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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20091007

Dossier : DES-5-08

Référence : 2009 CF 1008

Ottawa (Ontario), le 7 octobre 2009

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

ENTRE :

DANS L’AFFAIRE CONCERNANT un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi);

 

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT le dépôt de ce certificat devant la Cour fédérale du Canada en vertu du paragraphe 77(1) et des articles 78 et 80 de la Loi;

 

ET DANS L’AFFAIRE CONCERNANT Mohamed HARKAT

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Le contrôle semestriel des conditions de mise en liberté (la question en litige)

[1]               Mohamed Harkat est assujetti à un certificat de sécurité. Il a été mis en liberté sous réserve du respect de conditions rigoureuses, mais ces conditions ont sensiblement été modifiées d’une manière qui lui était favorable, par suite d’une demande faite par les ministres, avec l’agrément de M. Harkat et le consentement de la Cour, le 21 septembre 2009, pour prendre en compte des changements importants découlant de nouveaux renseignements qui figurent dans une évaluation de la menace. Les conditions restantes sont énoncées dans une ordonnance modifiée de la Cour, datée du 22 septembre 2009 (l’ordonnance). M. Harkat conteste un certain nombre des conditions restantes de l’ordonnance dans le cadre du contrôle semestriel des conditions de mise en liberté prévu au paragraphe 82(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi).

 

L’historique des procédures

[2]               Les derniers motifs de jugement se rapportant aux conditions de mise en liberté de M. Harkat (Harkat (Re), 2009 CF 241) renferment une liste détaillée de ces conditions. Les présents motifs de jugement se veulent un suivi du premier contrôle des conditions dont il est fait mention au présent paragraphe.

 

Les faits nouveaux

[3]               Le paragraphe 82(4) de la Loi prévoit ce qui suit :

82(4) La personne mise en liberté sous condition peut demander à la Cour fédérale un autre contrôle des motifs justifiant le maintien des conditions une fois expiré un délai de six mois suivant la conclusion du dernier contrôle.

82(4) A person who is released from detention under conditions may apply to the Federal Court for another review of the reasons for continuing the conditions if a period of six months has expired since the conclusion of the preceding review.

 

 

Le 21 septembre 2009, conformément à ces dispositions, M. Harkat a présenté une demande pour la délivrance d’une ordonnance révisant ses conditions de mise en liberté. Dans l’intervalle, le Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS) a, aux fins du présent contrôle, pour le compte du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et du ministre de la Sécurité publique (les ministres), évalué en juillet et en septembre 2009 la menace que constituait actuellement M. Harkat. Le 18 septembre 2009, le SCRS a transmis aux avocats spéciaux et à la Cour un exemplaire « très secret » de son document d’évaluation. Après consultation des avocats des ministres et de l’avocat spécial et avec leur consentement, on a diffusé le 23 septembre 2009 un résumé public de l’évaluation de la menace.

 

[4]               Compte tenu de cette nouvelle évaluation de la menace, les ministres ont recommandé le retrait d’un certain nombre de conditions. La Cour a acquiescé. Parmi les changements effectués, M. Harkat peut désormais faire des sorties dans les villes d’Ottawa et de Gatineau sans la présence d’une caution, et ce, sans avoir à en informer par téléphone l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC); le matériel de surveillance vidéo installé par l’ASFC dans la maison de M. Harkat a été enlevé; M. Harkat n’a plus à obtenir l’autorisation de l’ASFC pour rencontrer des personnes ou parler à des personnes si elles ne constituent pas une menace pour la sécurité nationale ni n’ont un casier judiciaire; un registre des visiteurs n’est plus requis; le courrier et les appels téléphoniques ne seront plus interceptés.

