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Date : 20091014

Dossier : IMM-117-09

Référence : 2009 CF 996

Ottawa (Ontario), le 14 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Near

 

 

Entre :

NADINE LINDONA SEARLES

demanderesse

et

 

Le ministre de la citoyenneté

et de l’IMMIGRATION

Défendeur

 

Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision (la décision), datée du 7 janvier 2009, d’une agente d’immigration (l’agente), par laquelle elle a rejeté la demande de résidence permanente de la demanderesse dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada à la suite du décès de son époux.

 

[2]               Pour les motifs énoncés ci-après, la décision de l’agente était raisonnable et la demande est rejetée.

 

I.          L’historique

 

[3]               La demanderesse est une citoyenne de la Grenade, âgée de 32 ans. Elle a une fille qui n’est pas partie à la présente demande. La demanderesse a épousé Hugh Darnell Grant, un citoyen canadien, le 18 novembre 2006. M. Grant a été tué le 22 septembre 2008.

[3]

[4]               En octobre 2007, la demanderesse et M. Grant ont présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada (la catégorie des époux). Le 5 décembre 2007, la demanderesse a reçu une lettre déclarant qu’elle répondait aux exigences d’admissibilité pour présenter une demande de résidence permanente dans la catégorie des époux, mais qu’une décision finale ne serait pas rendue tant que les autres exigences pour devenir résidante permanente ne seraient pas satisfaites. La lettre déclarait ce qui suit :

[traduction] Il a été déterminé que vous répondez aux exigences d’admissibilité pour présenter une demande de résidence permanente au titre de membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. Cependant, une décision finale ne sera prise que lorsque les autres exigences pour devenir résidante permanente seront satisfaites. Ces exigences incluent un examen médical, un contrôle de sécurité et une vérification des antécédents. […]

 

[5]               Le 23 octobre 2008, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a envoyé à la demanderesse une lettre déclarant ce qui suit :

[traduction] Afin de devenir résidente permanente dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, vous devez vous conformer aux exigences énoncées dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Plus précisément, vous devez être parrainée et avoir un répondant.

 

Nous avons appris qu’une personne nommée Darnell Hugh Grant, âgée de 31 ans, a été assassinée à Toronto le 24 septembre 2008. Nous vous demandons de fournir une confirmation écrite nous indiquant si cette personne était votre mari, accompagnée de la copie du certificat de décès.

 

[6]               Le 24 novembre 2008, la demanderesse a répondu par lettre confirmant que son mari et répondant dans la catégorie des époux était décédé. Elle n’a invoqué aucun motif d’ordre humanitaire.

 

[7]               Le 7 janvier 2009, la demanderesse a reçu une lettre l’informant que sa demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada était rejetée, car elle n’avait pas démontré qu’elle répondait aux exigences puisque son répondant était décédé.

 

[8]               La demanderesse a présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en février 2009 qui ne fait pas l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.         La norme de contrôle

 

[9]               La norme de contrôle applicable aux questions de droit est la norme de la décision correcte, alors que les autres questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190). Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, précité, le caractère raisonnable a été formulé comme suit :

[...] Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[10]           La norme de contrôle applicable en l’espèce est la norme de la raisonnabilité.

 

III.       Les questions en litige

 

[11]           La demanderesse soutient que l’agente a omis de respecter les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, qu’elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision et qu’elle a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de manière abusive ou arbitraire ou sans égard à la preuve documentaire. Son argument semble essentiellement reposer sur le fait que la lettre de décembre 2007 [traduction] « approuvait en principe » la demande de parrainage et que la délivrance du visa de résidence permanente à la suite de l’approbation est une formalité. La demanderesse prétend également que l’agente a omis de prendre en compte dans sa décision des facteurs d’ordre humanitaire pertinents.

 

[12]           Le défendeur fait valoir que, pour devenir un résident permanent dans la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, un demandeur doit respecter les exigences énoncées dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227). Pour être admissible à être membre de cette catégorie, l’alinéa 124c) du Règlement exige qu’« une demande de parrainage a[it] été déposée » à son égard. L’article 124 du Règlement est rédigé comme suit :

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions

suivantes :

 

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

 

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

 

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

 

124. A foreign national is a member of the spouse or common-law partner in Canada class if they

 

 

(a) are the spouse or common-law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

 

(b) have temporary resident status in Canada; and

 

(c) are the subject of a sponsorship application.

