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Date : 20091008

Dossier : IMM-541-09

Référence : 2009 CF 1019

Montréal (Québec), le 8 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Mainville

 

ENTRE :

PHILOMENA INNOCENT

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

 

[1]               Madame Philomena Innocent est une septuagénaire citoyenne d’Haïti qui habite à ce moment à Laval, en banlieue de Montréal, chez sa fille, une résidente permanente du Canada.

 

[2]               Madame Innocent est arrivée au Canada le 11 octobre 2005 munie d’un visa de résidente temporaire accordé après qu’elle eut demandé à visiter temporairement sa fille au Canada.

 

[3]               L’autorisation de séjour temporaire fut renouvelée ou prolongée à plusieurs reprises. Cependant, en janvier 2007, une demande additionnelle de prolongation fut refusée. À la suite de ce refus, la demanderesse déposa une demande d’asile au Canada.

 

[4]               Une audition eut lieu le 1er décembre 2008 devant un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le « tribunal ») et, dans une décision datée du 14 janvier 2009 (la « décision »), le tribunal a conclu que Mme Philomena Innocent n’avait « ni la qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni celle de « personne à protéger » » (décision, par. 20).

 

[5]               Madame Innocent fit une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision, laquelle autorisation fut accordée par le juge Lemieux le 17 juin 2009.

 

[6]               L’audition concernant ce contrôle judiciaire eut lieu devant le soussigné à Montréal, le 15 septembre 2009.

 

 

La décision soumise au contrôle judiciaire

 

[7]               Le tribunal n’a pas remis en cause la crédibilité de Mme Innocent et a plutôt conclu comme suit à cet égard : « Malgré quelques incohérences et réponses évasives, le tribunal tient compte de l’arrêt Maldonado [[1980] 2 C.F. 302 (C.A.F.)] qui dit : « quand un demandeur jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu’elles le sont, à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter » et donne le bénéfice du doute à [Mme Innocent] » (décision, par. 12).

 

[8]               Le récit de Mme Innocent fut donc tenu pour véridique par le tribunal et ne fut pas mis en doute par le ministre devant la Cour.

 

[9]               Les faits retenus par le tribunal sont donc les suivants, comme l’a résumé le tribunal dans sa décision :

[7]        La demandeure [sic] a témoigné à l’effet qu’elle habitait à Port‑au‑Prince, dans le quartier Bel Air, et avait un petit commerce dans sa maison. À partir de septembre 2005, elle se serait fait attaquer à trois reprises. On venait pour la voler, on lui réclamait l’argent qu’elle recevait de sa fille qui habite au Canada.

 

[8]        La demandeure [sic] témoigne à l’effet que la police avait peur de venir dans ce quartier. Vers septembre ou octobre 2005, les autorités auraient donné l’ordre aux citoyens de quitter le quartier car les gangs l’envahissaient. La demandeure [sic] témoigne qu’elle n’avait pas d’autres endroits où aller, ces [sic] autres enfants vivant en province. [...]

 

 

 

[10]           Ces faits étant tenus pour véridiques par le tribunal, ce dernier se pose alors une seule question, à savoir « si le risque auquel la demandeure [sic] pourrait être exposée est personnalisé ou généralisé » (décision, par. 13).

 

[11]           Le tribunal répond à cette question en quelques paragraphes :

[13]      [...] La preuve documentaire démontre l’état de violence et d’insécurité qui règne en Haïti pour l’ensemble de la population. Cependant, le tribunal considère que les gens en affaires ne constituent pas un groupe social tel que définit dans l’arrêt Ward [Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689].

 

[14]      Pour en arriver à cette conclusion, le tribunal s’appuie sur la jurisprudence récente, qui a notamment statué que le fait pour une personne d’être perçue comme riche ou de revenir de l’étranger, même si plus à risque de subir des actes criminels, constitue un risque généralisé lorsqu’il est établi selon la preuve que toute la population fait face au même risque. Or, la preuve documentaire déposée fiable et objective, citée précédemment, confirme que l’insécurité qui sévit en Haïti est généralisée et qu’elle affecte conséquemment toutes les catégories sociales.

 

[15]      La preuve documentaire indique également qu’Haïti est un lieu où l’insécurité, la violence et l’impunité sont présentes, et ce, particulièrement dans sa capital [sic], Port‑au‑Prince. Les gangs de Port‑au‑Prince sont localisés à Cité Soleil et dans son voisinage immédiat Nord et Est, incluant Cité Militaire, Bel Air, Solino et Delmas [...]

 

[16]      Bref, c’est l’ensemble de la population haïtienne qui est victime des menaces découlant de la violence, de l’insécurité et de la criminalité qui perdurent en Haïti. Mais, également, la demandeure [sic] a témoigné à l’effet que les policiers avaient peur de venir dans le secteur qu’elle habitait car les gangs l’avaient envahi. Le gouvernement avait même demandé aux citoyens de quitter le secteur, ce que la demandeure [sic] n’a pas fait.

 

[17]      En conséquence, le tribunal ne peut établir de lien entre la crainte de la persécution et l’un des cinq motifs mentionnés à l’article 96 de la Loi.

 

[18]      Le tribunal est d’avis que la preuve présentée devant le tribunal est à l’effet que le risque auquel pourrait être exposé la demandeure [sic] est généralisé à l’ensemble de la population du pays et non pas un risque personnalisé, ce qui fait en sorte que l’article 97(1)b) ne s’applique pas.

 

 

[12]           Le tribunal n’examine nullement la possibilité d’un refuge interne en Haïti, bien que certains éléments de preuve puissent laisser entendre qu’une telle solution s’offrait à Mme Innocent. En effet, son témoignage indique que certains de ses enfants résidaient en province en Haïti et que la police haïtienne encourageait le départ volontaire des gens de son quartier. Il n’est pas clair si le défaut d’examiner la possibilité d’un refuge interne découle de la position du tribunal voulant que l’état de violence et d’insécurité qui sévit en Haïti s’étend à tout le pays dans son ensemble, ou si le tribunal ne voyait plutôt pas la nécessité de traiter de cette question vu sa conclusion sur l’absence de risque personnalisé.

