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Date : 20091022

Dossier : IMM-5411-08

Référence : 2009 CF 1083

Vancouver (Colombie-Britannique), le 22 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

LI QIN GAN et QIU LAN SHEN

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour statue sur une demande présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. 2001, ch. 27 (la Loi), en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision en date du 9 décembre 2008 par laquelle Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a transmis la demande de résidence permanente présentée par les demandeurs sur le fondement de raisons d’ordre humanitaire (demande CH) à l’unité d’examen des risques avant le renvoi (l’unité d’ERAR) de CIC afin qu’elle rende une décision.

[2]               La présente demande n’a rien à voir avec les demandeurs eux-mêmes. Elle n’a rien à voir avec le bien-fondé de leur demande visant à obtenir l’autorisation de demeurer au Canada. La présente demande a trait à la procédure et elle a tout à voir avec la situation créée par l’avocat des demandeurs, qui était bien déterminé à ne pas faire évaluer la demande CH par un agent d’ERAR.

 

HISTORIQUE DE L’INSTANCE

[3]               Li Qin Gan et Qui Lan Shen sont des citoyens de la Chine. La meilleure façon de résumer les faits pertinents consiste à les exposer par ordre chronologique.

21 mars 2001

Les demandeurs arrivent au Canada.

2 avril 2001

Les demandeurs présentent une demande de statut de réfugié au sens de la Convention.

 

27 mars 2002

La demande de statut de réfugié est rejetée. La Commission estime que les demandeurs ne sont pas crédibles, qu’ils ne sont pas des disciples du Falun Gong et qu’ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.

 

31 mai 2002

Les demandeurs demandent que leur cas soit examiné dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (la CDNRSRC).

 

Novembre 2005

Les demandeurs présentent une demande CH, laquelle est toujours en instance. Cette demande est fondée sur leur établissement au Canada et sur les risques auxquels ils seraient exposés s’ils retournaient en Chine.

 

3 mai 2006

Le Centre de traitement des demandes de CIC de Vegreville (Alberta) informe les demandeurs que leur demande CH a été transmise au bureau de Vancouver de CIC pour un examen plus approfondi.

 

26 mai 2006

Le bureau de Vancouver de CIC et la section du traitement des demandes au Canada informent les demandeurs que leur demande CH a été transmise à l’unité d’ERAR de Vancouver afin qu’elle rende une décision.

 

24 juin 2008

Lors de leur entrevue en personne au Centre d’exécution de la loi de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), les demandeurs se voient remettre une lettre les informant qu’ils ont 30 jours pour compléter leur demande CH avant qu’un agent d’ERAR ne rende une décision.

11 juillet 2008

L’avocat des demandeurs soumet des observations complémentaires à l’appui de la demande CH. Il écrit : [traduction] « Je réitère ma demande pour que l’évaluation de la présente demande CH soit confiée à un agent de CIC qui connaît bien les affaires relatives aux raisons d’ordre humanitaire plutôt qu’à un agent d’ERAR. Je considère que les agents d’ERAR sont des membres de votre organisation dont le rôle consiste à faire respecter la loi ».

 

15 juillet 2008

L’avocat des demandeurs soumet des observations complémentaires sur la demande d’examen dans la CDNRSRC des demandeurs. L’avocat demande de nouveau que les raisons d’ordre humanitaire soient examinées par un agent de CIC.

 

7 octobre 2008

La coordonnatrice d’ERAR, Adrienne Nash, répond à la lettre du 15 juillet 2008 de l’avocat. Elle écrit : [traduction] « Suivant notre politique, que l’on trouve à la section 13 du guide IP5, si la demande CH comporte des allégations de risque et s’il n’y a pas de motifs suffisants autres que ceux relatifs au risque pour accepter la demande, la demande est transmise à l’unité d’ERAR pour qu’elle la traite. Lorsqu’il existe une demande d’ERAR en cours, les deux demandes sont examinées en même temps ».

