Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20091005

Dossier : T-1048-07

Référence : 2009 CF 1018

Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2009

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :                                                                                             

ELI LILLY CANADA INC., ELI LILLY AND COMPANY,

ELI LILLY AND COMPANY LIMITED

et ELI LILLY SA

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

 

et

 

NOVOPHARM LIMITED

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.                    Aperçu

 

[1]               Les demanderesses poursuivent Novopharm pour contrefaçon d’un brevet protégeant un médicament appelé olanzapine, dont le nom de marque est Zyprexa. L’olanzapine est considérée comme un médicament relativement sûr, et souvent efficace, pour traiter la schizophrénie. Elle est couramment prescrite et connaît un grand succès commercial. Elle fait l’objet d’un brevet canadien (no 2 041 113), ci‑après appelé « brevet 113 ». Le terme « Lilly » sera utilisé pour désigner collectivement les demanderesses. Lilly a présenté en 1991 une demande pour le brevet 113, qui a été délivré en 1998.

 

[2]               L’olanzapine a été incluse dans un brevet antérieur de Lilly (no 1 075 687) (le brevet 687). La principale question en litige est de savoir si Lilly avait droit à un brevet distinct et à un monopole subséquent de l’olanzapine.

 

[3]               Le brevet 687 était ce qu’on est convenu d’appeler un « brevet de genre ». Il englobait 15 billions de composés ayant tous une structure chimique similaire, soit des molécules tricycliques appelées « thiénobenzodiazépines ». Le brevet 113 est ce qu’on est convenu d’appeler un « brevet de sélection » qui désigne un composé déjà breveté en vue d’obtenir une protection distincte vu que ce composé présenterait des propriétés inattendues, importantes et spéciales comparativement aux autres membres de sa famille chimique.

 

[4]               Par souci de commodité, j’ai reproduit les dispositions législatives applicables à l’annexe A, un résumé des antécédents et des titres et qualités des témoins experts à l’annexe B et un glossaire à l’annexe C.

 

II.                 Genèse de l’instance

[5]               Le brevet 113 a déjà fait l’objet de deux demandes portées devant la Cour fédérale sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/98-166, modifié par DORS/93-113. Dans la première demande, qui a été instruite par la juge Johanne Gauthier, Lilly a réclamé et obtenu une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité qui aurait permis à Apotex Inc. de fabriquer et de vendre de l’olanzapine (Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2007 CF 455). Apotex alléguait que le brevet 113 était invalide pour cause d’antériorité, d’évidence et de double brevet et parce qu’il contrevenait à l’article 53 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4. La juge Gauthier a conclu que les allégations d’Apotex n’étaient pas fondées. Elle a cependant également estimé que la question de savoir si le brevet 113 était un brevet de sélection valide ne lui avait pas été régulièrement soumise étant donné qu’Apotex ne l’avait pas expressément alléguée. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette conclusion (Apotex Inc. c. Eli Lilly Canada Inc., 2008 CAF 44).

[6]               Dans une instance distincte introduite en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), qui mettait en présence essentiellement les mêmes parties que celles qui s’affrontent en l’espèce, le juge Roger Hughes a estimé bien fondée l’allégation de Novopharm suivant laquelle le mémoire descriptif du brevet 113 était insuffisant. Il a refusé de prononcer une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Novopharm un avis de conformité qui lui aurait permis de commercialiser l’olanzapine (Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2007 CF 596). Peu de temps après, Novopharm a obtenu son avis de conformité. Lilly a interjeté appel, mais la Cour d’appel fédérale a conclu que l’appel était théorique, étant donné que Novopharm avait déjà obtenu son avis de conformité (Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2007 CAF 359). Lilly avait alors déjà introduit la présente action en contrefaçon du brevet 113.

 

[7]               Le juge Hughes a abordé une question qui n’avait pas été soumise à la juge Gauthier, celle de savoir si le brevet 113 constituait un brevet de sélection valide, et plus particulièrement, la question de savoir si le mémoire descriptif du brevet 113 était suffisant. Il a conclu que le brevet 113 ne décrivait pas les « propriétés surprenantes et inattendues » de l'olanzapine par rapport aux autres composés du brevet 687. Devant la Cour d’appel fédérale, Lilly a soutenu que le juge Hughes avait commis une erreur en exigeant que les brevets comportent des données comparatives. La Cour d’appel n’a toutefois pas considéré que le juge Hughes avait clairement déclaré qu’il fallait soumettre des données comparatives dans le cas des brevets de sélection.

 

[8]               L’essence de la décision du juge Hughes est résumée au paragraphe 162 :

 

J'estime que le brevet ’113 ne divulgue pas assez d'éléments dans le mémoire descriptif quant à l'invention dans le choix de l'olanzapine à partir d'un groupe de composés déjà divulgués. Le brevet britannique antérieur indique que toute la classe de composés est utile dans le traitement des troubles du système nerveux central. L'invention dans le choix de l'olanzapine consiste en les soi‑disantes propriétés « surprenantes et inattendues » de l'olanzapine « comparativement à la flumézapine et à d'autres composés apparentés ». Aucune comparaison de la sorte n'est faite dans le brevet ’113. Aucune donnée n'est fournie. Tout ce qui nous reste, c'est de la rhétorique, par exemple, la mention d'une « forte efficacité » ainsi que d'effets secondaires « légers et transitoires » et « plus faibles ». La mention brève et déroutante d'une étude chez le chien ne concerne que l'éthylolanzapine et n'enseigne rien au sujet de la flumézapine et d'autres composés.

 

[9]               Les composés auxquels faisait référence le juge Hughes dans ce passage (flumézapine et éthylolanzapine) sont d’autres composés visés par le brevet 687. Il a conclu que le brevet 113 ne distinguait pas adéquatement les qualités et les caractéristiques de l’olanzapine de celles de la famille de composés déjà brevetée dont l’olanzapine faisait partie. Comme nous le verrons plus loin, je ne suis pas d’accord avec la conclusion du juge Hughes selon laquelle le brevet 113 ne renferme aucune comparaison de l’olanzapine avec les autres composés visés par le brevet 687. Je suis cependant d’accord avec lui que le brevet 113 ne décrit pas adéquatement les avantages de l’olanzapine. Enfin, j’estime qu’en 1991, Lilly ne disposait pas de données démontrant les avantages de l’olanzapine par rapport aux composés visés par le brevet 687.

 

III.               Questions en litige

 

[10]           La principale question litigieuse qui m’est soumise est celle de la validité du brevet 113. Novopharm fait valoir plusieurs moyens pour contester le brevet 113, mais je suis persuadé que la preuve appuie dans l’ensemble le principal moyen – celui suivant lequel le brevet 113 n’est pas un brevet de sélection valide – de sorte que je ne vais aborder les autres moyens que brièvement, à la fin de mes motifs. Parmi les autres moyens invoqués par Novopharm pour contester le brevet 113, mentionnons l’antériorité, le double brevet, l’erreur dans la désignation de l’inventeur, l’évidence, l’article 53 de la Loi sur les brevets (fausse déclaration) et l’article 73 de la Loi sur les brevets (abandon présumé).

 

[11]           La contrefaçon ne soulève aucune question sérieuse. Novopharm admet que si le brevet 113 est valide, elle le contrefait en commercialisant sa version générique de l’olanzapine.

 

[12]           Il incombe à Lilly de démontrer, par preuve une prépondérante, qu’il y a contrefaçon. La charge de la preuve repose sur Novopharm en ce qui concerne l’invalidité. Pour déterminer si elle s’est acquittée de cette charge brevet 113 de la preuve, je dois tenir compte que le commissaire aux brevets a déjà conclu que le brevet était valide en le délivrant à Lilly. La conclusion du commissaire a droit à une certaine déférence. Je ne peux l’infirmer que si la preuve présentée en faveur de Novopharm démontre que cette conclusion était déraisonnable (Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, par. 41 à 44).

 

[13]           Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le brevet 113 est invalide et, par conséquent, qu’il n’a pas été contrefait.

IV.              Traitement de la schizophrénie

 

[14]           La schizophrénie est une forme de psychose dont souffre environ 1 p. 100 de la population. De façon générale, les symptômes se classent en deux catégories. Les symptômes dits « positifs » englobent les hallucinations et les idées délirantes, alors que les symptômes dits « négatifs » désignent le retrait social, l’absence de motivation et les troubles du fonctionnement intellectuel.

 

[15]           Il n’existe aucun moyen connu de guérir la schizophrénie. Au cours des cinquante ou soixante dernières années, les scientifiques ont toutefois découvert certains médicaments qui atténuent certains des symptômes les plus graves. La mise au point de la chlorpromazine a marqué un pas décisif au début des années 50. La chlorpromazine comportait malheureusement de graves effets secondaires. Plus particulièrement, elle causait tout un éventail d’effets moteurs désagréables appelés « symptômes extrapyramidaux » ou SEP : agitation, raideur, mouvements involontaires et contorsions faciales. La chlorpromazine et des médicaments analogues qui présentaient ce risque de SEP sont classés parmi les antipsychotiques « typiques » ou « de première génération ».

 

[16]           Avec le temps, les scientifiques ont découvert un meilleur médicament, la clozapine, qui est arrivée sur le marché à la fin des années 60. Le principal avantage de la clozapine tenait à l’absence de SEP. Il reste qu’après des années sur le marché, on a découvert qu’elle causait un trouble hématologique rare, mais grave, appelé agranulocytose, qui résultait de l’interruption abrupte de la production de globules blancs. La clozapine a été retirée du marché dans les années 70, mais a fait un retour à la fin des années 80. Les patients qui prennent de la clozapine doivent subir des tests sanguins fréquents pour s’assurer que leur nombre de globules blancs demeure normal. La clozapine et d’autres médicaments qui comportent un faible risque de SEP sont classés comme des antipsychotiques « atypiques » ou « de deuxième génération ».

 

[17]           Une fois que la clozapine a été retirée du marché, de nombreux scientifiques, dont ceux travaillant à Lilly, se sont mis en quête d’un composé de type clozapine qui serait sûr, c’est‑à‑dire qui traiterait les symptômes tant positifs que négatifs de la schizophrénie, présenterait peu de risque de SEP et ne réduirait pas la production de globules blancs.

 

[18]           Divers tests peuvent être utilisés pour déterminer le potentiel antipsychotique d’un composé. On utilise les mêmes tests depuis des décennies. Les composés sont testés chez la souris pour voir s’ils réduisent l’activité locomotrice et causent une hypothermie (bons signes pour un antipsychotique). La capacité d’un composé d’inhiber un conditionnement d’évitement (CAR) chez le rat présente un intérêt car elle témoigne elle aussi de l’existence d’une activité antipsychotique. Essentiellement, un test de CAR mesure la capacité d’un composé d’altérer un comportement acquis chez le rat (p. ex., éviter un choc électrique). Par ailleurs, le risque qu’un produit cause une catalepsie (CAT) chez les rongeurs est un important indicateur du risque de SEP chez les humains. Un composé sera considéré comme un antipsychotique atypique ou de deuxième génération prometteur s’il présente un bon écart CAR‑CAT (score CAR élevé et score CAT faible).

V.                 L’histoire de l’olanzapine

 

 

[19]           Avant de retracer les événements qui ont mené à la mise au point de l’olanzapine, il convient de glisser un mot sur la famille de composés dont l’olanzapine est issue et le brevet correspondant obtenu pour cette famille – le brevet 687. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, dans les années 70, les chercheurs étaient en quête d’un analogue sûr de la clozapine. Lilly examinait les composés qui étaient similaires du point de vue chimique à la clozapine dans le cadre de ces recherches.

 

[20]           Après avoir entendu parler de la clozapine et de son potentiel antipsychotique, le Dr Jiban Chakrabarti, chimiste travaillant pour Lilly, a assisté à une conférence à Prague au début des années 70. Il a rencontré les scientifiques qui avaient fabriqué et mis au point la clozapine. Le Dr David Tupper, un autre chimiste employé par Lilly, se rappelle qu’à son retour, le Dr Chakrabarti était emballé par ce qu’il avait appris à la conférence. Il croyait pouvoir fabriquer des composés qui auraient des effets antipsychotiques analogues à ceux de la clozapine sans les problèmes qui y étaient associés. Le Dr Chakrabarti a suggéré de remplacer un des cycles phénylés de la clozapine par un cycle thiophène.

 

[21]           Après une visite à la bibliothèque et après avoir déterminé que de tels composés n’avaient jamais été fabriqués, le Dr Tupper a cherché des façons de les synthétiser. C’est ainsi qu’il a abouti à la famille des composés visés par le brevet 687.

 

[22]           Le brevet 687 a été déposé en 1975 et délivré à Lilly en 1980. Ses inventeurs, les Drs Chakrabarti et Tupper, travaillaient tous les deux à Erl Wood, le centre de recherche de Lilly dans le Sussex, au Royaume-Uni. Le brevet 687 décrivait une « nouvelle classe de composés » appelés « thiénobenzodiazépines » comportant une structure chimique tricyclique, comparable à celle de la clozapine. Le brevet indiquait que cette famille de composés avait démontré une activité utile sur le système nerveux central dans des tests effectués sur des animaux et possédait de puissantes propriétés neuroleptiques, sédatives, relaxantes et anti‑émétiques. Ces composés présentaient un bon écart CAR‑CAT. Selon le brevet, à cause de ces propriétés, les composés seraient utiles dans le traitement d’états anxieux bénins et de certains types de troubles psychotiques comme la schizophrénie. En outre, les composés possédaient un index thérapeutique élevé (écart important entre la dose efficace et la dose ayant un effet toxique notable) et présentaient une efficacité à toute une gamme de doses (allant de 0,1 mg/kg/jour à 10 mg/kg/jour).

 

[23]           Le brevet 687 mettait nettement l’accent sur les composés eux‑mêmes – leurs éléments, leur structure et leurs procédés de fabrication. Néanmoins, le brevet indiquait expressément que leur utilité tenait au fait qu’ils pourraient être employés dans le traitement de troubles du système nerveux central, notamment la schizophrénie. Le Dr Ian Pullar a témoigné que Lilly espérait que la classe de composés décrite dans le brevet 687 soulagerait efficacement les symptômes positifs et négatifs de la schizophrénie et comporterait un faible risque de SEP. L’olanzapine était l’un des multiples composés visés par le brevet 687 (15 billions). En fait, elle figurait parmi les « composés les plus privilégiés » de l’invention, bien qu’elle ne fût pas mentionnée expressément.

 

[24]           Après le dépôt du brevet 687, les scientifiques de Lilly ont travaillé pendant des années en vue de commercialiser certains des composés de l’invention. Quelques douzaines ont été synthétisées et testées in vitro. Le Dr Chakrabarti a publié un article en 1980, où il présentait des données sur 76 des composés visés par le brevet 687, y compris leurs valeurs, CAR et CAT. À la lumière de cette étude, la flumézapine et l’éthylflumézapine, qui avaient été expressément nommées dans le brevet 687, semblaient prometteuses. Quelques autres composés apparaissaient également intéressants, mais le Dr Chakrabarti a indiqué que le [traduction] « profil d’activité de cette classe de composés doit être examiné plus à fond » (D‑39, p. 883).

 

[25]           Lilly a commencé les tests sur l’éthylflumézapine, mais ces travaux ont été abandonnés en 1978 après que des études chez le chien eurent montré que le composé, tout comme la clozapine, causait une réduction des globules blancs, effet secondaire important qu’on essayait d’éviter. Lilly s’est alors tournée vers la flumézapine. Les études de la flumézapine chez le chien n’ont mis en évidence aucun problème relatif aux globules blancs, mais d’autres problèmes ont été décelés : perte de poids, anémie et taux élevé de prolactine. Finalement, en 1981, Lilly a malgré tout obtenu la permission de la U.S. Food and Drug Administration (FDA) d’administrer de la flumézapine à des volontaires en santé et a commencé des essais cliniques chez des patients souffrant de schizophrénie.

 

[26]           Lilly a mis fin à ses essais cliniques de la flumézapine en avril 1982 après avoir reçu des rapports de taux élevés d’enzymes hépatiques et d’une enzyme musculaire appelée créatine-phosphokinase (CPK) chez certains patients. Lilly a transmis ces rapports à la FDA, qui a demandé à l’entreprise de cesser de traiter les patients au moyen de la flumézapine.

 

[27]           Lilly a décidé de ne pas poursuivre les essais cliniques de la flumézapine, malgré certaines indications donnant à penser qu’il s’agissait d’un antipsychotique efficace. Les investigateurs [traduction] « ont été très impressionnés par l’efficacité de ce médicament, de même que par l’absence notable d’effets secondaires extrapyramidaux […] » (D‑84). Lilly aurait pu changer les protocoles d’essai clinique, par exemple, réduire la dose maximale ou surveiller plus étroitement les enzymes hépatiques et la CPK chez les patients. Le Dr Paul Leber, un fonctionnaire de la FDA, qui a participé à l’époque aux discussions sur la flumézapine, a déclaré que la FDA n’a pas stoppé les activités de développement de la flumézapine de Lilly :

[traduction] C’était simplement une affirmation indiquant que dans l’état actuel des choses, l’entreprise ne devrait pas faire d’autres essais cliniques avant de nous avoir présenté de nouveaux rapports et avant que nous les ayons examinés. Nous leur expliquerions alors ce qu’elle pourrait faire ou ne pas faire.

 

[28]           La poursuite des travaux sur la flumézapine aurait cependant demandé beaucoup de temps et d’effort. Lilly aurait dû convaincre la FDA de la laisser poursuivre les essais cliniques. Même si l’équipe de projet estimait qu’il fallait pousser plus loin les études de la flumézapine, la direction de Lilly a conclu que des investissements supplémentaires n’étaient pas justifiés. Lilly a donc interrompu, sans abandonner complètement, le processus de demande d’approbation de la flumézapine. Dans les faits, cependant, la flumézapine avait perdu de son lustre.