 

[5]               Tel qu’il est énoncé à l’annexe A de l’ordonnance du 22 septembre 2009, toutefois, la mise en liberté de M. Harkat est toujours assortie de certaines conditions, comme le recours à un système de positionnement global (GPS) à titre de dispositif de télésurveillance; la signature par huit personnes de garanties de bonne exécution devant être confisquées au profit de Sa Majesté du chef du Canada en cas de violation par M. Harkat de l’une ou l’autre des conditions de sa mise en liberté; l’obligation de se présenter chaque semaine devant l’ASFC; l’interdiction de sortir de la région de la capitale nationale; l’interdiction d’avoir des rapports ou des communications avec des personnes ayant un casier judiciaire ou constituant une menace pour la sécurité nationale; l’interdiction de posséder ou d’utiliser un téléphone cellulaire, d’avoir accès à Internet ou de posséder des armes. Un représentant de l’ASFC est toujours en possession du passeport de M. Harkat.

 

[6]                Après l’audience du 21 septembre 2009, la Cour a tenu une audience à huis clos en la seule présence des avocats des ministres et de Me Cavalluzzo, avocat spécial de M. Harkat, pour passer en revue avec l’aide d’un témoin le résumé public de l’évaluation de la menace. Le résumé public a été transmis aux parties le 23 septembre 2009. On mentionne dans l’évaluation que le SCRS a établi ce qui suit : [traduction] « [E]n ce qui concerne M. Harkat, la menace pour la sécurité nationale s’est atténuée avec le temps, mais cela constitue toujours un sujet d’inquiétude pour les ministres » (se reporter au résumé public de l’évaluation de la menace occasionnée par Mohamed Harkat).

 

Les changements les plus récents aux conditions de sa mise en liberté proposés par M. Harkat

[7]               Le 25 septembre 2009, l’avocat de M. Harkat a traité devant la Cour de certaines des conditions restantes et il a présenté sa plaidoirie, mais pas de témoignage oral. M. Harkat prétend que, par suite de la nouvelle évaluation de la menace, de nouvelles modifications devraient être apportées aux conditions de sa mise en liberté. Il ne laisse toutefois pas entendre que toutes les conditions devraient être éliminées. Il fait valoir un certain nombre de considérations qui seront expliquées ci‑après.

 

[8]               M. Harkat conteste le recours au GPS. L’usage d’un tel dispositif, selon lui, constitue une intrusion physique et on devrait y mettre fin. Il y a également lieu de noter que le GPS en cause doit être branché deux heures par jour à une prise de courant, ce qui rend son usage incommode. Les ministres sont pour leur part d’avis qu’il ne faudrait pas supprimer le GPS, qui serait toujours de mise au vu de la menace posée par M. Harkat. Les ministres signalent également que M. Harkat ne s’est jamais plaint du dispositif, ce qui démontrerait, concluent-ils, que ses effets sur l’intéressé ne sont pas aussi importants qu’ils n’ont précédemment été décrits. L’avocat de M. Harkat rétorque que, si son client ne s’était jamais plaint du GPS, c’était par respect pour la Cour, mais que l’on ne peut se servir de ce fait pour prouver qu’il ne constitue pas pour lui une intrusion.

 

[9]                Quant aux garanties de bonne exécution, M. Harkat propose deux solutions. Comme première solution, M. Philippe Parent serait toujours responsable de sa garantie de bonne exécution de 50 000 $ en cas de violation par M. Harkat d’une condition quelconque énoncée dans l’ordonnance, tandis que la garantie de Mme Pierrette Brunette serait réduite à 5 000 $. Comme seconde solution, la garantie de bonne exécution pourrait être réduite à 25 000 $ tant pour M. Parent que pour Mme Brunette. Les ministres s’opposent aux modifications proposées aux garanties de bonne exécution, celles-ci s’étant avérées des mesures incitatives efficaces pour assurer le respect de ses conditions par M. Harkat. L’avocat de M. Harkat rétorque que, même si ce dernier comprend bien l’incitatif financier que constitue la signature par les cautions de garanties de bonne exécution, le montant de ces garanties est inutilement élevé.