 

La coordonnatrice a invité l’avocat à lui faire savoir par écrit si ses clients souhaitaient que leur demande CH soit tranchée sans que la question du risque personnel soit examinée par un agent de CIC ou s’ils voulaient que leurs allégations de risque soient considérées comme faisant partie de leur demande CH et qu’elles soient examinées par un agent d’ERAR.

14 octobre 2008

L’avocat des demandeurs répond : [traduction] « Je vous demande encore d’examiner séparément la demande CH et la demande d’ERAR. À mon humble avis, le dossier devrait être examiné par CIC avant de faire l’objet d’un ERAR et c’est ce que je demande ».

 

16 octobre 2008

La coordonnatrice d’ERAR répond en citant de nouveau la politique énoncée à la section 13 du guide IP5 et en déclarant : [traduction] « Si nous recevons des instructions précises indiquant que vos clients ne souhaitent pas que leur facteurs de risques personnels soient examinés en même temps que leur demande CH, je vais transmettre le dossier à la section du traitement des demandes au Canada pour qu’elle l’examine. Prière de noter que cette mesure n’aura aucune incidence sur leur demande d’ERAR, que l’unité d’ERAR continuera à traiter (et pour laquelle les demandeurs ont été invités à soumettre de nouvelles observations lorsque leur dossier a cessé de relever de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (CDNRSRC) pour être assujetti au programme d’ERAR) ».

 

28 octobre 2008

L’avocat des demandeurs confirme sa demande en vue de transmettre le dossier à la section chargée d’examiner les demandes fondées sur des considérations d’ordre humanitaire (la section CH) pour qu’elle procède à une évaluation distincte ». L’avocat n’a pas reconnu par écrit que les demandeurs renonçaient ainsi à une évaluation des raisons d’ordre humanitaire en tenant compte des allégations de risque.

 

6 novembre 2008

La coordonnatrice d’ERAR informe l’avocat que sa lettre du 28 octobre 2008 ne renferme pas la renonciation nécessaire pour pouvoir transmettre la demande CH à la section CH. La coordonnatrice d’ERAR affirme que la demande sera traitée conformément à la section 13 du guide IP5 et qu’elle sera confiée à un agent d’ERAR qui tiendra compte de tous les aspects de la demande CH des demandeurs, y compris des circonstances relatives au risque et des circonstances qui ne concernent pas le risque.

 

20 novembre 2008

L’agent d’ERAR convoque les demandeurs à une entrevue en personne devant avoir lieu le 17 décembre 2008 au sujet de leur demande d’ERAR et ajoute : [traduction] « Lors de cette audience, il se peut que je pose à chacun d’entre vous des questions au sujet des circonstances qui appuient la demande présentée en 2005 sur le fondement de raisons d’ordre humanitaire ».

 

4 décembre 2008

L’avocat des demandeurs informe l’agent d’ERAR qu’il n’est pas en mesure de se présenter à l’entrevue en raison d’un conflit. Il réitère sa demande visant à ce que la section CH de CIC examine la demande CH en déclarant : [traduction] « Si vous insistez pour tenir cette audience d’ERAR, il se peut alors que mes clients retirent leur demande d’ERAR, le tout sous réserve de tous leurs droits. Mes clients ont soumis leur demande CH il y a trois ans et après cette longue attente, on leur a demandé s’ils voulaient que leurs raisons d’ordre humanitaire soient examinées, ce à quoi ils ont donné une réponse affirmative. Mais pour une raison ou pour une autre, l’agent a quand même décidé de transmettre le présent dossier à l’unité d’ERAR ».

 

9 décembre 2008

L’agent d’ERAR répond en informant l’avocat que l’entrevue aura lieu à moins que l’avocat ne propose d’autres dates au début de janvier 2009. L’agent demande aussi qu’on l’informe si les demandeurs retirent leur demande d’ERAR. Il cite la lettre du 6 novembre 2008 précitée, et déclare : [traduction] « Conformément à cette décision, la demande CH continuera à être examinée par l’unité d’ERAR et je vais tenir compte des circonstances relatives au risque et de celles qui ne le concernent pas qui sont évoquées dans la demande CH de vos clients ».