 

[29]           Le Dr Pullar, qui était le directeur de l’équipe de projet sur la flumézapine, a rappelé cette « sombre période » à Erl Wood. L’équipe de projet a jugé malgré tout que les composés visés par le brevet 687 étaient assez prometteurs pour qu’un autre candidat soit examiné. La direction de Lilly exerçait des pressions pour qu’on démontre que les investissements importants consentis par l’entreprise dans la mise au point d’un antipsychotique allaient donner des résultats. Erl Wood, inauguré en 1967, n’avait produit dans ses 15 années d’existence qu’un seul médicament qui avait réussi à être mis en marché.

 

[30]           Dans les semaines qui ont suivi l’arrêt des travaux sur la flumézapine, le Dr Tupper et son collègue, M. Terrence Hotten, ont synthétisé sept autres composés, dont l’olanzapine. Selon le Dr Tupper, vu qu’on avait poussé assez loin le développement de la flumézapine, on devait mettre l’accent sur les composés méthylés, et non éthylés. L’éthylflumézapine avait été un échec retentissant. Au départ, le Dr Pullar ne croyait pas que l’olanzapine serait un bon choix pour le développement d’un médicament parce que ce composé n’avait pas présenté une activité particulièrement frappante dans les tests sur des animaux. Mais le reste de l’équipe était en faveur de l’olanzapine à cause de sa performance générale dans une batterie de tests sur des animaux et in vitro. Le Dr Pullar se réjouit maintenant d’avoir été en position minoritaire face à ses collègues et se sent fier, naturellement, de son association avec un médicament qui traite efficacement de nombreux patients. Comme il l’a déclaré, l’équipe « a effectué de très bonnes recherches afin de mettre [l’olanzapine] sur le marché ». Le Dr Tupper abondait dans le même sens et a cité de nombreux prix remportés par les scientifiques de Lilly pour leurs travaux.

 

[31]           Donc en 1983, Lilly était convaincue du potentiel antipsychotique de l’olanzapine. Les études se sont poursuivies et les espoirs de l’entreprise ont été confirmés par d’autres résultats préliminaires. À partir de 1986, Lilly a administré l’olanzapine à des volontaires en santé et a entrepris en 1989 des essais cliniques chez des patients. En 1990, l’objectif prioritaire de Lilly était de commercialiser l’olanzapine. Compte tenu du retour imminent sur le marché de la clozapine et de la venue prochaine de nouveaux médicaments, comme le risperidone, l’entreprise a reconnu qu’il existait un débouché pour son médicament. Une demande de brevet a été déposée pour l’olanzapine au Royaume‑Uni en 1990 et au Canada en avril 1991. Lilly a obtenu son brevet canadien, le brevet 113, en 1998.

 

[32]           Au moment où elle a déposé sa demande pour le brevet 113, Lilly avait reçu les résultats de ses études sur des volontaires en santé de même que certaines données préliminaires de ses essais cliniques. Elle avait également effectué une étude de six mois chez le chien. Le brevet mentionne ces études et fournit des renseignements généraux sur les résultats.

VI.              Le brevet 113

[33]           Le brevet 113 attribue un certain nombre de propriétés intéressantes à l’olanzapine. On peut les regrouper en deux grandes catégories. Tout d’abord, le brevet 113 cite certains avantages de l’olanzapine par rapport aux autres composés du brevet 687. Deuxièmement, le brevet 113 vante la supériorité de l’olanzapine sur d’autres antipsychotiques connus utilisés dans le traitement de la schizophrénie et de troubles apparentés.

(a)                Avantages de l’olanzapine par rapport aux composés du brevet 687.

[34]           Il est dit dans le brevet 113 que l’olanzapine présente des « propriétés surprenantes et inattendues » comparativement à la flumézapine et à d’autres composés apparentés. Cette affirmation générale repose sur une comparaison directe de l’olanzapine avec d’autres composés du brevet 687. Quatre comparaisons sont faites dans le brevet.

 

[35]           Il est mentionné que Lilly a développé la flumézapine jusqu’au stade où elle a été administrée à 17 patients. Comme nous l’avons mentionné ci‑dessus, cependant, Lilly a mis fin à ses essais cliniques de la flumézapine après des discussions avec la FDA en raison d’une « proportion inacceptable » de cas d’élévation des enzymes hépatiques (SGPT et SGOT) et de la créatine-phosphokinase (CPK). Plus loin, le brevet 113 mentionne que chez les patients traités par l’olanzapine, [traduction] « une faible incidence d’augmentation bénigne et transitoire des enzymes hépatiques » a été relevée et que les taux de CPK étaient plus faibles que ceux associés à la flumézapine. À mon avis, le brevet 113 proclame la supériorité de l’olanzapine sur la flumézapine pour ce qui est des enzymes hépatiques et des concentrations de CPK chez les patients ayant reçu des doses thérapeutiques.

 

[36]           Au début du brevet, les inventeurs expliquent que de nombreux antipsychotiques causent des SEP. Le brevet mentionne également que [traduction] « dans les essais cliniques de la flumézapine, deux des patients ont commencé à présenter des signes d’effets secondaires extrapyramidaux […] ». Tout de suite après, on affirme ce qui suit : [traduction] « Nous avons maintenant découvert un composé qui possède des propriétés surprenantes et inattendues comparativement à la flumézapine et à d’autres composés apparentés ». Puis un peu plus loin, les inventeurs déclarent que l’olanzapine [traduction] « risque moins de provoquer des effets secondaires extrapyramidaux en clinique ». Ces affirmations combinées revendiquent, selon moi, la supériorité de l’olanzapine par rapport à la flumézapine pour ce qui est du risque de SEP.

 

[37]           Le brevet 113 mentionne également une étude chez le chien où l’olanzapine a été comparée avec l’éthylolanzapine, un autre des composés du brevet 687. Il fait état des résultats de l’étude qui indiquent [traduction] « que quatre des huit chiens ont présenté une élévation importante des taux de cholestérol, alors que le composé de l’invention n’entraînait aucune augmentation des taux de cholestérol » à une dose de 8 mg/kg. Pour comprendre l’étendue et la nature de cette comparaison, il faut examiner de près l’étude chez le chien. Plusieurs experts ont présenté un témoignage à ce sujet. Ces témoignages sont abordés plus en détail ci‑dessous. Pour le moment, j’interprète la déclaration dans le brevet 113 concernant les taux de cholestérol chez le chien comme une affirmation de la supériorité de l’olanzapine sur l’éthylolanzapine en ce qui a trait au risque d’augmentation de la cholestérolémie chez l’humain. L’éthylolanzapine augmente le taux de cholestérol, mais pas l’olanzapine.

 

[38]           Le brevet 113 indique donc que l’olanzapine est supérieure aux composés du brevet 687 pour les raisons suivantes :

 

•    proportion plus faible de cas d’élévation des enzymes hépatiques par rapport à la flumézapine;

•    taux plus faibles de CPK par rapport à la flumézapine;

•    incidence plus faible des SEP par rapport à la flumézapine;

•    absence d’augmentation du taux de cholestérol comparativement à l’éthylolanzapine.

 

(b)               Avantages de l’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques

[39]           Le brevet 113 décrit l’action antagoniste de l’olanzapine au niveau de divers récepteurs cérébraux, notamment les récepteurs dopaminergiques D‑1 et D‑2, le récepteur 5HT‑2 et les récepteurs Q noradrénergiques). Ces caractéristiques semblent indiquer que l’olanzapine est un médicament qui pourrait avoir des propriétés relaxantes, anxiolytiques ou anti‑émétiques et qui pourrait être utile dans le traitement des troubles psychotiques, notamment la schizophrénie.

 

[40]           On ajoute dans le brevet que l’olanzapine donne des [traduction] « résultats surprenants et excellents » dans des tests expérimentaux et des essais cliniques. En outre, l’olanzapine affiche un [traduction] « niveau élevé d’activité lors de l’évaluation clinique des patients psychiatriques souffrant de schizophrénie » à des doses inférieures à celles prévues à partir de modèles animaux. Le brevet décrit une étude ouverte dans le cadre de laquelle six patients sur huit qui avaient pris de l’olanzapine pendant au moins deux semaines ont vu leur état s’améliorer de 66 % à 87 % sur une échelle bien connue de mesure des symptômes de la schizophrénie (l’échelle BPRS). Enfin, les résultats préliminaires de trois essais cliniques en cours ont confirmé le niveau élevé d’efficacité à de faibles doses (2,5 et 5,0 mg).

[41]           Ces déclarations sont suivies par l’affirmation la plus large et la plus catégorique au sujet de l’olanzapine dans le brevet 113 :

[traduction] De façon générale, par conséquent, le composé de l’invention se montre en clinique nettement supérieur et a un meilleur profil d’effets secondaires que les agents antipsychotiques connus […]

 

[42]           À cause de l’endroit où cette déclaration se trouve – juste après une description des effets secondaires particuliers et des avantages comparatifs de l’olanzapine – et des mots utilisés dans le début de la phrase (« De façon générale, par conséquent »), j’interprète cette déclaration comme étant une revendication générale des avantages de l’olanzapine sur le plan de son efficacité et des effets secondaires particuliers traités dans les passages précédents. Cette déclaration n’affirme pas la supériorité de l’olanzapine pour tous les effets secondaires possibles. À mon avis, si l’on interprète le brevet de manière équitable, on peut dire qu’il affirme la supériorité de l’olanzapine eu égard aux effets secondaires qui y sont expressément mentionnés, plus particulièrement ceux qui posaient le plus de problèmes pour les patients atteints de schizophrénie, à savoir les SEP et l’agranulocytose.

 

[43]           Cela dit, un lecteur versé dans l’art déduirait, selon moi, de cette déclaration générale concernant la supériorité de l’olanzapine du point de vue des effets secondaires que les inventeurs avaient effectué suffisamment de tests pour avoir une bonne idée du risque d’effets secondaires associés à l’olanzapine. Aucune garantie que des effets secondaires préoccupants ne pourraient être détectés plus tard n’était offerte. C’était une déclaration générale qui visait à démontrer aux lecteurs versés dans l’art que l’olanzapine semblait vraiment représenter une percée importante en neuropsychopharmacologie, c.‑à‑d. dans le traitement de la schizophrénie par des agents antipsychotiques.

 

[44]           Compte tenu de cette affirmation implicite et selon mon interprétation du brevet 113, les avantages évoqués dans cette déclaration générale de la supériorité de l’olanzapine sur d’autres antipsychotiques sont les suivants :

 

•          niveau élevé d’efficacité à de faibles doses;

•          plus faible élévation de la prolactine;

•          risque plus faible de SEP;

•          aucun changement dans le nombre de globules blancs.

 

[45]           Il y a par ailleurs une comparaison implicite en ce qui a trait aux enzymes hépatiques, vu le lien qui a été établi à cet égard entre la flumézapine et la chlorpromazine. Il est dit dans le brevet qu’à cause de [traduction] « sa tendance à accroître les concentrations d’enzymes hépatiques, la flumézapine ressemble à la chlorpromazine, un antipsychotique utilisé depuis longtemps mais dont l’innocuité a été remise en question ». Dans mon analyse ci‑dessous du brevet 113 comme brevet de sélection, je traiterai cependant de l’affirmation relative aux enzymes hépatiques dans le contexte de la comparaison avec les composés du brevet 687, étant donné qu’une comparaison directe est établie avec la flumézapine.

 

(c)                Les revendications du brevet 113

[46]           Les revendications en litige dans la présente instance sont les suivantes :

 

·        Revendication 3 :         Olanzapine

·        Revendication 6 :          L’utilisation de l’olanzapine pour la fabrication d’un médicament utilisé dans le traitement de la schizophrénie.

·        Revendication 13 :        Une composition pharmaceutique renfermant de l’olanzapine et un diluant ou véhicule pharmaceutiquement acceptable.

·        Revendication 14 :        Une composition pharmaceutique sous forme de gélule ou de comprimé qui contient de 0,1 à 20 mg d’olanzapine.

·        Revendication 15 :        Une composition pharmaceutique sous forme de gélule ou de comprimé qui contient de 0,5 à 10 mg d’olanzapine.

·        Revendication 16 :        Une composition pharmaceutique sous forme de gélule ou de comprimé qui contient de 2,5 à 5 mg d’olanzapine ainsi qu’un diluant ou un véhicule pharmaceutiquement acceptable.

 

VII.            Le brevet 113 est‑il un brevet de sélection valide?

(a)                Exigences pour qu’un brevet de sélection soit valide

[47]           Comme nous l’avons mentionné précédemment, le brevet 687 antérieur englobait l’olanzapine, de même qu’un grand nombre d’autres composés apparentés. Le brevet 113 ne concerne pour sa part que l’olanzapine. Dans ces circonstances, ce dernier est considéré en droit des brevets comme un « brevet de sélection ». Un brevet de sélection est valide s’il divulgue à la population une invention nouvelle et utile en contrepartie d’un monopole supplémentaire sur un composé déjà breveté. Autrement dit, la question est de savoir si le composé sélectionné représente vraiment une invention qui doit bénéficier d’un monopole distinct et indépendant. Dans l’article 2 de la Loi sur les brevets une « invention » s’entend d’une « composition de matières, ainsi que tout perfectionnement […] présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité ». À l’instar de tout autre type de brevet, un brevet de sélection doit donc divulguer une invention. Les brevets de sélection se distinguent des autres, en ce que l’inventeur doit divulguer une invention qui dépasse ce qui avait été divulgué dans le brevet antérieur – le brevet « de genre » - concernant le composé sélectionné.

 

[48]           Le juge Marshall Rothstein a résumé récemment les exigences applicables aux brevets de sélection dans Apotex Inc. c. Sanofi‑Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265, s’appuyant sur le précédent bien connu I.G. Farbenindustrie A.G.’s Patents (1930), 47 R.P.C. 289 (Ch. D.) où les principes suivants ont été énoncés :

 

1.      L’utilisation des éléments sélectionnés permet d’obtenir un avantage important ou d’éviter un inconvénient important.

 

2.      Tous les éléments sélectionnés (« à quelques exceptions près ») présentent cet avantage.

 

3.      La sélection vise une qualité particulière propre aux composés en cause. Une recherche plus poussée révélant qu’un petit nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage ne permettrait pas d’invalider le brevet de sélection. Toutefois, si la recherche démontrait qu’un grand nombre de composés non sélectionnés présentent le même avantage, la qualité du composé revendiqué dans le brevet de sélection ne serait pas particulière. (Par. 10.)

 

 

[49]           Pour que le brevet 113 soit considéré comme un brevet de sélection valide, je dois donc être convaincu que l’olanzapine présente un avantage par rapport aux autres composés du brevet 687. En outre, cet avantage doit être important et serait plutôt particulier à l’olanzapine. Enfin, le brevet doit décrire clairement l’avantage important et particulier de l’olanzapine. Le juge Rothstein a déclaré que « le mémoire descriptif du brevet de sélection doit définir clairement la nature de la caractéristique du composé sélectionné pour lequel le breveté revendique un monopole » (par. 114).

 

[50]           Selon le juge Rothstein, un brevet de sélection contient « un élément de l’objet du brevet de genre d’origine parce qu’il contient ainsi quelque chose de mieux et différent par rapport à ce qui est revendiqué dans le brevet initial » (par. 100). L’olanzapine apporte‑t‑elle quelque chose de mieux et de différent par rapport aux autres composés du brevet 687?

 

 

(b)               Analyse du brevet 113 comme brevet de sélection

[51]           Lorsque j’interprète le brevet, je dois adopter le point de vue d’une personne versée dans l’art et me laisser guider par les témoignages d’experts présentés par les parties. Dans les circonstances présentes, une personne versée dans l’art posséderait un ensemble de connaissances et d’expérience en pharmacie chimique, en toxicologie, en psychiatrie et en pharmacologie de même que la capacité d’interpréter les données provenant d’études sur des animaux et de juger de leur utilité dans le traitement des maladies humaines.

[52]           Le brevet 113 contient, répétons‑le, une affirmation générale selon laquelle l’olanzapine est supérieure à la classe de composés visée par le brevet 687. On y déclare que l’olanzapine présente « des propriétés surprenantes et inattendues » comparativement à la flumézapine et à d’autres composés apparentés. Comme nous l’avons vu, le brevet offre quatre exemples de la supériorité de l’olanzapine par rapport à deux produits de comparaison du brevet 687 (la flumézapine et l’éthylolanzapine). Les inventeurs affirment que l’olanzapine offre quelque chose de mieux et de différent par rapport à ces deux composés, notamment :

 

(i)   l’olanzapine est associée à de moins grandes élévations des enzymes hépatiques que la flumézapine,

(ii)    l’olanzapine est associée à de plus faibles élévations de la CPK que la flumézapine;

(iii)   l’olanzapine présente un moins grand risque de SEP que la flumézapine;

(iv)  l’olanzapine n’augmente pas le taux de cholestérol, contrairement à l’éthylolanzapine.

 

[53]           Comme ces affirmations impliquent une comparaison directe avec des composés du brevet 687, elles sont de toute évidence utiles pour déterminer si le brevet 113 est un brevet de sélection valide. À mon avis, dans la présente instance, les comparaisons de l’olanzapine avec « des agents antipsychotiques connus » établies dans le brevet 113 ont aussi leur importance. En lisant le brevet 113 dans son ensemble, le lecteur versé dans l’art qui connaît le brevet 687 interpréterait la supériorité alléguée de l’olanzapine sur d’autres antipsychotiques sur le marché comme étant un autre important avantage de l’olanzapine par rapport aux composés du brevet 687. Le brevet 113 renvoie à deux des composés du brevet 687 et traite de leurs inconvénients. Il est clair toutefois que ni l’un ni l’autre n’a été utilisé pour le traitement de la schizophrénie ou de tout autre trouble. Par contre, selon le brevet 113, non seulement l’olanzapine pourrait être utilisée à cette fin, mais elle était « en général » nettement supérieure à d’autres médicaments sur le marché et possédait un meilleur profil d’effets secondaires. Comme nous l’avons déjà mentionné, les éléments de comparaison avec d’autres agents psychotiques sont les suivants :

 

(i)        niveau élevé d’efficacité à de faibles doses;

(ii)       plus faible élévation de la prolactine;

(iii)       risque plus faible de SEP;

(iv)      aucun changement dans le nombre de globules blancs.