 

[10]           M. Harkat conteste également l’obligation qui lui est faite de se présenter chaque semaine en personne devant l’ASFC. Il serait disposé à toujours se conformer à cette obligation si le GPS lui était retiré. Sinon, le GPS permet à l’ASFC de savoir où il se trouve à tout moment, et l’Agence devrait se satisfaire, chaque semaine, d’une communication téléphonique de sa part, plutôt que de sa venue en personne. Selon les ministres, par contre, si M. Harkat doit se présenter chaque semaine devant l’ASFC, c’est pour que celle-ci puisse le surveiller. Cette mesure n’est pas disproportionnée au vu des allégations portées contre M. Harkat, et il n’est pas déraisonnable de lui demander ainsi de se présenter en personne une fois par semaine.

 

[11]           M. Harkat fait valoir que des membres de sa famille vivent ailleurs que dans la région de la capitale nationale. Il est disposé à prévenir l’ASFC de 24 à 48 heures à l’avance de tout déplacement qu’il ferait à l’extérieur de la région. Ses déplacements se restreindraient au Québec et à l’Ontario; s’il devait se rendre ailleurs que dans ces deux provinces, il serait disposé à revenir devant la Cour pour qu’elle statue sur la question. Les ministres ne s’opposent pas à ce que M. Harkat voyage à l’extérieur de la région de la capitale nationale, à la condition qu’un préavis de deux jours ouvrables soit donné avant chaque déplacement, que le trajet leur soit communiqué et qu’on les informe de la durée prévue du déplacement ainsi que de l’heure prévue d’arrivée. Les ministres s’inquiètent toutefois du fait que le GPS pourrait ne pas fonctionner dans toutes les régions que M. Harkat souhaiterait visiter.

 

[12]           M. Harkat met également en cause la condition l’obligeant à ne pas avoir de rapports ni de communications avec les personnes qui ont un casier judiciaire. Bien des gens, en effet, ont un casier judiciaire du fait d’infractions qui n’ont absolument rien à voir avec la sécurité nationale. De telles gens devraient être autorisées à communiquer avec lui, selon M. Harkat, qui ne conteste pas l’interdiction qui lui est faite d’avoir des rapports ou des communications avec toute personne qui constitue une menace pour la sécurité nationale. Il est par ailleurs disposé à laisser l’ASFC apprécier quelle personne ayant un casier judiciaire pourrait communiquer avec lui. Les ministres ont fait connaître leur opposition, estimant que laisser une condition à l’appréciation de l’ASFC avait été la source de conflits dans le passé.

 

[13]           La condition concernant la possession de téléphones cellulaires et l’utilisation d’ordinateurs a également été mise en cause. M. Harkat offre de se procurer un cellulaire sans accès Internet. Il est aussi prêt à communiquer son numéro de cellulaire à l’ASFC. Il fait en outre remarquer que l’interdiction des cellulaires dans sa résidence a occasionné de nombreux problèmes pour ses visiteurs dans le passé, de sorte qu’il souhaiterait le retrait de cette condition.

 

[14]           Quant aux restrictions concernant l’utilisation d’ordinateurs. M. Harkat peut désormais chercher du travail par suite de la levée de diverses restrictions. Il se pourrait que M. Harkat ait à utiliser un ordinateur s’il vient qu’à trouver un emploi.

 

[15]           M. Harkat demande l’autorisation d’utiliser l’ordinateur dans sa résidence en présence de l’une de ses cautions, et il demande à la Cour d’écarter l’obligation faite de placer l’ordinateur sous clef dans une chambre distincte de la maison.

 

[16]           Selon le ministre, l’interdiction d’utilisation de cellulaires et d’ordinateurs est proportionnelle à la menace que constitue M. Harkat pour la sécurité nationale. L’évolution de la technologie Internet a rendu plus facile l’élimination des traces de son utilisation, et les ministres ne sont pas convaincus que la surveillance des dispositifs en cause serait suffisante. Si jamais il devenait nécessaire pour M. Harkat d’utiliser un ordinateur dans le cadre d’un emploi futur, on pourra alors au besoin, selon les ministres, s’occuper de la question.