 

10 décembre 2008

La présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du refus de l’agent d’ERAR de transmettre la demande CH à la section CH de CIC est déposée.

 

 

[4]               Dans leur demande de contrôle judiciaire, les demandeurs réclament les réparations suivantes :

a.                   Un jugement déclarant que le défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre), a manqué à ses obligations envers les demandeurs ainsi qu’il est précisé aux présentes;

 

b.                  Une ordonnance de la nature d’un bref de of mandamus et une ordonnance enjoignant au ministre de faire examiner sans délai la demande CH des demandeurs [par la section de CIC chargée d’examiner les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire];

 

c.                   Une ordonnance annulant la décision d’Adrienne Nash et de Robert North de refuser de transmettre le dossier à la section CH de CIC;

 

d.                  Toute autre réparation que la Cour jugera bon d’accorder.

 

[5]               Les faits survenus après le dépôt de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sont pertinents et permettent de comprendre un peu mieux le bourbier procédural qui a été créé.

 

[6]               L’entrevue en personne prévue pour le 17 décembre 2008 a été remise. Le 11 mars 2009, l’agent d’ERAR a télécopié à l’avocat des demandeurs une demande visant à fixer des dates d’entrevue en personne en avril 2009 pour ce qui concerne la demande CH et la demande d’ERAR, lesquelles étaient toujours en instance. Aucune réponse n’a été reçue. Le 1er juin 2009, l’agent d’ERAR a enjoint aux demandeurs de se présenter pour une entrevue en personne le 18 juin 2009 relativement aux deux demandes.

 

[7]               L’avocat des demandeurs a écrit à l’agent d’ERAR le même jour pour exprimer son désaccord à l’idée de tenir l’entrevue avant l’audience sur la demande contrôle judiciaire, qui était alors fixée au 11 août 2009. L’avocat a également informé l’agent d’ERAR qu’il n’était pas disponible à la date proposée. L’avocat a aussi déclaré que, si l’agent d’ERAR n’avait pas l’intention de laisser les choses en suspens, il demandait alors que la demande CH des demandeurs soit transmise [traduction] « à l’agent de CIC chargé d’examiner les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire pour qu’il l’examine [...] sans tenir compte des risques auxquels les demandeurs seraient personnellement exposés » [non souligné dans l’original]. L’avocat a finalement expliqué que : [traduction] « selon l’issue de cette évaluation, nous nous réservons le droit de déposer de nouveau notre demande ou de poursuivre avec la demande d’ERAR ».

 

[8]               Les demandeurs ne se sont pas présentés à l’entrevue du 18 juin 2009. Le 19 juin 2009, on leur a envoyé un avis final les convoquant à une audience d’ERAR. Là encore, on leur a précisé qu’il était possible qu’on leur pose des questions au sujet de leur demande CH. L’entrevue était prévue pour le 15 juillet 2009.

 

[9]               L’avocat des demandeurs a souscrit un affidavit dans lequel il confirme que, sur réception de la lettre, il avait appelé l’avocate du défendeur [traduction] « pour lui demander pourquoi M. North n’a pas accepté mon offre et pourquoi il a continué à fixer des dates pour les entrevues d’ERAR en question ». Il affirme que MPark, l’avocate du défendeur, lui a dit que l’« offre » qu’il avait faite dans sa lettre du 1er juin 2009 n’était pas claire, ce à quoi il a répondu qu’il se désisterait de l’instance : [traduction] « si M. North attend avant de procéder à l’ERAR » et il affirme que [traduction] « MPark a ensuite dit qu’elle était d’accord avec cette entente si son client la confirmait ».