 

 

Questions en litige

 

[13]           Notons d’emblée que la demanderesse ne conteste pas la conclusion du tribunal selon laquelle elle n’est pas visée pas l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la « Loi »). La demande de contrôle judiciaire vise donc uniquement les conclusions du tribunal quant à l’application de l’alinéa 97(1)b) de la Loi, reproduit ci‑après.

 

[14]           À cet égard, le procureur de la demanderesse a soulevé en plaidoirie orale deux questions devant la Cour :

a.         Le tribunal a-t-il erré dans son interprétation de l’alinéa 97(1)b) de la Loi?

b.         Le tribunal a-t-il erré dans son application de l’alinéa 97(1)b) de la Loi aux

            faits de cette cause?

 

[15]           Le procureur de la demanderesse propose à la Cour d’appliquer la norme de contrôle de la décision correcte à l’égard de la première question et la norme de contrôle de la décision raisonnable à la deuxième question.

 

[16]           Le procureur du ministre a pris note des deux questions soulevées par la demanderesse, mais soutient qu’aucune question d’interprétation de l’alinéa 97(1)b) n’est en cause dans cette affaire, le tribunal ayant simplement procédé à une application de cette disposition législative aux faits en cause. En conséquence, le procureur du ministre soutient que seule la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à l’ensemble de la décision soumise à la présente révision judiciaire.

 

Les textes législatifs pertinents

[17]           Les dispositions pertinentes de la Loi sont l’alinéa 3(2)a), l’alinéa 3(3)d), le paragraphe 97(1) et le paragraphe 107(1) :

3(2) S’agissant des réfugiés, la présente loi a pour objet :

 

a) de reconnaître que le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution;

 

[...]

 

3(3) L’interprétation et la mise en oeuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

 

[...]

 

d) d’assurer que les décisions prises en vertu de la présente loi sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en ce qui touche les principes, d’une part, d’égalité et de protection contre la discrimination et, d’autre part, d’égalité du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada;

 

[...]

 

97(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

107(1) La Section de la protection des réfugiés accepte ou rejette la demande d’asile selon que le demandeur a ou non la qualité de réfugié ou de personne à protéger.

 

3(2) The objectives of this Act with respect to refugees are

 

(a) to recognize that the refugee program is in the first instance about saving lives and offering protection to the displaced and persecuted;

 

...

 

3(3) This Act is to be construed and applied in a manner that

 

...

 

(d) ensures that decisions taken under this Act are consistent with the Canadian Charter of Rights and Freedoms, including its principles of equality and freedom from discrimination and of the equality of English and French as the official languages of Canada;

 

 

 

...

 

97(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

107(1) The Refugee Protection Division shall accept a claim for refugee protection if it determines that the claimant is a Convention refugee or person in need of protection, and shall otherwise reject the claim.

 

 

 

La position de la demanderesse

 

[18]           Le procureur de la demanderesse note un débat dans les décisions de la Cour concernant l’interprétation du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi.

 

[19]           Ainsi, une première école jurisprudentielle serait d’avis que cette disposition de la Loi doit être interprétée comme ne conférant pas le statut de personne à protéger aux demandeurs qui sont exposés à un risque qui est similaire au risque auquel une partie importante de la population du pays en cause est elle‑même exposée, et ce, même si ces demandeurs peuvent être membres de sous‑groupes qui sont exposés de façon plus importante à ce risque généralisé.

 

[20]           À titre d’exemple, dans l’affaire Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 331, un homme d’affaires haïtien réclamait le statut de personne à protéger au motif que les gens fortunés ou perçus comme tels en Haïti sont plus à risque de violence criminalisée que l’ensemble de la population d’Haïti, et ce, bien que la violence criminalisée soit généralisée en Haïti. Madame la juge Tremblay‑Lamer a refusé de reconnaître le statut de personne à protéger dans un tel cas pour les motifs qui suivent :

[18]      La difficulté qui se présente lors de l’analyse d’un risque personnalisé dans des cas de violations généralisées des droits de la personne, de guerre civile et d’États défaillants est la détermination de la ligne de séparation entre un risque qui est « personnalisé » et un risque qui est « général ». Dans ces situations, la Cour peut se trouver en présence d’un demandeur auquel on s’en est pris dans le passé, et auquel on pourra s’en prendre à l’avenir, mais dont la situation qui comporte un risque est similaire à celle d’une partie d’une population plus large. Ainsi, la Cour est en présence d’un individu qui peut être exposé à un risque personnalisé, mais un risque partagé avec de nombreux autres individus.

 

[19]      Récemment, le terme « généralement » [au sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi] a été interprété d’une manière qui peut inclure des parties de la population en général, de même que tous les résidents ou citoyens d’un pays donné : Osario c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1459, [2005] A.C.F. no 1792 (QL). Dans cette affaire, le demandeur affirmait que si lui et son jeune fils né au Canada étaient renvoyés en Colombie ce renvoi constituerait un traitement ou une peine cruels et inusités en raison du stress psychologique qu’il subirait à titre de parent qui s’inquiète du bien-être de son enfant dans ce pays. Aux paragraphes 24 et 26, la juge Snider a déclaré ce qui suit :

 

[24] Il me semble que c’est le bon sens qui doit déterminer la signification du sous‑alinéa 97(1)b)(ii). [...]

 

[26]      De plus, je ne vois rien dans le sous‑alinéa 97(1)b)(ii) qui oblige la Commission à interpréter le mot « généralement » comme s’appliquant à tous les citoyens. Le mot « généralement » est communément utilisé dans le sens de « courant » ou « répandu ». Le législateur a délibérément choisi d’utiliser le mot « généralement » dans le sous‑alinéa 97(1)b)(ii), laissant à la Commission le soin de décider si un groupe en particulier correspond à la définition. Si sa conclusion est raisonnable, comme c’est le cas ici, je ne vois pas le besoin d’intervenir. [Non souligné dans l’original].