 

Le nouveau régime législatif

[17]           Les nouvelles dispositions de la Loi traitant du contrôle des conditions de mise en liberté (le paragraphe 82(4) et l’alinéa 82(5)b)) imposent au juge de contrôler les motifs justifiant le maintien des conditions, d’ordonner et de confirmer ou non la mise en liberté et d’assortir celle-ci des conditions qu’il estime indiquées.

 

[18]           Dans l’arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350 (Charkaoui no 1), qui mettait en cause d’anciennes dispositions de la Loi, le juge en chef a déclaré que la détention était justifiée si l’intéressé était considéré constituer un grave danger (paragraphe 111). Toutefois, la mise en liberté peut être envisagée si l’assortir de conditions peut neutraliser le danger posé par l’intéressé ou permettre qu’il soit plus longuement neutralisé (paragraphe 119). Le juge en chef a ajouté que les conditions de la mise en liberté devaient être proportionnelles au danger (paragraphe 116). Bien que le libellé de la Loi ait depuis été modifié, il semble que les principes concernant la détention, les conditions de mise en liberté et l’évaluation de la menace établis dans l’arrêt Charkaoui no 1 demeurent applicables sous le régime législatif actuel. Celui‑ci prévoit que la mise en liberté sous condition ne doit pas être ordonnée si elle va constituer un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui, ou si l’intéressé se soustraira vraisemblablement à la procédure ou au renvoi (alinéa 82(5)a) de la Loi).

 

[19]           Tout en gardant ces principes présents à l’esprit, ainsi que l’approche suggérée dans l’arrêt Charkaoui no 1, je peux maintenant procéder au contrôle semestriel périodique des conditions de mise en liberté de M. Harkat en tenant compte de la plaidoirie de chacune des parties.

 

La nouvelle évaluation de la menace

[20]           Les ministres, on l’a dit, en raison de renseignements figurant dans une récente évaluation de la menace occasionnée par M. Harkat, déposée en septembre 2009, estiment que cette menace s’est atténuée avec le temps, mais qu’elle n’a pas complètement disparu. D’après eux, des facteurs atténuants comme la grande notoriété de M. Harkat et les conditions de sa mise en liberté, principalement fixées par la juge Dawson en mai 2006, ont réussi à faire atténuer la menace.

 

[21]           Sous le nouveau régime législatif, ma première obligation comme juge est de confirmer si la mise en liberté de M. Harkat est toujours ou non justifiée. Je confirme que tel est bien le cas. Ma seconde obligation consiste à examiner quelles conditions doivent assortir cette mise en liberté pour neutraliser la menace occasionnée par M. Harkat.

 

[22]           Pour s’acquitter convenablement de cette obligation, la Cour doit apprécier la menace en fonction de la preuve présentée, en tenant compte des prétentions de chacune des parties et de l’étape où en est l’instance sous-jacente.

 

[23]           Pour la première fois depuis l’arrestation et la mise en détention de M. Harkat en lien avec le certificat de sécurité (10 décembre 2002), les ministres considèrent désormais, en raison d’une évaluation par l’ASFC de la menace occasionnée par M. Harkat, que cette menace s’est atténuée.

 

[24]           Dans les motifs de jugement précédents ayant porté sur le contrôle des conditions de mise en liberté, la Cour a fait remarquer que, depuis au moins le 10 décembre 2002, il n’y avait pas eu de preuve selon laquelle M. Harkat avait eu des rapports ou des communications directs ou indirects avec des personnes soutenant le terrorisme, le djihad violent ou possédant un casier judiciaire (paragraphe 62). La Cour a également mentionné que les conditions semblaient avoir neutralisé la menace occasionnée par M. Harkat (paragraphe 63). L’écoulement du temps était également un facteur ayant aidé à contrôler, à évaluer et à atténuer la menace (paragraphes 80 à 87). La Cour a aussi considéré pertinent le fait que M. Harkat était bien connu (paragraphe 86), de même que la longueur de la procédure entourant le certificat. La Cour a fait remarquer, finalement, qu’il pesait lourd sur les épaules de la magistrature d’assumer comme fonction d’évaluer les conditions de la mise en liberté en tenant compte de la menace posée et de l’objectif visé de neutralisation.