 

[10]           Le 22 juin 2009, l’agent d’ERAR a transmis la demande CH à la section de traitement des demandes au Canada de CIC pour qu’elle soit évaluée par un agent CH et il en a informé l’avocat des demandeurs. L’agent d’ERAR a écrit :

[traduction] Pour faire suite à la demande que vous m’avez adressée lors de notre conversation téléphonique de ce jour, j’accepte l’offre contenue dans votre lettre du 1er juin 2009 (ci‑jointe) en vue de retirer de la demande CH présentée en 2005 par vos clients toute considération relative aux risques personnalisés. En conséquence, la demande a été transmise à la section du traitement des demandes au Canada de CIC à Vancouver où elle sera évaluée par un agent CH.

 

[11]           Le 7 juillet 2009, l’avocate du défendeur a écrit à l’avocat des demandeurs une lettre dans laquelle elle déclarait :

[traduction] Pour faire suite à notre conversation téléphonique du 22 juin 2009 et de la télécopie que vous a envoyée l’agent d’ERAR le 22 juin 2009, la demande CH de vos clients a été transmise à la section du traitement des demandes au Canada de CIC pour être évaluée par un agent CH. La demande de contrôle judiciaire est donc sans objet. Auriez-vous l’obligeance de nous informer une fois que l’avis de désistement aura été déposé.

 

[12]           Le 10 juillet 2009, l’agent chargé d’évaluer la demande CH a écrit aux demandeurs pour réclamer des observations complémentaires dans les 15 jours de la réception de la lettre. Par lettre en date du 11 juillet 2009, l’avocat des demandeurs a demandé à l’agent de tenir compte de toutes les observations formulées par leur avocat précédent. Dans une lettre datée du 15 juillet 2009, l’agent a écrit à l’avocat des demandeurs pour obtenir des éclaircissements au sujet de la plupart des observations formulées par l’avocat précédent au sujet des considérations relatives aux risques. L’avocat a été invité à préciser les considérations que les demandeurs souhaitaient faire examiner dans leur demande CH.

 

[13]           Dans l’intervalle, l’avocat des demandeurs a écrit à M. North, l’agent d’ERAR, pour lui demander de reporter la rencontre prévue avec ses clients le 15 juillet 2009 pour les motifs suivants :

[traduction] J’avais cru comprendre que le contrôle judiciaire prévu pour août n’aurait pas lieu, compte tenu de l’entente que j’avais conclue avec Me Helen Park et suivant laquelle la demande CH de M. Gan serait évaluée en premier. Mais vous semblez croire le contraire, étant donné que procédez à l’ERAR. Si tel est le cas, il serait inutile de procéder avec le contrôle judiciaire étant donné que vous insistez toujours pour décider unilatéralement de procéder à un ERAR. Si vous entendez commencer par l’ERAR, rien ne garantit que l’examen des raisons d’ordre humanitaire aura jamais lieu, étant donné que Gan est susceptible d’être renvoyé du Canada dès que l’ERAR aura été effectué.

 

 

[14]           Dans cette lettre, l’avocat fait la remarque suivante : « En cours de route, il semble y avoir eu un problème de communication ».

 

[15]           Les demandeurs ne se sont pas présentés à la rencontre du 15 juillet 2009 avec l’agent d’ERAR. La demande d’ERAR a été déclarée abandonnée et, conformément à l’article 171 de la Loi, elle a été rejetée.

 

[16]           Le 31 juillet 2009, le défendeur a présenté une requête visant à faire rejeter la présente demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était devenue théorique. Le défendeur a fait valoir que les demandeurs n’avait pas soulevé, dans leur avis de demande, la question des délais en ce qui concerne les raisons d’ordre humanitaire et que, comme la demande CH avait été transmise à un agent CH, la demande de contrôle judiciaire était maintenant théorique. Dans une ordonnance rendue le 1er septembre 2009, la juge Dawson a rejeté la requête du défendeur, expliquant que la demande de contrôle judiciaire n’était pas théorique. La juge Dawson a fait remarquer que les demandeurs avaient soulevé la question de savoir si la demande fondée sur les raisons d’ordre humanitaire aurait dû être tranchée avant l’ERAR et, malgré le fait qu’elles n’étaient pas appuyées par la jurisprudence, les observations des demandeurs soulevaient une question qui n’était pas théorique.