 

[54]           Selon le Dr Guy Goodwin, en plus de la clozapine, d’autres médicaments auraient pu être pris en considération dans ces comparaisons en 1991 : la chlorpromazine, l’halopéridol, le flupenthixol et la perphénazine. À son avis, ces médicaments étaient d’autres options possibles mais ils présentaient les mêmes effets secondaires, notamment des SEP. L’élévation de la prolactine constituait parfois un problème, également, mais au dire du Dr Goodwin, ces problèmes étaient rarement aigus.

 

[55]           Ce que je dois donc faire en premier lieu, c’est décider si un ou plusieurs des avantages déclarés de l’olanzapine étaient connus ou pouvaient être valablement prédits, au moment où le brevet 113 a été déposé en 1991. Deuxièmement, je dois déterminer si on pouvait considérer qu’au moins un d’entre eux présentait un avantage important par rapport aux composés du brevet 687 et était d’une certaine manière particulier à l’olanzapine. Si tel est le cas, la troisième question consiste à savoir si la divulgation de cet avantage important et spécial dans le brevet 113 était adéquate. Si je dois répondre par la négative à une de ces trois questions, le brevet 113 devra alors être considéré comme invalide.

 

(c)    Les présumés avantages de l’olanzapine étaient‑ils connus ou pouvaient‑ils être valablement prédits en 1991?

[56]           Pour établir si les avantages allégués de l’olanzapine par rapport à la classe de composés du brevet 687 étaient connus ou pouvaient être valablement prédits, il faut déterminer ce qu’on connaissait de la flumézapine, de l’éthylolanzapine et de l’olanzapine eu égard aux quatre paramètres pertinents au moment où le brevet 113 a été déposé en avril 1991. Les résultats détaillés de l’essai clinique de la flumézapine et des documents connexes étaient alors disponibles. Pour ce qui est de l’éthylolanzapine, les tests toxicologiques et les résultats de l’étude chez le chien étaient disponibles.

 

[57]           Dans le cas de l’olanzapine, les résultats d’un essai clinique ouvert d’une durée de quatre semaines (appelé E001) mené chez dix patients étaient disponibles avant le dépôt du brevet 113. En outre, quatre études de l’olanzapine chez des volontaires en santé avaient été effectuées. Dans trois d’entre elles, quatre sujets avaient reçu de l’olanzapine, soit en une seule dose (études HGAA et HGAB) ou sur une période de deux semaines (HGAC). Dans la quatrième étude (E002), huit sujets avaient pris 10 mg/jour d’olanzapine pendant une semaine. Le brevet 113 fait référence aux résultats préliminaires d’autres essais cliniques en cours en 1991, mais on a fait peu de cas en l’espèce, des avantages des composés du brevet 687, si tant est qu’il y en ait. Certaines données préliminaires mettaient en évidence l’efficacité de l’olanzapine, mais ce n’est pas l’un des avantages allégués de ce médicament par rapport à la classe visée par le brevet 687 qui ont été décrits dans le brevet 113.

[58]           Encore une fois, un composé sélectionné est une invention, qui peut être brevetée séparément, si le titulaire du brevet peut établir qu’à la date du dépôt, le produit sélectionné présentait un avantage important et particulier par rapport à la famille de composés déjà brevetée ou si cet avantage pouvait être prédit de façon valable.

 

[59]           Pour être valable, une prédiction doit respecter quatre critères. Tout d’abord, la prédiction doit avoir un fondement factuel. Deuxièmement, l’inventeur doit avoir un raisonnement clair et valable qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité. Troisièmement, l’inventeur doit divulguer dans le brevet le fondement factuel et le raisonnement utilisé. Quatrièmement, bien sûr, le résultat prédit doit être corroboré par des tests subséquents. Une prédiction incorrecte ne peut être valable (voir Apotex c. Wellcome, précité, par. 70, 76.)

(i)      L’olanzapine par rapport à la flumézapine – enzymes hépatiques

[60]           Plusieurs patients traités par la flumézapine ont vu leurs enzymes hépatiques augmenter durant l’essai clinique de ce médicament. Dans tous les cas, les taux sont revenus à la normale après l’arrêt de la médication ou pendant le traitement. L’équipe de projet a qualifié l’élévation des enzymes hépatiques comme étant « légère ».

 

[61]           Le Dr Ronald Diamond a effectué une analyse détaillée des données disponibles pour la flumézapine et l’olanzapine. Il a relevé des augmentations des enzymes hépatiques chez plusieurs personnes qui prenaient de l’olanzapine. Les investigateurs ont signalé le problème des élévations des enzymes hépatiques dans toutes les études sur l’olanzapine réalisées avant le dépôt du brevet 113. Certains sujets ont été exclus des études pour cette raison. Bien qu’il soit difficile de comparer les ensembles de données pour la flumézapine et l’olanzapine (doses différentes, différents patients, différentes périodes, activité des médicaments différente), le Dr Diamond a conclu que rien n’indiquait que l’olanzapine était supérieure à la flumézapine pour ce qui est de son effet sur les enzymes hépatiques. Il a également constaté que de nombreux antipsychotiques (p. ex. chlorpromazine, clozapine, flumézapine, olanzapine et autres médicaments en « ‑zines ») entraînaient des élévations transitoires des enzymes hépatiques sans importance sur le plan clinique. En effet, le brevet 113 mentionne expressément l’effet de la chlorpromazine sur les enzymes hépatiques. Or, on savait bien à l’époque que la tendance de la chlorpromazine à causer ces élévations n’avait aucune importance sur le plan clinique. La chlorpromazine était largement utilisée.

 

[62]           Le Dr Alan Young a observé que certains des patients et des volontaires en santé qui avaient pris de l’olanzapine présentaient certaines augmentations d’une enzyme hépatique, la SGPT et, moins souvent, de la SGOT. Il estimait que ces augmentations pouvaient être décrites à juste titre comme étant légères et transitoires, tout comme le fait le brevet 113. Il reste qu’il n’a pas établi de comparaison avec les données sur la flumézapine. En fait, Lilly savait, d’après les études menées sur des volontaires en santé, que [traduction] « la flumézapine tout comme l’olanzapine avait tendance à causer des élévations des enzymes hépatiques » (D‑435, p. 15).

 

[63]           Les données montrent qu’en 1991, on ignorait que l’olanzapine était supérieure à la flumézapine sous le rapport des enzymes hépatiques; il n’y avait pas non plus de fondement factuel pour prédire que l’olanzapine présenterait un avantage à cet égard. De plus, il n’y avait pas de raisonnement qui pourrait corroborer la prédiction valable que l’olanzapine présentait un moins grand risque d’élévation des enzymes hépatiques que la flumézapine. Le brevet 113 ne contient aucun fondement factuel ni raisonnement à ce sujet. Nous savons maintenant que l’olanzapine présente un certain risque d’élévation des enzymes hépatiques. La monographie de produit de l’olanzapine indique que, dans des essais cliniques, le traitement par l’olanzapine « a été associé à une hausse des transaminases hépatiques, principalement de l’ALT ». Toutefois, aucun des cas « n’a manifesté de symptômes cliniques relevant d’une insuffisance hépatique ». Autrement dit, les élévations des enzymes hépatiques n’étaient pas cliniquement préoccupantes.

 

(ii)    L’olanzapine par rapport à la flumézapine – CPK

[64]           Nous savons que les craintes concernant le risque d’élévation de la CPK associé à la flumézapine ont motivé l’arrêt de son essai clinique et incité Lilly à se tourner vers l’olanzapine. Il est clair que le risque d’augmentation de la CPK associé à la flumézapine préoccupait grandement Lilly et la FDA. Des élévations de cette enzyme musculaire peuvent en effet indiquer la présence d’affections graves comme le syndrome malin des neuroleptiques (SMN) ou une rhabdomyolyse.

 

[65]           Les données ne montrent pas clairement que la flumézapine était de fait responsable des élévations de la CPK observées durant l’essai clinique de ce médicament. Dans son témoignage, le Dr Diamond a démontré de façon convaincante que les résultats relatifs à la CPK étaient davantage imputables au centre où les élévations ont été observées qu’à l’administration de la flumézapine. Il a trouvé surprenant que toutes les élévations de la CPK se soient produites dans un seul centre, et non pas dans les divers endroits où ont été effectués les essais cliniques. Il a également cité certaines particularités de ce centre :

 

•           Un patient présentait des taux élevés de CPK même avant de recevoir de la flumézapine, et ses taux n’ont été vérifiés qu’au dix‑neuvième jour de traitement, lorsqu’ils avaient culminé à 5 500. Ils sont ensuite tombés à moins de 1 000 quelques jours plus tard, moment où le traitement a été interrompu.

 

•           Un patient a reçu une forte dose de flumézapine pendant 20 jours avant que son taux de CPK ne grimpe à 5 000. Ce taux a diminué quelques jours plus tard, après qu’on eut réduit la dose de 35 mg/jour à 20 mg/jour. Le traitement par la flumézapine a duré en tout 57 jours.

 

•           Un patient qui a reçu une dose de 20 mg de flumézapine présentait un taux de CPK de 6 300 le 22jour de l’étude. Il a été exclu de l’étude dix jours plus tard.

 

•           Un patient qui recevait une dose de 10 mg a affiché un taux élevé de CPK le 10e jour de l’étude. Le traitement par la flumézapine s’est poursuivi et le taux de CPK est revenu à la normale en l’espace d’une semaine (ce patient a été exclu de l’étude après qu’une hépatite C eut été diagnostiquée).

 

[66]           Le médecin responsable du centre où ces résultats ont été obtenus a constaté que d’autres patients, qui n’étaient pas traités par la flumézapine, présentaient également des pics de concentration de CPK. En outre, un des patients de ce centre avait fait des exercices vigoureux, ce qui peut élever le taux de CPK. Le patient atteint d’hépatite partageait des drogues injectables et des aiguilles souillées avec d’autres patients, dont certains ont développé également une hépatite. Le Dr Diamond a souligné que les concentrations élevées de CPK pouvaient être attribuables aux drogues injectables, aux injections elles‑mêmes ou aux abcès associés à l’hépatite.

 

[67]           À la demande de Lilly, un médecin de l’extérieur a passé en revue les données sur la flumézapine. Il a conclu que les résultats relatifs à la CPK n’étaient [traduction] « pas bien expliqués ». En d’autres termes, il n’y avait pas de lien clair avec la flumézapine. Aucune donnée sur la CPK n’a été recueillie dans le centre où quatre patients ont reçu la plus forte dose de flumézapine. Par ailleurs, rien n’indiquait non plus que ces patients ont éprouvé des effets secondaires d’intérêt clinique. En effet, aucune observation clinique n’a été consignée dans le cas des patients dont les taux de CPK étaient élevés, ce qui peut indiquer que les pics de concentration étaient des anomalies biologiques isolées, qui n’avaient aucune incidence sur la santé. Parallèlement aux élévations de la CPK, on détecterait normalement une fièvre ou des douleurs musculaires chez les personnes souffrant d’un SMN ou d’une rhabdomyolyse. Les patients traités par la flumézapine n’ont pas manifesté apparemment de symptômes indésirables.

 

[68]           Contrairement au Dr Diamond, M. John Lehmann a conclu que les données sur la CPK se rapportant à la flumézapine révélaient un profil d’innocuité inacceptable; l’olanzapine, par contre, n’entraînait pas une hausse de la CPK supérieure à ce qu’on pourrait normalement observer chez des personnes atteintes de schizophrénie. Selon M. Lehmann, les données sur la CPK mettent en évidence une relation dose‑effet statistiquement significative dans le cas de la flumézapine, et non pas un effet lié à un centre. Il a réparti les patients prenant de la flumézapine en deux groupes, faible dose et dose élevée (moins et plus de 20 mg/jour, respectivement) et constaté que les valeurs relatives à la CPK étaient associées à la dose élevée, ce qui donne à penser que la flumézapine était à l’origine des élévations de la CPK. Par conséquent, selon lui, l’olanzapine possédait à cet égard un avantage important par rapport à la flumézapine.

 

[69]           M. Lehmann était toutefois d’accord avec le Dr Diamond pour dire que l’augmentation des taux de CPK pourrait être due à l’utilisation de drogues injectables, aux injections ou à des abcès. Il a également reconnu qu’entre 10  et 20 p. 100 des patients atteints de schizophrénie présentent des élévations transitoires de la CPK qui dépassent jusqu’à dix fois ou plus les valeurs normales, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec leur médication. Il souscrivait à l’avis du Dr Diamond qu’il y avait des problèmes dans le centre où les valeurs élevées de la CPK ont été enregistrées et a reconnu que l’hypothèse du Dr Diamond était une explication possible. Tout comme le Dr Diamond, il croyait que le patient dont le taux de CPK était élevé avant le début de l’étude n’aurait pas dû être inclus. Dans l’ensemble, rien ne lui permettait de croire que les taux élevés de CPK indiquaient l’apparition d’un SMN ou d’une rhabdomyolyse, même si la flumézapine en était la cause. D’après lui, [traduction] « l’hypothèse selon laquelle la flumézapine a causé les élévations de la CPK n’est pas probante tant que celles‑ci ne sont pas enregistrées chez un plus grand nombre de patients et qu’il est démontré que lorsqu’on répète l’épreuve, on obtient les mêmes augmentations ».

 

[70]           Dans sa réponse, le Dr Diamond a signalé que la propre conclusion de Lilly concernant la CPK était que [traduction] « les élévations de la CPK [chez les patients traités par la flumézapine] ne sont pas bien expliquées […]. Des résultats préliminaires ont indiqué que le médicament était efficace, mais la flumézapine n’a pas été jugée suffisamment sûre pour qu’on l’étudie de façon plus approfondie ». En outre, mis à part les résultats inquiétants de la chimie sanguine, les investigateurs étaient impressionnés par l’efficacité de la flumézapine et l’absence de SEP. Rien n’indiquait que les concentrations de CPK étaient accompagnées de signes cliniques de problèmes de santé.

 

[71]           En 1991, les résultats du premier essai clinique de l’olanzapine révélaient que ce médicament comportait également un risque d’élévation de la CPK. Les taux n’augmentaient pas autant qu’avec la flumézapine. Les scientifiques de Lilly ont supposé cependant que si la dose d’olanzapine avait été aussi élevée que celle utilisée dans l’essai clinique de la flumézapine, on aurait obtenu les mêmes types de résultats pour l’olanzapine que pour la flumézapine en ce qui concerne le risque d’élévation de la CPK. Mais comme l’a signalé le Dr Diamond, l’essai clinique E001 chez les patients atteints de schizophrénie était une étude plus perfectionnée que l’essai de la flumézapine. Les investigateurs ont relevé des signes d’efficacité de l’olanzapine à de faibles doses (10 mg). Ils ont donc réduit les doses qu’ils avaient prévu administrer. À l’origine, ils comptaient donner des doses de 10 mg à 120 mg. Après deux modifications du protocole d’étude, les doses ont varié entre 5 mg et 17,5 mg. Selon le Dr Diamond, une attention analogue à la dose aurait pu prévenir les problèmes survenus dans l’essai de la flumézapine.

 

[72]           Compte tenu des facteurs décrits ci‑dessus et de la difficulté à comparer les résultats d’essais distincts de différents médicaments administrés à des doses variées dans des populations hétérogènes de patients, les données, à mon avis, ne corroborent pas la supériorité de l’olanzapine sur la flumézapine en ce qui concerne la CPK. Comme l’a déclaré le Dr Diamond :

 

[traduction] Une bonne part des données sur la flumézapine ont été recueillies pour des doses beaucoup plus élevées. Certains sujets ont été traités pendant des périodes beaucoup plus longues. On compare donc différents types de patients souffrant de problèmes de santé concomitants différents qui ont reçu des composés différents, à des doses différentes, pendant des périodes différentes. Toute comparaison rigoureuse est impossible. Le mieux qu’on puisse faire est de rechercher des tendances et de voir si elles semblent similaires ou différentes.

 

[73]           En somme, les données sur la flumézapine se rapportant à la CPK étaient de piètre qualité. Le nombre de patients était très faible. De toute évidence, il y avait des facteurs de confusion au centre où l’on a enregistré des élévations importantes de la CPK. Il fallait certainement effectuer plus de tests pour déterminer si la flumézapine exerçait réellement un effet sur la CPK et, le cas échéant, si cet effet était observable à des doses thérapeutiques et présentait une importance clinique. Le Dr Diamond est le témoin qui a effectué l’analyse de données la plus fouillée et je conviens avec lui qu’on ne peut tirer grand‑chose des données sur la flumézapine. Comme il l’a déclaré, [traduction] « lorsque les échantillons sont très petits, il n’existe pas de bonne façon d’interpréter les données; il y a simplement des façons différentes de les biaiser ».

