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Date : 20091022

Dossier : IMM-461-09

Référence : 2009 CF 1072

Toronto (Ontario), le 22 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

ELENA NEGINSKAY

demanderesse

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), qui vise la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu, le 8 décembre 2008, que la demanderesse n’est pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. Pour les motifs suivants, cette demande sera rejetée.

Le contexte

 

[2]               Elena Neginskay, la demanderesse, est une citoyenne israélienne âgée de 97 ans qui a fait une demande d’asile fondée sur le motif qu’elle est persécutée parce qu’elle a exprimé son opinion sur la nécessité de la paix entre les Israéliens et les Arabes.

 

[3]               La demanderesse a reconnu ne pas avoir tenté de solliciter la protection des autorités d’Israël avant de faire sa demande d’asile au Canada. Par conséquent, la SPR a conclu que la demanderesse n’a pas réfuté la présomption de la protection de l’État.

 

[4]               La demanderesse était inapte à témoigner pour sa demande à cause de problèmes de santé. Après que la SPR eut tenté, sans succès, d’aider la demanderesse, l’avocat du défendeur a accepté que la fille de la demanderesse, Raisa Pershanok, puisse témoigner au nom de sa mère. Mme Pershanok a témoigné en russe avec l’aide d’un interprète.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[5]               La SPR a conclu que Mme Pershanok n’avait pas fourni d’éléments de preuve crédibles et fiables au soutien de la demande de sa mère et, selon le récit de la demanderesse et le témoignage de sa fille, que la demanderesse ne s’était pas plainte de sa persécution auprès des autorités d’Israël et n’avait pas réclamé sa protection.

 

[6]               Pour ce qui est des questions concernant l’histoire de la famille et le moment de son arrivée en Israël en vertu de la loi israélienne du retour, la SPR a conclu que la témoin n’était pas coopérante, qu’elle hésitait à répondre ou répondait de manière évasive. Il ne s’agissait pas de problèmes attribuables à l’interprétation, car la témoin n’a pas dit avoir eu de la difficulté à comprendre l’interprète ou les questions qui lui étaient posées.


La question en litige

[7]               Une seule question a été soulevée lors de l’audience consacrée à la présente demande : est-ce que la demanderesse a été privée d’équité procédurale à cause d’une interprétation inadéquate à l’audience de la SPR?

 

Analyse

[8]               Dans la présente affaire, le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) de la demanderesse et le témoignage de la témoin montrent clairement que la demanderesse n’a pas sollicité la protection de l’État en Israël, un pays pourtant démocratique et bien établi doté d’institutions fonctionnelles. Compte tenu du lourd fardeau de la preuve dans un tel contexte, le fait que la demanderesse n’ait pas cherché à obtenir la protection de l’État a été néfaste à sa demande : De La Rosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 83, [2008] A.C.F. nº 98, au paragraphe 12; Ramos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008

CF 179, [2008] A.C.F. nº 232, au paragraphe 5; Camacho c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 830, [2007] A.C.F. nº 1100, au paragraphe 11.

[9]               En ce qui concerne l’allégation de la demanderesse selon laquelle les services d’interprétation fournis à la témoin lors de l’audience étaient inadéquats, je suis d’accord avec le défendeur que l’interprétation n’a pas à respecter une norme de perfection : R. c. Tran, [1994] 2 R.C.S. 951, [1994] A.C.S. nº 16; Mohammadian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 191, [2001] A.C.F. nº 916, au paragraphe 6.

[10]           L’affidavit de la témoin soulève seulement quelques exemples d’erreurs de traduction ou d’interprétation possibles. L’avocat de la demanderesse a attiré mon attention sur une seulement, où l’interprète a utilisé en anglais le mot « église » au lieu de « synagogue ». La question de savoir si « synagogue » est vraiment le mot qu’a utilisé la témoin n’a pas été résolue. Cette possible erreur est loin de remplir les conditions requises pour que l’on puisse affirmer qu’une traduction est inadéquate : Dhot c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 881, [2001] A.C.F. nº 1264, aux paragraphes 5 et 6. Dans la présente affaire, la qualité de l’interprétation, bien que peut-être imparfaite, ne s’est pas soldée par un manquement à l’équité procédurale.

[11]           Quoi qu’il en soit, l’exactitude de l’interprétation dans l’affaire n’est pas pertinente. Les erreurs d’interprétation n’ont eu aucune incidence sur la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse n’avait pas sollicité la protection de l’État, conclusion déterminante dans l’affaire :

Deng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 943, [2007] A.C.F. nº 1228, au paragraphe 17. 

[12]           La décision de la SPR, selon laquelle la demanderesse n’est pas une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger parce qu’elle n’avait pas sollicité la protection de l’État en Israël, appartient aux issues possibles acceptables : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. 9, au paragraphe 47.  Il ne revient pas à la Cour de substituer la solution qu’elle‑même jugerait préférable : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] A.C.S. nº 12, au paragraphe 59.

 

[13]           Les parties n’ont proposé aucune question grave de portée générale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

                                                                                                            « Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-461-09

 

 

INTITULÉ :                                       ELENA NEGINSKAY c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 octobre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mosley

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 octobre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hart A. Kaminker

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

David Tindale

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hart A. Kaminker

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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