 

[...]

 

[23] Compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour, je suis d’avis que le demandeur n’est pas personnellement exposé à un risque auquel ne sont pas exposés généralement les autres individus qui sont à Haïti ou qui viennent d’Haïti. Le risque d’être visé par quelque forme de criminalité est général et est ressenti par tous les Haïtiens. Bien qu’un nombre précis d’individus puissent être visés plus fréquemment en raison de leur richesse, tous les Haïtiens risquent de devenir des victimes de violence.

 

 

 

[21]           Cette première école jurisprudentielle comprendrait, outre la décision Prophète, précitée, les décisions Ventura De Parada c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 845 (le juge Zinn), Acosta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 213 (le juge Gauthier), Cius c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1 (le juge Beaudry), Étienne c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 64 (le juge Shore), et Osorio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1459 (le juge Snider). Plusieurs autres décisions pourraient être ajoutées à cette liste, dont la décision Jeudy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1124 (le juge Lemieux).

 

[22]           Or, selon le procureur de la demanderesse, l’interprétation donnée au sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi par cette école jurisprudentielle serait erronée, puisque cette interprétation mènerait à des résultats arbitraires. En effet, cette interprétation repose sur la détermination préalable de l’existence d’un groupe exposé suffisamment vaste pour être visé par le mot « généralement » utilisé audit sous‑alinéa. Or, en quelles circonstances un groupe menacé est‑il suffisamment vaste pour qu’une personne menacée puisse alors perdre la protection du Canada? Ne s’agit-il pas d’une détermination purement arbitraire et subjective?

[23]           La demanderesse note qu’elle est plus exposée que le reste de la population haïtienne au banditisme généralisé qui sévit en Haïti, puisqu’elle fait partie de ceux qui sont perçus comme mieux nantis. Son procureur demande donc à la Cour d’écarter la décision du tribunal au motif d’une erreur de droit dans son interprétation du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi. Ce raisonnement requiert de ne pas tenir compte de la jurisprudence précitée et de favoriser plutôt une approche qui permet d’établir un risque personnalisé en raison de l’appartenance à un groupe exposé, en l’occurrence le groupe de ceux qui pourraient être perçus comme plus riches et donc plus susceptibles de faire l’objet de la violence généralisée.

 

[24]           Selon le procureur de la demanderesse, cette approche serait celle prise par une deuxième école jurisprudentielle de la Cour, qui comprendrait notamment les décisions Surajnarain c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1165 (la juge Dawson), et Sinnappu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] 2 C.F. 791 (le juge McGillis).

 

[25]           Selon le procureur de la demanderesse, la juge Dawson, dans une remarque incidente dans la décision Surajnarain, précitée, explique bien l’approche de cette deuxième école jurisprudentielle :

[16]      Il existait une exigence pertinente selon laquelle le demandeur devait établir que son renvoi l’exposerait personnellement « en tout lieu de ce pays, à l’un des risques suivants, objectivement identifiable, auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus provenant de ce pays ou s’y trouvant ».

 

[17]      Le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration avait publié [en 1994] des lignes directrices pour aider les agents dans l’interprétation des divers éléments contenus dans la définition de la catégorie des DNRSRC. En ce qui concerne l’exigence voulant que le risque soit un risque « auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus », les lignes directrices donnaient les instructions suivantes aux agents :

 

Il ne s’agit pas seulement d’un risque que pourrait courir un individu dans un cas particulier, il s’agit d’un risque que pourraient aussi courir d’autres individus qui se trouveraient dans une situation semblable. Les risques ne se limitent pas à des considérations ethniques, politiques, religieuses ou sociales comme pour les motifs de persécution dans la définition de réfugié au sens de la Convention. Cet élément s’applique, que le risque soit relié ou non à un motif prévu par la « Convention ». Cependant, sous réserve de ce qui précède, il faut tenir compte de la limite qu’impose la définition de DNRSRC dans l’expression « à l’un des risques suivants, [...] auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus ». Ainsi, une décision favorable ne peut être prise aux termes de cette disposition réglementaire dans le cas d’un risque auquel sont exposés tous les résidents et citoyens du pays d’origine. [Non souligné dans l’original.]

 

[18]      La juge McGillis a eu l’occasion de se pencher sur les lignes directrices dans la décision Sinnappu, précitée. Au paragraphe 37, elle a écrit :

 

Plus précisément, les lignes directrices indiquent que les critères du paragraphe 2(1) du Règlement ne se limitent pas à un « risque que pourrait courir un individu dans un cas particulier », mais comprennent un risque que pourraient aussi courir d’autres individus qui se trouveraient dans une situation semblable. De plus, d’après les lignes directrices, les mots du Règlement « auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus » signifient qu’une décision favorable pourrait être rendue dans le cas d’un risque auquel sont exposés tous les résidents et citoyens de ce pays. Effectivement, au cours de son contre‑interrogatoire, Gilbert Troutet, spécialiste des demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC, a mentionné que l’exclusion s’appliquerait uniquement [TRADUCTION] « dans les situations extrêmes comme une catastrophe généralisée qui toucherait tous les habitants d’un pays donné. En pareil cas, elle [l’intimée] peut appliquer des programmes spécifiques pour couvrir ce genre de situation. » [Non souligné dans l’original et note de bas de page omise.]

 

[19]      Par conséquent, la Commission doit examiner si l’application des principes énoncés dans l’arrêt Salibian et la décision Sinnappu mène à la conclusion que le demandeur peut seulement se voir refuser la protection au titre du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi si le risque auquel il serait exposé est un risque auquel sont généralement exposés tous les autres citoyens du pays.

