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Date : 20091006

Dossier : T-996-09

Référence : 2009 CF 1011

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le octobre 2009

En présence de monsieur le juge Mainville

 

ENTRE :

GARY SAUVÉ

 STÉPHANE SAUVÉ

demandeurs

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

la Gendarmerie royale du Canada (GRC),

Giuliano Zaccardelli, commissaire de la GRC (tel était alors son titre),

Beverley Busson, commissaire de la GRC (tel était alors son titre),

Wiliam J.S. Elliott, commissaire de la GRC (tel était alors son titre),

Louis Dorais (GRC), les membres de la GRC (non connus actuellement),

Jean Daniel Hacala (GRC), Yves Bacon (GRC),

 Frank Richter (GRC), l’Association des anciens de la Gendarmerie royale du Canada,

l’honorable Gordon O’Connor, ministre du Revenu national,

l’Agence du revenu du Canada, Sylvain Trottier (ARC), Anne Roland

 

défendeurs

et

 

 

MONECO SOBECO

 

partie au recours

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction

 

  • [1] La présente ordonnance porte sur une requête présentée au nom de tous les défendeurs, le 17 août 2009, et modifiée le 4 septembre 2009. La requête modifiée vise à obtenir une ordonnance de radiation de la déclaration des demandeurs, dans son intégralité, sans autorisation de la modifier. Dans l’éventualité où les défendeurs n’auraient pas gain de cause, ils demandent également à obtenir des réparations subsidiaires, y compris la radiation de l’enfant mineur, Stéphane Sauvé, à titre de demandeur et la radiation de tous les défendeurs, à l’exception de la Couronne.

 

 

Résumé des faits

 

  • [2] Le 24 octobre 2008, les mêmes demandeurs ont produit une déclaration portant le numéro de dossier de la Cour fédérale T-1646-08, ci-après appelée la déclaration de 2008. En vertu de cette déclaration, les demandeurs cherchaient à obtenir, auprès d’un groupe de défendeurs, la somme de 8 000 000 $ à titre de dommages-intérêts fondés sur divers faits qui sont examinés plus en détail ci‑après, la somme de 500 000 $ à titre de dommages-intérêts exemplaires et la somme de 500 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, les intérêts avant et après jugement ainsi que les dépens.

 

  • [3] La déclaration de 2008 a entraîné de nombreuses requêtes, présentées tant pour le compte des défendeurs qu’au nom des demandeurs. Il serait fastidieux de passer en revue l’ensemble des différentes requêtes, à l’exception de deux d’entre elles qui sont pertinentes pour le règlement de la présente requête.

 

  • [4] Par voie de requête déposée auprès de la Cour le 5 juin 2009, dans la déclaration de 2008, les défendeurs sollicitaient une ordonnance visant à faire radier la déclaration dans son intégralité, sans autorisation de la modifier, et, subsidiairement, à faire radier l’enfant mineur Stéphane Sauvé à titre de demandeur ainsi que tous les défendeurs, à l’exception de la Couronne.

 

  • [5] En réponse, les demandeurs ont déposé une requête en suspension de l'audition de la requête en radiation de la déclaration de 2008.

 

  • [6] Ces deux requêtes concernant la déclaration de 2008 ont été entendues devant la protonotaire Tabib le 25 juin 2009. La requête en suspension a été rejetée, et la requête en radiation a été accueillie en grande partie. La protonotaire Tabib a radié toutes les allégations, à l’exception de celles qui sont énoncées aux paragraphes 83 à 98 de la déclaration de 2008. En outre la protonotaire Tabib a rejeté l’action au nom de l’enfant mineur, Stéphane Sauvé, et a radié ce dernier comme partie à l’action. La protonotaire Tabib a rejeté l’action dans son intégralité contre tous les défendeurs, à l’exception de Sa Majesté la Reine du chef du Canada.

 

  • [7] Dans la déclaration de 2008, les demandeurs ont initialement interjeté appel de la décision de la protonotaire Tabib de ne pas accorder la suspension, mais ont par la suite retiré leur appel. Par conséquent, les deux ordonnances rendues par la protonotaire Tabib concernant la déclaration de 2008 sont définitives et exécutoires.