 

[17]           Le 12 août 2009, les demandeurs ont déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rejetant leur demande d’ERAR (dossier IMM-4077-09).

 

QUESTIONS À TRANCHER

[18]           À l’instruction de la présente demande, l’avocat des demandeurs a expliqué que les deux questions suivantes étaient soumises à la Cour :

a.       La demande CH des demandeurs aurait‑elle dû être traitée avant leur demande d’ERAR?

b.      Dans le traitement de la demande CH, doit-on ou non tenir compte des facteurs de risque?

 

ANALYSE

[19]           À mon avis, l’historique susmentionné des rapports que les demandeurs ont eus avec les autorités de l’immigration ne permet pas de conclure à un problème de communication; il reflète plutôt une incompréhension des éléments fondamentaux de la procédure d’examen des raisons d’ordre humanitaire et de la procédure d’ERAR. On ne sait pas avec certitude si cette incompréhension est de bonne foi ou si elle est volontaire de la part de l’avocat.

 

La demande CH des demandeurs aurait‑elle dû être traitée avant leur demande d’ERAR?

 

[20]           Les demandeurs reconnaissent que la loi n’exige pas qu’une demande CH soit examinée avant une demande d’ERAR. Ils soutiennent que le défendeur leur a offert le choix de faire examiner d’abord la demande CH en vertu d’un « engagement » ou d’un « accord » (les demandeurs ont employé les deux termes lors des débats), que le défendeur n’a par la suite pas respecté. Ils ajoutent que le défendeur n’a pas suivi sa propre procédure, prévue à la section 13 du guide IP5, en ce sens qu’il n’a pas effectué de vérification préliminaire de la demande CH avant de la transmettre à l’agent d’ERAR. Aucun de ces arguments n’est fondé.

 

[21]           En premier lieu, s’il y a eu un engagement ou un accord comme le prétendent les demandeurs, il est très certainement survenu après la décision qui nous occupe. La seule allusion à un report de l’ERAR après la décision relative à la demande CH se trouve dans la lettre du 14 octobre 2008, dans laquelle l’avocat des demandeurs écrit :

[traduction]  À mon humble avis, le dossier devrait être examiné par CIC avant de faire l’objet d’un ERAR et c’est ce que je demande » [non souligné dans l’original]. Ainsi qu’il ressort de l’historique qui a déjà été relaté, les demandeurs ont été expressément informés que, s’ils souhaitaient que leur demande CH soit examinée par la section du traitement des demandes au Canada, il leur faudrait alors donner à CIC des instructions précises indiquant qu’ils ne voulaient pas que leurs facteurs de risque personnels soient pris en compte lors de l’examen de leur demande CH. On leur a expressément dit qu’en pareil cas, « cette mesure n’aurait aucune incidence sur leur demande d’ERAR, que l’unité d’ERAR continuera à traiter » [non souligné dans l’original]. Il n’y a aucun élément de preuve antérieur à la décision qui nous occupe qui permettrait de conclure à un accord visant à faire reporter la décision relative à l’ERAR.

 

[22]           On a suggéré, à l’audience qu’un accord en ce sens était intervenu entre les avocats. Si tel est le cas, cet accord a été conclu après la date de la décision en litige et il ne fait pas partie de la présente demande. Aucune requête n’a été présentée en vue de modifier la présente demande pour soulever la question d’un présumé accord et je n’en dirai pas plus, étant donné que cette question est soulevée dans le dossier IMM-4077-09, la demande d’autorisation qui est toujours en instance.

 

[23]           Les demandeurs ajoutent que le défendeur n’a pas observé la section 13 du guide IP5. Ils signalent notamment la section 13.2, intitulée « Rôle des sections CH - Vérification préliminaire sans évaluation officielle des circonstances d’ordre humanitaire », où l’on trouve ce qui suit : « la demande CH est transmise à l’unité CH […] s’il y a allégation de risque personnalisé, mais qu’il ne semble pas exister des motifs autres que le risque suffisants pour accepter la demande ».