 

[25]           La Cour n’ayant pas eu l’avantage d’entendre le point de vue de M. Harkat sur le caractère raisonnable du certificat, elle ne se trouve pas en situation idéale pour évaluer convenablement la menace. Il convient de se rappeler que les ministres ont présenté leur thèse sur le caractère raisonnable du certificat tant à huis clos qu’en audience publique, mais que ni M. Harkat, par l’entremise de son avocat, ni les avocats spéciaux, n’ont contre-interrogé les témoins des ministres, et que M. Harkat n’a pas présenté sa preuve. Ces étapes, il est prévu qu’elles commenceront à la fin de l’automne 2009 à huis clos, et se poursuivront en janvier et en février 2010 en audience publique.

 

[26]           Les présents motifs ont par conséquent été rédigés sans que la Cour dispose d’un dossier complet. Or, ce n’est qu’avec un tel dossier que pourront être rendues des décisions finales relativement à la menace ou au danger occasionné par M. Harkat et au caractère raisonnable du certificat.

 

[27]           La Cour a passé en revue la nouvelle évaluation de la menace et elle a entendu un témoin qui la lui a expliquée. Ce témoin a aussi été contre-interrogé par un avocat spécial, et la Cour lui a posé des questions. La Cour ayant entendu la preuve présentée lors du premier contrôle des conditions puis du contrôle semestriel, elle ne peut qu’être d’accord lorsqu’il est dit dans la nouvelle évaluation : [traduction] « […] la menace pour la sécurité nationale s’est atténuée avec le temps […] ». Les ministres estiment toutefois qu’une menace subsiste. Au vu de la preuve dont elle est saisie au présent stade de l’instance, la Cour n’est pas en mesure de contredire cette affirmation.

 

Les conditions restantes

[28]           Par suite de la nouvelle évaluation de la menace, les ministres ont passé en revue les conditions et ont recommandé l’abandon de bon nombre d’entre elles (paragraphe 4 des présents motifs). Certaines conditions demeurent toutefois en vigueur (paragraphe 5 ci-dessus).

 

Les questions concernant les conditions

[29]           Les conditions restantes suffisent-elles pour neutraliser la menace et, dans l’affirmative, ont‑elles un caractère proportionnel, compte tenu de la nouvelle évaluation de la menace?

 

[30]           Sans devoir répondre par de longues explications à la première question, la Cour s’estime d’avis que les conditions proposées neutralisent la menace occasionnée par M. Harkat.

 

[31]           Au stade actuel, soit après avoir entendu le témoin s’exprimer sur la nouvelle évaluation de la menace, appris le point de vue de M. Harkat sur certaines conditions, pris en compte la totalité de la preuve et passé en revue les conditions restantes, la Cour estime que celles-ci ont un caractère proportionnel eu égard à l’évaluation actuelle de la menace. Les conditions restantes, sans vouloir simplifier l’une ou l’autre d’entre elles, se démarquent radicalement des conditions examinées par la Cour lors du dernier contrôle des conditions. Il en découle toujours d’importantes entraves à la vie et à la liberté de M. Harkat, mais elles ne sont plus aussi sévères et rigoureuses qu’elles ne l’étaient auparavant.

 

[32]           L’analyse du caractère proportionnel a été effectuée en l’espèce en tenant compte de la situation concrète de M. Harkat. Si cette situation devait changer (si, par exemple, M. et Mme Harkat devaient avoir un nouveau milieu de travail), il faudrait à la Cour réexaminer les conditions et les adapter à la réalité nouvelle. Il sera alors nécessaire pour la Cour de réévaluer la menace.