 

[74]           À la rigueur, on disposait de certaines données en 1991 indiquant que l’olanzapine comportait un risque d’élévation de la CPK plus faible que la flumézapine. Mais rien n’indique l’existence d’un raisonnement autorisant à penser qu’une telle prédiction se réaliserait. Certaines personnes au sein de l’entreprise pensaient que les problèmes cliniques de la flumézapine et de l’éthylflumézapine étaient causés par les éléments fluorés de ces médicaments. D’autres scientifiques croyaient cependant que le fluor était l’élément responsable de l’efficacité et que sans cet élément, l’olanzapine n’aurait pas été un antipsychotique efficace. Quoi qu’il en soit, le brevet 113 n’établit pas de fondement factuel ni ne présente un raisonnement à l’appui de la prédiction selon laquelle l’olanzapine comporterait un moins grand risque d’élévation de la CPK que la flumézapine. Dans la monographie de produit, il est dit que l’olanzapine peut faire augmenter les taux de CPK et, très rarement, peut causer un SMN.

 

(iii)    L’olanzapine par rapport à la flumézapine – SEP

 

[75]           Deux patients auraient supposément manifesté des SEP après avoir reçu de la flumézapine. Le Dr Diamond a indiqué qu’un d’entre eux avait pris précédemment de l’halopéridol et du phénobarbitol, qui peuvent causer certains problèmes de coordination musculaire. L’autre patient aurait simplement souffert du syndrome des jambes sans repos. Rien n’indiquait clairement qu’il s’agissait de symptômes extrapyramidaux et il n’existait pas de lien manifeste entre les symptômes et la flumézapine.

 

[76]           Dans la seule étude sur des patients schizophréniques à avoir été effectuée avant le dépôt du brevet 113, les symptômes extrapyramidaux de huit des dix patients prenant de l’olanzapine se sont atténués ou sont demeurés inchangés. L’état de deux des dix patients s’est détérioré. Les investigateurs ont conclu de ces résultats que l’olanzapine cause peut-être moins souvent des SEP que le traitement antipsychotique classique. Nous n’avons aucune idée des résultats préliminaires pour ce qui est des SEP, si tant qu’il y en ait, des essais cliniques en cours de l’olanzapine dont disposait Lilly au moment du dépôt du brevet 113 (avril 1991).

 

[77]           À mon avis, les données ne confirment pas la supériorité de l’olanzapine et ne fournissent pas de fondement factuel permettant de faire une prédiction valable concernant l’avantage du médicament par rapport à la flumézapine, pour ce qui est des SEP. Lilly n’a pas présenté de raisonnement qui pourrait appuyer une telle prédiction, hormis les données sur la CAR‑CAT tirées des tests sur des animaux et des essais de liaison in vitro. Tous les témoins ont reconnu que l’effet chez les humains ne pouvait être prédit qu’après la réalisation d’essais cliniques suffisants. De plus, comme l’a signalé le Dr Healy, les tests sur les animaux sont utiles pour le dépistage de certaines formes de SEP (p. ex. parkinsonisme) mais pas pour d’autres (p. ex. acathisie).

 

[78]           On ne retrouve certainement pas dans le brevet 113 une divulgation du fondement factuel ou du raisonnement indiquant que l’olanzapine risque moins que la flumézapine de causer des SEP chez les patients, comme on l’affirme dans le brevet. Il semble finalement que l’olanzapine comporte un certain risque de SEP qui est fonction de la dose.

 

(iv)             L’olanzapine par rapport à l’éthylolanzapine – cholestérol

[79]           Il est dit dans le brevet 113 que [traduction] « dans les études toxicologiques chez le chien où un composé étroitement apparenté [l’éthylolanzapine] a été utilisé, à une dose 8 mg/kg, on a observé que quatre des huit chiens présentaient une élévation importante des taux de cholestérol, alors que le composé de l’invention n’était associé à aucune augmentation des taux de cholestérol ». De nombreux témoins experts ont traité de l’interprétation à donner à cette phrase.

[80]           Novopharm a contesté pour plusieurs motifs l’affirmation contenue dans le brevet 113 selon laquelle l’olanzapine procurerait un avantage du point de vue du cholestérol. Elle a remis en question le bien‑fondé de l’étude chez le chien, soutenant que la comparaison avec l’éthylolanzapine était artificielle et qu’on n’avait pas vraiment essayé de comparer l’olanzapine avec un composé représentatif du brevet 687. En outre, Novopharm a contesté la méthodologie et les résultats de l’étude.

[81]           Selon moi, la comparaison de l’olanzapine avec l’éthylolanzapine a été effectuée de bonne foi par Lilly pour montrer la différence entre l’olanzapine et le produit le plus étroitement apparenté dans la famille de composés visée par le brevet 687. Le Dr Tupper a reconnu que l’antériorité la plus rapprochée dans le cas de l’olanzapine était l’éthylolanzapine et que Lilly devait se baser sur quelque chose pour démontrer la supériorité de l’olanzapine par rapport à cette dernière. J’estime également que la méthodologie utilisée dans l’étude était rigoureuse et que les résultats étaient fiables.

[82]           À mon avis, cependant, la comparaison, même si elle est valide, ne présente aucun intérêt. Elle ne démontre pas la supériorité de l’olanzapine.

[83]           L’étude chez le chien a été menée à la demande de la division des brevets de Lilly afin de comparer les effets de l’olanzapine et de l’éthylolanzapine et pour détecter les différences entre ces deux médicaments. Il semble qu’il s’agissait de la première fois qu’une étude toxicologique ait été demandée par la division des brevets. Comme l’a souligné le Dr Paul Pentel, le moment où cette étude a été effectuée était bizarre vu que l’olanzapine faisait déjà l’objet d’essais cliniques. C’était un curieux moment pour tester le médicament sur des chiens et pour le comparer à un composé qui avait été recalé. Tous ces efforts visaient en fait à étayer une demande de brevet. Lilly s’attendait à ce que l’éthylolanzapine cause une agranulocytose chez le chien, tout comme l’éthylflumézapine, et elle prévoyait que l’olanzapine présenterait un net avantage en n’entraînant pas de problèmes hématologiques graves.

 

[84]           Dans l’ensemble, l’étude a montré que les deux composés exerçaient des effets toxiques similaires chez le chien. La seule différence semblait tenir au cholestérol et, même là, uniquement chez les femelles recevant la plus forte dose d’éthylolanzapine. Les auteurs de l’étude ont été étonnés par les effets sur le cholestérol, mais estimaient que ceux-ci représentaient, à eux seuls, un avantage inattendu et important qui pourrait justifier la demande d’un nouveau brevet pour l’olanzapine. Ils ont conclu que ce résultat [traduction] « était susceptible d’avoir la plus grande importance sur le plan biologique à cause de son apparition précoce, de sa persistance et de son ampleur ».

 

[85]           Le Dr Pullar a reconnu que les résultats des tests comparatifs portant sur l’éthylflumézapine et la flumézapine indiquaient que la présence du groupe éthyle était probablement responsable de la neutropénie et de la thrombocytopénie détectées dans les études de l’éthylflumézapine chez le chien. On s’attendait donc à ce que l’éthylolanzapine exerce le même effet, ce qui a été le cas. Mais le plus étonnant était que la performance de l’olanzapine n’ait pas été bien meilleure, voire meilleure du tout.

[86]           Le Dr Pentel a qualifié de déficiente l’étude chez le chien effectuée par Lilly parce qu’on n’a pas tenté sérieusement de déterminer si l’éthylolanzapine et l’olanzapine avaient une activité égale. On ne peut, selon lui, comparer utilement les résultats des deux composés. Le fait que l’éthylolanzapine ait causé une élévation du cholestérol chez les chiennes à la plus forte dose, contrairement à l’olanzapine, peut simplement signifier que l’éthylolanzapine ait été le plus actif composé des deux. Elle peut donc avoir exercé un effet qui aurait été également observé avec l’olanzapine à une dose plus forte. Aucune élévation du cholestérol n’a été observée chez les chiens qui ont reçu 4 mg/kg d’éthylolanzapine. Il se peut qu’une dose de 8 mg/kg ait dépassé la dose maximale tolérée pour ce composé. Le Dr Pentel a indiqué que le même défaut de conception a été reproduit dans les études subséquentes comparant l’olanzapine avec l’éthylolanzapine, qui ont détecté le même effet sur le taux de cholestérol. Il signale aussi que certaines données montraient que l’éthylolanzapine était plus active que l’olanzapine.

 

[87]           Dans des études sur la flumézapine, Lilly a découvert que les chiens ne toléraient pas des doses supérieures à 4 mg/kg/jour, alors qu’une dose de 1 mg/kg/jour était considérée comme « raisonnablement inoffensive ». On aurait peut‑être pu dire la même chose de l’éthylolanzapine.

[88]           Au dire de nombreux témoins experts, le chien n’est pas un bon modèle pour prédire l’effet sur le cholestérol chez l’humain. La Dre Deborah Greco a soutenu qu’il est difficile d’extrapoler les résultats relatifs au cholestérol chez les chiens aux humains à moins qu’on ne connaisse le mécanisme d’action particulier du médicament en question. Par exemple, les statines, qui abaissent le cholestérol, ont été testées avec succès chez les chiens parce qu’on sait que les chiens et les humains possèdent la même enzyme qui synthétise le cholestérol dans le foie. Dans le cas de l’éthylolanzapine, cependant, on ignore le mécanisme qui cause l’élévation du cholestérol chez le chien et on ne peut tirer de conclusions concernant son effet possible chez l’humain. La Dre Greco était l’un des témoins qui a contesté la méthodologie de l’étude. M. Ronald Thisted estimait cependant que les résultats n’auraient pas été différents si l’étude avait été menée conformément à la méthodologie préconisée par la Dre Greco. En outre, les résultats de l’étude chez le chien ont été confirmés dans deux études subséquentes (étude de MPI et étude de Calvert).

 

[89]           Le seul témoin qui jugeait que le chien offrait un bon modèle pour prédire les effets sur le cholestérol chez les humains était le Dr John Bauer. À son avis, bien que les humains répartissent différemment le cholestérol que ne le font les chiens (entre les lipoprotéines de haute densité et de faible densité), cette différence ne signifie pas que leur métabolisme général du cholestérol diffère ni que les effets du cholestérol chez le chien ne seront pas les mêmes chez l’humain. Il croit par conséquent que l’élévation du cholestérol chez les chiens traités par l’éthylolanzapine prédirait un effet similaire chez les humains. L’absence d’effet sur le cholestérol chez les chiens traités par l’olanzapine confère un avantage à cette dernière par rapport à l’éthylolanzapine.

 

[90]           La théorie du Dr Bauer a été élaborée du début jusqu’au milieu des années 90, après le dépôt du brevet 113. Il a reconnu qu’en 1991, une majorité de scientifiques croyaient que le chien n’était pas un bon modèle pour les études sur le cholestérol. Dans ces conditions, un lecteur versé dans l’art s’attendrait à voir dans le brevet des éléments l’incitant à croire que les résultats des études chez le chien démontraient la supériorité de l’olanzapine chez l’humain. Appelée à se prononcer sur un cas semblable, la Cour d’appel fédérale a statué que la divulgation du brevet était insuffisante vu qu’elle faisait uniquement référence à une étude sur le rat et n’a pas mentionné une étude révélant un effet similaire chez l’humain (Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2009 CAF 97, par. 15).

[91]           De toute façon, même si l’on acceptait sans contester cette étude sur le chien, que peut‑on en déduire en ce qui concerne l’avantage de l’olanzapine par rapport à la classe de composés du brevet 687?

 

[92]           Si l’éthyl olanzapine avait été considérée comme un candidat pour le développement d’un médicament, l’étude chez le chien aurait soulevé des préoccupations justifiées quant à la conduite d’essais chez les humains. On aurait pu néanmoins aller de l’avant avec l’éthylolanzapine, compte tenu de son activité et de la forte dose à laquelle elle avait exercé des effets sur le cholestérol, toutes choses étant égales par ailleurs, mais son impact sur le cholestérol chez les humains aurait sûrement été étroitement surveillé. Lilly elle‑même jugeait que la toxicité de l’olanzapine chez le chien n’était pas très préoccupante parce que les chiens avaient reçu des doses nettement supérieures à la dose thérapeutique qui serait utilisée chez les humains. En réponse à des demandes de renseignements de la Commission de la santé de la Suède concernant les effets de l’olanzapine sur les globules et la moelle osseuse, Lilly a déclaré ce qui suit :

 

[traduction] [N]ous croyons que ces résultats n’ont pas d’importance clinique pour les humains vu que les effets sont survenus à des doses qui dépassaient de plusieurs fois la dose clinique, étaient qualitativement et quantitativement différents chez ces espèces et ne résultaient pas, en conséquence, d’un mécanisme commun. (D‑247, p. 3.)

 

[93]           Or, la référence à l’étude chez le chien et les résultats relatifs au cholestérol dans le brevet 113 impliquent qu’on s’inquiétait de l’effet potentiel chez l’humain. Comme les élévations du taux de cholestérol ont uniquement été observées aux doses les plus fortes d’éthylolanzapine, on peut présumer qu’on n’aurait pas dû s’inquiéter de l’effet potentiel chez les patients prenant des doses thérapeutiques.

 

[94]           De plus, l’étude chez le chien n’aurait pas fourni de fondement permettant de croire que l’olanzapine n’exercerait pas d’effet sur le cholestérol chez les humains. Rien ne portait à penser qu’un effet sur le cholestérol chez les chiennes pourrait indiquer ce qui se passerait chez les hommes et les femmes. Il est clair maintenant que le modèle canin ne fonctionne pas –  l’olanzapine exerce effectivement un effet sur le cholestérol chez les humains. Si le chien avait réellement été un bon modèle pour l’étude des effets sur le cholestérol chez les humains, on aurait observé que l’olanzapine exerçait le même effet chez les chiens.

[95]           En résumé, l’étude chez le chien a montré que l’olanzapine était tout aussi toxique que l’éthylolanzapine, sauf en ce qui concerne le cholestérol. Elle comporterait l’avantage de ne pas entraîner d’augmentation du taux de cholestérol chez les chiennes à la plus forte dose, soit une dose qui dépasse l’intervalle thérapeutique. Je ne peux considérer cette caractéristique comme un avantage par rapport à la classe de composés du brevet 687 – ce n’est même pas un net avantage par rapport à l’éthylolanzapine dans le contexte de son usage potentiel pour le traitement de maladies humaines.

 

(v)    L’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques – efficacité élevée à de faibles doses

 

[96]           La plupart des experts ont reconnu que l’administration d’une dose de 5 mg ou de 500 mg n’a pas beaucoup d’importance tant et aussi longtemps que le médicament est efficace et qu’à cette dose particulière, il y a une absence relative d’effets secondaires graves. Si la dose efficace est trop forte (p. ex. 1 000 mg), des problèmes peuvent apparaître au niveau de l’observance thérapeutique – la pilule sera trop difficile à avaler ou doit être administrée deux fois par jour ou plus. Il peut donc être légèrement plus avantageux qu’un médicament soit très efficace à une faible dose. L’autre avantage potentiel d’un médicament très efficace à faible dose est qu’il peut être plus facilement administré par injection.

 

[97]           Le seul essai clinique de l’olanzapine chez les patients atteints de schizophrénie à avoir été mené à terme en 1991 était l’étude E001 portant sur dix patients admis au St. Mary’s Hospital à Londres, Angleterre. Il s’agissait d’une étude ouverte et, comme l’ont souligné de nombreux témoins, ce type d’étude est susceptible d’être biaisé – les médecins et les patients exagèrent souvent les effets bénéfiques du médicament à l’étude, et l’état des patients s’améliore souvent simplement parce que ceux‑ci reçoivent une plus grande attention médicale et de meilleurs soins généraux que d’habitude. Comme l’a décrit le Dr Goodwin, l’essai E001 était une étude pilote, [traduction] « une étude où l’on se forme des impressions cliniques sans tenter d’obtenir des preuves statistiques ». C’était une étude exploratoire qui a fourni à Lilly certains renseignements préliminaires sur l’olanzapine. Même les auteurs de l’étude ont déclaré qu’il serait [traduction] « difficile de tirer des conclusions sur l’efficacité de l’olanzapine à partir d’une étude ouverte portant sur un petit échantillon de patients ».

 

[98]           Comme nous l’avons mentionné, on ne savait pas en avril 1991 quels étaient exactement les résultats des essais cliniques en cours menés par Lilly. Toutefois, une note de service datée du 2 mai 1991 (D‑346) résume certains des résultats préliminaires. Une étude ouverte menée en Finlande (E004) a détecté une amélioration chez quatre des cinq patients. Une étude ouverte réalisée au Danemark (E005) a également constaté une amélioration de l’état des trois premiers patients. Une étude ouverte en Afrique du Sud (E006) a fait ressortir une amélioration de l’état de deux des quatre patients traités par l’olanzapine et deux des quatre patients recevant de l’halopéridol. Une vaste étude portant sur 450 patients devait commencer en septembre 1991.

 

[99]           Après examen de la preuve, il semble y avoir très peu de fondement factuel pour appuyer les affirmations contenues dans le brevet 113 concernant la grande efficacité à de faibles doses. Lilly a certainement obtenu certains résultats préliminaires positifs, mais les données sur l’efficacité étaient assez minces. Pour ce qui est des doses relativement faibles, Lilly a sûrement constaté que les doses efficaces étaient inférieures à celles prévues d’après les tests sur les animaux. Les investigateurs ont modifié en conséquence le protocole de l’étude E001. Ces premières indications ont fait ressortir un avantage potentiel, mais seulement si les données sur l’efficacité étaient fiables et pouvaient se vérifier à plus long terme. Une première indication d’efficacité à faible dose dans un essai ouvert ne pourrait pas étayer une prédiction relative à l’efficacité de l’olanzapine à cette dose chez un éventail varié de patients sur une plus longue période.

