Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date :  20091006

Dossier :  IMM-1384-09

Référence :  2009 CF 1007

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

ANGELICA RAMIREZ BERNAL

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR), rendue le 12 février 2009, selon laquelle la demanderesse n’a pas la qualité de « réfugiée au sens de la Convention » ni de « personne à protéger ».

 

[2]               La SPR a conclu que la demanderesse n’était pas crédible.

 

[3]               Cette Cour est entièrement d’accord avec la position du défendeur.

II.  Faits

[4]               La demanderesse, madame Angelica Ramirez Bernal, est citoyenne de la Colombie. Elle allègue craindre d’être tuée par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC).

 

[5]               Plus particulièrement, madame Ramirez Bernal, qui est infirmière, allègue que les FARC auraient tenté en vain de la recruter en juillet 2006.

 

[6]               Après avoir reçu quelques appels de menace, elle aurait décidé en septembre 2006 de quitter son emploi dans un hôpital de Bogota pour se réfugier à Facatativa.

 

[7]               Madame Ramirez Bernal serait toutefois retournée travailler à Bogota en octobre 2006, dans une autre clinique médicale.

 

[8]               Le 24 février 2007, en visite chez sa sœur à Facatativa, elle aurait assisté au meurtre d’un couple par un membre des FARC qu’elle connaissait pour l’avoir soigné pendant l’été 2006.

 

[9]               Le 17 mai 2007, madame Ramirez Bernal a quitté la Colombie. Elle est arrivée au Canada le 6 juin 2007 et a demandé l’asile le même jour.

 

III.  Point en litige

[10]           Est-il raisonnable pour la SPR de juger que la demanderesse n’était pas crédible en se fondant sur l’ensemble de la preuve?

IV.  Analyse

[11]           Il est reconnu que la SPR est experte dans l’évaluation de la crédibilité des demandeurs :

[4]        Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire [...]

 

(Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (QL), 160 N.R. 315 (C.A.F.)).

 

[12]           La SPR a noté plusieurs contradictions et omissions dans le récit de madame Ramirez Bernal qui l’a mené à conclure qu’elle n’était pas crédible :

a.       Elle a témoigné avoir reçu un appel de menaces le 5 mars 2007 alors qu’elle a omis d’en faire mention dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP);

b.      Elle a déclaré à l’audience que cet appel était le seul qu’elle avait reçu ce jour-là et qu’elle avait jeté son téléphone à la poubelle tout de suite après; toutefois, elle a indiqué dans son FRP que sa sœur aussi l’avait appelée. Elle a inscrit dans son FRP qu’elle n’avait pas répondu à son téléphone ce jour-là;

c.       Finalement, elle a produit un certificat de police, daté du 5 décembre 2008, envoyé à sa sœur à Facatativa alors qu’elle a indiqué à l’audience que sa sœur avait déménagé en début d’année 2008 à Fusagasuga.

 

[13]           Madame Ramirez Bernal n’a donné que des explications peu convaincantes face aux observations de la SPR. Elle a, entre autres, déclaré que plusieurs détails pouvaient manquer à son FRP vu la peur qu’elle ressentait.

 

[14]           La SPR a rejeté ces explications. Elle a jugé que les divergences portaient sur des éléments centraux de son récit et que la supposée peur de madame Ramirez Bernal ne pouvait pas tout expliquer.

 

[15]           Madame Ramirez Bernal a rempli son FRP avec l’aide d’un avocat, près de deux mois après son départ de la Colombie.

 

[16]           De plus, immédiatement après avoir supposément fui la Colombie, madame Ramirez Bernal a admis avoir passé un mois à Miami dans le but avoué de visiter les États-Unis.

 

[17]           Suite à sa visite aux États-Unis, l’explication de madame Ramirez Bernal qu’elle a été à ce point bouleversé qu’elle aurait été incapable de remplir son FRP de façon adéquate le 11 juillet 2007, est assez faible. Les conclusions de la SPR étaient donc tout à fait raisonnables.

 

[18]           Madame Ramirez Bernal a ultérieurement modifié son FRP; elle aurait donc pu y apporter les modifications nécessaires quant à l’adresse de sa sœur ou les appels qu’elle prétend avoir reçus le 5 mars 2007.

 

[19]           LA SPR pouvait s’appuyer sur des contradictions (Rathinasigngam; Toora), ou l’omission de faits important dans le FRP de madame Ramirez Bernal (Koval’ok), pour juger de sa crédibilité.

(Rathinasigngam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 988, 298 F.T.R. 236 au par. 54; Toora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 828, 300 F.T.R. 7 au par. 38; Koval’ok c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 145, 164 A.C.W.S. (3d) 676 aux par. 24 et 26).