 

  • [8] Toutefois, le 22 juin 2009, trois jours avant l’audition prévue des deux requêtes portant sur la déclaration de 2008 devant la protonotaire Tabib, les demandeurs ont déposé auprès de la Cour une autre déclaration portant le numéro T-996-09. En vertu de cette déclaration, les demandeurs cherchaient également à obtenir la somme de 8 000 000 $ à titre de dommages-intérêts fondés sur divers faits qui sont examinés plus en détail ci-après, mais qui sont en grande partie similaires à ceux énoncés dans la déclaration de 2008 et la somme de 500 000 $ à titre de dommages-intérêts exemplaires et la somme de 500 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, les intérêts avant et après jugement ainsi que les dépens. Le groupe de défendeurs est presque identique à celui de la déclaration de 2008, mais comprend l’ajout de certains commissaires et employés de la GRC désignés comme défendeurs. Je ferai référence à la déclaration portant le numéro T-996-09 comme étant la déclaration de 2009.

 

  • [9] Comme je l’ai déjà mentionné, par voie de requête en date du 17 août 2009, modifiée le 4 septembre 2009, les défendeurs visent à faire radier la déclaration de 2009 dans son intégralité.

 

  • [10] Le 26 août 2009, les demandeurs ont déposé une requête en modification de la déclaration de 2009. Le 2 septembre 2009, les demandeurs ont également déposé une déclaration modifiée. Selon les directives de la Cour, le 8 septembre 2009, les demandeurs ont déposé une nouvelle version de leur déclaration modifiée en indiquant les modifications qu’ils tentaient d’apporter.

 

  • [11] La requête en radiation des défendeurs et la requête en modification présentées par les demandeurs à l’égard de la déclaration de 2009 ont été entendues par le soussigné le 10 septembre 2009.

 

  • [12] Les présents motifs portent uniquement sur la requête en radiation des défendeurs.

 

 

Parties qui se représentent elles-mêmes

 

  • [13] Les demandeurs se représentent eux-mêmes.

 

  • [14] En septembre 2006, le Conseil canadien de la magistrature adoptait l'Énoncé de principes concernant les plaideurs et les accusés non représentés par un avocat (l’« Énoncé »). L’Énoncé mentionne expressément qu’il se veut de simples recommandations et ne constitue pas un code de conduite.

 

  • [15] L’Énoncé mentionne que les diverses autorités judiciaires ont toutes la responsabilité de s’assurer que les personnes non représentées par un avocat ont un accès équitable à la justice et qu’elles sont traitées de façon égale devant les tribunaux. Par conséquent, tous les aspects du processus judiciaire devraient, dans la mesure du possible, être ouverts, transparents, clairement définis, simples, commodes et faciles à comprendre. (Énoncé, principe A.1). De plus, les personnes non représentées ne devraient pas être empêchées d’obtenir réparation parce que la présentation de leur cause comporte un défaut mineur ou facile à corriger (Énoncé, principe B.2). Les juges devraient s’assurer que les règles de procédure et de preuve ne servent pas à nuire injustement aux intérêts juridiques des personnes non représentées (Énoncé, principe C.2 concernant les juges).

 

  • [16] Cependant, les personnes non représentées, comme tous les autres plaideurs, sont soumises aux lois qui donnent aux tribunaux le pouvoir de régir les instances et la procédure. De plus, les personnes non représentées, comme tous les autres plaideurs, peuvent être considérées comme des plaideurs vexatoires ou méprisants lorsque l’administration de la justice l’exige. Les actions des personnes non représentées peuvent donc avoir un effet sur la capacité des juges de favoriser l’accès à la justice (Énoncé, commentaire B.4).

 

 

Enfant mineur à titre de demandeur

 

  • [17] Le demandeur, Stéphane Sauvé, est mineur. L'article 121 des Règles des Cours fédérales est clair :

121. La partie qui n’a pas la capacité d’ester en justice ou qui agit ou demande à agir en qualité de représentant, notamment dans une instance par représentation ou dans un recours collectif, se fait représenter par un avocat à moins que la Cour, en raison

de circonstances particulières, n’en ordonne autrement.

