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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20090923

Dossier : T-434-09

Référence : 2009 CF 959

Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Harrington

 

Entre :

HICHAM ZAMZAM

 

demandeur

et

 

 

Le ministre de la citoyenneté

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

Motifs de l’ordonnance et ordonnance

 

[1]               Avant d’accorder la citoyenneté, le juge de la citoyenneté doit être convaincu que le demandeur a résidé au Canada pendant au moins trois des quatre années précédant immédiatement la demande. Bien que M. Zamzam ait déclaré qu’il a été absent du Canada pendant seulement 56 jours au cours de ces quatre ans, la juge de la citoyenneté n’était pas convaincue qu’il y avait résidé pendant au moins trois ans. C’est à regret que je suis obligé d’accueillir l’appel de M. Zamzam et de renvoyer l’affaire à un autre juge de la citoyenneté pour nouvel examen.

 

[2]               Au cours du traitement de la demande de M. Zamzam, Citoyenneté et Immigration Canada est devenu si préoccupé qu’il lui a envoyé un questionnaire sur la résidence et lui a ensuite signifié un avis de se présenter à une entrevue avec un juge de la citoyenneté.

 

[3]               L’agent de citoyenneté avait toutes les raisons d’être préoccupé. Le numéro de téléphone au travail fourni par M. Zamzam avait été utilisé par 62 personnes à l’adresse qu’il avait donnée, et était utilisé par des demandeurs qui ont fourni dix autres adresses. L’adresse postale qu’il a fournie avait été utilisée par 127 autres demandeurs.

 

[4]               Les dates sont ce qui est réellement important en l’espèce. Le formulaire de demande de M. Zamzam a été signé en juin 2007. Le questionnaire sur la résidence lui a été envoyé en juillet 2008 et a été rempli le mois suivant.

 

[5]               D’une part, le questionnaire sur la résidence mentionne ce qui suit en caractères gras : [traduction] « les documents que vous fournissez devraient couvrir les quatre (4) années précédant immédiatement la date de votre demande de citoyenneté. » Cependant, la question 11 lui demandait d’énumérer tous les voyages à l’extérieur du pays depuis son arrivée au Canada, en commençant par le plus récent. Il s’est limité aux quatre années précédant sa demande de citoyenneté. Je peux très bien comprendre la raison pour laquelle il a agi ainsi. À la première lecture du formulaire, j’aurais fait exactement la même chose. Toutefois, à l’entrevue, on lui a demandé de présenter ses passeports couvrant la période à compter de laquelle il a obtenu la résidence permanente au Canada en 1999 jusqu’à aujourd’hui, ce qu’il a fait. Les documents faisaient état de plusieurs voyages avant que ne commencent à courir les quatre années en cause en juillet 2003 et, comme l’a déclaré la juge de la citoyenneté : [traduction] « Dans son passeport figure un timbre de rentrée au Canada le 11 août 2008, qu’il n’a pas déclaré à la question 11 du questionnaire sur la résidence. »

 

[6]               Compte tenu de la totalité des éléments de preuve dont elle était saisie, la juge de la citoyenneté n’était pas convaincue que le demandeur avait conservé sa résidence au Canada pendant le nombre de jours requis. M. Zamzam est un ressortissant palestinien, avec un statut de résident en Arabie Saoudite et un passeport libanais. Au cours des quatre années en cause, il était soit en chômage, soit travailleur autonome. Bien qu’il ait déclaré qu’il avait travaillé pendant une année, il n’avait aucun document pour appuyer cette allégation et il a même dit qu’il n’a jamais été payé. Apparemment, il n’est pas tenu de travailler parce qu’il est le fils d’un homme riche. Il allègue avoir vécu pendant un certain temps avec sa sœur et aussi avec une tante. Ces allégations n’ont pas été corroborées. Ses comptes bancaires et autres documents sont quelque peu sommaires. Il a partagé un compte bancaire avec un consultant.

 

[7]               Toutefois, la juge de la citoyenneté a également déclaré ce qui suit : [traduction] « … un autre facteur déterminant menant à cette décision est l’absence de crédibilité du demandeur. » Je ne peux séparer sa déclaration selon laquelle il a omis de mentionner le voyage d’août 2008 des autres facteurs qui ont mis sa crédibilité en doute. En droit, les quatre années en cause ont pris fin en juin 2007. Tout ce qu’on peut dire est que M. Zamzam peut avoir mal interprété le questionnaire. Lorsqu’on lui a demandé de le faire, il a promptement présenté des éléments de preuve de son voyage de 2008 à l’extérieur du Canada.

 

[8]               Je ne peux échapper à la conclusion que la juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit en prenant en compte la mauvaise de période quatre ans. La norme de contrôle applicable à cet égard est la norme de la décision correcte. La juge de la citoyenneté ne mentionne pas de façon précise la période de quatre ans qu’elle a prise en compte. La mention du voyage de 2008 donne l’impression qu’elle a commencé le compte depuis la date à laquelle le formulaire a été rempli plutôt que la date à laquelle le formulaire de demande de citoyenneté a été déposé l’année précédente. Je me retrouve exactement dans la même situation que celle dans laquelle le juge O’Keefe s’est trouvé dans la décision Shakoor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 776 dans laquelle il a déclaré ce qui suit :

[39] Un examen des motifs ne permet pas de déterminer si la juge de la citoyenneté se reportait aux longues absences du Canada après le 14 février 2003, c’est-à-dire la date de la demande du demandeur, ou seulement aux absences antérieures à la date de sa demande. Il m’est impossible de dire si la juge de la citoyenneté a tenu compte des absences après la date de la demande pour tirer sa conclusion sur la demande. Si elle la fait, cela constituerait une erreur susceptible de révision.

