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Date : 20091019

Dossier : IMM-693-09

Référence : 2009 CF 1061

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 19 octobre 2009

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

ENTRE :

LIOUBOMIR IVANO NALESNIK

OLGA NALESNYK

demandeurs

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la LIPR), de la décision du 16 janvier 2009 par laquelle un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent) a rejeté la demande d’examen des risques avant renvoi présentée par les demandeurs.

 

[2]               Lioubomir Ivano Nalesnyk et sa femme, Olga Nalesnyk (collectivement, les demandeurs), sont des citoyens de l’Ukraine.

 

[3]               En 1994, des gangs criminels ont tenté d’extorquer de l’argent à M. Nalesnyk, qui exploitait alors une petite entreprise. Les criminels ont commencé à perpétrer des agressions contre lui après qu’il eut refusé d’accéder à leurs demandes. Ils l’ont d’abord poignardé, puis ils ont mis le feu à son magasin. La maison des demandeurs a aussi été incendiée, et des membres de la famille de Mme Nalesnyk ont été victimes d’agressions. Les demandeurs ont dit s’être plaints aux policiers, mais ces derniers n’ont rien fait pour les protéger ou pour traduire en justice les agresseurs.

 

[4]               Craignant d’être à nouveau victimes d’attaques, les demandeurs se sont rendus au Canada en 1994 munis de visas de visiteurs. Ils résident au Canada depuis ce temps.

 

[5]               L’agent a accepté les observations des demandeurs, étayées par une abondante preuve documentaire, au sujet des attaques de 1994.

 

[6]               Toutefois, il a rejeté leurs observations concernant les attaques persistantes contre les membres de leur famille après leur départ de l’Ukraine, car le dossier ne contenait [traduction] « aucune observation de membres de la famille confirmant les menaces continues proférées par les gangs depuis le départ des demandeurs de l’Ukraine ».

 

[7]               En conséquence, tenant compte du fait que les premières agressions contre les demandeurs étaient survenues 14 ans plus tôt, l’agent a conclu qu’ils [traduction] « n’avaient pas fourni une preuve objective établissant que les membres des gangs constituaient toujours une menace ».

 

[8]               En outre, l’agent a conclu que la preuve présentée par les demandeurs [traduction] « ne permettait pas de réfuter la présomption de protection de l’État en Ukraine ». L’agent a fait remarquer que les explications données par les demandeurs au regard de leurs tentatives pour solliciter la protection de l’État n’étaient pas suffisamment détaillées. L’agent a reconnu l’omniprésence de la corruption policière et du crime organisé en Ukraine, mais il a aussi souligné les progrès accomplis dans ce pays en vue de ramener l’ordre dans les forces policières. En somme, l’agent a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés du fardeau de réfuter la présomption de protection en présentant la « preuve claire et convaincante » exigée par la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, à la page 726.

 

[9]               Les demandeurs font valoir que l’agent a implicitement tiré une conclusion défavorable quant à leur crédibilité. Ils affirment que l’agent a rejeté leurs allégations selon lesquelles les membres de leur famille ont été harcelés et attaqués après leur départ de l’Ukraine et qu’ils sont encore aujourd’hui victimes de harcèlement ou d’agression [traduction] « une ou deux fois par année ».

 

[10]           Selon le défendeur, [traduction] « la conclusion défavorable de l’agent à cet égard découle de l’évaluation de la preuve et de son caractère suffisant et non d’une conclusion quant à la crédibilité, ou à l’absence de crédibilité ». Le défendeur souligne que l’agent a accepté la version des faits des demandeurs concernant les incidents de 1994, version appuyée par des éléments de preuve. Le rejet de la version des faits des demandeurs au sujet des incidents subséquents est fondé sur le manque de preuve et non sur une conclusion quant à la crédibilité.

 

[11]           Je suis d’accord avec le défendeur. Les demandeurs n’ont présenté aucun document pour appuyer leurs allégations selon lesquelles les membres de leur famille sont toujours victimes d’agressions et de harcèlement, et il était loisible à l’agent de conclure que les simples affirmations dans les affidavits des demandeurs ne suffisent pas à faire pencher la balance des probabilités en leur faveur. Ainsi que l’a fait remarquer le défendeur, la charge de persuasion leur incombait, Carillo c Canada, [2008] ACF no 399, 2008 CAF 94, aux paragraphes 17 et 18.

 

[12]           La conclusion de l’agent selon laquelle la preuve des demandeurs n’était tout simplement pas convaincante n’est pas déraisonnable compte tenu de l’insuffisance de la preuve et du manque de détails.

 

[13]           Ainsi, la question de la protection de l’État et du fardeau de la preuve dont le demandeur d’asile ou le demandeur qui sollicite une protection doit s’acquitter ne se pose pas.

 

[14]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de la décision est rejetée. Il n’est pas nécessaire de certifier une question, aux fins d’appel auprès de la Cour d’appel, au sujet de la qualité de la preuve requise pour réfuter la présomption de protection de l’État.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire de la décision soit rejetée. Il n’est pas nécessaire de certifier une question, aux fins d’appel auprès de la Cour d’appel, au sujet de la qualité de la preuve requise pour réfuter la présomption de protection de l’État.

 

                                                                                                          « Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Champagne

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-693-09

 

INTITULÉ :                                      LIOUBOMIR IVANO NALESNIK OLGA NALESNYK c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 19 OCTOBRE 2009

                                                           

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 19 OCTOBRE 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Crane

POUR LES DEMANDEURS

 

Stephen Jarvis

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Crane

Avocat                                                     Toronto (Ontario) 

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.                                                       Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

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