121. Unless the Court in special circumstances orders otherwise, a party who is under a legal disability or who acts or seeks to act in a representative capacity, including in a representative proceeding or a

class proceeding, shall be represented by a solicitor.

 

 

  • [18] J’aurais envisagé d’accorder plus de temps au père de l’enfant mineur, Gary Sauvé, pour qu’il demande à ce qu’un représentant compétent soit désigné pour représenter son fils, conformément à l’article 115 des Règles des Cours fédérales, dans le but de permettre à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’exigence prévue à l’article 121. Toutefois, les agissements des demandeurs dans la déclaration de 2008 doivent être pris en compte pour déterminer l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire sur cette question. D’ailleurs, des questions identiques ont été soulevées dans cette instance, et les demandeurs ont eu amplement l’occasion de faire désigner un représentant compétent pour l’enfant mineur; ce qui a fait l’objet d’une ordonnance rendue à ce sujet par la juge Hansen le 12 juin 2009, dans les procédures de 2008. Comme il a déjà été mentionné, les agissements des personnes non représentées peuvent avoir un effet sur la capacité des juges de favoriser l’accès à la justice. En l’espèce, je ne vois aucune raison d’exercer mon pouvoir discrétionnaire.

 

  • [19] Par conséquent, l’action est rejetée en ce qui a trait au demandeur Stéphane Sauvé.

 

  • [20] Toutes les références à Stéphane Sauvé dans la déclaration de 2009 sont donc radiées, dont plus particulièrement les expressions suivantes : [traduction] « et Stéphane Sauvé », aux paragraphes 1, 3, 41, 68, 82, 90 et 145, intégralement, les termes [traduction] « et le demandeur mineur n’a ni vu ni parlé à son père pendant 5 mois », au paragraphe 17, les termes [traduction] « et son enfant mineur (demandeur mineur) », aux paragraphes 27, 28, 35, 42, 44, 49, 53, 87 et dans la deuxième phrase du paragraphe 61, [traduction] « l’autre, un enfant mineur », au paragraphe 62, dans la dernière phrase du paragraphe 66 et dans la dernière phrase du paragraphe 89.

 

 

Chose jugée

 

  • [21] Les défendeurs invoquent la chose jugée. Ils déclarent que, puisque la protonotaire Tabib a rejeté toutes les allégations, à l’exception de celles qui sont énoncées aux paragraphes 83 à 98 de la déclaration de 2008, et puisque ces allégations sont essentiellement identiques à celles qui figurent dans la déclaration de 2009, cette dernière doit être radiée dans son intégralité.

 

  • [22] Je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse en l’espèce d’un cas manifeste de chose jugée. Comme l’a fait remarquer la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, aux paragraphes 20, 24 et 25 :


20. Le droit s’est doté d’un certain nombre de moyens visant à prévenir les recours abusifs. L’un des plus anciens est la doctrine de la préclusion per rem judicatem, qui tire son origine du droit romain et selon laquelle, une fois le différend tranché définitivement, il ne peut être soumis à nouveau aux tribunaux : Farwell c. La Reine (1894), 22 R.C.S. 553, p. 558, et Angle c. Ministre du Revenu national, [1975] 2 R.C.S. 248, p. 267-268. La doctrine est opposable tant à l’égard de la cause d’action ainsi décidée (on parle de préclusion fondée sur la demande, sur la cause d’action ou sur l’action) que des divers éléments constitutifs ou faits substantiels s’y rapportant nécessairement (on parle alors généralement de préclusion découlant d’une question déjà tranchée) : G. S. Holmested et G. D. Watson, Ontario Civil Procedure (feuilles mobiles), vol. 3 suppl., 21§17 et suiv. Un autre aspect de la politique établie par les tribunaux en vue d’assurer le caractère définitif des instances est la règle qui prohibe les contestations indirectes, c’est‑à‑dire la règle selon laquelle l’ordonnance rendue par un tribunal compétent ne doit pas être remise en cause dans des procédures subséquentes, sauf celles prévues par la loi dans le but exprès de contester l’ordonnance : Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594; R. c. Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333; R. c. Sarson, [1996] 2 R.C.S. 223. [...]