 

[40] Par conséquent, l’appel interjeté de la décision de la juge de la citoyenneté doit être accueilli puisqu’il existe une question litigieuse en ce qui concerne le nombre réel de jours d’absence du demandeur du Canada. Je renverrai l’affaire à un autre juge de la citoyenneté pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

 

 

[9]               L’avocat du demandeur a soulevé un autre point. Selon lui, la juge de la citoyenneté a commis une erreur en s’appuyant sur des relevés de comptes bancaires et de cartes de crédit et autres documents semblables. Il a soutenu que ces documents sont pertinents uniquement pour examiner la question de savoir si un demandeur s’est tout d’abord établi au Canada et qu’ils ne sont pas pertinents pour compter le nombre de jours. Je ne souscris pas à cette affirmation. Dans le monde d’aujourd’hui, la plupart des gens laissent des traces documentaires. Dans son analyse, la juge de la citoyenneté a tenté de s’assurer que le demandeur avait réellement été présent au Canada et non de savoir s’il s’était établi au Canada. Il s’agissait d’une question légitime.

 

[10]           Malheureusement, comme le législateur n’a pas jugé opportun d’accorder un appel de la Cour fédérale à la Cour d’appel fédérale en vertu de la Loi sur la citoyenneté, pas même dans des circonstances où la Cour certifie une question importante de portée générale, comme il est possible de le faire en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Cour a interprété le terme « résidence » de trois façons différentes. Selon l’une d’elle, le demandeur doit être physiquement présent au pays. Les autres sont moins rigoureuses. Si une personne s’est établie au Canada alors par la suite, même si elle est absente, sa résidence peut être où elle a des attaches.

 

[11]           Madame la juge Tremblay-Lamer a très bien expliqué cette distinction dans Mizani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 698, [2007] A.C.F. no 947, au paragraphe 6, où elle a déclaré ce qui suit :

La Cour a interprété le terme « résidence » de trois façons différentes. Premièrement, il peut s’agir de la présence réelle et physique au Canada pendant un total de trois ans, selon un comptage strict des jours (Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. no 232 (QL) (1re inst.)). Selon une interprétation moins rigoureuse, une personne peut résider au Canada même si elle en est temporairement absente, pour autant qu’elle conserve de solides attaches avec le Canada (Antonios E. Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.)). Une troisième interprétation, très semblable à la deuxième, définit la résidence comme l’endroit où l’on « vit régulièrement, normalement ou habituellement » ou l’endroit où l’on a « centralisé son mode d’existence » (Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), au paragraphe 10).

 

[12]           Compte tenu que le demandeur a déclaré n’avoir été absent que pendant 56 jours au cours des quatre années, je suis convaincu que la juge de la citoyenneté a suivi le comptage strict du critère fondé sur le nombre de jours énoncé par le juge Muldoon dans Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. no  232, 62 F.T.R. 122.

 

[13]           Comme l’a souligné la juge de la citoyenneté lors de l’entrevue, la citoyenneté est un privilège et non un droit. Elle ne devrait pas être un bout de papier laissé dans un tiroir que l’on sort uniquement lorsqu’on en a besoin. Puisque la juge de la citoyenneté a suivi la décision Pourghasemi, rappelons ce que le juge Muldoon a déclaré :

[6] Ainsi donc, ceux qui entendent partager volontairement le sort des Canadiens en devenant citoyens du pays doivent le faire en vivant parmi les canadiens, au Canada, durant trois des quatre années précédant la demande, afin de se canadianiser. Ce ni est pas quelque chose qu’on peut faire à l’étranger car la vie canadienne et la société canadienne n’existent qu’au Canada, nulle part ailleurs.

 

[7] Nombre d’immigrants au Canada arrivent de pays théocratiques ou autocratiques, dont les dirigeants tyranniques ne toléreraient jamais la constitution du Canada, dont la Charte canadienne des droits et libertés, avec sa garantie des libertés d’expression, de parole et de religion. Un certain temps est nécessaire pour que l’immigrant se pénètre des libertés magnifiques du Canada et de leurs petites limitations et s’y adapte - au moins trois ans pour qu’il s’y habitue, selon 1’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

 

[14]           Ayant été informé que, si ce n’était de ce manque de clarté à l’égard de la période de quatre ans le présent appel serait rejeté, il conviendrait que M. Zamzam fournissent de bien meilleurs éléments de preuve de sa présence effective au Canada pour les quatre années précédant immédiatement sa demande qui est datée du 18 juin 2007; par exemple, ces éléments de preuve pourraient provenir de sa tante, avec qui il allègue avoir vécu, de sa sœur, avec qui il a partagé un appartement pendant une courte période, et de l’employeur pour lequel il a travaillé sans être payé pendant un an.


Ordonnance

LA COUR ORDONNE que :

1.                  L’appel est accueilli.

2.                  L’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour une nouvelle décision.

3.                  Il n’y aura pas d’ordonnance quant aux dépens.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-434-09

 

Intitulé :                                       Zamzam c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 septembre 2009

 

Motifs de l’ordonnance

et ordonnance :                       le juge HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      le 23 septembre 2009

 

 

 

Comparutions :

 

Viken G. Artinian

 

Pour le demandeur

Alain Langlois

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Viken G. Artinian

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

pour le défendeur

 

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