 

 

 

[26]           Le procureur de la demanderesse prend note que la Cour d’appel fédérale a refusé de se prononcer sur l’interprétation du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi dans Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31. Il en tire donc la conclusion que l’état du droit à cet égard serait loin d’être satisfaisant.

 

[27]           Le procureur de la demanderesse ajoute comme argument subsidiaire que même si la Cour se rallie à la première école jurisprudentielle dans son interprétation du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi, la décision du tribunal doit tout de même être cassée au motif que l’application de ce sous-alinéa, tel qu’ainsi interprété, aux faits en cause n’est pas raisonnable.

 

[28]           En effet, il ne s’agit pas uniquement du cas d’une personne qui craint la violence à cause de son appartenance à un groupe particulier et qui est donc plus à risque que l’ensemble de la population. Dans ce cas‑ci, Mme Prophète a été personnellement ciblée par une bande de voyous qui l’ont assaillie à plusieurs reprises. En l’occurrence, il s’agit d’un cas analogue à celui examiné par le juge de Montigny dans l’affaire Martinez Pineda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 365, où il avait accueilli une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision refusant le statut de personne à protéger en vertu de l’alinéa 97(1)b) de la Loi à un citoyen du Salvador.

 

[29]           Dans cette affaire, M. Pineda avait été menacé à plusieurs reprises par des membres d’un gang de rue à la suite de son refus d’en devenir membre. Il avait été mis en preuve que les gangs de rue recrutaient à la grandeur du pays et la demande de M. Pineda avait donc été refusée par le tribunal administratif au motif que le risque auquel le demandeur était exposé n’était pas différent de celui auquel la population du Salvador en général était exposée. À cet égard, le juge de Montigny avait noté ce qui suit :

[17]      [...] Le demandeur ne prétend pas être exposé à un risque pour sa vie ou sa sécurité du seul fait qu’il est étudiant, jeune, ou issu d’une famille à l’aise. Si tel était le cas, sa demande devrait être rejetée pour les mêmes motifs qui ont amené la Cour à confirmer les décisions de la SPR dans les deux affaires précitées [Jeudy et Osorio, précitées]. Mais tel n’est pas le cas. Le demandeur a allégué avoir été personnellement ciblé, à plus d’une reprise et sur une période de temps assez longue. À moins de remettre en question la véracité de son récit, ce que la SPR n’a pas fait, on ne peut douter qu’il soit personnellement en danger advenant un retour au El Salvador. Conclure le contraire, dans les circonstances particulières du présent dossier, constitue une erreur manifestement déraisonnable.

 

 

 

La position du ministre

 

[30]           Le procureur du ministre soutient que la décision du tribunal ne porte pas sur l’interprétation du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi, mais se limite plutôt à l’application de cette disposition aux faits de la cause à la lumière de la jurisprudence nettement majoritaire de la Cour concernant la portée de cette disposition.

 

[31]           À cet égard, il note que même si une personne est une victime directe de la violence qui résulte d’un banditisme généralisé, cela ne signifie pas que le risque auquel est exposée cette personne est différent du risque auquel est exposée la population en général. Chaque cas doit être traité selon les faits qui lui sont propres, et il appartient au tribunal de déterminer ces faits à la lumière de la preuve qui est faite devant lui. À moins que la décision du tribunal ne contrevienne à la norme déférente de la décision raisonnable, la Cour ne devrait pas intervenir.

 

[32]           Il ajoute que la jurisprudence récente de la Cour est claire au sujet des principes applicables dans de tels cas. En conséquence, la décision du juge Tremblay‑Lamer dans l’affaire Prophète, précitée, est déterminante, d’autant plus que la Cour d’appel fédérale a confirmé les conclusions du juge dans cette affaire. La décision dans Prophète aurait d’ailleurs été largement suivie par la suite, notamment dans Lebrun Charles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 233 (le juge Martineau), Octave c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 403 (le juge Harrington), et Ventura de Parada, précité (le juge Zinn).

 

[33]           Le procureur du ministre reconnaît la décision discordante récente de la juge Dawson dans l’affaire Surajnarain, précitée, mais il note qu’il s’agit d’une remarque incidente qui ne lie pas la Cour et qui repose essentiellement sur la décision Sinnappu, précitée, laquelle date de 1997 et fut rendue dans un contexte législatif et réglementaire différent de celui d’aujourd’hui.

 

 

 

 

 

 

Analyse

 

La norme applicable

 

[34]           À la suite des décisions de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, les deux normes de révision judiciaire sont celles de la décision correcte et de la décision raisonnable. Afin d’établir la norme applicable dans chaque cas, « [i]l n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle. Là encore, la jurisprudence peut permettre de cerner certaines des questions qui appellent généralement l’application de la norme de la décision correcte (Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672, 2004 CSC 26). En clair, l’analyse requise est réputée avoir déjà eu lieu et ne pas devoir être reprise. » (Dunsmuir, précité, au par. 57.)

 

[35]           Les erreurs de droit sont généralement assujetties à la norme de la décision correcte : Khosa, précité, au par. 44. Quoiqu’une certaine réserve puisse être appropriée lorsqu’un tribunal administratif spécialisé interprète sa loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat (Dunsmuir, précité, au par. 54), la jurisprudence pertinente indique généralement que les questions de droit liées au statut de réfugié (et, par implication, au statut de personne à protéger) en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sont soumises à la norme de la décision correcte : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, aux par. 42 à 50, Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, au par. 37.

 

[36]           Les jugements récents Acosta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), précité, et Michaud c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 886, soutiennent que l’application du sous-alinéa 97(1(b)(ii) de la Loi est une question de fait soumise à la norme de la décision raisonnable. Comme je l’explique plus loin, je suis d’accord que cette norme s’applique en révision judiciaire des décisions concernant l’application dudit sous-alinéa. Néanmoins, pour en arriver à cette conclusion, il est nécessaire dans le présent dossier d’interpréter la portée de l’article 97 de la Loi, et cette interprétation soulève une question de droit soumise à la norme de la décision correcte.

