Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                      

 

Federal Court

 

 

 

 

 

 

 

 

Cour fédérale


Date : 20090928


Dossier : T-1363-08

 

Référence : 2009 CF 974

 

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2009

 

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

OCEANS LIMITED

demanderesse

et

 

OFFICE CANADA-TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’un recours en révision exercé en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A-1 (la Loi) relativement à la décision en date du 12 août 2008 (la décision) par laquelle l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (le défendeur ou l’Office) a communiqué certains renseignements en réponse à une demande d’accès à l’information présentée en vertu de la Loi.

 

CONTEXTE

[2]               Le 5 juin 2008 ou vers cette date, le défendeur a reçu une formule de demande d’accès à l’information présentée en vertu de la Loi réclamant ce qui suit :

[traduction]

Une copie de toute la correspondance de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers portant sur l’adjudication, par Chevron Canada Limited, d’un marché portant sur la prévision météorologique à AMEC Earth & Environmental. Nous signalons en particulier la lettre écrite le 16 août 2006par Mme Judith Bobbit, d’Ocean Ltd., dans laquelle se trouvent des allégations formulées contre M. Gordon Mellis au sujet de ses titres de compétence et de son examen de la soumission présentée par Oceans Ltd. relativement au marché susmentionné.

 

 

[3]               Les documents en litige dans la présente affaire consistent en une série de lettres écrites par la demanderesse au défendeur et en les réponses à ces lettres, et visent une plainte formulée par la demanderesse au sujet de la soumission présentée par la demanderesse en réponse à l’appel d’offres de Chevron, soumission qui n’a pas été retenue.

 

[4]               Le défendeur a fait part à la demanderesse de la demande d’information et l’a invitée à y répondre. La demanderesse a informé le défendeur qu’elle ne consentait pas à cette demande, citant le paragraphe 20(1) de la Loi pour justifier son refus. Après avoir examiné la réponse de la demanderesse, le défendeur a décidé de divulguer une copie des sept documents demandés qui satisfaisaient aux critères de la demande après avoir conclu que ces documents ne tombaient pas sous le coup des exceptions énumérées au paragraphe 20(1) de la Loi. Le défendeur a avisé la demanderesse de cette décision.

 

[5]               La demanderesse a alors introduit la présente demande en vertu de l’article 44 de la Loi dans laquelle elle sollicite une ordonnance interdisant au défendeur de communiquer quelque partie que ce soit de la correspondance, des documents et des renseignements de la demanderesse.

 

DÉCISION VISÉE PAR LE RECOURS

[6]               M. Baker a, au nom du défendeur, informé la demanderesse qu’il n’y avait pas de motifs suffisants justifiant le défendeur de refuser de divulguer les renseignements demandés. Dans sa lettre, M. Baker analyse le paragraphe 20(1) de la Loi et explique pourquoi la demanderesse ne peut obtenir gain de cause.

 

[7]               En premier lieu, le défendeur soutient que l’alinéa 20(1)a) ne s’applique pas en l’espèce, étant donné que la demanderesse ne revendique pas l’exception qui y est prévue.

 

[8]               Concernant l’alinéa 20(1)b), le défendeur énumère les facteurs qui doivent être respectés pour pouvoir invoquer cette exception et conclut que la demanderesse ne s’est pas acquittée convenablement du fardeau qui lui incombait de démontrer que les documents renferment des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques. Quant à la confidentialité, le défendeur signale que le critère à remplir est objectif et qu’on ne trouve dans la correspondance de la demanderesse aucune indication ou mention permettant de penser qu’elle entendait que cette correspondance soit confidentielle. Qui plus est, signale le défendeur, la demanderesse a déjà communiqué publiquement l’objet de la correspondance.

 

[9]               Le défendeur estime que le moyen que la demanderesse tire de l’alinéa 20(1)c) ne satisfait pas à la norme minimale requise de risque vraisemblable de préjudice probable. Suivant le défendeur, la demanderesse a simplement spéculé sur la possibilité d’un préjudice. Le défendeur signale que, même si les actes sur lesquels la demanderesse spécule s’étaient effectivement produits, il n’est pas certain que les conséquences négatives envisagées par la demanderesse se produiraient. En conséquence, la demanderesse n’a pas satisfait au critère du risque vraisemblable de préjudice probable.

 

[10]           Enfin, en ce qui a trait à l’alinéa 20(1)d), le défendeur estime que la demanderesse n’a pas démontré que la divulgation des renseignements demandés risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations effectivement menées. Bien que la demanderesse ait précisé qu’il était possible qu’un tel préjudice soit causé, le défendeur n’est pas convaincu que ce préjudice est probable.

