement absente pendant une partie de la période visée. Le défendeur soutient qu’il n’y a aucune erreur dans la décision ou les motifs de la juge de la citoyenneté et que l’appel devrait être rejeté.

 

[3]               Pour les motifs exposés ci-dessous, l’appel est rejeté.

 

I.          Contexte

 

[4]               La demanderesse est une citoyenne mexicaine âgée de 32 ans qui est mariée à un citoyen canadien et qui a donné naissance à un enfant au Canada. Elle a obtenu la résidence permanente le 24 juin 2003 et elle a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 10 mai 2007. À l’appui de sa demande, la demanderesse a fourni notamment son dossier médical, les formulaires T1 pour les années d’imposition 2002 à 2006 et la preuve de son niveau d’études. Initialement, un différend s’est posé quant à la période utilisée pour calculer le nombre de jours de présence physique au Canada. Toutefois, la demanderesse n’a pas contesté dans son mémoire des faits et du droit le calcul du nombre de jours de présence physique au Canada effectué par la juge de la citoyenneté. Par conséquent, cette question ne sera pas examinée.

 

[5]               Dans sa demande de citoyenneté, la demanderesse a déclaré 500 jours d’absence du Canada, mais ce nombre est passé à 503 à la suite du calcul effectué par Citoyenneté et Immigration Canada. La demanderesse a donc été présente au Canada pendant 935 jours durant la période pertinente du 24 juin 2003 au 10 mai 2007. La demanderesse a comparu devant la juge de la citoyenneté le 1er août 2008.

 

[6]               La juge de la citoyenneté a remis à la demanderesse un document de trois pages exposant les motifs de sa décision de ne pas accepter sa demande de citoyenneté. Les motifs résumaient brièvement la preuve documentaire et testimoniale présentée à l’audience. La question ensuite soulevée dans les motifs était celle de savoir [traduction] « si la demanderesse avait résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout dans les quatre ans qui ont précédé la date de la demande de citoyenneté ».

 

[7]               Dans son analyse, la juge de la citoyenneté a déterminé que la demanderesse avait accumulé 935 jours de présence physique au Canada et elle a décrit les conditions de résidence prévues par Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi). La juge de la citoyenneté a ensuite affirmé qu’il existait une jurisprudence de la Cour fédérale qui n’exige pas la présence physique du demandeur de la citoyenneté pendant toute la période, mais qu’une absence prolongée durant la période minimale prévue par la Loi est contraire à l’objet des conditions de résidence. La juge de la citoyenneté a conclu qu’il manquait à la demanderesse 160 jours de résidence au Canada, le nombre requis étant de 1 095 jours, et elle a précisé n’avoir trouvé aucune raison impérieuse d’atténuer la rigueur des conditions de résidence ou d’exempter la demanderesse de leur application.

 

[8]               La juge de la citoyenneté a ensuite exposé sa décision et avisé la demanderesse de ses droits de faire appel ou de présenter une nouvelle demande.

 

II.         Norme de contrôle applicable

 

[9]               La norme de contrôle applicable à la décision d’un juge de la citoyenneté quant à savoir si le demandeur de la citoyenneté satisfait aux conditions de résidence est la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Pourzand c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 395, 71 Imm. L.R. (3d) 289, le juge James Russell, au paragraphe 19). Les questions d’équité procédurale et de suffisance des motifs sont des questions de droit qui sont assujetties à la norme de la décision correcte (Pourzand, précité, au paragraphe 21).

 

III.       Questions en litige

 

A.        Le critère de la résidence

 

[10]           Le paragraphe 5(1) de la Loi prévoit les conditions nécessaires à l’obtention de la citoyenneté. L’alinéa 5(1)c) exige qu’une personne ait résidé au Canada pendant au moins trois ans ou 1 095 jours en tout dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté.

Attribution de la citoyenneté

 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

a) en fait la demande;

 

 

b) est âgée d’au moins dix-huit ans;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

 

 

 

 

 

[Je souligne]

 

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

 

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

 

Grant of citizenship

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

(a) makes application for citizenship;

 

(b) is eighteen years of age or over;

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

[Emphasis added]

 

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

 

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

 

 

 

[11]           La Loi ne définit pas la « résidence ». Comme la juge Danièle Tremblay‑Lamer l’a expliqué dans Mizani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 698, [2007] A.C.F. no 947, au paragraphe 10, la Cour a interprété le terme « résidence » de trois façons différentes. Premièrement, il peut s’agir de la présence réelle et physique au Canada pendant un total de trois ans, selon un comptage strict des jours (Pourghasemi (Re) (1993), 62 F.T.R. 122, 19 Imm. L.R. (2d) 259 (1er inst.)). Selon une interprétation moins rigoureuse, une personne peut résider au Canada même si elle en est temporairement absente, pour autant qu’elle conserve de solides attaches avec le Canada (Antonios E. Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), 88 D.L.R. (3d) 243). Une troisième interprétation, très semblable à la deuxième, définit la résidence comme l’endroit où l’on « vit régulièrement, normalement ou habituellement » ou l’endroit où l’on a « centralisé son mode d’existence » (Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), 19 Imm. L.R. (2d) 1, au paragraphe 10).