 

[37]           En conséquence, j’appliquerai ici la norme de contrôle de la décision correcte à l’interprétation de l’article 97, et la norme de contrôle de la décision raisonnable aux déterminations de fait par le tribunal.

 

 

Sommaire

 

[38]           La Cour est d’avis que pour traiter d’une demande de statut de personne à protéger en vertu du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi, il faut procéder à un examen personnalisé dans le contexte des risques existants et prospectifs auxquels le demandeur est exposé. Cet examen repose sur les faits particuliers de chaque cas.

 

[39]           L’analyse requise comprend non seulement celle du risque personnalisé auquel la personne en cause est exposée, mais également une analyse distincte du risque auquel d’autres personnes originaires du pays en cause sont exposées. Ces analyses sont faites avec l’objectif de déterminer dans chaque cas particulier, à la lumière de la preuve disponible, si le risque personnalisé auquel le demandeur est exposé existe « en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas ».

 

[40]           La Cour est également d’avis qu’une analyse textuelle du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) et une approche pragmatique et fonctionnelle à l’application de ce sous‑alinéa révèlent que l’analyse du risque auquel d’autres personnes originaires du pays en cause sont exposées ne doit pas nécessairement se limiter à l’analyse du risque auquel toute la population est exposée, mais peut également comprendre l’analyse du risque auquel une partie seulement de la population est exposée, dans la mesure où les circonstances propres à chaque cas justifient cette approche à la lumière des objectifs de la Loi et de son article 97.

 

[41]           Ces diverses analyses sont essentiellement factuelles et doivent être menées au cas par cas. Dans la mesure où ces analyses et les conclusions qui en sont tirées sont raisonnables, la Cour n’interviendra pas en révision judiciaire d’une décision faite à cet égard par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Voir à cet égard Acosta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), précité, et Michaud c. Canada (Citoyenneté et Immigration), précité.

 

[42]           Pour la Cour, l’analyse requise en vertu du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi porte donc principalement sur la détermination, au cas par cas, d’une menace réelle et particularisée visant l’individu. Cette approche est conforme aux objectifs mêmes de la Loi, notamment l’alinéa 3(2)a), reproduit ci‑dessus, qui reconnaît que le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution, et l’alinéa 3(3)d), également reproduit ci‑dessus, qui prévoit que la mise en oeuvre de la Loi doit avoir pour effet d’assurer que les décisions prises en vertu de celle-ci soient conformes à la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[43]           Ces conclusions reposent sur les analyses qui suivent.

 

 

Analyse textuelle

 

[44]           Les principes modernes d’interprétation de textes législatifs ont été réitérés récemment par la Cour suprême du Canada dans Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, au par. 10 :

Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50.  L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble.  Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.  Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important.  L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

 

 

[45]           L’analyse textuelle du sous-alinéa 97(1)b)(ii) démontre que cette disposition ne requiert pas que toutes les autres personnes du pays en cause soient exposées au risque.

 

[46]           En effet, le sous-alinéa requiert que la personne concernée soit exposée au risque « en tout lieu de ce pays » (en anglais, « in every part of that country »), faisant ainsi place en premier lieu à la possibilité d’un refuge interne.

 

[47]           De plus, le texte dispose que le risque auquel le demandeur est exposé ne doit pas être un risque auquel d’autres personnes originaires du pays sont exposées (« que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas »; en anglais, « is not faced generally by other individuals in or from that country »).

 

[48]           Le texte en question n’exige pas que « toutes les autres personnes originaires de ce pays » soient exposées au risque, mais bien que « d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent » ne soient pas généralement exposées. L’usage d’un article indéfini dans ce contexte rend le texte clair. En effet, comme le souligne Grevisse, « [l’]article indéfini indique que l’être ou l’objet désigné par le nom est présenté comme un certain être ou un certain objet distinct des autres êtres ou objets particuliers de l’espèce, mais dont l’individualisation reste indéterminée » (Le Bon Usage, 11e édition, pages 347 et 348). Une analyse grammaticale du texte anglais de la disposition en cause mène au même résultat.

 

[49]           Ainsi, dans des cas comme l’espèce, où la population en général est exposée à un risque de criminalité, le fait que certaines personnes soient plus exposées à ce risque, soit parce qu’elles habitent des quartiers plus dangereux, soit parce qu’elles sont perçues comme plus riches, ne rend pas ces personnes nécessairement admissibles au statut de personnes à protéger en vertu du sous‑alinéa 97(1)b)(ii). Dans le premier cas, la possibilité d’un refuge interne exclurait ce statut, et dans l’autre, le risque généralisé aurait le même effet.

 

 

Historique législatif

 

[50]           Cette analyse textuelle est également étayée par l’étude de l’historique législatif de cette disposition. Une disposition similaire est apparue pour la première fois dans les règlements en 1993 afin de préciser un processus de révision antérieur à l’égard de personnes auxquelles la définition de réfugié au sens de la Convention ne s’appliquait pas, mais que l’on ne devait néanmoins pas renvoyer, car elles couraient un risque grave. La catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (la catégorie des « DNRSRC ») a été formellement créée aux termes du Règlement sur l’immigration de 1978 — Modification, DORS/93-44, lequel a prévu l’insertion de la définition suivante au paragraphe 2(1) du règlement :

« demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada »

 

Immigrant au Canada :

 

a) à l’égard duquel la section du statut a décidé, le 1er février 1993 ou après cette date, de ne pas reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, [...]

 

c) dont le renvoi vers un pays dans lequel il peut être renvoyé l’expose personnellement, en tout lieu de ce pays, à l’un des risques suivants, objectivement identifiable, auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus provenant de ce pays ou s’y trouvant :

 

(i) sa vie est menacée pour des raisons autres que l’incapacité de ce pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats,

 

 

 

(ii) des sanctions excessives peuvent être exercées contre lui,

 

(iii) un traitement inhumain peut lui être infligé.

