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Federal Court

 

Cour fédérale


Date : 20091013

Dossier : IMM‑1569‑09

Référence : 2009 CF 1027

Ottawa (Ontario), le 13 octobre 2009

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

GANNA SYVYRYN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse, Mme Ganna Syvyryn, est Ukrainienne. Elle est entrée au Canada en 2006 et a présenté une demande d’asile par la suite. Elle alléguait craindre la violence de son ex‑conjoint de fait en Ukraine. Dans une décision datée du 3 mars 2009, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé que la demanderesse n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. La Commission a admis l’allégation de la demanderesse selon laquelle elle avait été victime de violence conjugale dans son petit village. Cependant, la question décisive pour la Commission était de savoir s’il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Kiev, en Ukraine.

[2]               La seule question est de savoir si la conclusion de la Commission, selon laquelle la demanderesse disposait d’une PRI à Kiev, était raisonnable.

 

[3]               Les parties sont d’accord que la norme de contrôle appropriée à la décision de la Commission est la raisonnabilité. La Cour ne devrait pas intervenir quand la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[4]               Le critère pour la conclusion d’existence d’une PRI est bien établi dans la jurisprudence (Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.); Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589), et il a été clairement exposé par la Commission dans sa décision :

Comme l’ont montré les affaires Rasaratnam et Thirunavukkaras, il faut tenir compte de deux volets lorsqu’il est question d’une PRI. La Section de la protection des réfugiés doit être convaincue que, selon la prépondérance des probabilités, il n’y a aucun risque grave que la demandeure d’asile soit persécutée dans la PRI proposée et que, en tenant compte de toutes les circonstances, y compris les circonstances propres à la demandeure d’asile, les conditions de vie dans la PRI proposée sont telles qu’il n’est pas déraisonnable que la demandeure d’asile y trouve refuge.

 

 

[5]               Il ressort des motifs que la Commission a pris en compte la sécurité de la demanderesse à Kiev. La question de savoir si les lois sur la protection des renseignements personnels permettraient d’empêcher son violent ex‑conjoint de la retrouver à Kiev a été examinée. Malgré les arguments de la demanderesse en sens contraire, je suis convaincue que, la conclusion de la Commission sur le premier volet du critère, n’était pas déraisonnable; cette conclusion appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[6]               Toutefois, selon moi, l’analyse de la Commission, sur le deuxième volet du critère de la PRI, était inadéquate. La Commission a conclu qu’il n’était pas déraisonnable que la demanderesse cherche refuge à Kiev. Lorsqu’elle est arrivée à cette conclusion, la Commission semble s’être fondée uniquement sur le fait que la demanderesse avait plus de vingt ans d’expérience dans le domaine de la comptabilité. Les motifs ne contiennent pas d’analyse de l’âge de la demanderesse, de son sexe ou de sa situation personnelle.

 

[7]               Comme la Commission examinait une victime de violence conjugale, les Directives données par la présidente en application du paragraphe 65(3) de la Loi sur l’immigration : Directives no 4 : Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe (les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe), permanentes et mises à jour, sont particulièrement importantes. Les Directives concernant la persécution fondée sur le sexe ne modifient pas le critère jurisprudentiel bien établi pour la PRI, mais elles donnent des orientations aux décideurs sur l’évaluation du poids et de la crédibilité de la preuve. L’énoncé à la section C4 est particulièrement pertinent en l’espèce :

Pour déterminer s’il existe une possibilité de refuge intérieur (PRI) raisonnable, les décideurs doivent tenir compte de la capacité de la femme, en raison de son sexe, de se rendre dans cette partie du pays en toute sécurité et d’y rester sans difficultés excessives. Pour évaluer le caractère raisonnable d’une PRI, les décideurs doivent tenir compte, entre autres, de facteurs religieux, économiques et culturels et déterminer si ceux‑ci influeront sur les femmes dans la PRI et de quelle façon.

 

[8]               Je ne suis pas convaincue que la Commission a tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe en ce qu’elles ont trait à une conclusion d’existence d’une PRI. La preuve documentaire établit que les femmes de l’âge de la demanderesse sont soumises à une grande discrimination dans la recherche d’emploi en Ukraine. La Commission n’a pas pris en compte de tels facteurs pour arriver à sa conclusion selon laquelle, il serait raisonnable que la demanderesse se réinstalle à Kiev. En fait, la Commission n’a pas mené d’enquête sur la demanderesse, enquête qui l’aurait aidée dans l’analyse nécessaire.

 

[9]               Je ne dis pas que la Commission devrait conclure qu’il n’existe pas de PRI à Kiev. Je dis simplement que la transcription de l’audience et les motifs de la décision n’établissent pas que la Commission a tenu compte des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe ou de la preuve documentaire relative à la discrimination envers les femmes qui recherchent un emploi en Ukraine. En l’absence de l’analyse de la situation personnelle de la demanderesse, après avoir examiné la preuve documentaire et la section C4 des Directives concernant la persécution fondée sur le sexe, je ne suis pas en mesure de conclure que la décision de la Commission était raisonnable.

 

[10]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Aucune partie ne propose de question aux fins de certification.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal de la Commission différemment constitué pour nouvel examen.

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

Dossier :                                              IMM‑1569‑09

 

INTITULÉ :                                             GANNA SYVYRYN

                                                                  c.

                                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     Le 1er octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    La juge Snider

 

DATE DES MOTIFS :                            Le 13 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LA DEMANDERESSE

Bridget A. O’Leary

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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