 

24. La préclusion découlant d’une question déjà tranchée a été définie de façon précise par le juge Middleton de la Cour d’appel de l’Ontario dans l'arrêt McIntosh c. Parent, [1924] 4 D.L.R. 420, p. 422 :

 

[traduction] Lorsqu’une question est soumise à un tribunal, le jugement de la cour devient une décision définitive entre les parties et leurs ayants droit. Les droits, questions ou faits distinctement mis en cause et directement réglés par un tribunal compétent comme motifs de recouvrement ou comme réponses à une prétention qu’on met de l’avant, ne peuvent être jugés de nouveau dans une poursuite subséquente entre les mêmes parties ou leurs ayants droit, même si la cause d’action est différente. Le droit, la question ou le fait, une fois qu’on a statué à son égard, doit être considéré entre les parties comme établi de façon concluante aussi longtemps que le jugement demeure. [Je souligne.]

 

Le juge Laskin (plus tard Juge en chef) a souscrit à cet énoncé dans ses motifs de dissidence dans l’arrêt Angle, précité, p. 267-268. Cette description des aspects visés par la préclusion (« [l]es droits, questions ou faits distinctement mis en cause et directement réglés ») est plus exigeante que celle utilisée dans certaines décisions plus anciennes à l’égard de la préclusion fondée sur la cause d’action (par exemple [traduction] « toute question ayant été débattue ou qui aurait pu à bon droit l’être », Farwell, précité, p. 558). S’exprimant au nom de la majorité dans l’arrêt Angle, précité, p. 255, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a également fait sienne la définition plus exigeante de l’objet de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. « Il ne suffira pas », a-t-il dit, « que la question ait été soulevée de façon annexe ou incidente dans l’affaire antérieure ou qu’elle doive être inférée du jugement par raisonnement. »  La question qui est censée donner naissance à la préclusion doit avoir été « fondamentale à la décision à laquelle on est arrivé » dans l’affaire antérieure. En d’autres termes, comme il est expliqué plus loin, la préclusion vise les faits substantiels, les conclusions de droit ou les conclusions mixtes de fait et de droit (« les questions ») à l’égard desquels on a nécessairement statué (même si on ne l’a pas fait de façon explicite) dans le cadre de l’instance antérieure.

 

25. Les conditions d’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ont été énoncées par le juge Dickson dans l’arrêt Angle, précité, p. 254 :

 

(1) que la même question ait été décidée;

 

(2) que la décision judiciaire invoquée comme créant la [préclusion] soit finale; et

 

(3) que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la [préclusion] est soulevée, ou leurs ayants droit.

  • [23] Compte tenu de l’arrêt Danyluk, je ne suis pas convaincu qu’une ordonnance rendue sur une requête en radiation remplisse toutes les conditions préalables requises pour plaider la préclusion fondée sur la cause d’action ou invoquer la préclusion découlant d'une question déjà tranchée. De plus, en l’espèce, les défendeurs à la déclaration de 2009 et à la déclaration de 2008 ne sont pas identiques. Je ne dois cependant pas trancher cette question puisque de toute façon, je suis d’avis que la plupart des allégations contenues dans la déclaration de 2009 devraient être radiées pour abus de procédure.

 

  • [24] Le premier paragraphe de l’article 221 des Règles des Cours fédérales prévoit ce qui suit :

221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

 

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

 

 

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

 

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

 

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

 

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

 

 

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

 

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or

without leave to amend, on the ground that it,

 

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

 

(b) is immaterial or redundant,

 

 

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

 

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

 

 

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

 

 

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

 

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

 

 

 

  • [25] La déclaration de 2009 a été déposée auprès de la Cour seulement trois jours avant l’audition de la requête en radiation de la déclaration de 2008 devant la protonotaire Tabib. De plus, les questions soulevées dans les déclarations de 2008 et de 2009 sont presque identiques à bien des égards. Je conclus sans réserve que les procédures de 2009 ont été en partie présentées par le demandeur à titre de mesure préventive pour contrer une éventuelle décision de la protonotaire Tabib pouvant lui être défavorable. Dans ces circonstances, je suis d’avis que les questions soulevées dans la déclaration de 2009, qui étaient identiques ou similaires à celles figurant dans la déclaration de 2008, doivent être radiées pour abus de procédure.