 

[100]       Je ne suis pas convaincu que la preuve était suffisante pour dire que l’olanzapine était efficace à faibles doses. Je ne pense pas non plus que le fondement factuel était suffisant pour que la prédiction soit valable. En outre, il n’y a pas de divulgation des faits sous‑jacents ni de raisonnement qui permettrait à un lecteur versé dans l’art de juger de la prétendue supériorité de l’olanzapine.

 

(vi)   L’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques – élévation plus faible de la prolactine

 

[101]       Le Dr Goodwin a expliqué que l’élévation de la prolactine était un résultat inévitable du blocage de la dopamine dans la voie menant à l’hypophyse. Ainsi, les médicaments qui bloquent cette voie, par exemple la plupart des antipsychotiques, auront pour effet d’élever la prolactine. Cette augmentation de la prolactine est prévisible chez les patients qui prennent des antipsychotiques.

 

[102]       Le Dr Healy l’a reconnu, soulignant que la prolactine est rarement un sujet de préoccupation clinique :

 

[traduction] En pratique clinique, très peu de cliniciens observent chez les patients des taux indésirables de prolactine causés par ces médicaments et entraînant des problèmes qui m’inciteraient à demander, par exemple, l’arrêt de la médication. Je ne me souviens que d’un ou deux cas dans ma carrière de clinicien. Pour cette raison, il n’est pas nécessaire, par exemple, en pratique clinique courante, de mesurer les taux de prolactine. C’est une chose qui ne se fait tout simplement pas. (D‑104, par. 60, 299)

 

 

[103]       Les données préliminaires concernant l’olanzapine ont montré que les taux de prolactine augmentaient légèrement, ne dépassant pas le double de la plage normale. Ces données sont relativement favorables vu qu’avec des médicaments plus anciens, les concentrations de prolactine pouvaient jusqu’à tripler par rapport à la normale. Mais les premiers tests de l’olanzapine ont été de très courte durée. On disposait de trop peu de données pour déterminer quel effet aurait l’olanzapine à plus long terme ou même pour appuyer une prédiction valable d’élévations plus faibles que celles associées à d’autres antipsychotiques. Le brevet n’établit pas le fondement de l’allégation relative à la supériorité de cette mesure ni un raisonnement qui permettrait au lecteur de comprendre l’allégation de supériorité formulée par les inventeurs. La monographie de produit de l’olanzapine confirme que cette dernière cause en général des hausses légères de la prolactine.

 

(vii)           L’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques – risque plus faible de SEP

[104]       En 1991, les psychiatres commençaient à comprendre que les antipsychotiques de la première génération, tels que l’halopéridol, étaient administrés en doses trop élevées. C’est en partie la raison pour laquelle ces médicaments étaient associés à un risque si inquiétant de SEP. Il ne fait cependant aucun doute que les scientifiques recherchaient des composés qui risquaient moins d’induire des SEP. Il est sûr qu’un lecteur versé dans l’art aurait déduit que l’affirmation du brevet 113 concernant la [traduction] « nette supériorité » et le [traduction] « meilleur profil d’effets secondaires » s’entendait d’un faible taux de SEP.

[105]       Selon l’interprétation donnée par le Dr Goodwin, les inventeurs affirment dans le brevet 113 que [traduction] « c’est ce que nous espérons obtenir et découvrirons avec le temps ». En effet, les inventeurs avaient peu de chose sur quoi se baser à la date de dépôt pour affirmer ou prédire le risque de SEP associé à l’olanzapine. Comme nous l’avons mentionné précédemment, les données disponibles à l’époque ne confirmaient pas que l’olanzapine comportait un avantage ni n’offraient de base factuelle pour la prédiction valable d’un avantage. Il n’y a pas non plus dans le brevet de divulgation d’un fondement factuel ou d’un raisonnement indiquant que l’olanzapine risquait moins que d’autres antipsychotiques de causer des SEP chez les patients. Et nous savons maintenant que l’olanzapine comporte un certain risque de SEP qui est fonction de la dose.

 

(viii)          L’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques – aucun changement dans le nombre de globules blancs

[106]       Le brevet 113 contient un énoncé de fait, à savoir qu’[traduction] « aucun changement dans le nombre de globules blancs n’a été observé dans les études cliniques ». Cet énoncé sert manifestement d’argument pour comparer l’olanzapine à la clozapine, laquelle comporte un important risque lié à sa tendance à causer, dans de rares cas, une agranulocytose.

 

[107]       En 1991, Lilly disposait de très maigres données sur l’olanzapine. Les inventeurs n’auraient pas été en mesure de savoir quels seraient ses effets sur les globules blancs des patients. Le fait qu’ils n’aient pas détecté de changement dans le nombre de globules blancs durant les brèves études effectuées sur des volontaires en santé et quelques patients ne leur aurait pas permis de prédire que l’olanzapine était supérieure à la clozapine. L’olanzapine aurait pu en fait être plus nocive. Encore une fois, l’affirmation ne s’appuie sur aucun fondement, et aucun raisonnement n’est fourni dans le brevet. La monographie de produit confirme que l’olanzapine n’est pas associée à des changements dans le nombre de globules blancs. Aucun cas d’agranulocytose n’a été signalé chez les patients traités par l’olanzapine.

 

(d)               Conclusion

[108]       Les données ne font ressortir aucune supériorité de l’olanzapine sur la flumézapine ou l’éthylolanzapine. Elles ne fournissent pas non plus de fondement factuel pour prédire que l’olanzapine comporterait les avantages allégués par rapport à ces composés, ni de raisonnement à l’appui d’une prédiction valable. Enfin, le brevet ne divulgue pas de fondement factuel ni de raisonnement qui permettraient à une personne versée dans l’art de déterminer quelle serait réellement l’invention alléguée dans le brevet 113 – un composé supérieur aux membres de la classe de composés visée par le brevet 687.

 

[109]       De plus, les données ne mettent en évidence aucun avantage, ni fondement factuel pour une prédiction valable de l’avantage de l’olanzapine comparativement à d’autres agents antipsychotiques. Il n’y a pas de raisonnement rigoureux menant à la conclusion que l’olanzapine serait supérieure à d’autres médicaments. Il n’y a pas non plus de divulgation dans le brevet des faits ou du raisonnement à l’appui de la supériorité de l’olanzapine.

 

[110]       Les témoins ont reconnu que Lilly avait obtenu des indications préliminaires positives concernant l’efficacité et l’innocuité de l’olanzapine, mais ils n’avaient aucune preuve en main. Comme l’a souligné le Dr Goodwin : [traduction] « On ne peut rien conclure d’une étude préliminaire […] Pour démontrer ce que promet le brevet, il faudrait sûrement effectuer des essais cliniques contrôlés par placebo dans des groupes suffisamment importants de patients. » Il a interprété les affirmations contenues dans le brevet 113 comme étant « un type d’hypothèse selon laquelle l’olanzapine présenterait ces avantages ».

 

[111]       Je suis d’accord avec la façon dont le Dr Healy résume les données obtenues par Lilly dans ses essais de l’olanzapine en 1991 :

 

[traduction] Sur ces cinq études, […] quatre ont porté sur des volontaires en santé et deux étaient contrôlées par placebo. Les études sur des volontaires en santé étaient de très courte durée. Il semble qu’en tout, 31 personnes aient été exposées à l’olanzapine pendant au plus une année‑patient. Toutes les allégations de Lilly concernant l’olanzapine dans le brevet 113 reposaient sur cette expérience très limitée. À mon avis, le plan de ces études (principalement des études sur des volontaires en santé, des études pharmacologiques et de détermination de la dose non contrôlée par placebo dans de petites populations pendant de courtes périodes) n’avait pas de puissance et ne pouvait pas démontrer ce que Lilly revendiquait sur le plan de l’efficacité supérieure ou du moins grand nombre d’effets secondaires. À mon avis, la valeur prédictive de ces études était nulle. (D‑104, par. 51)

 

 

[112]       Dans l’ensemble, le fondement à l’appui de l’affirmation d’une supériorité de l’olanzapine sur les composés du brevet 687 et d’autres agents psychotiques était insuffisant dans le brevet 113.

 

[113]       Pour appuyer la validité du brevet, Lilly soutient que la Cour suprême du Canada a confirmé la validité d’un brevet basé sur une prédiction valable qui reposait uniquement sur un test in vitro, sans que des tests ne soient effectués chez les humains (Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., précité). Selon Lilly, les arguments en faveur de la validité du brevet 113 sont plus solides parce qu’au moins certains tests ont été effectués chez les humains.

 

[114]       Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. concernait un brevet protégeant un médicament appelé AZT utilisé dans le traitement de l’infection à VIH/sida. La Cour suprême du Canada a confirmé la validité du brevet suivant la doctrine de la prédiction valable. Le juge de première instance avait conclu que les inventeurs avaient présenté à la fois des données factuelles appuyant la prédiction que l’AZT fonctionnerait chez les humains ainsi qu’un raisonnement établissant un lien entre ces faits et le résultat souhaité. Plus particulièrement, ayant déjà obtenu des résultats positifs de tests in vitro sur des cellules de souris, les inventeurs ont effectué des tests in vitro sur une lignée cellulaire humaine. Les résultats positifs de ces derniers tests sont venus corroborer leur théorie (appelée l’« effet bloquant sur l’élongation de la chaîne ») selon laquelle l’AZT serait utile tant dans le traitement que dans la prophylaxie de l’infection à VIH/sida. La Cour suprême, sous la plume du juge Binnie, a souligné que le juge de première instance avait décidé « que les inventeurs possédaient et divulguaient dans le brevet les données factuelles sur lesquelles pouvait reposer une prédiction et le raisonnement (l’effet bloquant sur l’élongation de la chaîne) leur permettant de faire une prédiction valable au moment où ils ont déposé leur demande de brevet » (par. 75). Il ne s’agit pas de la même situation dans la présente instance. Le brevet 113 fournit peu de renseignements sur les tests subis par l’olanzapine. Il n’établit pas de raisonnement à l’appui de la supériorité alléguée de ce médicament. Et peu d’éléments de preuve m’ont été fournis à l’égard de l’une ou l’autre de ces exigences légales.

 

[115]       Pour ce qui est de l’affirmation implicite mentionnée ci‑dessus – à savoir que les inventeurs avaient des données de base suffisantes pour affirmer que l’olanzapine possédait un profil d’effets secondaires favorable – il est clair que cette affirmation reposait sur peu de choses. Novopharm a présenté une importante quantité de données sur la tendance de l’olanzapine à causer divers effets métaboliques : prise de poids, hyperlipidémie, hypercholestérolémie, diabète et hyperglycémie. Le témoignage du Dr Newcomer est notamment très détaillé à cet égard. Je suis d’accord avec l’évaluation faite par le Dr Goodwin du témoignage du Dr Newcomer :

 

[traduction] J’estime que le Dr Newcomer a présenté un exposé très savant à la Cour, qui nous aide grandement à comprendre l’état des connaissances actuelles en ce qui concerne les risques de gain de poids dans la population en général et chez les patients psychiatriques en particulier.

 

C’est un problème de plus en plus préoccupant, le poids augmentant en général dans l’ensemble de la population; cela met en lumière ce qu’on doit faire maintenant lorsqu’on prescrit des antipsychotiques à des patients, parce que dans un certain sens, on se préoccupe moins des effets secondaires extrapyramidaux, on pense que c’est quelque chose dont on n’a plus à s’inquiéter, l’accent étant mis sur le prochain défi à relever, soit éviter d’empirer l’état métabolique de nos patients, et le Dr Newcomer insiste à bon droit sur le fait qu’il s’agit d’un défi de taille pour 2009.

 

 

[116]       Je ne trouve pas nécessaire ni pertinent d’examiner cette preuve plus en détail. Comme je l’ai mentionné précédemment, je considère que le brevet 113 affirme les avantages particuliers de l’olanzapine par rapport aux composés du brevet 687 et d’autres antipsychotiques pour ce qui est des effets secondaires mentionnés dans le brevet, dont l’importance clinique était connue à l’époque. Toutefois, le brevet implique qu’on connaissait également le profil d’effets secondaires de l’olanzapine. Les données sur les effets métaboliques de l’olanzapine font ressortir que Lilly avait très peu d’idée en 1991 de l’effet probable de l’olanzapine sur les patients.

 

[117]       Par ailleurs, Lilly a présenté des données montrant que dans une série d’études, l’olanzapine s’est révélée supérieure à d’autres antipsychotiques pour un paramètre : le temps écoulé jusqu’à l’arrêt du traitement, peu importe la cause (voir en particulier l’étude CATIE (Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness – P‑41). Autrement dit, les patients qui prennent de l’olanzapine ont tendance à poursuivre plus longtemps leur traitement, ce qui implique que le médicament était efficace, bien toléré et ne causait pas en général d’effets secondaires graves. Ce paramètre est controversé. De nombreux experts contestent sa signification. Encore une fois, je ne juge pas nécessaire d’examiner ces études plus en détail. Dans le meilleur des cas, elles montreraient que l’olanzapine présentait dans certaines études récentes un avantage par rapport à d’autres antipsychotiques. Cet avantage, s’il existe, a été cependant établi pour un paramètre qui n’aurait pu être envisagé par les inventeurs de l’olanzapine. Il n’entre pas dans le cadre de l’affirmation contenue dans le brevet 113 suivant laquelle l’olanzapine est nettement supérieure et a un meilleur profil d’effets secondaires que d’autres médicaments. Je n’ai rien à ajouter à ce sujet.

 

(a)    Les avantages allégués de l’olanzapine sont-ils « importants » et « particuliers »?

 

 

[118]       Même si l’olanzapine comporte des avantages, ceux-ci doivent être importants et quelque peu particuliers pour que ce médicament puisse faire l’objet d’un brevet distinct et subséquent.

[119]       De toute évidence, il ne suffit pas que le composé sélectionné se contente de réaliser ce qui était promis dans le brevet de genre. Le juge Brian Malone, de la Cour d’appel fédérale, a abordé cette question en expliquant qu’un brevet de sélection valide suppose « la découverte que les éléments retenus possèdent des qualités inconnues jusque là, qui leur sont propres et qui ne peuvent leur être attribuées du fait de leur appartenance à une catégorie décrite par une invention antérieure » (PfizerCanada Inc. c. Canada (ministre de la Santé), 2006 CAF 214, au paragraphe 22, citant la décision Dreyfus and Other Applications (1945), 62 R.C.P. 125, à la page 133). En d’autres termes, il ne suffirait pas pour Lilly d’affirmer que l’avantage important et particulier que représente l’olanzapine réside dans le fait qu’elle permet de faire précisément ce que le brevet 687 indique que tous les composés de cette classe faisaient ou avaient le potentiel de faire, en l’occurrence traiter la schizophrénie ainsi que d’autres psychoses. L’avantage doit consister en quelque chose de mieux et de différent par rapport à ce que la classe générale est censée permettre de faire.

 

[120]       Le juge Robert Barnes signale que la Cour doit aborder avec prudence les comparaisons énoncées dans un brevet de sélection. Il craint qu’un inventeur puisse ainsi choisir des composés non représentatifs à des fins de comparaison qui feraient ressortir l’avantage spécial et inattendu du composé sélectionné (GlaxoSmithKline Inc. c. Pharmascience Inc., 2008 CF 593, par. 63). Le breveté affirmait simplement qu’un composé particulier, le valacyclovir, était meilleur que les deux autres composés faisant partie de la même classe, ce qui ne suffisait pas, selon le juge Barnes, pour démontrer que ce composé présentait un avantage spécial par rapport à la classe de composés dont il faisait partie. Il ajoute qu’il ne serait pas nécessaire de tester chaque composé de la classe, mais que « l’on doit effectuer des tests suffisamment représentatifs pour qu’une personne versée dans l’art puisse prédire de façon raisonnable que l’on ne s’attend pas à ce que la caractéristique surprenante soit présente dans un grand nombre de composés du genre » (par. 70).

 

[121]       Lilly soutient qu’il ressort de la jurisprudence récente de la Cour suprême du Canada qu’un brevet de sélection est valide si le composé sélectionné comporte un seul avantage par rapport à un seul des autres composés du brevet de genre. Lilly cite le jugement du juge Rothstein dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo, précité, et fait observer que la Cour a confirmé la validité du brevet de sélection alors que le composé sélectionné ne comportait qu’un seul avantage par rapport à un composé visé par le brevet de genre. Je n’interprète pas l’arrêt Sanofi-Synthelabo de la même manière que Lilly.

 

[122]       Dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo, le brevet de genre engobait une large classe de composés, appelés racémates, utiles en raison de leur activité inhibitrice de l’agrégation plaquettaire. Cette classe comprenait jusqu’à 250 000 composés. Les racémates sont formés de deux éléments, appelés isomères. Le brevet de sélection revendiquait un seul isomère du composé principal du brevet de genre. L’isomère sélectionné exerçait la même activité bénéfique d’inhibition de l’agrégation plaquettaire que le racémate tout en ayant beaucoup moins d’effets toxiques. Pour sa part, l’isomère non sélectionné n’avait pas l’activité bénéfique du racémate et partageait la plupart de ses effets toxiques.

 

[123]       Le juge Rothstein a confirmé la validité du brevet de sélection. Vu que le composé sélectionné comportait de nets avantages par rapport au racémate, il ne s’est pas arrêté longuement sur cet aspect de l’affaire. À mon avis, on ne devrait pas en déduire qu’un brevet de sélection peut être valide si le composé sélectionné ne possède qu’un seul avantage par rapport à un composé visé par le brevet de genre. Dans la décision Sanofi‑Synthelabo, l’existence de l’isomère sélectionné était reconnue dans le brevet de genre, mais personne ne savait que l’isomère avait la même activité et moins d’effets toxiques que le racémate. Le brevet précise ce qui suit :

[traduction] De façon inattendue seulement, l'énantiomère dextrogyre Id présente une activité inhibitrice de l'agrégation plaquettaire, l'énantiomère lévogyre étant inactif à cet égard. De plus, l'énantiomère lévogyre inactif Ii est, des deux énantiomères, celui qui est le moins bien toléré (Voir la décision de première instance du juge Michel Shore : Sanofi‑Synthelabo Canada Inc c. Apotex Inc. 2005 CF 390, par. 22)

 

 

[124]       La fabrication de l’isomère et la découverte des avantages spéciaux qu’il comportait par rapport au racémate et aux autres composés du brevet de genre constituaient une véritable invention. De plus, compte tenu du fait que le brevet de genre ne révélait pas les avantages spéciaux que comporterait l’isomère, le brevet de genre ne constituait pas une antériorité par rapport au brevet de sélection.