 

[20]           D’un autre côté, madame Ramirez Bernal est retournée travailler à Bogota alors même qu’elle allègue avoir quitté la ville le mois précédent par peur des FARC. Elle a déclaré y être retournée à cause du manque de travail et des problèmes sociaux existant à Facatativa, ville où elle s’était enfuie.

 

[21]           La SPR a noté que madame Ramirez Bernal avait déjà travaillé à Facatativa dans le passé. Se fondant sur cette observation, elle a conclu que rien n’empêchait madame Ramirez Bernal d’y travailler à nouveau.

 

[22]           Son retour à Bogota, un mois seulement après avoir fui, n’était donc pas raisonnable vu la crainte qu’elle allègue y entretenir à l’égard des FARC.

 

[23]           La SPR pouvait s’appuyer sur le comportement de madame Ramirez Bernal pour en tirer des conclusions quant à la sincérité de sa crainte (Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 648, 149 A.C.W.S. (3d) 307 au par. 11).

[24]           Les décisions de la SPR fondées sur l’absence de crédibilité d’un demandeur sont susceptibles de contrôle en vertu de la norme de la décision raisonnable, avec un grand degré de déférence (Lin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 698, 170 A.C.W.S. (3d) 161 au par. 11).

 

[25]           De son côté, madame Ramirez Bernal tente dans son mémoire de « clarifier » certains passages de son témoignage devant la SPR. Madame Ramirez Bernal ne peut se contenter de justifier a posterirori les lacunes de son témoignage pour faire renverser les conclusions de la SPR (particulièrement les explications concernant les résidences de sa sœur et celles quant aux appels reçus le 5 mars 2007) (dossier de la demanderesse à la p. 18 aux par. 16 et 18; également : Samseen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 542, 148 A.C.W.S. (3d) 780 au par. 24; Hosseini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CFPI 402, 116 A.C.W.S. (3d) 95 au par. 26).

 

[26]           En effet, elle avait expliqué à la SPR pourquoi, par exemple, elle avait décidé de retourner travailler à Bogota en octobre 2006. Elle a alors expliqué que c’est entre autres à cause du manque de travail à Facatativa qu’elle y est retournée.

 

[27]           Cette raison n’a pas été retenue par la SPR, puisqu’elle avait déjà travaillé à Facatativa par le passé. Que madame Ramirez Bernal ait pris des précautions pour retourner à Bogata n’explique toujours pas pourquoi elle aurait décidé d’y retourner en premier lieu. Madame Ramirez Bernal a déclaré avoir fui Bogota parce qu’elle y craignait pour sa vie.

[28]           En ce qui a trait aux conclusions supposément contradictoires de la SPR, cette dernière a d’une part jugé que la crainte de madame Ramirez Bernal n’était pas fondée et d’autre part que son comportement faisait douter de sa crainte. Ces deux conclusions sont tout à fait compatibles. En fait, toutes deux pointent vers une absence de crainte de persécution.

 

[29]           Dans son mémoire, au paragraphe 12, madame Ramirez Bernal pose la question suivante : « Si le tribunal croit que la crainte n’existe plus, pourquoi cela serait un comportement inconsistant que de retourner vivre dans la ville de Bogota? » Malgré la conclusion de la SPR, madame Ramirez Bernal a elle-même dit craindre de retourner vivre à Bogota, et son retour dans cette même ville fait douter du sérieux de la crainte qu’elle prétend entretenir.

 

[30]           Finalement, madame Ramirez Bernal semble dire que sa sœur n’aurait pas été reconnue par l’assassin des FARC à Facatativa. Toutefois, madame Ramirez Bernal a déclaré à l’audience que sa sœur avait reçu un appel du prétendu assassin.

 

V.  Conclusion

[31]           En somme, madame Ramirez Bernal a omis des éléments importants dans son FRP, oubliant d’y mentionner qu’elle avait reçu un appel de menaces le 5 mars 2007. De plus, il était indiqué dans son FRP qu’elle ne répondait pas à ses appels ce jour-là. D’un autre côté, elle indique être retournée à Bogota un mois seulement après avoir fui la ville, prétendument par peur des FARC. La SPR a donc jugé que madame Ramirez Bernal n’était pas crédible et vu ses explications, cette conclusion était tout à fait raisonnable et ne justifie pas l’intervention de cette Cour.

[32]           Compte tenu de ce qui précède, madame Ramirez Bernal ne possède aucun motif justifiant la Cour d’accueillir la demande de contrôle judiciaire qu’elle cherche à présenter.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1384-09

 

INTITULÉ :                                       ANGELICA RAMIREZ BERNAL

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 23 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 6 octobre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Luciano Mascaro

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Alain Langlois

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ARPIN, MASCARO & ASSOCIÉS

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSSE

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.