 

  • [26] Même si je comprends que la Cour doit être accommodante et flexible avec les parties non représentées, il ne s’agit pas d’un cas d’erreur de procédure mineure. Le fait de contourner le processus établi par la Cour en multipliant les allégations portant sur les mêmes questions ne constitue pas une erreur de procédure mineure. Le demandeur n’est peut-être pas représenté par un avocat, mais le bon sens veut qu’il soit inapproprié de présenter de nouvelles demandes pour éviter une éventuelle décision négative.

 

  • [27] La déclaration de 2008 porte sur diverses questions qui peuvent être regroupées sous cinq rubriques :

    1. Les paragraphes 12 à 39 de la déclaration de 2008 portent sur des lettres reçues par le demandeur et signées par M. Sylvain Trottier, employé de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »). Ces lettres demandent des éclaircissements sur l’état civil du demandeur à certaines fins fiscales, y compris les crédits pour la TPS. Le demandeur soutient que ces lettres résultaient d’un complot impliquant la Couronne et la Gendarmerie royale du Canada visant à [traduction] « dépêcher l’ARC auprès du demandeur », parce qu’il les poursuivait dans une affaire civile différente.

 

  1. Les paragraphes 40 à 65 de la déclaration de 2008 portent sur la perte des prestations du demandeur, offertes en vertu du régime d'assurance-vie de la GRC ainsi que sur les omissions reprochées aux défendeurs de prendre des mesures pour protéger la couverture d’assurance du demandeur.

 

  1. Les paragraphes 66 à 82 de la déclaration de 2008 portent sur les allégations voulant que la Couronne ait communiqué avec un tiers qui avait antérieurement harcelé et menacé le demandeur, ce qui aurait causé des dommages, puisque le tiers en question a écrit des lettres au demandeur et l’a harcelé par téléphone.

 

  1. Les paragraphes 83 à 100 de la déclaration de 2008 portent sur des messages affichés sur le site Web de l’Association des anciens de la GRC au sujet du demandeur, site tenu à jour par M. Frank Richter, un employé actif ou à la retraite de la GRC.

 

  1. Les paragraphes 101 à 118 concernent des allégations relatives à un affichage prétendument illégal de l’adresse du demandeur par les services administratifs de la Cour suprême du Canada.

 

  • [28] Après avoir examiné attentivement la déclaration de 2009, j’en arrive à la conclusion que les paragraphes 24, 25, 40, 45, 46, 56, 58 à 61 ainsi que les paragraphes 91 à 146 portent essentiellement sur les mêmes questions que celles énoncées dans la déclaration de 2008. Par conséquent, ces paragraphes sont radiés de la déclaration de 2009.

 

  • [29] Puisque les allégations concernant Frank Richter de l’Association des anciens de la GRC, l’honorable Gordon O’Connor, ministre du Revenu national, l’Agence du revenu du Canada, Sylvain Trottier et Anne Roland ne font donc plus partie de la déclaration de 2009, ils sont radiés en tant que parties défenderesses à la présente action. Par conséquent, les paragraphes 13 à 16 sont également radiés de la déclaration de 2009.

 

 

Allégation concernant une opération de surveillance abusive

 

  • [30] La plupart des autres paragraphes de la déclaration de 2009 concernent des questions liées à une prétendue opération de surveillance abusive ou illégale menée contre le demandeur par la GRC et certains de ses employés. Ces questions n’ont pas été directement soulevées dans la déclaration de 2008.

 

  • [31] Le demandeur fait référence aux soi-disant détentions illégales et mauvais traitements subis aux mains de la GRC. Il mentionne également qu’il fait ou a fait l’objet d’une opération de surveillance abusive menée par la GRC comprenant de la vidéo de surveillance à son domicile ou près de ce dernier, des écoutes électroniques, le suivi du demandeur, des tentatives visant à piéger le demandeur, etc.