 

[125]       Le juge Rothstein a fait expressément allusion à la nécessité de comparer le composé sélectionné avec le racémate particulier duquel il était tiré, ainsi qu’avec la classe générale de composés visés par le brevet de genre (par. 106). En conséquence, je dois comparer en l’espèce l’olanzapine et les autres composés du brevet 687.

 

[126]       Les affirmations du brevet 113 selon lesquelles l’olanzapine est supérieure à la flumézapine, à l’éthylolanzapine et à d’autres antipsychotiques peuvent‑elles être considérées comme des avantages importants et particuliers par rapport aux composés du brevet 687?

 

[127]       À mon avis, les avantages que présente l’olanzapine par rapport à la flumézapine et à l’éthylolanzapine ne sont pas importants. Si tant est qu’ils existent, ils sont négligeables. Rien n’indique non plus que l’olanzapine était supérieure à d’autres composés de la classe visée par le brevet 687 du point de vue des caractéristiques décrites dans le brevet 113. Les comparaisons ne portaient pas sur la classe dans son ensemble et rien ne me porte à croire qu’il existait un avantage propre à l’olanzapine.

 

[128]       Le brevet 113 mentionne simplement que l’olanzapine ne comporte pas un aussi grand risque d’élévation des enzymes hépatiques et de la CPK que la flumézapine. Dans le meilleur des cas, l’olanzapine a un léger avantage sur la flumézapine pour ce qui est de ces paramètres spécifiques. L’olanzapine est tout au plus un peu meilleure mais pas beaucoup meilleure.

 

[129]       La présumée supériorité de l’olanzapine sur l’éthylolanzapine se fonde sur une étude chez le chien, et non chez l’humain. Contrairement à l’olanzapine, l’éthylolanzapine a entraîné une hausse importante du taux de cholestérol chez quatre chiennes dans un groupe de huit chiens ayant reçu 8 mg/kg. Si l’on fait abstraction pour un moment de la question de savoir s’il s’agit d’un résumé exact de l’étude et si celui-ci nous renseigne sur l’effet potentiel de l’olanzapine sur les humains, il reste que la comparaison est ambiguë. On ignore si l’élévation était statistiquement significative ou biologiquement significative. L’effet a été observé à une dose qui dépassait de loin toute dose envisagée chez les humains (la dose équivalente serait de 560 mg pour une personne de 70 kg; le brevet 113 fait référence à une fourchette posologique pour l’olanzapine allant de 2,5 à 5 mg). Encore une fois, si c’est un avantage, il ne semble pas important.

 

[130]       L’avantage de l’olanzapine sur l’éthylolanzapine, un composé dont le potentiel antipsychotique demeure un mystère complet (et douteux), basé sur une seule mesure effectuée dans une étude chez le chien (dont on peut contester l’applicabilité chez l’humain), ne peut constituer un avantage important. Et je n’ai aucune donnée attestant que cet avantage soit propre à l’olanzapine.

 

[131]       Aucune de ces comparaisons ne montre que l’olanzapine est un membre particulier ou spécial de la classe visée par le brevet 687. Nous ne disposons d’aucune information sur les propriétés des autres membres en ce qui concerne les enzymes hépatiques, la CPK, le cholestérol, ou tout autre paramètre. Nous ne savons pas si la flumézapine a tendance, le cas échéant, à élever le cholestérol ni ne connaissons le risque d’élévation des enzymes hépatiques ou de la CPK associé à l’éthylolanzapine, si tant est qu’il y en ait un. Je ne dispose d’aucun élément de preuve indiquant si un petit nombre seulement ou un plus grand nombre de composés non sélectionnés possèdent les mêmes avantages que l’olanzapine. Les deux comparaisons dans le brevet 113 concernent des composés qui ont été recalés.

 

[132]       Par ailleurs, la présumée supériorité de l’olanzapine par rapport à d’autres antipsychotiques sur le marché représenterait certainement un avantage important par rapport à la classe de composés du brevet 687. L’invention décrite dans le brevet 687 englobait une classe de composés qui seraient utiles dans le traitement de troubles psychotiques et de la manie aiguë et qui comporteraient un faible risque de SEP. En revanche, l’invention décrite dans le brevet 113 est un médicament utilisé dans le traitement clinique des patients qui est plus sûr et plus efficace que d’autres antipsychotiques sur le marché. C’est de toute évidence un avantage important qui démarquerait l’olanzapine du reste de la classe de composés du brevet 687. Comme nous l’avons souligné ci‑dessus, cependant, l’affirmation générale contenue dans le brevet 113 ne pouvait être étayée au moment où Lilly a présenté une demande pour ce brevet.

 

[133]       L’affirmation que l’olanzapine était nettement supérieure à d’autres agents antipsychotiques sur le marché en 1991 et possédait un meilleur profil d’effets secondaires que ces agents aurait certainement constitué un avantage important qui distinguerait l’olanzapine des autres composés du brevet 687, dont seulement un a franchi toutes les étapes jusqu’aux tests chez les humains (flumézapine). En 1991, un antipsychotique nettement supérieur ayant un profil d’effets secondaires amélioré aurait été très efficace, n’aurait comporté que peu ou pas de risque de SEP et n’aurait pas causé une agranulocytose (à la différence de la clozapine). Par voie de conséquence, il n’exercerait pas non plus d’autre effet secondaire indésirable important.

 

[134]       Les avantages particuliers par rapport à d’autres antipsychotiques qui sont cités dans le brevet 113 – forte activité à faible dose, épargne de la prolactine, faible risque de SEP et absence de baisse du nombre de globules blancs – auraient représenté, si leur existence effective avait été reconnue ou s’ils avaient pu être prédits de façon valable, un avantage important par rapport aux composés du brevet 687, tant et aussi longtemps que l’olanzapine ne comportait pas d’autres inconvénients importants. Sinon, la flumézapine aurait pu être en fait le composé supérieur. Et on ne sait que peu de choses, voire rien, des milliards d’autres composés de la classe visée par le brevet 687 qui pourraient être égaux ou supérieurs à l’olanzapine.

 

[135]       La preuve ne me permet pas de conclure que l’olanzapine comporte des avantages importants et spéciaux par rapport aux autres composés du brevet 687.

(b)   Le mémoire descriptif du brevet 113 est-il suffisant?

[136]       Lilly est assujettie à deux obligations qui se recoupent en ce qui concerne la divulgation. Elle doit en premier lieu expliquer en quoi l’olanzapine comporte un avantage important et particulier par rapport aux autres composés du brevet 687. Elle doit ensuite expliquer le fondement de la prédiction valable en ce qui concerne cet avantage. Ainsi que le juge Barnes l’explique :

 

[L]orsque le breveté cherche à établir l’utilité d’une sélection en se fondant sur des éléments de preuve tendant à démontrer la solidité de la prédiction, il se peut qu’il soit tenu de divulguer dans le brevet les faits sur lesquels il se fonde, ainsi que le raisonnement qui appuie la prédiction [...] Il me semble que, si le breveté se fonde sur une prédiction solide pour établir que sa sélection comporte certains avantages imprévus par rapport au genre, il est à plus forte raison tenu d’exposer dans son brevet le raisonnement qui lui permet de faire cette affirmation parce que cet élément fait partie de la contrepartie du monopole revendiqué sur la sélection [(GlaxoSmithKline Inc., précitée, par. 71].

 

[137]       Le brevet de sélection doit expliquer clairement en quoi le composé sélectionné est meilleur et différent par rapport au genre de composés dont il fait partie. Le brevet doit donner suffisamment de détails pour permettre à la personne versée dans l’art de se faire une idée précise des avantages que comporte le composé sélectionné (Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Ltd., 2007 CF 596, par. 139). Le juge Rothstein a souscrit à cette façon de voir au sujet du caractère suffisant de la divulgation dans le cas des brevets de sélection en expliquant que « le mémoire descriptif du brevet de sélection doit définir clairement la nature de la caractéristique du composé sélectionné pour lequel le breveté revendique un monopole » (au paragraphe 114, citant la décision Farbenindustrie). Non seulement le composé sélectionné doit comporter des avantages spéciaux, mais ces avantages doivent être exposés avec suffisamment de précision dans le brevet.

[138]       À mon avis, les deux obligations de divulgation sont indissociables, dans un cas comme celui-ci. Autrement dit, si l’obligation de divulgation a été remplie en ce qui concerne la prédiction valable, il en va tout autant de l’obligation de divulgation pour ce qui est du brevet de sélection. Si le brevet avait exposé le fondement factuel et le raisonnement sur lesquels reposaient les affirmations relatives aux avantages importants et spéciaux, les obligations de divulgation permettant de conclure à la validité du brevet de sélection auraient alors été remplies. Or, j’ai déjà conclu que le mémoire descriptif du brevet 113 est insuffisant.

 

(c)    Conclusion – Le brevet 113 n’est pas un brevet de sélection valide

[139]       Le brevet 113 ne décrit pas une invention différente de celle révélée par le brevet 687. Le brevet 113 n’est donc pas un brevet de sélection valide.

 

VIII.      Antériorité, double protection, erreur dans la désignation de l’inventeur et évidence

[140]       Compte tenu de ma conclusion que le brevet 113 ne décrit pas une invention, la plupart des autres moyens invoqués par Novopharm pour contester le brevet 113 deviennent superflus. S’il n’y a pas d’invention, il n’est pas nécessaire de déterminer si l’« invention » se heurte à une antériorité, si elle fait l’objet d’une double protection ou encore si les véritables « inventeurs » ont été désignés ou non. Dans le cas qui nous occupe, par définition, le brevet 113 se heurte à l’antériorité du brevet 687. L’olanzapine fait l’objet d’une double protection : le brevet 687 et le brevet 113. Il n’y a pas d’« inventeur » de l’olanzapine.

[141]       La question de l’évidence est cependant quelque peu distincte. Le juge Rothstein a exposé clairement l’état actuel du droit en ce qui concerne la notion d’évidence dans l’arrêt Apotex c. Sanofi-Synthelabo, précité. Le critère applicable suppose que l’on se demande notamment si l’invention résulte d’un « essai allant de soi » par rapport à l’état des connaissances antérieures. Le juge Rothstein a expliqué que la notion d’« essai allant de soi » n’est applicable « que lorsqu’il est très clair ou […] qu’il est plus ou moins évident, que l’essai sera fructueux » (par. 65). « La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas » (par. 66).

 

[142]       Le juge Rothstein a également fait observer que le critère de l’« essai allant de soi » pouvait s’appliquer dans un cas où il pourrait exister « de nombreuses compositions chimiques semblables pouvant donner lieu à des réponses biologiques différentes et être porteuses de progrès thérapeutiques notables » (par. 68). C’est très nettement la situation dans l’affaire dont je suis saisi. Les composés du brevet 687 étaient très semblables sur le plan chimique, mais ceux qui ont été fabriqués et testés ont donné lieu à des réponses biologiques différentes.

 

[143]       Le juge Rothstein explique que l’analyse comporte les étapes suivantes :

 

(1)  a) Identifier la « personne versée dans l’art ». 

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2)  Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3)  Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

 

(4)  Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles quelque inventivité? (par. 67)

 

 

[144]        La question de l’« essai allant de soi » se pose à la quatrième étape. Le juge Rothstein propose de tenir compte des trois facteurs suivants à cette étape :

•      Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art ?

 

•      Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention?  Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

 

•      L’antériorité fournit‑elle un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

 

[145]       Il est clair que ce critère suppose l’existence d’une étape inventive pour arriver à l’objet du brevet en litige. Comme il est ressorti clairement de l’analyse ci-dessus, je ne trouve pas d’étape inventive dans la décision de Lilly de développer l’olanzapine. En effet, Lilly travaillait sur son propre brevet, le brevet 687, tentant de trouver un composé qui pourrait être administré en toute sécurité à des humains et permettrait d’atteindre l’objectif à la base du brevet 687 lui‑même – une bonne activité antipsychotique et un faible risque de SEP.

 

[146]       Au moment où le brevet a été déposé en avril 1991, Lilly n’avait pas encore trouvé de qualités inattendues, importantes ou spéciales pour l’olanzapine qui justifieraient l’obtention d’un nouveau monopole. Lilly avait seulement effectué des tests courants pour évaluer les propriétés de l’olanzapine. Elle possédait certaines indications préliminaires de l’innocuité et de l’efficacité fournies par quelques études de petite envergure portant sur des volontaires en santé et des patients. Les scientifiques de Lilly ont fait preuve de persévérance, de diligence et de rigueur scientifique en poursuivant les travaux sur l’olanzapine jusqu’à ce stade. De nouvelles méthodes de synthèse ont dû être mises au point (après une explosion au laboratoire durant la synthèse de la flumézapine). Mais cela n’est pas suffisant pour justifier un brevet. Il doit y avoir une invention. Dans le contexte d’un brevet de sélection, l’invention consiste en la découverte d’avantages inattendus, importants et spéciaux.

 

[147]       Je ne conclurais pas que la sélection de l’olanzapine comme composé à développer était un choix évident. Il était logique d’essayer un composé non éthylé, non fluoré, vu les problèmes qui ont surgi avec les composés antérieurs. Mais l’olanzapine n’était pas le seul médicament candidat à l’étude et même ne semblait pas particulièrement active. Il n’allait pas « plus ou moins de soi » que l’olanzapine fonctionnerait.

 

[148]       Je crois que le meilleur qualificatif que l’on puisse trouver pour désigner l’olanzapine en 1991 est celui de « quasi-invention », pour reprendre l’expression employée par le juge Binnie (Apotex Inc. c. Welcome Foundation Ltd., précité, par. 84). L’olanzapine n’était pas évidente et ne constituait pas une véritable invention. C’était un composé prometteur dont certaines des indications préliminaires positives se sont par la suite révélées fondées. Lilly a décelé au départ certains signes lui permettant de croire à son innocuité et à son efficacité, mais rien qui permettait de conclure à l’existence de propriétés surprenantes et inattendues et rien qui permettait de distinguer l’olanzapine des autres composés du brevet 687.

 

[149]       Je conclus que la mise au point de l’olanzapine n’était pas évidente et qu’elle ne constituait pas une invention. Je tiens cependant à signaler que j’emploie le terme « invention » dans son sens juridique, selon les dispositions légales qui s’appliquent aux brevets de sélection. Les scientifiques de Lilly ou d’autres sociétés peuvent fort bien considérer l’olanzapine comme une invention, peut-être même comme une invention remarquable, mais ce n’est pas la question qui m’est soumise.

 

IX.              Articles 53 et 73 de la Loi sur les brevets

 

 

[150]       Novopharm soutient que le brevet 113 est invalide parce que Lilly a volontairement fait dans sa demande de brevet une allégation importante qui n’était pas conforme à la vérité et ce, dans le but d’induire en erreur (par. 53(1)). À titre subsidiaire, si la fausse déclaration était involontaire (non délibérée), les parties du brevet dans lesquelles se trouve cette fausse déclaration devraient en être retranchées (par. 53(2)).

 

[151]       Malgré mes conclusions quant à l’invalidité du brevet 113, il ne s’ensuit pas nécessairement que Lilly cherchait à induire qui que ce soit en erreur. Novopharm n’a d’ailleurs pas présenté d’éléments de preuve en ce sens. Je ne dispose pas non plus de suffisamment d’éléments de preuve qui me permettraient d’inférer une telle intention de sa part. Quant aux fausses déclarations ou omissions involontaires, Novopharm ne m’a pas convaincu que Lilly a fait de fausses déclarations. Novopharm se fonde sur un jugement récent, la décision du juge Hughes dans l’affaire Ratiopharm Inc. c. Pfizer Ltd., 2009 CF 711. Or, dans ce jugement, le juge Hughes a conclu que certaines des déclarations du brevet étaient erronées. La preuve qui m’a été soumise est loin d’être aussi claire.

 

[152]       Novopharm soutient en outre que Lilly devrait être réputée avoir abandonné sa demande de brevet parce qu’elle a omis de répondre de bonne foi à une demande de l’examinateur, dans les six mois suivant cette demande (alinéa 73a)). Là encore, je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve qui appuient la position de Novopharm. M. Frank Pole, l’agent des brevets qui s’est occupé du brevet 113 et qui est maintenant à la retraite, a expliqué que les communications de Lilly avec l’examinateur des brevets se voulaient une réponse de bonne foi aux demandes de renseignements de l’examinateur, qui les a d’ailleurs acceptées comme telles. Cette conclusion commande une certaine retenue de ma part.

 

[153]       Ainsi que je l’ai déjà conclu, certaines des assertions contenues dans le brevet 113 n’étaient pas très solides. Elles reposaient sur des preuves trop minces pour pouvoir être considérées comme des affirmations factuelles ou même comme des prédictions valables au sujet des avantages que présenterait l’olanzapine. Mais, à mon sens, il ne s’ensuit pas pour autant que ces affirmations visaient à induire en erreur ou qu’elles ont été faites de mauvaise foi. Il n’y a rien qui me permette d’invalider le brevet 113 en tout ou en partie en me fondant sur l’article 53 ou sur l’article 73.