 

[33]           Cela dit, les ministres sont disposés à satisfaire au désir que pourra exprimer M. Harkat de se rendre en Ontario ou au Québec ailleurs que dans la région de la capitale nationale, sous réserve de certaines conditions et d’un préavis suffisant. La Cour a pris note de cette offre, et elle convie les parties à suggérer une modification convenue des conditions.

 

[34]           Chacune des parties a présenté sa plaidoirie en regard des récentes modifications demandées par M. Harkat; aucun témoin n’a été entendu.

 

[35]           Les modifications sollicitées n’ont pas à être immédiatement mises en œuvre. La Cour a déjà dit qu’elle disposait d’un dossier incomplet pour examiner ces modifications. Il y aura un moment plus opportun à l’avenir pour en traiter.

 

[36]           Pour l’heure, les arguments présentés pour justifier les modifications proposées aux conditions restantes n’ont pas convaincu la Cour. On peut comprendre que M. Harkat souhaite le retrait de toutes les conditions. Une instance est toutefois en cours relativement au certificat de sécurité, où n’a pas encore été abordée la question de fond du caractère raisonnable de ce certificat. L’une et l’autre parties n’ont pas encore présenté leur preuve à la Cour pour examen, mais il en sera ainsi dans un proche avenir. Dans l’intervalle, tout comme l’ont dit les avocats des ministres pendant leur plaidoirie, la Cour s’attaquera aux nouvelles situations, par exemple de travail, au fur et à mesure qu’elles se présenteront.

 

Les facteurs de crédibilité et de confiance

[37]           J’ai abordé la question de la crédibilité et de la confiance, en regard de celle de l’importance des surveillants de M. Harkat, dans les motifs de jugement et le jugement prononcés dans le cadre du premier contrôle des conditions de mise en liberté (paragraphes 88 et suivants). J’ai alors déclaré ce qui suit :

[92]      La crédibilité et la confiance sont des considérations essentielles à l’occasion du contrôle judiciaire du caractère approprié des conditions. Lors de l’examen de la question de savoir si les conditions neutraliseront le danger, la Cour doit examiner l’efficacité des conditions. La crédibilité d’une personne qui est assujettie aux conditions et la confiance de la Cour à son endroit régiront vraisemblablement le type de conditions nécessaires.

 

[38]           Ces commentaires sont aussi importants aujourd’hui qu’ils ne l’étaient alors. Seul M. Harkat peut apporter des changements touchant les facteurs de la confiance et de la crédibilité. Plus tôt ces questions pourront être clarifiées, meilleure sera la preuve. La Cour doit apprécier ces facteurs avant de rendre les décisions qui s’imposent.

 

La certification d’une question

[39]           Les parties sont conviées à proposer une question grave de portée générale en vue de sa certification, conformément à l’article 82.3 de la Loi, dans les dix jours suivant la date des présents motifs de jugement.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

-                      Les demandes présentées par M. Harkat en vue de l’annulation ou de la modification des conditions de mise en liberté énoncées dans une ordonnance rendue le 22 septembre 2009, jointe à titre d’annexe A, sont rejetées.

-                      La Cour modifiera les conditions lorsque les parties, si elles réussissent à s’entendre, lui auront présenté une note autorisant M. Harkat à voyager en Ontario et au Québec à l’extérieur de la région de la capitale nationale.

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        DES-5-08

 

INTITULÉ :                                       Dans l’affaire concernant un certificat signé en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et

                                                            Dans l’affaire concernant Mohamed Harkat

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             LES 21 ET 25 SEPTEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 7 OCTOBRE 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Tyndale

André Séguin

 

POUR LES MINISTRES

Norman Boxall

Matthew Webber,

 

POUR M. HARKAT

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John S. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES MINISTRES

Bayne Sellar & Boxall

Webber Schroeder Goldstein Abergel

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR M. HARKAT

 

 

 

 

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