"member of the post‑determination refugee claimants in Canada class" means an immigrant in Canada

 

(a) who the Refugee Division has determined on or after February 1, 1993 is not a Convention refugee [...]

 

 

 

(c) who if removed to a country to which the immigrant could be removed would be subjected to an objectively identifiable risk, which risk would apply in every part of that country and would not be faced generally by other individuals in or from that country,

 

(i) to the immigrant’s life, other than a risk to the immigrant’s life that is caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care,

 

(ii) of extreme sanctions against the immigrant, or

 

(iii) of inhumane treatment of the immigrant;

 

 

 

[51]           À cet égard, le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation accompagnant ce règlement (mais n’en faisant pas partie) est explicite quant au fait que le risque auquel fait face le demandeur doit être personnalisé : « Le demandeur doit courir un risque réel s’il est forcé de quitter le Canada. Ce risque doit être sérieux : un danger de mort, des sanctions excessives ou des traitements inhumains. Il doit être personnel, c’est-à-dire dirigé contre la personne plutôt que résultant d’une situation de danger générale à laquelle sont aussi exposés les autres habitants du pays. [...] Les critères sont circonscrits [en anglais, « narrowly drawn »] pour éviter de superposer un autre processus au processus d’admissibilité existant lors de la détermination positive du statut de réfugié. » (Gazette du Canada, partie II, vol. 127, no 3, page 655; nous soulignons.)

 

[52]           Par contre, en 1994, un examen des procédures concernant la catégorie des DNRSRC fut entrepris. Le juge McGillis explique comme suit le résultat de cet examen dans son jugement dans Sinnappu c. Canada, précité, au par. 36 :

[...] Par suite de l’examen, il a été recommandé d’élargir la portée de la définition du paragraphe 2(1) du Règlement en y ajoutant les facteurs de risque général auquel s’expose la personne renvoyée au pays en question. Même si cette recommandation n’a pas été acceptée, il a été décidé d’élaborer des lignes directrices afin d’aider les agents à interpréter les critères du Règlement. En juillet 1994, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (ministère) a fait paraître des lignes directrices intitulées Qu’est-ce que la catégorie DNRSRC? (lignes directrices sur la catégorie DNRSRC) afin d’aider les agents chargés d’examiner les demandes d’établissement fondées sur l’appartenance à la catégorie DNRSRC à interpréter les critères du Règlement. Aux fins de la présente affaire, je reproduis ci-après les parties pertinentes de ces lignes directrices :

 

[...]

 

·                     « ... auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus... » : Il ne s’agit pas seulement d’un risque que pourrait courir un individu dans un cas particulier, il ’agit [sic] d’un risque que pourraient aussi courir d’autres individus qui se trouveraient dans une situation semblable. Les risques ne se limitent pas à des considérations ethniques, politiques, religieuses ou sociales comme pour les motifs de persécution dans la définition de réfugié au sens de la Convention. Cet élément s’applique, que le risque soit relié ou non à un motif prévu par la « Convention ». Cependant, sous réserve de ce qui précède, il faut tenir compte de la limite qu’impose la définition de DNRSRC dans l’expression « à l’un des risques suivants, (...) auquel ne sont pas généralement exposés d’autres individus ». Ainsi, une décision favorable ne peut être prise aux termes de cette disposition réglementaire dans le cas d’un risque auquel sont exposés tous les résidents et citoyens du pays d’origine. [Nous soulignons.]

 

 

 

[53]           Notons que ces lignes directrices portaient sur le texte de l’ancien règlement et ne lient certainement pas la Cour au regard de l’interprétation du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi tel qu’il se lit aujourd’hui. Cela étant dit, il est important de noter qu’après 1994, il y eut des modifications réglementaires et législatives importantes concernant la catégorie des DNRSRC.

 

[54]           Ainsi, un rapport du vérificateur général du Canada datant de décembre 1997 contenait les observations suivantes :

25.6     CIC [Citoyenneté et Immigration Canada] arrive difficilement à régler les cas de revendicateurs non reconnus de façon rapide et efficace. L’évaluation des risques de retour comporte des ambiguïtés qui suscitent des questions sur son fondement. Nous avons également constaté que l’évaluation des considérations humanitaires invoquées par les revendicateurs non reconnus manque de rigueur. CIC éprouve en outre de sérieuses difficultés à mettre en oeuvre les mesures de renvoi.

 

[...]

 

25.116 Tel que discuté dans les paragraphes qui suivent, l’évaluation des risques de retour comporte présentement des ambiguïtés qui suscitent des questions sur son fondement. Dans sa forme actuelle, cette étape s’apparente à une réévaluation de la décision de la CISR. Elle entraîne par ailleurs une duplication d’efforts qui affecte l’efficience du processus dans son ensemble. Nous avons également constaté que l’évaluation des considérations humanitaires invoquées par les revendicateurs non reconnus manque de rigueur. Enfin, CIC éprouve de graves difficultés à mettre en oeuvre les mesures de renvoi.

 

[...]

 

25.117 En vertu du pouvoir discrétionnaire du Ministre de créer des catégories de personnes pour lesquelles on désire accorder un traitement particulier, la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié a été créée par règlement en 1993. Cette catégorie avait pour but de protéger les revendicateurs qui, sans satisfaire à la définition de réfugié au sens de la Convention, courent un risque de danger s’ils sont forcés de quitter le Canada. L’instauration de cette catégorie officialisait une pratique qui avait cours à CIC depuis 1989. Selon les critères énoncés, le risque doit être sérieux — un danger de mort, des sanctions excessives ou des traitements inhumains — et personnel — dirigé contre la personne plutôt que résultant d’une situation de danger générale dans le pays. L’objectif visé est différent de celui que poursuit le Ministère lorsqu’il évalue les conditions généralisées dans un pays pour déterminer le bien‑fondé d’y effectuer des renvois. [Nous soulignons.]