 

X.                 Conclusion et dispositif

[154]       Il n’est pas nécessaire de discréditer un produit ou ceux qui le fabriquent pour invalider un brevet. Je suis convaincu que l’olanzapine est un médicament utile pour le traitement de la schizophrénie. Lilly a toutefois détenu à l’égard de l’olanzapine un brevet qui a duré de 1980 à 1997. Elle a cherché à obtenir un brevet distinct supplémentaire portant sur le même produit sans doute pour récupérer une partie de l’investissement qu’elle avait fait dans son programme de neuroleptiques. Elle n’avait pas demandé de brevet distinct pour la flumézapine, vraisemblablement parce qu’à l’époque, ce composé faisait l’objet d’essais cliniques et qu’il lui restait encore amplement de temps pour continuer à exercer son monopole. Cependant, au fur et à mesure que la date d’expiration du brevet 687 approchait, il est devenu important de tenter de prolonger la durée de la protection conférée à l’olanzapine par le brevet. Le brevet 113 était manifestement libellé de manière à justifier une nouvelle demande de brevet. Or, les éléments de preuve justifiant une telle demande n’existaient pas encore. Je dois donc conclure que le brevet 113 n’est pas un brevet de sélection valide. Les revendications susmentionnées sont invalides. Novopharm a droit à l’indemnité prévue à l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) laquelle sera déterminée dans une instance distincte.

Elle a également droit aux dépens.

JUGEMENT

LA COUR DÉCLARE :

 

1.      Les revendications du brevet 113 en litige sont invalides;

 

2.      L’action en contrefaçon de brevet de Lilly est rejetée;

 

3.      Novopharm a droit à l’indemnité prévue à l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), laquelle indemnité sera déterminée dans une instance distincte. Elle a également droit aux dépens.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


Annexe A

Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4

Nul en certains cas, ou valide en partie seulement

 

53. (1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

Exception

(2) S’il apparaît au tribunal que pareille omission ou addition est le résultat d’une erreur involontaire, et s’il est prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet, le tribunal rend jugement selon les faits et statue sur les frais. Le brevet est réputé valide quant à la partie de l’invention décrite à laquelle le breveté est reconnu avoir droit.

Copies du jugement

(3) Le breveté transmet au Bureau des brevets deux copies authentiques de ce jugement. Une copie en est enregistrée et conservée dans les archives du Bureau, et l’autre est jointe au brevet et y est incorporée au moyen d’un renvoi.

 

Abandon

73. (1) La demande de brevet est considérée comme abandonnée si le demandeur omet, selon le cas :

a) de répondre de bonne foi, dans le cadre d’un examen, à toute demande de l’examinateur, dans les six mois suivant cette demande ou dans le délai plus court déterminé par le commissaire;

b) de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 27(6);

c) de payer, dans le délai réglementaire, les taxes visées à l’article 27.1;

d) de présenter la requête visée au paragraphe 35(1) ou de payer la taxe réglementaire dans le délai réglementaire;

e) de se conformer à l’avis mentionné au paragraphe 35(2);

f) de payer les taxes réglementaires mentionnées dans l’avis d’acceptation de la demande de brevet dans les six mois suivant celui-ci.

 

Patent Act, R.S.C. 1985, c. P-4

Void in certain cases, or valid only for parts

 

 

53. (1) A patent is void if any material allegation in the petition of the applicant in respect of the patent is untrue, or if the specification and drawings contain more or less than is necessary for obtaining the end for which they purport to be made, and the omission or addition is wilfully made for the purpose of misleading.

Exception

(2) Where it appears to a court that the omission or addition referred to in subsection (1) was an involuntary error and it is proved that the patentee is entitled to the remainder of his patent, the court shall render a judgment in accordance with the facts, and shall determine the costs, and the patent shall be held valid for that part of the invention described to which the patentee is so found to be entitled.

Copies of judgment

(3) Two office copies of the judgment rendered under subsection (1) shall be furnished to the Patent Office by the patentee, one of which shall be registered and remain of record in the Office and the other attached to the patent and made a part of it by a reference thereto.

 


Deemed abandonment of applications

73. (1) An application for a patent in Canada shall be deemed to be abandoned if the applicant does not

(a) reply in good faith to any requisition made by an examiner in connection with an examination, within six months after the requisition is made or within any shorter period established by the Commissioner;

(b) comply with a notice given pursuant to subsection 27(6);

(c) pay the fees payable under section 27.1, within the time provided by the regulations;

(d) make a request for examination or pay the prescribed fee under subsection 35(1) within the time provided by the regulations;

(e) comply with a notice given under subsection 35(2); or

(f) pay the prescribed fees stated to be payable in a notice of allowance of patent within six months after the date of the notice.

 

 


Annexe B

 

Témoins experts

 

Titres et qualités des témoins experts

 

Jeffery B. Press (témoin de la défenderesse)

M. Press a obtenu son B.Sc. avec distinction de l’Université Bucknell en 1969. Il a reçu un doctorat en chimie organique de l’Université d’État de l’Ohio en 1973 et a terminé ses études postdoctorales en 1975 à l’Université Harvard dans l’équipe du lauréat du prix Nobel, Robert Woodward. M. Press a travaillé pendant 25 ans dans l’industrie pharmaceutique et biopharmaceutique à titre de chimiste‑chercheur et de directeur de recherche. Il a obtenu des subventions des National Institutes of Health, il siège au comité de rédaction d’une série d’ouvrages (Organic Reactions) et a participé au comité de rédaction de deux autres revues (Analgesia et Expert Opinion on Therapeutic Patents). Il a publié de nombreux articles dans des revues réputées et est l’inventeur nommé de plus de 50 brevets concernant des applications pour le système nerveux central, l’appareil cardiovasculaire et l’appareil digestif.

 

M. Press a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la chimie organique et de la pharmacie chimique et de l’application de la chimie organique et de la pharmacie chimique ainsi que de la découverte et du développement de médicaments dans l’industrie pharmaceutique.

 

Dr Paul Leber (témoin de la défenderesse)

 

Le Dr Leber a obtenu un B.A. du Collège Hamilton en 1958. Il a terminé un doctorat en médecine à l’Université de New York en 1963 et fait son internat à John Hopkins. Le Dr Leber a terminé une résidence en médecine interne à New York, puis a enseigné la pathologie à l’Université de New York et à l’Université Harvard pendant plusieurs années, au cours desquelles il a fait des recherches et a enseigné la pathologie aux étudiants en médecine. Le Dr Leber s’est ensuite recyclé dans le domaine de la psychiatrie à l’Université Cornell. Il est reconnu comme spécialiste en psychologie générale, en anatomopathologie et en pathologie clinique et est titulaire d’un permis d’exercice en médecine valide dans l’État du Maryland. Le Dr Leber a travaillé pour la Food and Drug Administration (FDA) des États‑Unis de 1978 à 1999. Durant cette période, il a occupé des postes qui l’ont amené à superviser le processus de demande d’homologation de nouveaux médicaments, en particulier dans le domaine de la neuropharmacologie. Il a évalué entre autres des essais cliniques et les données d’essais cliniques en vue de déterminer leur validité sur le plan réglementaire et scientifique. Il a également reçu deux prix d’excellence de la FDA pendant qu’il y travaillait. Il a de nombreuses publications à son actif sur des questions réglementaires et scientifiques liées au processus d’évaluation des produits pharmaceutiques. Le Dr Leber est membre de l’American College of Neuropscyhopharmacology et de l’American Neurological Association. Il est actuellement directeur d’une firme‑conseil, le Neuro‑Pharm Group, qui donne son avis à des clients concernant les éléments qui sont importants dans la présentation de demandes d’approbation de médicaments.

 

Le Dr Leber a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans le domaine de la réglementation des médicaments aux États‑Unis, ainsi que dans le domaine de la conception, de la mise en œuvre et de l’interprétation des essais cliniques de médicaments pour le traitement des troubles neurologiques et psychiatriques.

Dr Ronald Diamond (témoin de la défenderesse)

 

Le Dr Diamond s’est joint à l’Université du Wisconsin à titre de boursier post‑doctoral en 1977. Il est actuellement professeur de psychiatrie à l’Université du Wisconsin, directeur médical du Mental Health Centre du comté de Dane et conseiller du Wisconsin Bureau of Mental Health and Substance Abuse. Il enseigne et donne de nombreuses conférences dans les domaines de la médecine communautaire et de la psychopharmacologie. Il a également conservé un petit cabinet où il reçoit des patients et supervise le travail d’autres psychiatres cliniciens. À ce titre, il évalue régulièrement les résultats de tests, notamment les taux d’enzymes hépatiques et la CPK. Les activités cliniques et d’enseignement du Dr Diamond concernent surtout le traitement communautaire des personnes atteintes de schizophrénie et d’autres maladies mentales graves; il interprète notamment les études scientifiques et applique les résultats de recherche existants à la pratique médicale. Il a publié des ouvrages, des chapitres de livre et des articles de revue sur la psychopharmacologie dans des revues réputées et est fréquemment invité à prendre la parole à l’étranger. Le Dr Diamond a été reconnu compétent à plusieurs reprises pour témoigner comme expert en psychiatrie générale, et une fois plus précisément en psychiatrie clinique, en psychopharmacologie et en analyse de tests, toujours dans d’autres pays.

 

Le Dr Diamond a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la psychiatrie clinique et de la psychopharmacologie, notamment pour l’analyse des tests hépatiques et musculaires.

 

Dr Paul Pentel (témoin de la défenderesse)

Le Dr Pentel a obtenu un doctorat en médecine de la Stanford Medical School en 1975. Il a terminé son internat et sa résidence à l’Université du Minnesota et un fellowship en pharmacologie clinique à l’Université de la Californie, San Francisco. Le Dr Pentel est actuellement reconnu par l’American Board of Medical Specialties comme spécialiste dans les domaines de la médecine interne et de la toxicologie médicale. Il est présentement chef de la division de pharmacologie clinique, directeur de la clinique de dépendance au tabac et président du comité de pharmacie et de thérapeutique du Hennepin County Medical Centre à Minneapolis, Minnesota. Il est également président de la Minneapolis Medical Research Foundation et ex‑président de l’American College of Medical Toxicology. Il a effectué des recherches au cours des 30 dernières années sur la toxicité des antidépresseurs et des anorexiants, l’immunothérapie du surdosage de médicaments, la pharmacocinétique des médicaments, la mise au point de médicaments contre la toxicomanie et la pharmacologie de la nicotine et du tabac. Il a publié des études pharmacologiques sur les animaux et les humains, notamment des études toxicologiques. Il a déjà été reconnu à plusieurs reprises comme expert en toxicologie et en pharmacologie clinique pour des poursuites intentées dans d’autres pays.

 

Le Dr Pentel a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la toxicologie et de la pharmacologie clinique.

 

Michael Escobar (témoin de la défenderesse)

 

M. Escobar a obtenu son doctorat en statistique de l’Université Yale en 1988; il a fait partie du Department of Epidemiology and Public Health de l’Université Yale entre 1988 et 1990. Il a également fait partie du corps professoral de l’Université Carnegie Mellon et de l’Université de Pittsburgh et enseigne actuellement au Dalla Lana School of Public Health, Department of Statistics, Université de Toronto, département auquel il s’est joint en 1993. Il a exercé les fonctions de directeur adjoint du Journal of the American Statistical Association et de président de la section de biostatistique de la Société statistique canadienne; il est l’auteur de nombreuses publications revues par un comité de lecture sur des sujets comme la méthodologie statistique et la statistique appliquée. M. Escobar a également acquis de l’expérience dans l’analyse des données et dans l’évaluation des protocoles d’étude comme instructeur et membre du comité d’évaluation d’un centre de ressources cliniques.

 

M. Escobar a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la statistique, de la biostatistique et de l’analyse statistique et biostatistique.

 

Dr David Healy (témoin de la défenderesse)

Le Dr Healy a reçu sa formation médicale au Collège universitaire de Dublin, en Irlande. Il a obtenu son diplôme en médecine au Royaume‑Uni (l’équivalent d’un PhD en Amérique du Nord). Il a effectué des recherches dans le domaine de la neuropharmacologie et de la neuropsychopharmacologie en Irlande, qu’il a poursuivies lorsqu’il a déménagé à Cambridge, Angleterre, au milieu des années 80. En 1990, il a accepté un poste à l’Université de Cardiff, où il continue d’enseigner, de faire de la recherche et de travailler au sein d’un cabinet médical financé par l’État où il examine les patients atteints de schizophrénie, de troubles de l’humeur ou de troubles similaires. Il a une vaste expérience d’expert‑conseil dans le domaine pharmaceutique pour aider à concevoir des protocoles d’essais cliniques permettant d’étudier de nouveaux médicaments; il a également dirigé des essais cliniques d’antipsychotiques et d’antidépresseurs chez des volontaires en santé et des patients. Ses recherches ont porté aussi sur l’histoire de la mise au point des antidépresseurs et antipsychotiques. Le Dr Healy est fellow du Royal College of Psychiatrists, est membre de la British Association for Psychopharmacology et est membre d’autres sociétés qui s’intéressent au rôle des médicaments dans la pratique clinique moderne. Il a été invité à prononcer des conférences à l’étranger sur les troubles de l’humeur et leur traitement; il est l’auteur, le co‑auteur et responsable de la publication de nombreux ouvrages, chapitres de livre et articles revus par un comité de lecture; il travaille comme évaluateur pour des douzaines de revues. Il a été reconnu à plusieurs reprises comme expert dans le domaine de la psychiatrie pour des poursuites intentées dans d’autres pays.

 

Le Dr Healy a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la psychiatrie clinique, de la neuropharmacologie, de la neuropsychopharmacologie et de l’histoire de la psychiatrie.

 

Dr John Newcomer (témoin de la défenderesse)

Le Dr Newcomer a obtenu un baccalauréat de l’Université Brown en 1981 et un diplôme en médecine de l’Université d’État de Wayne en 1985. Il a fait sa résidence en psychiatrie générale et effectué des recherches post‑doctorales en psychopharmacologie et en phénoménologie clinique entre 1986 et 1990 à la faculté de médecine de l’Université Stanford. En 1990, il a commencé à enseigner à l’Université de Washington à St. Louis, dans le département de psychiatrie de la faculté de médecine. Le Dr Newcomer est professeur au sein de ce département et poursuit ses travaux cliniques en dirigeant une unité d’hospitalisation qui traite surtout des cas diagnostiqués de schizophrénie, de trouble bipolaire ou présentant des formes graves de troubles dépressifs majeurs. Le Dr Newcomer est également directeur médical du Centre for Clinical Studies de l’Université de Washington et co‑directeur de la Clinical Trials Unit, de l’Institute for Clinical and Translational Science. Il est membre de plusieurs comités d’évaluation des subventions de recherche pour les médicaments existants et en développement; il évalue les études proposées, leurs buts et objectifs et détermine si la méthodologie proposée permettra d’atteindre ces objectifs. Il préside également le Drug Utilization Review Board for Medicaid pour l’État du Missouri, qui établit la politique relative aux listes de médicaments couverts dans l’État, et il siège à des comités de surveillance de la sécurité des données pour les essais cliniques.

 

Le Dr Newcomer a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la psychiatrie clinique, avec un accent particulier dans quatre domaines : le développement, l’évaluation et l’administration d’antipsychotiques; la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais cliniques d’antipsychotiques; et les effets secondaires des antipsychotiques, plus précisément, leurs effets sur le métabolisme.

 

Dr Robert Rosenheck (témoin de la défenderesse)

 

Le Dr Rosenheck a obtenu un diplôme en médecine de l’Université de la Pennsylvanie en 1973 et a par la suite occupé le poste de chef‑résident en psychiatrie au Yale Psychiatric Institute en 1977. Il détient un certificat de spécialiste en psychiatrie et est titulaire d’un permis d’exercice de la médecine dans l’État du Connecticut. Il est actuellement professeur de psychiatrie, d’épidémiologie et de santé publique à la faculté de médecine de l’Université Yale, où il enseigne depuis 1977. De 1977 à 1988, il a été directeur des services de psychiatrie générale et directeur associé à l’enseignement au West Haven Veteran Affairs Hospital. Depuis 1987, le Dr Rosenheck est directeur du Northeast Program Evaluation Centre du Department of Veterans Affairs, qui est responsable de la surveillance et de l’évaluation des programmes spécialisés de santé mentale pour les anciens combattants à l’échelle nationale. Sur la clientèle de 5 millions de patients, environ 1 million souffrent de troubles psychiatriques, et 100 000 sont atteints de schizophrénie. Le Dr Rosenheck a publié plus de 450 articles scientifiques et plus de 100 rapports gouvernementaux sur l’évaluation des interventions en santé mentale chez les patients atteints de maladies mentales graves; il s’intéresse en particulier à la recherche sur les services de santé mentale. Il a exercé également les fonctions d’évaluateur pour de nombreuses revues respectées, et a grandement contribué à l’analyse de la rentabilité des programmes de santé mentale, notamment en ce qui concerne l’administration de médicaments. Il a acquis de l’expérience dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais cliniques en participant à plusieurs études menées dans le cadre du Veterans Affairs Cooperative Studies Program. Dans le domaine général de l’épidémiologie, le Dr Rosenheck a effectué des recherches et travaillé dans le secteur de la pharmaco‑épidémiologie, observant les habitudes d’utilisation des médicaments dans la pratique.

 

Le Dr Rosenheck a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la psychiatrie; de la recherche sur les services de santé mentale; de la conception, de la mise en œuvre et de l’analyse d’essais cliniques, y compris d’essais portant sur l’efficacité des antipsychotiques, en particulier chez les patients atteints de schizophrénie; de l’épidémiologie et des soins de santé mentale dans le cadre de la santé publique; et du marketing des antipsychotiques.