 

[24]           Les demandeurs affirment qu’il ressort de la réponse qu’ils ont reçue à leur demande CH dans la lettre du 26 mai 2006 que la vérification exigée par la section 13.2 n’a pas été effectuée, étant donné qu’aucune raison n’a été donnée pour justifier le renvoi de la demande à un agent d’ERAR. Les demandeurs ajoutent que l’auteur n’a pas procédé à la bonne analyse pour conclure qu’il n’existait pas de raisons d’ordre humanitaire suffisantes pour accepter la demande, indépendamment des facteurs de risque.

 

[25]           Je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la lettre en question ne saurait appuyer cette conclusion. Premièrement, la lettre n’était pas la première réponse que recevaient les demandeurs à leur demande CH. La première réponse est une lettre du 3 mai 2006 du Centre de traitement des demandes de Vegreville dans laquelle l’agent écrit : [traduction]  « Nous vous informons par la présente que votre demande a été transmise au Centre d’immigration du Canada de Vancouver pour un examen plus approfondi » [non souligné dans l’original]. La lettre du 26 mai 2006 a été envoyée à la suite de cet examen plus approfondi, soit après la vérification préliminaire mentionnée à la section 13.2 du guide IP5.

 

[26]           De plus, la vérification préliminaire n’est qu’un simple examen administratif de la demande et, ainsi qu’il est précisé à la section 13 du guide IP5, elle ne constitue pas une évaluation officielle des circonstances d’ordre humanitaire, mais seulement un examen de la demande visant à déterminer laquelle des deux procédures doit être suivie. S’il s’agissait d’une décision susceptible de contrôle judiciaire par notre Cour, je constate que les demandeurs n’ont introduit aucune demande à cet effet dans les délais prescrits.

 

Dans le traitement de la demande CH,doit‑on ou non tenir compte des facteurs de risque?

 

[27]           Il ne s’agit tout simplement pas d’une question relevant de la compétence de notre Cour. Seuls les demandeurs sont en mesure de répondre à une telle question.

 

[28]           À l’audience, on a informé la Cour qu’il y a deux semaines, les demandeurs ont averti CIC qu’ils souhaitaient maintenant que l’on tienne compte des facteurs de risques lors de l’examen de leur demande CH. C’est ce que le défendeur fera. Ainsi que son avocate l’a expliqué, le défendeur n’a jamais refusé de traiter la demande CH en tenant compte, ou sans tenir compte, des facteurs de risque. Toutefois, il appartient uniquement aux demandeurs de décider si l’on doit tenir compte des facteurs de risque pour prendre une décision à leur sujet.

 

[29]           Je soupçonne que ce que les demandeurs veulent réellement, c’est que dans l’examen de leur demande CH on tienne compte des facteurs de risques, mais que leur demande ne soit pas examinée par un agent d’ERAR. En toute franchise, ils n’ont pas le droit de décider que la décision doit être prise par un agent de la section du traitement des demandes au Canada plutôt que par un agent de l’unité d’ERAR. Les deux sont autorisés par le ministre à procéder à cette évaluation. Suivant la politique ministérielle énoncée dans le guide IP5, cette tâche revient à l’agent d’ERAR lorsqu’il ne semble pas exister de motifs autres que le risque suffisants pour accepter la demande. Compte tenu du fait que les demandeurs souhaitent que les facteurs de risque soient de nouveau évalués, je m’attends à ce que leur demande CH soit examinée par un agent d’ERAR. En pareil cas, on ne peut s’opposer à cette façon de procéder.

 

[30]           Pour ces motifs, la présente demande est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier, lorsque la Cour leur en a fait la demande, et aucune question à certifier n’est soulevée par les faits de l’espèce.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5411-08

 

INTITULÉ :                                       LI QIN GAN et QIU LAN SHEN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 20 octobre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 octobre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Loretta Chun

Lawrence Wong

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Helen Park

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wong Pederson Law Offices

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.‑B.)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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