 

 

[13]           Le défendeur a souligné le fait que pour être visée par l’article 124 du Règlement, la personne doit être l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vivre avec ce répondant. Comme le mari de la demanderesse est décédé avant la décision finale à l’égard de sa demande, elle a cessé de faire l’objet d’une demande de parrainage puisqu’elle n’était plus l’épouse de son répondant et qu’elle ne vivait plus avec lui. Le défendeur s’appuie également sur les articles 127, 130 et 133 du Règlement. Ces articles du Règlement stipulent qu’un étranger ne peut devenir un résident permanent à moins qu’une demande de parrainage ne soit valide et que le répondant qui a fourni l’engagement réponde toujours aux exigences.

 

[14]           Le défendeur soutient de plus que la demanderesse n’a pas demandé que sa demande soit étudiée en fonction de motifs d’ordre humanitaire et n’a présenté aucune observation à cette fin. Il invoque l’arrêt Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] 2 R.C.F. 635, aux paragraphes 8 et 9, au soutien de la position selon laquelle les demandeurs ont le fardeau d’établir les faits sur lesquels leur demande d’asile est fondée et lorsqu’ils omettent des renseignements pertinents à l’égard de leur demande, ils le font à leurs risques et périls (voir aussi Oyinloye c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et l’Immigration), 2007 CF 582, [2007] A.C.F. no 828).

 

[15]           Je conviens que la demanderesse ne répond pas aux critères de l’alinéa 124c) du Règlement et qu’elle n’a pas soulevé de motifs d’ordre humanitaire à ce moment-là. Deux décisions récentes se sont penchées sur la question d’un époux qui ne répond plus aux exigences de l’article 124 du Règlement.

 

[16]           Dans la décision Laabou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et l’Immigration), 2006 CF 1269, [2006] A.C.F. no 1587, l’épouse parrainait son mari dans la catégorie des époux. L’épouse a quitté le domicile conjugal et transmis par écrit à CIC une demande de retrait de son parrainage. Le mari a déposé une requête en séparation. Au paragraphe 11, le juge Michel Shore a écrit que le ministre a accepté le retrait puisqu’aucune décision finale n’avait été rendue à l’égard de l’application. Au paragraphe 27, le juge Shore a écrit ce qui suit :

[27]      Selon l’article 124 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement), trois conditions sont imposées au demandeur qui réclame la résidence permanente d’une telle catégorie : (1) il doit être l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vivre avec lui au Canada; (2) il doit détenir le statut de résident temporaire au Canada; et (3) une demande de parrainage doit avoir été déposée à son égard. Le non respect par le demandeur d’une des conditions d’obtention de la résidence permanente est fatal à sa demande.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[17]           Dans la décision Ally c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et l’Immigration), 2008 CF 445, [2008] A.C.F. no 526, rendue par le juge James Russell, l’épouse a parrainé son mari en vertu de l’article 124 du Règlement. Avant que la décision finale soit rendue, le demandeur avait été accusé de voies de fait et de menaces à la suite d’une dispute conjugale. Selon une des conditions de sa mise en liberté sous caution, il était interdit au demandeur d’entrer en contact avec son épouse et il était tenu de résider chez son oncle pendant qu’il était au Canada. L’agent a par la suite rejeté la demande de résidence permanente du demandeur dans la catégorie des époux au motif qu’il ne répondait pas à l’exigence de cohabitation. Au moment où la Cour fédérale a instruit l’affaire, le demandeur s’était réconcilié avec son épouse. Aux paragraphes 31 à 34, le juge Russell a statué qu’il incombait au demandeur d’établir que l’article 124 du Règlement était respecté et d’assurer qu’il se conformait à la loi, et il n’a pas été en mesure de conclure à une erreur susceptible de contrôle.

 

[18]           En l’espèce, la lettre du ministre du 5 décembre 2007 et celle du 23 octobre 2008 ont toutes deux indiqué clairement qu’une décision finale à l’égard de la demande de la demanderesse n’avait pas été prise et qu’elle était tenue de respecter les exigences. La demanderesse n’a soulevé aucun motif d’ordre humanitaire. Par conséquent, l’agente a rendu sa décision en se fondant sur les renseignements dont elle était saisie. La décision de l’agente était raisonnable et la demande est rejetée.

 

[19]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification et aucune question ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-117-09

 

Intitulé :                                       SEARLES

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 24 septembre 2009

 

Motifs du jugement

et jugement :                              le juge NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      le 14 octobre 2009

 

 

 

Comparutions :

 

Matthew Tubie

416-663-5553

 

Pour la demanderesse

Laora Christodoulides

416-973-6323

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Courtney Betty

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

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