 

  • [32] Bien que les autres paragraphes soient rédigés dans un style inhabituel et portant quelque peu à la confusion, je ne suis pas prêt à radier globalement ces allégations de cette requête. Ces allégations font état de graves allégations d’inconduite et de pratiques douteuses de la part de notre police nationale et, à cette étape de l’instance, sans avoir eu l’avantage d’examiner un moyen de défense à l’encontre de ces allégations, il serait inapproprié de les radier sur le simple fondement de cette requête.

 

  • [33] Toutefois, je radie les paragraphes suivants en raison du fait qu’ils ne révèlent aucune cause d’action raisonnable, qu’ils ne sont pas pertinents ou qu’ils sont redondants :

    1. les paragraphes 19 et 20, puisqu’ils reproduisent simplement les définitions tirées des dictionnaires ou renvoient à ces définitions;

 

  1. les paragraphes 30 à 34 et le paragraphe 36 qui font référence à des questions de conflit de travail et à d’autres procédures judiciaires, et qui ne sont donc pas pertinents;

 

  1. les paragraphes 38, 39, 48 à 55 et le paragraphe 57 qui font référence à divers principes juridiques et aux définitions tirées de dictionnaires, qui sont donc non pertinents et redondants;

 

  1. le paragraphe 67 qui concerne l’ancienne partenaire de vie du demandeur, personne qui n’est pas partie à l’instance;

 

  1. les paragraphes 75 à 89 qui font référence à divers instruments internationaux et à des considérations étrangères qui ont peu de rapport, sinon aucun, avec la demande.

 

 

La GRC et les autres défendeurs nommément désignés

 

  • [34] Les défendeurs font également valoir que la GRC ainsi que les autres défendeurs nommément désignés doivent être radiés de la déclaration de 2009, parce que la Cour fédérale n’a pas compétence sur les allégations formulées contre ces défendeurs.

 

  • [35] Les défendeurs soutiennent que les allégations formulées contre les préposés et les fonctionnaires de la Couronne doivent être appuyées par une loi fédérale existante et en vigueur pour que la Cour ait compétence : arrêt ITO-Int’l Terminator Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, à la page 766; arrêt Canada c. Smith, 2002 CAF 348. Puisque le droit en matière de négligence découle de la loi provinciale, et non de la loi fédérale, et puisque les prétendus délits ne dépendent pas d’un cadre législatif détaillé d’une loi, la Cour doit refuser d’exercer sa compétence quant aux défendeurs nommément désignés : décision Pacific Western Airlines Ltd. v. Canada, [1979] 2 F.C. 476 (T.D.), aux paragraphes 24 et 25, conf. par [1980] 2 F.C. 511; décision Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511 (C.A.); arrêt Canada c. Smith, 2002 CAF 348, aux paragraphes 12, 14 et 18. Il est cependant admis que la Cour pourrait entendre les allégations, mais seulement celles formulées contre la Couronne.

 

  • [36] La question de droit se rapportant à l’inclusion ou à l’exclusion des agents de la GRC nommément désignés, parties à l’instance, est un peu plus peu complexe. Je ne crois pas que cette question soit aussi claire ou aussi simple que l’affirment les défendeurs, particulièrement à la lumière de l’arrêt Canada c. Smith, 2002 CAF 348. Je n’ai toutefois pas l’intention de me prononcer judiciairement sur la question de droit soulevée.

 

 

  • [37] En l’espèce, la déclaration ne fait pas précisément mention d’un quelconque agent de la GRC à titre de défendeur nommément désigné. Elle ne renferme pas de faits ou d’arguments suffisants pour justifier, à cette étape des procédures, une conclusion à l’encontre des agents de la GRC, défendeurs nommément désignés. En outre, je ne vois aucune raison de maintenir, à titre de défendeurs, les [traduction] « membres de la GRC (non connus à l’heure actuelle) ».

 

  • [38] Par conséquent, pour le moment et d’après le dossier dont je suis saisi, je ne vois aucune raison d’inclure, à titre de défendeurs, les agents de la GRC nommément désignés ou non connus. Ces défendeurs sont donc radiés de l’action. Par conséquent, les paragraphes 9 à 12 sont également radiés de la déclaration de 2009. Je tire cette conclusion en me fondant sur le contexte précis de la déclaration de 2009, et non sur un principe juridique fondamental.