 

Dre Deborah Greco (témoin de la défenderesse)

 

La Dre Greco a terminé un baccalauréat en sciences animales de l’Université polytechnique de l’État de la Californie en 1978 et un doctorat en médecine vétérinaire de l’Université de la Californie (Davis) en 1982. Elle exerce la médecine vétérinaire depuis. Elle a obtenu son certificat de spécialiste en médecine interne de l’American College of Veterinary Internal Medicine en 1986, et a fait par la suite des études de maîtrise en médecine vétérinaire et en chirurgie et un doctorat en physiologie et pharmacologie vétérinaires à la Texas A&M. Entre 1990 et 2002, elle a été professeure au Department of Clinical Sciences, College of Veterinary Medicine and Biomedical Science, Université d’État du Colorado. Elle enseignait alors aux étudiants en médecine vétérinaire (y compris aux étudiants au doctorat et en formation post‑doctorale), aux résidents et internes; elle a poursuivi également des activités cliniques et de recherche, s’intéressant aux chiens et aux chats, et a participé à plusieurs essais de médicaments. Entre 2002 et 2006, elle a occupé les fonctions d’interniste et d’endocrinologue à l’Animal Medical Center à New York. Depuis 2006, la Dre Greco est chercheuse scientifique principale à Nestlé Purina. Dans le cadre de ces fonctions, elle présente des conférences à l’étranger sur l’endocrinologie et la nutrition animales et conçoit des études pour la mise au point de nouveaux produits. Elle siège également au conseil d’administration de la Canine Health Foundation et passe en revue les demandes de subventions, évaluant notamment la conception des essais proposés. Elle participe à diverses organisations (p. ex. Society for Theriogenology, American Association of Feline Practitioners, American College of Veterinary Internal Medicine, American Diabetes Association, American Animal Hospital Association, American Veterinary Hospital Association) et a été présidente de la Society of Comparative Endocrinology de 1995 à 1997. Elle a de nombreuses publications à son actif dans les domaines de la recherche et a siégé au comité de rédaction de plusieurs revues en médecine vétérinaire.

 

La Dre Greco a été reconnue compétente pour témoigner comme experte dans le domaine de la médecine vétérinaire, notamment en pharmacologie et en endocrinologie vétérinaires, et comme experte dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’études animales chez le chien.

 

M. Keith L. Altman (témoins de la défenderesse)

 

M. Altman est titulaire d’un baccalauréat en astronomie et en physique de l’Université d’État de New York et d’un doctorat en droit de la Concord Law School. M. Altman a 20 ans d’expérience dans l’analyse de bases de données complexes; pendant 11 de ces 20 années, il s’est intéressé directement aux bases de données sur les événements indésirables liés à des produits pharmaceutiques, notamment à la base de données de la Food and Drug Administration. Au cours des cinq dernières années, il a été directeur de l’analyse des événements indésirables pour la firme Finkelstein & Partners, travaillant dans le domaine du développement des médicaments et effectuant des analyses d’innocuité pour des demandes de drogues nouvelles soumises à la Food and Drug Administration aux États‑Unis. Il a travaillé sur un vaste éventail de médicaments, dont plusieurs médicaments pour le système nerveux central, a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans les domaines de la pharmacovigilance et des systèmes de déclaration des événements indésirables dans d’autres pays et a participé à des poursuites relatives à des médicaments comme expert‑conseil dans le but de coordonner les demandes de découverte électronique. M. Altman est membre de l’International Society of Pharmacoepidemiology et de la Drug Information Association et est co‑président du groupe juridique pour la découverte électronique de l’American Association for Justice.

 

Il a été reconnu compétent pour témoigner comme expert dans le domaine de l’analyse des bases de données sur les événements indésirables, notamment la déclaration des événements indésirables et la pharmacovigilance.

 

M. Tom Brogan (témoin de la demanderesse)

 

M. Brogan a obtenu un baccalauréat spécialisé de l’Université de Windsor et suivi une formation de deuxième cycle en économique et en économétrie à l’Université de Western Ontario. Après avoir travaillé pour le gouvernement du Nouveau‑Brunswick à titre d’économiste du marché du travail et pour la compagnie de téléphone du Nouveau‑Brunswick comme économiste, il est entré au service de la fonction publique fédérale en 1977. Il a d’abord mis sur pied une base de données sur l’assurance‑chômage et a évalué par la suite l’homologation obligatoire des produits pharmaceutiques et créé le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés. En 1989, il a fondé une entreprise (Brogan Inc.) dans le but d’améliorer les communications entre les organismes de réglementation et le secteur privé. Plus précisément, l’entreprise recueille des données des gouvernements provinciaux et des régimes privés d’assurance‑médicaments sur les médicaments que prennent les patients sur une certaine période ainsi que des données des pharmacies canadiennes afin de mesurer le volume des ventes et les taux de prescription. Au nombre de ses clients figurent les gouvernements provinciaux et fédéral, des sociétés pharmaceutiques et des pharmacies.

 

M. Brogan a été reconnu compétent pour témoigner comme expert en ce qui concerne l’aspect commercial de l’industrie pharmaceutique, notamment dans le domaine des ventes, du marketing, de la politique gouvernementale, de l’économie, de la mesure des interventions commerciales, du remboursement ainsi que de la collecte et de l’interprétation des données relatives à l’industrie pharmaceutique au Canada.

 

Dr Allan H. Young (témoin de la demanderesse)

 

Le Dr Young a obtenu un diplôme en médecine à l’Université d’Édimbourg en 1984 et son certificat de spécialiste en psychiatrie en 1988. Il a terminé une maîtrise et un doctorat à l’Université d’Oxford, où il a donné des cours pendant trois ans. Il a également été chargé de cours à Newcastle‑upon‑Tyne pendant 10 ans avant d’occuper son poste actuel à l’Université de la Colombie‑Britannique en 2005. Ses premières recherches ont porté sur la schizophrénie, puis se sont élargies pour inclure les troubles de l’humeur. Le Dr Young a reçu diverses subventions de recherche pour étudier des agents du système nerveux central et a également publié des analyses d’essais cliniques qu’il a conçus. Il a participé à plusieurs études Cochrane, évaluant les données en utilisant les normes élevées requises par la collaboration Cochrane.

 

Le Dr Young a été reconnu compétent comme psychiatre expert dans le domaine de la conception, de la mise en œuvre et de l’analyse d’essais cliniques d’agents du système nerveux central.

 

M. Ronald Thisted (témoin de la demanderesse)

 

M. Thisted a obtenu un diplôme de premier cycle en mathématiques et en philosophie de l’Université Pomona. Il a par la suite étudié en statistique et en biostatistique à l’Université Stanford et a obtenu une maîtrise en 1973 et un doctorat en 1977. Il est actuellement professeur et titulaire d’une chaire au Health Studies Department et professeur au Department of Statistics à l’Université de Chicago, et est directeur de la Biostatistics Consulting Facility au Cancer Centre de l’Université de Chicago. Ses recherches portent particulièrement sur l’analyse statistique des données et des méthodes pour la conception et l’exécution de recherches cliniques et pré‑cliniques. Il a collaboré tant avec des sociétés pharmaceutiques qu’avec ses collègues à l’Université de Chicago à la conception d’essais cliniques et d’essais sur des animaux. Il a également reçu plusieurs subventions des National Institutes of Health et est l’auteur de publications en statistique et sur les événements indésirables signalés dans les essais cliniques.

 

M. Thisted a été reconnu compétent comme biostatisticien et épidémiologiste ayant de l’expérience en épidémiologie clinique et dans la conception et l’analyse d’études pré‑cliniques et cliniques et la déclaration et l’analyse d’événements indésirables spontanés.

 

Dr Joseph McEvoy (témoin de la demanderesse)

 

Le Dr McEvoy a terminé son baccalauréat au Collège Manhattan en 1969 et un doctorat en médecine de la Vanderbilt Medical School en 1973. Il a effectué une résidence en psychiatrie en 1978. Il a occupé le poste de professeur adjoint au Department of Psychiatry de l’Université Vanderbilt jusqu’en 1981 et de professeur adjoint et agrégé au Department of Psychiatry de l’Université de Pittsburgh jusqu’en 1988. Depuis 1989, il est professeur agrégé au Department of Psychiatry du centre médical de l’Université Duke de même que directeur clinique adjoint du John Umstead Hospital. Le Dr McEvoy a de nombreuses publications à son actif et a reçu des prix et distinctions dans son domaine d’expertise (p. ex. Distinguished Fellow, American Psychiatric Association (2003), Eugene A. Hargrove Mental Health Research Award (2002)).

 

Le Dr McEvoy a été reconnu compétent comme psychiatre ayant de l’expérience dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais cliniques d’agents du système nerveux central et une expertise en ce qui concerne l’étude CATI.

 

Karl A. Traul (témoin de la demanderesse)

 

M. Traul a obtenu un baccalauréat en biologie et en chimie de l’Université d’Akron en 1963, ainsi qu’une maîtrise (microbiologie, immunologie et immunochimie) en 1965 et un doctorat (immunologie et immunochimie) en 1969, de l’Université d’État de l’Iowa. Il a travaillé pour Pfizer, Exxon et l’American Cyanamid à différents titres : recherche, toxicologie, développement de nouveaux médicaments et respect de la réglementation. Depuis 1995, il est président de K.A. Traul Pharmaceutical Consulting, conseillant les clients sur l’élaboration d’études non cliniques (p. ex. pour déterminer les effets toxicologiques et pharmaceutiques). Il propose entre autres des études qui pourraient être menées, met sur pied et supervise des études, rédige des rapports et présente des données aux autorités réglementaires. Depuis 1995, il participe au développement de 75 à 100 agents pharmaceutiques.

 

Le Dr Traul a été reconnu compétent comme toxicologue ayant une expérience dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’études toxicologiques de médicaments à des fins réglementaires et non réglementaires.

 

David Nichols (témoin de la demanderesse)

 

M. Nichols a obtenu un baccalauréat en chimie en 1969 ainsi qu’un doctorat en pharmacie chimique de l’Université de l’Iowa en 1973. Il a effectué des recherches post‑doctorales à l’Université de l’Iowa pendant deux ans, puis a été recruté par l’Université Purdue, où il est actuellement titulaire de la chaire distinguée Robert C. et Charlotte P. Anderson en pharmacologie. Ses recherches dans deux domaines (médicaments qui modifient l’état de conscience et la dopamine) lui ont permis d’acquérir une expertise dans l’étude des petites molécules agissant sur le système nerveux central. Il a été reconnu compétent au Royaume‑Uni et aux États‑Unis comme expert dans les domaines de la chimie et de la pharmacologie.

 

M. Nichols a été reconnu compétent comme spécialiste en chimie organique et en pharmacie chimique ayant de l’expérience dans la découverte de médicaments et le développement de médicaments, notamment dans les tests biologiques utilisés pour établir la relation structure‑activité (le mécanisme d’action des agents du SNC).

 

Dr John B. Bauer (témoin de la demanderesse)

 

Le Dr Bauer a obtenu un baccalauréat en chimie avec mention très bien de l’Université du Kentucky. Il a terminé une maîtrise en sciences de la nutrition en 1975, un doctorat en médecine vétérinaire en 1979 et un doctorat en biochimie nutritionnelle en 1980, toujours à l’Université de l’Illinois. Il a passé 12 ans à enseigner et à faire des recherches à l’Université de la Floride, où il a également dirigé le laboratoire de chimie clinique. Il occupe actuellement le poste de professeur Mark L. Morris de nutrition clinique au Department of Small Animal Medicine and Surgery à l’Université A & M du Texas. Il a obtenu son certificat de spécialiste de l’American College of Veterinary Nutrition. Ses recherches portent surtout sur les effets nutritionnels et la biochimie des lipides et le métabolisme du cholestérol chez les animaux par rapport aux humains. Il a enseigné à des étudiants dans le domaine de la nutrition animale de même qu’à ceux qui sont agréés dans le domaine de la nutrition humaine.

 

M. Bauer a été reconnu compétent comme expert en médecin vétérinaire, en nutrition animale, en pathologie clinique comparative, avec des connaissances spécialisées sur le cholestérol, notamment les modèles animaux pour les maladies humaines liées au cholestérol.

 

Dr Guy Goodwin (témoin de la demanderesse)

 

Le Dr Goodwin est actuellement professeur de psychiatrie et directeur du Department of Psychiatry à l’Université d’Oxford, où il cumule des activités de recherche et des activités cliniques. Il a effectué des recherches en neuroscience et en neuropsychopharmacologie, et ses travaux actuels portent sur la recherche clinique dans les domaines des troubles bipolaires, en particulier la manie et la dépression. Il a de nombreuses publications à son actif dans ses domaines de recherche et a aidé à élaborer des lignes directrices fondées sur des preuves pour le traitement des troubles bipolaires par l’entremise de la British Association for Psychopharmacology et la World Federation of Societies of Biological Psychiatry. De 2002 à 2004, il a été président de la British Association for Psychopharmacology, organisation misant sur la collaboration dans le développement et l’évaluation de médicaments pour le traitement de troubles psychiatriques. Depuis 2005, il est membre du Collègue européen de neuropsychopharmacologie. Le Dr Goodwin a également fourni des services d’expert‑conseil à des sociétés pharmaceutiques et a reçu des subventions de ces dernières pour l’élaboration d’essais et le développement de médicaments dans ses domaines de recherche. Il a déjà été reconnu comme un expert dans d’autres pays.

 

Le Dr Goodwin a été reconnu compétent comme psychiatre ayant de l’expérience dans la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais cliniques d’agents du SNC, dans la déclaration d’événements indésirables spontanés et l’utilisation d’agents du SNC.

 

John Lehmann (témoin de la demanderesse)

 

M. Lehmann a obtenu un doctorat en neuroscience de l’Université de la Colombie‑Britannique en 1980. Il a été professeur à la School of Medicine de l’Université Johns Hopkins, à la School of Medicine de l’Université MCP‑Hahnemann et à l’Université Queens. Il a en outre travaillé dans l’industrie pharmaceutique pour les sociétés CIBA‑GEIGY, Fondax‑Groupe de Recherche Servier, LifeSpan BioTechnology Medical Devices, GB Therapeutics Inc. et Layton BioScience. Il est actuellement président‑fondateur de Pharmikos Inc. Il a été reconnu compétent comme spécialiste en pharmacologie, notamment en neuropharmacologie, ayant de l’expérience dans la découverte de médicaments et la conception, la mise en œuvre et l’analyse d’essais pré‑cliniques in vitro et ex vivo et dans l’exécution et l’analyse d’études cliniques d’agents du SNC.

 

Alexander Giaquinto (témoin de la demanderesse)

 

M. Giaquinto a obtenu son baccalauréat en pharmacie de l’Université de St. John's en 1966 et un doctorat en sciences pharmaceutiques de l’Université du Connecticut en 1972. Il a accumulé plus de 30 années d’expérience dans l’industrie pharmaceutique. Il a d’abord travaillé dans le développement et la fabrication clinique et le développement de procédés et du conditionnement. Pendant plus de 20 ans, il a œuvré dans le domaine des affaires réglementaires à Schering-Plough. Il s’est alors familiarisé avec les procédés et les décisions touchant le développement de médicaments et en a assuré la supervision. En 1990, il a représenté l’industrie américaine à la Conférence internationale sur l’harmonisation (dont fait partie le Canada), qui a élaboré des lignes directrices pour la mise au point de nouveaux produits pharmaceutiques utilisés en Europe, au Japon et aux États‑Unis. Depuis 2003, M. Giaquinto travaille à temps partiel comme expert‑conseil et est vice‑président principal aux Affaires réglementaires et à l’Assurance de la qualité de Regado Biosciences Inc. Il est membre de plusieurs associations professionnelles, de comités, de conseils d’administration et de conseils consultatifs en rapport avec l’industrie pharmaceutique.

 

M. Giaquinto a été reconnu compétent comme spécialiste en sciences pharmaceutiques ayant de l’expérience dans le développement de médicaments et l’approbation réglementaire des médicaments.

 


Annexe C

Glossaire

 

 

 

Agranulocytose : trouble hématologique rare mais grave caractérisé par une baisse radicale, et parfois mortelle, de la production de globules blancs

Acathisie : impossibilité de rester immobile et de conserver une position pendant une longue période

CAR : conditioned avoidance response (conditionnement d’évitement)

CAT (catalepsie) : trouble caractérisé par une rigidité musculaire et une fixité de la posture quels que soient les stimulis externes

CPK : créatine-phosphokinase, une enzyme hépatique

EPS : symptômes extrapyramidaux

Neutropénie : trouble hématologique caractérisé par un nombre anormalement faible de polynucléaires neutrophiles (type de globules blancs). La neutropénie sévère est également appelée agranulocytose

SMN : syndrome malin des neuroleptiques

Thrombocytopénie : réduction du nombre de plaquettes sanguines

Zyprexa : nom de marque de l’olanzapine fabriquée par Eli Lilly.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-1048-07

 

INTITULÉ :                                       ELI LILLY CANADA INC. et autres

                                                            c. NOVOPHARM LIMITED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto et Ottawa (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :            17 au 20 novembre 2008; 24 au 28 novembre 2008;

                                                           1er au 4 décembre 2008; 8 au12 décembre 2008; 15 au 19 décembre 2008; 2 au 5 mars 2009; 9 au13 mars 2009; 16 au 18 mars 2009; 30 mars au 3 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 5 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Creber

Cristin Wagner

Jay Zakaib

Dr. John Norman

 

POUR LES DEMANDERESSES

(défenderesses reconventionnelles)

Jonathan Stainsby

Andrew Skodyn

Andy Radhakant

Neil Fineberg

Trent Morris

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(demanderesse reconventionnelle)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON SRL

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

(défenderesses reconventionnelles)

HEENAN BLAIKIE SRL

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(demanderesse reconventionnelle)

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.