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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20091020

Dossier : IMM-1358-09

Référence : 2009 CF 1062

Toronto (Ontario), le 20 octobre 2009

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

 

 

ENTRE :

NOMESHWAR SINGH, BARUNDAI SINGH, JEETATMI

VINDIYA SINGH, HEETASMIN SHIVANI SINGH

 

demandeurs

 

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 17 février 2009 par laquelle l’agent a rejeté la demande des demandeurs visant à obtenir une dispense pour des raisons d’ordre humanitaire.

 

[2]               Les quatre demandeurs sont une famille composée de Nomeshwar Singh et de Barundai Singh et de leurs deux filles adultes, Jeetatmi Singh et Heetasmin Singh; ils sont tous citoyens de la Guyana. Ils sont entrés au Canada le 29 décembre 2002 à titre de visiteurs.  Ils ont présenté leurs demandes d’asile le 8 janvier 2003.  Le 22 avril 2004, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. Une demande d’autorisation a été rejetée par la présente Cour le 6 octobre 2004.

 

[3]               La demande pour des motifs d’ordre humanitaire de la famille a été reçue le 20 mai 2005. Leur argumentation portait sur leur établissement au Canada, les liens familiaux dans ce pays et les facteurs de risque pour les Guyanais d’origine indienne qui retournent dans leur pays. Aux termes de la décision, rendue par un agent qui avait précédemment rendu une décision défavorable par suite d’un examen des risques avant renvoi (ERAR), il a été déterminé que la preuve de l’existence d’un risque était de nature générale et insuffisante pour établir l’existence de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Bien que les demandeurs aient fait la démonstration d’un certain degré d’établissement, l’agent n’était pas convaincu que la rupture des liens au Canada aurait des répercussions assez négatives et importantes pour répondre au critère des difficultés.

 

QUESTIONS EN LITIGE :

[4]               Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte des intérêts des mères âgées des deux demandeurs principaux, qu’il a commis une erreur en appliquant les critères ERAR à une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, qu’il a commis une erreur en tirant une conclusion sur les facteurs de risque sans mener d’entrevue et qu’il a omis d’examiner les éléments de preuve relatifs à l’établissement.

 

ANALYSE :

 

[5]               L’analyse factuelle de l’agent est au coeur de son rôle en tant que juge des faits. La cour de révision doit donc faire preuve de beaucoup de retenue à l’égard de ses conclusions. Les conclusions de l’agent ne devraient être infirmées que si le raisonnement était erroné et que la décision qui en résulte n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. no 9, au paragraphe 47.

 

[6]               Compte tenu du caractère discrétionnaire des décisions d’ordre humanitaire, il peut y avoir plus d’une issue raisonnable.  Par contre, dans la mesure où le processus suivi par l’agent et l’issue de ce processus cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] A.C.S. no 12, au paragraphe 59).

 

[7]             Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, la crédibilité de M. Singh à l’égard de la situation à la Guyana n’a pas été remise en question pour évaluer les difficultés.  L’agent a reconnu l’importance de la criminalité à la Guyana et a examiné tous les documents déposés avec les rapports préparés par la Commission pour déterminer si le risque éventuel pour les demandeurs, à titre de Guyanais d’origine indienne retournant dans leur pays, pourrait équivaloir à des difficultés excessives.  Le fait que l’agent n’ait pas offert au demandeur principal de soumettre des éléments de preuve supplémentaires ne contrevenait pas à l’équité procédurale. La crédibilité n’était pas un facteur en l’espèce et la tenue d’une audience pour examiner la preuve suivant l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés n’était pas requise : Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.F.), 2007 CF 361, [2007] A.C.F. no 476.

 

[8]             Les demandeurs n’ont pas soulevé d’éléments de preuve établissant un risque dont l’agent n’aurait pas tenu compte.  L’agent n’a pas appliqué les critères d’un ERAR, contrairement à ce que requiert une décision d’ordre humanitaire.  Il ressort clairement de la décision que l’agent a évalué les facteurs de risque en appliquant le critère des difficultés.

 

[9]               Je suis convaincu qu’il a été tenu compte des intérêts des mères âgées de M. et Mme Singh.  Selon les renseignements qui ont été présentés à l’agent, les parents demeuraient avec d’autres membres de la famille au pays qui y bénéficiaient d’un statut.  Rien n’indiquait qu’ils manqueraient de soins ou de soutien familial si les demandeurs ne pouvaient demeurer au Canada.  L’agent a prêté une oreille sensible et attentive au fait que la séparation des membres de la famille serait difficile.  Il est compréhensible que la famille élargie préférerait que les demandeurs puissent rester ici, mais ce n’est pas une considération qui permet de satisfaire au critère des difficultés excessives en l’absence d’éléments de preuve supplémentaires établissant que les conséquences seraient inhabituelles, injustifiées ou excessives. 

 

[10]           En ce qui a trait à l’évaluation par l’agent de la preuve d’établissement, les demandeurs s’appuient sur la récente décision de madame la juge Elizabeth Heneghan dans Nuria Ben Amer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 713, [2009] A.C.F. no 878. Dans cette affaire, la juge Heneghan a conclu que l’agent avait commis une erreur donnant ouverture à révision en arrivant à la conclusion que l’établissement de la demanderesse correspondait, sans plus, à ce à quoi on se serait attendu d’une personne qui a été au Canada sans statut depuis plusieurs années : voir aussi les décisions Jamrich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 804 (C.F. 1re inst.), [2003] A.C.F. no 1076; Raudales c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 385 (C.F. 1re inst.), [2003] A.C.F. no 532.

 

[11]           Dans les décisions Ben Amer, Jamrich et Raudales, l’examen de l’établissement avait été effectué sans référence adéquate aux circonstances particulières des demandeurs.  Ce n’est pas le cas en l’espèce puisque l’agent a minutieusement examiné la preuve d’établissement.  Il n’était pas nécessaire que l’agent se penche expressément sur des questions comme les relevés bancaires et les cartes de crédit, comme on l’a fait valoir en argumentation.

 

[12]           Après avoir procédé à un examen approfondi de la preuve et s’être penché sur l’ensemble des renseignements relatifs à la demande, y compris les conditions dans le pays, il était raisonnable pour l’agent de conclure que l’exigence d’obtenir un visa de résident permanent de l’extérieur du Canada ne constituait pas une difficulté inhabituelle, injustifiée ou excessive compte tenu des circonstances des demandeurs. Le critère adéquat a été appliqué en contexte de décision d’ordre humanitaire et la solution apportée fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[13]           Les parties n’ont pas soumis de questions de portée générale à certifier en l’espèce.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

                                                                                                              « Richard G. Mosley »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1358-09

 

 

INTITULÉ :                                                   NOMESHWAR SINGH, BARUNDAI SINGH, JEETATMI VINDIYA SINGH, HEETASMIN SHIVANI SINGH c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 19 OCTOBRE 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE MOSLEY

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 20 OTOBRE 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

George J. Kubes

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

George J. Kubes

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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