 

[12]           La demanderesse a fait valoir ce qui suit au paragraphe 10 de son mémoire des faits et du droit :

[traduction]

[…] la jurisprudence de la Cour indique très clairement que, lorsqu’il conclut qu’un demandeur n’a pas satisfait aux conditions de résidence par une présence physique au Canada pendant les trois années requises, le juge de la citoyenneté doit alors examiner la question de savoir si le demandeur avait satisfait aux conditions de résidence par la centralisation de son mode de vie au Canada, en appliquant le critère énoncé dans Re Koo ou un autre critère reconnu valable dans la jurisprudence.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[13]           Il n’en est rien. Le juge de la citoyenneté doit appliquer un seul des trois critères pour déterminer si un demandeur a satisfait aux conditions de résidence. Il n’est pas tenu d’appliquer les trois critères pour confirmer si l’un « convient ». Il ne lui est également pas loisible de « fusionner » les critères (Mizani, précité, aux paragraphes 12 et 13). Il incombe au demandeur de la citoyenneté de présenter une preuve objective suffisante pour démontrer qu’il a satisfait aux conditions de résidence (Mizani, précité, au paragraphe 19, la juge Tremblay-Lamer; Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration) c. Italia, [1999] A.C.F. no 876, 89 A.C.W.S. (3d) 22, au paragraphe 14).

 

B.         Les motifs exposés

 

[14]           Les faits de la présente affaire s’apparentent à ceux que le juge Max Teitelbaum a examinés dans l’affaire Islam c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 10, 77 Imm. L.R. (3d) 146. Dans cette affaire, la demanderesse a interjeté appel de la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a conclu qu’elle n’avait pas satisfait aux conditions de résidence et a par conséquent refusé sa demande de citoyenneté. Je constate qu’une partie des motifs de la juge de la citoyenneté dans la présente affaire s’apparente aux motifs examinés par le juge Teitelbaum. Au paragraphe 23 de la décision Islam, précité, le juge Teitelbaum a conclu que le critère que le juge de la citoyenneté avait appliqué ne ressortait pas tout à fait clairement de ses motifs et il a accueilli l’appel.

 

[15]           Certes, une partie des motifs du juge de la citoyenneté dans Islam, précité, s’apparente aux motifs exposés dans la présente affaire, mais je suis d’avis qu’il ressortait clairement en l’espèce que le critère appliqué était celui de la présence physique. La juge de la citoyenneté a affirmé que la demanderesse n’avait pas accumulé le nombre requis de jours de présence physique au Canada pour satisfaire aux conditions de résidence. À la page deux de la décision, la juge de la citoyenneté précise ce qui suit :

[traduction]

J’ai calculé que vous aviez été absente pendant 503 jours durant la période visée, ce qui établit votre présence physique au Canada à 935 jours. Après calcul (1 095-935), il vous manque 160 jours sur la période minimale requise de 1 095 jours prévue par la Loi. Vous n’avez pas présenté de preuve cohérente et convaincante de résidence dans la période visée.

 

[16]           Il ressort clairement des motifs de la juge de la citoyenneté qu’elle a appliqué le critère de la présence physique.

 

[17]           La demanderesse fait également valoir que les motifs étaient insuffisants parce qu’ils exposaient seulement la conclusion et que des éléments importants de la preuve documentaire avaient été écartés. Le défendeur soutient que la juge de la citoyenneté n’a pas abordé la question de la preuve des liens et des attaches avec le Canada étant donné que le critère de la présence physique a été appliqué pour décider de la demande de résidence et que, par conséquent, ces éléments de preuve n’étaient pas pertinents dans l’application de ce critère.

 

[18]           La juge de la citoyenneté a remis à la demanderesse un document de trois pages contenant les motifs de sa décision. Puisqu’elle a utilisé le critère de la présence physique, la décision se fondait sur le calcul du nombre de jours de présence physique au Canada et non sur une analyse détaillée de divers facteurs. La méthode de calcul et la réponse ont été communiquées à la demanderesse. Les motifs fournis exposaient de manière suffisamment détaillée le fondement de la décision de la juge de la citoyenneté de ne pas accepter la demande et la demanderesse a pu interjeter appel. La juge de la citoyenneté n’a pas fait défaut de fournir des motifs.

 

[19]           La juge de la citoyenneté n’a pas fait erreur en ne tenant pas compte de la preuve concernant les liens avec le Canada puisque le critère de la présence physique a été appliqué. La preuve fournie par la demanderesse relativement à ses liens familiaux et à son emploi n’entre pas en ligne de compte dans le critère de la présence physique et, par conséquent, le fait de ne pas en avoir tenu compte dans les motifs ne constituait pas une erreur.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

1.         que l’appel est rejeté;

2.         qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                   T-168-09

 

INTITULÉ :                                                  NINO VEGA

                                                                       c.

                                                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                       ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          Le 6 octobre 2009

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                         LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 26 octobre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffery

416-944-3267

 

POUR LA DEMANDERESSE

Neil Samson

416-952-0069

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Jeffery

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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