 

[...]

 

25.125 Citoyenneté et Immigration Canada devrait s’assurer que l’évaluation des risques de retour :

 

·                    s’inscrit dans les limites de l’objectif visé par la catégorie des demandeurs non reconnus de statut de réfugié [...] [Nous soulignons.]

 

 

[55]           Outre ces critiques au regard des critères utilisés par rapport aux limites des objectifs visés par la catégorie des DNRSRC, ce rapport du vérificateur général a eu pour résultat la mise sur pied d’un groupe consultatif pour la révision de la loi. Les travaux de ce groupe furent à l’origine de la loi actuelle en matière d’immigration et de protection des réfugiés, soit la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, adoptée par le Parlement en 2001 et entrée en vigueur le 28 juin 2002.

 

[56]           Cette nouvelle loi comprend le texte des articles 96 et 97 tels qu’ils se lisent aujourd’hui, et elle a radicalement modifié le régime applicable à ce qui était antérieurement désigné la catégorie des DNRSRC. Plus particulièrement, nous sommes maintenant en présence d’un régime législatif (et non réglementaire), la décision sur le statut de « personne à protéger » en vertu de l’article 97 s’effectue en même temps que la décision sur le statut de « réfugié » en vertu de l’article 96, et ces décisions sont toutes deux prises par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié dans le cas de demandes présentées au Canada.

 

[57]           À cet égard, les services juridiques de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ont produit un document intitulé Regroupement des motifs de protection dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés daté du 15 mai 2002 et décrivant les conditions à respecter aux termes de l’alinéa 97(1)b) de la Loi (à la date du présent jugement, ce document apparaît au site Web de la Commission). Il s’agit en quelque sorte du pendant moderne des lignes directrices ministérielles dont il fut fait état dans la cause Sinnappu, précitée. Or, ce document contient une interprétation fort différente de la disposition légale :

3.1.7. Risque non couru de façon générale

 

Si le risque auquel est exposé une personne découle d’un risque généralisé dans ce pays, cette personne n’est pas protégée en vertu de l’alinéa 97(1)b). La protection est limitée à ceux qui sont exposés à un risque spécifique auquel les autres ressortissants du pays ne sont généralement pas exposés. Le risque doit être particulier à la personne qui prétend avoir besoin de protection, par opposition à un risque aléatoire auquel sont exposés le demandeur et d’autres habitants du pays.

 

Une demande d’asile fondée sur des catastrophes naturelles comme la sécheresse, la famine, les séismes, etc., ne correspondra pas à la définition, puisque le risque est généralisé. Toutefois, les demandes d’asile s’appuyant sur des menaces personnelles, des vendettas, etc., pourraient satisfaire à la définition, (à condition que tous les éléments de l’alinéa 97(1)b) soient respectés), puisque le risque n’est pas aléatoire.

 

Dans une situation de guerre civile, le demandeur serait tenu de présenter des preuves démontrant que le risque auquel il est exposé n’est pas un risque couru de façon générale par les habitants du pays, mais que ce risque est lié à une caractéristique ou à un statut particuliers. Le demandeur d’asile qui fuit une situation de guerre civile peut être en mesure d’établir le bien‑fondé de sa demande dans les cas où le risque de persécution n’est pas individualisé, mais représente un préjudice collectif différent des dangers généraux de la guerre civile. Il doit y avoir un certain ciblage, bien que le groupe ciblé puisse être vaste et qu’il puisse y avoir plusieurs groupes ciblés opposés. De manière similaire, l’approche adoptée dans les lignes directrices relatives à la CDNRSRC prévoyait l’absence d’obligation de ciblage individualisé mais exclurait les victimes de violence aléatoire dans une situation de guerre civile, si tous les résidents étaient exposés à cette violence aléatoire. Cette façon d’aborder le risque provenant d’une guerre civile cadre avec les directives données par le président de la CISR, intitulées Directives concernant la guerre civile et semble concorder avec l’esprit du sous‑alinéa 97(1)b)(ii).

 

Par conséquent, il est possible que des personnes exposées à un risque sérieux et crédible ne bénéficient pas de la protection en vertu de l’alinéa 97(1)b) tant que les citoyens de ce pays seront généralement exposés à ce risque, indépendamment de leurs caractéristiques et de leur statut personnels. [Nous soulignons.]

 

 

 

La jurisprudence

 

[58]           Les décisions de cette Cour concernant l’alinéa 97(1)b) reposent sur la présence ou non d’un risque personnalisé dans chaque cas, le tout établi sur la base d’une analyse factuelle propre aux circonstances en cause dans chaque affaire.

 

[59]           Ainsi, à titre d’exemple, dans les causes Cius c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1, Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 331, et Vickram c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 457, les demandeurs en cause cherchaient à établir un risque personnalisé en raison de leur appartenance au groupe des personnes qui pourraient être perçues comme plus riches et donc plus susceptibles de faire l’objet de violence généralisée. Leurs demandes ont été à juste titre rejetées, puisqu’un risque personnalisé doit viser l’individu de façon particularisée. Un raisonnement similaire fut fait dans Osorio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1459.

 

[60]           Par contre, dans Martinez Pineda c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 365, le demandeur en cause a pu établir un risque particularisé qui le visait personnellement malgré le contexte de violence générale, ce qui pouvait, dans ce cas, mener à l’application du sous‑alinéa 97(1)b)(ii).

 

[61]           Quant à la décision Sinnappu, précitée, elle repose sur une analyse des lignes directrices ministérielles de 1994, lesquelles étaient difficilement conciliables avec le texte réglementaire applicable à l’époque et qui sont de toute façon périmées vu le nouveau contexte légal.