 

  • [39] De plus, la GRC est une force de police pour le Canada (article 3 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10), responsable devant le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (article 5 de la Loi sur le ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, L.C. 2005, ch. 10). Par conséquent, les actions contre la GRC en vue d’obtenir une indemnité pécuniaire doivent être intentées contre la Couronne (Dixon v. Deacon Morgan McEwen Easson, [1989] B.C.J. no 1471, 62 D.L.R. (4th) 175, 38 B.C.L.R. (2d) 318); Pearson v. Beazley, [1989] O.J. no 1792, 1 T.T.R. 209); McFarlane v. Holmberg, [1992] B.C.J. no 167; Cooper v. Canada (Royal Canadian Mounted Police), [2001] B.C.J. no 2729; 2001 BCSC 1788, au paragraphe 48. De plus, je ne vois aucune raison d’inclure à titre de défendeurs les commissaires de la GRC, actuels ou anciens. La déclaration ne fait aucune référence à un comportement précis d’un commissaire, et en outre, la responsabilité du fait d’autrui des commissaires à l’égard des agents de la GRC est discutable (Munro v. Canada, 11 O.R. (3d) 1; [1992] O.J. 2453; Dix v. Canada, [2001] A.J. no 410; 2001 ABQB 256, aux paragraphes 12 et 13). Par conséquent, la GRC ainsi que les défendeurs nommément désignés comme étant les commissaires Zaccardelli, Busson et Elliot de la GRC sont radiés comme défendeurs dans l’action. Par conséquent, les paragraphes 5 à 8 sont également radiés de la déclaration de 2009.

 

Gestion de l’instance

 

  • [40] À l’audience, l’avocat des défendeurs a demandé que, si la Cour maintenait une partie de la déclaration de 2009, l’instance fasse l’objet d’une gestion supervisée de la Cour parallèlement aux questions en suspens de la déclaration de 2008. Le demandeur ne s'est pas opposé à cette demande.

 

  • [41] Je suis d’avis qu’en l’espèce, l’instance doit être gérée comme une instance spéciale dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, en tenant compte des ressources limitées de la Cour. En outre, les activités liées à la gestion de l’instance sont indiquées dans les cas appropriés, mettant en cause des parties qui se représentent elles-mêmes, comme c’est le cas en l’espèce.

 

  • [42] Je conviens donc avec l’avocat des défendeurs que tant la présente action portant le numéro T-996-09 que celle portant le numéro T-1646-08 devraient se poursuivre comme instances à gestion spéciale, et j’en ordonne ainsi, en vertu de l’article 384 des Règles des Cours fédérales.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

 

  1. La requête est accueillie en partie.

  2. L’action au nom de Stéphane Sauvé est par les présentes rejetée et Stéphane Sauvé est radié comme partie à la présente action.

  3. Tous les défendeurs sont radiés comme parties à la présente action, à l’exception de Sa Majesté la Reine du chef du Canada.

  4. Tous les paragraphes de la déclaration sont radiés de l’action, sauf les paragraphes 1, 4, 17, 18, 21 à 23, 26 à 29, 35, 37, 42 à 44, 47, 62 à 66, 69 à 74, 147 et 148. Toutes les références à Stéphane Sauvé (en tant que « demandeur mineur » ou autrement) figurant dans les autres paragraphes sont également radiées.

  5. La présente action portant le numéro de dossier T-996-09 ainsi que l’action portant sur les mêmes parties, dont le numéro de dossier est le T-1646-08, se poursuivent comme des instances à gestion spéciale.

  6. Le délai dont dispose le défendeur pour signifier et déposer sa défense à l’égard des autres parties de la déclaration est prorogé de 30 jours à compter de la date de la présente ordonnance ou à toute autre date convenue par le juge ou le protonotaire responsable de la gestion de l’instance.

  7. Les dépens afférents à la présente requête suivent l’issue de la cause.

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-996-09

 

 

INTITULÉ :  GARY SAUVÉ ET AL. c.

  SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 10 septembre 2009

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 ET ORDONNANCE :  Le juge Mainville

 

 

DATE DES MOTIFS :  Le 6 octobre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gary Sauvé

 

POUR SON PROPRE COMPTE

Agnieszka Zagorska

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Néant

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

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