 

 

[62]           Madame la juge Tremblay‑Lamer avait invité la Cour d’appel fédérale à se prononcer sur la question soulevée ici par le procureur de la demanderesse en certifiant la question suivante dans l’affaire Prophète, précitée :

Dans les cas où la population d’un pays est exposée à un risque généralisé d’être victime d’actes criminels, la restriction prévue à l’alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR s’applique-t-elle à un sous‑groupe de personnes exposées à un risque nettement plus élevé d’être victimes de tels actes criminels?

 

 

 

[63]           Or, dans sa décision récente du 4 février 2009 dans Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31, la Cour d’appel fédérale a refusé de traiter de ce sujet, en notant que la question certifiée avait une portée trop large. La Cour a néanmoins noté que madame la juge Tremblay‑Lamer disposait d’éléments de preuve lui permettant de conclure comme elle l’a fait :

[7]        Pour décider si un demandeur d’asile a qualité de personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la Loi, il faut procéder à un examen personnalisé en se fondant sur les preuves présentées par le demandeur d’asile « dans le contexte des risques actuels ou prospectifs » auxquels il serait exposé (Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 99, au paragraphe 15) (en italique dans l’original). Dans sa rédaction actuelle, la question certifiée a une portée trop large.

 

[8]        Compte tenu du régime fédéral global dans lequel s’inscrit l’article 97, répondre à la question certifiée dans un vide factuel aurait pour effet, selon les circonstances de chaque espèce, de restreindre ou d’élargir indûment la portée du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi.

 

[9]        Pour ces motifs, nous refusons de répondre à la question certifiée.

 

[10]      Dans le cas qui nous occupe (Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 331), le juge de première instance disposait d’éléments de preuve qui lui permettaient de conclure que :

 

[23]      ... le demandeur n’est pas personnellement exposé à un risque auquel ne sont pas exposés généralement les autres individus qui sont à Haïti ou qui viennent d’Haïti. Le risque d’être visé par quelque forme de criminalité est général et est ressenti par tous les Haïtiens. Bien qu’un nombre précis d’individus puissent être visés plus fréquemment en raison de leur richesse, tous les Haïtiens risquent de devenir des victimes de violence.

 

 

[64]           Quoique la Cour d’appel fédérale ait refusé de répondre à la question, ses motifs à cet égard sont concordants avec l’analyse de l’article 97 qui est faite ici.

 

Application au cas de Mme Innocent

[65]           L’argument principal du procureur de la demanderesse, selon lequel celle‑ci est plus exposée que le reste de la population haïtienne au banditisme généralisé qui sévit en Haïti parce qu’elle fait partie de ceux qui sont perçus comme mieux nantis, ne peut donc être retenu, et cet argument est écarté pour les motifs exposés longuement ci-dessus.

 

[66]           Il reste cependant l’argument subsidiaire du procureur de la demanderesse, c’est‑à‑dire que la demanderesse a été directement ciblée par une bande de voyous qui l’ont attaquée à trois reprises. Ainsi, selon son procureur, la demanderesse ferait l’objet d’un risque personnalisé qui va au‑delà du risque auquel sont exposés ceux qui sont perçus comme riches car, dans son cas particulier, elle est personnellement et directement ciblée.

 

[67]           Une personne directement victime de criminalité n’est pas de ce simple fait une personne à protéger au sens de l’article 97 de la Loi. Cela dépend des circonstances dans chaque cas : Cius c. Canada (Citoyenneté et Immigration), précité, aux par. 3, 4 et 23, Acosta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), précité.

 

[68]           De plus, l’analyse du risque personnalisé doit être prospective. Dans les circonstances du présent cas, il est peu probable que la demanderesse fasse l’objet d’un risque personnalisé de la part de la même bande de voyous près de 4 ans après les faits en cause. Cependant, une telle analyse prospective n’a pas à être menée par la Cour, mais par le tribunal. Or, le tribunal a conclu « que la preuve présentée devant le tribunal est à l’effet que le risque auquel pourrait être exposé la demandeure [sic] est généralisé à l’ensemble de la population du pays et non pas un risque personnalisé [...] » (décision, au par. 18).

 

[69]           Comme le souligne la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au par. 47 :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. [Nous soulignons.]

 

Conclusion

 

[70]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

Certification d’une question

 

[71]           Le procureur de la demanderesse a proposé que la question suivante soit certifiée aux fins de l’alinéa 74d) de la Loi : « Does the exclusionary provision found in sub-paragraph 97(1)(b)(ii) of the Act apply when the sub-group of which the claimant is a member faces the risk in question or only when the entire population faces the same risk? » Je traduis cette question comme suit : « La restriction prévue au sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi s’applique‑t‑elle lorsque le sous‑groupe dont fait partie le demandeur est exposé au risque en question ou seulement lorsque toute la population est exposée au même risque? »

 

[72]           Le procureur du ministre s’oppose à une telle question en notant premièrement que le sous‑alinéa 97(1)b)(ii) ne comprend pas une restriction, mais plutôt une mesure de mise en oeuvre, et en notant deuxièmement que la question est trop générale, puisqu’elle porte sur tous les sous‑groupes et non pas seulement sur le sous-groupe des individus fortunés ou perçus comme tels.

[73]           Je suis d’avis que la question est mal formulée. Je ne procéderai cependant pas à une reformulation de la question, car je suis également d’avis que l’objet même de cette question est identique à l’objet de la question formulée par madame le juge Tremblay‑Lamer dans l’affaire Prophète, précitée, dont le libellé est reproduit ci‑dessus et à laquelle la Cour d’appel fédérale a refusé de répondre dans Prophète c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 31.

 

[74]           Je ne vois aucun intérêt à formuler une question à l’égard de laquelle la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué qu’elle ne répondra pas. Aucune question ne sera donc certifiée aux fins de l’alinéa 74d) de la Loi.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Robert M. Mainville »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-541-09

 

 

INTITULÉ :                                       PHILOMENA INNOCENT c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 15 septembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mainville

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 octobre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jared Will

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Alexandre Tavadian

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

JARED WILL

Barrister and Solicitor

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, C.R.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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