 

[11]           Comme la demanderesse n’a pas réussi à prouver que les documents tombent sous le coup des exceptions énumérées au paragraphe 20(1) de la Loi, le défendeur conclut qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour refuser de divulguer les renseignements à l’auteur de la demande d’accès.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[12]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

1)                  Les documents désignés par le défendeur sont-ils soustraits à la communication en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi?

 

2)                  Le principe de la crainte raisonnable de partialité s’applique-t-il en l’espèce?

 

3)                  Si le principe de la crainte raisonnable de partialité s’applique, exige-t-il que les documents désignés ne soient pas communiqués?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Objet

 

2. (1) La présente loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.

 

 

 

 

 

 

Renseignements de tiers

 

20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

 

a) des secrets industriels de tiers;

 

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

 

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

 

 

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.

 

Purpose

 

2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.

 

 

Third party information

 

20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains

 

 

(a) trade secrets of a third party;

 

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

 

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

 

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

 

NORME DE CONTRÔLE

[13]           Dans le cas d’un recours en révision exercé en vertu de l’article 44 de la Loi, le tribunal de révision reprend depuis le début l’examen des documents en cause (Toronto Sun Wah Trading Inc. c. Canada (Procureur général), 2007 CF 1091, 62 C.P.R. (4th) 337 (Toronto Sun Wah)). La norme de contrôle applicable en l’espèce est donc celle de la décision correcte, et la Cour n’a pas à faire preuve de retenue envers la décision de l’Office. 

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La demanderesse

[14]           La demanderesse soutient que chacun des sept documents que le défendeur a retenus en vue de les divulguer doit être examiné individuellement pour décider s’il devrait ou non être communiqué. La demanderesse affirme toutefois aussi qu’il faut situer chaque document dans son contexte. Elle cite l’arrêt Canada Packers Inc. c. Canada (Ministre de l’Agriculture), [1989] 1 C.F. 47 sur lequel elle se fonde pour affirmer qu’il « est nécessaire d’examiner chaque rapport dans le contexte d’autres rapports dont on a demandé la communication en même temps que le premier, car la teneur totale d’une communication doit influer énormément sur les conséquences raisonnables de sa divulgation ».

 

[15]           La demanderesse fait observer que les exceptions prévues au paragraphe 20(1) de la Loi ont un caractère obligatoire. En conséquence, dès lors qu’on a jugé qu’un document déterminé renferme des renseignements de la nature de ceux qui sont énumérés aux alinéas 20(1)a) à d), la Cour doit, par une ordonnance, interdire la communication (Congrès juif canadien c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1996] 1 C.F. 268, au paragraphe 22).

 

[16]           La demanderesse passe en revue chacun des documents désignés par l’Office et discute du rapport entre chacun d’entre eux et le paragraphe 20(1) de la Loi au moyen de l’affidavit souscrit par Mme Bobbit, la présidente de la demanderesse.

 

Lettre adressée le 25 juillet par la demanderesse au défendeur

[17]           La demanderesse affirme que, bien que le contenu intégral de cette lettre ne doive pas être communiqué, les paragraphes deux et trois (qui portent sur les différences qui existent entre la prévision météorologique et l’observation météorologique) tombent carrément sous le coup des alinéas 20(1)b) et 20(1)d) de la Loi.

 

[18]           La demanderesse affirme qu’elle expose, dans les paragraphes en question, son opinion au sujet des différences techniques qui influencent sa manière de soumissionner relativement à des marchés portant sur la prévision météorologique et sur l’observation météorologique. La demanderesse explique que les connaissances qu’elle a acquises au sujet des méthodes utilisées en matière de prévision météorologique et de surveillance météorologique revêtent une importance cruciale pour son succès commercial, et que ces connaissances sont essentielles pour ses activités commerciales. La demanderesse affirme par ailleurs que la communication de tels renseignements lui causerait un préjudice étant donné qu’elle permettrait à des tiers de modifier en conséquence leurs soumissions à venir, et ce, au détriment de la demanderesse.

 

[19]           Le cinquième paragraphe de la même lettre renferme des renseignements portant sur un sous-traitant dont la demanderesse a retenu les services.

 

[20]           Ce paragraphe traite des relations que la demanderesse entretient avec ce sous-traitant. La demanderesse affirme que le fait de désigner un sous-traitant en particulier dans ses soumissions est une pratique qui lui est propre. Elle soutient également que la communication de renseignements au sujet des rapports qu’elle entretient avec ce sous-traitant la défavoriserait lors de soumissions futures, en plus de nuire aux relations qu’elle entretient avec ce sous-traitant. La  demanderesse prétend qu’en raison du préjudice qu’elle subirait ainsi lors de futures soumissions, ces renseignements tombent sous le coup de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)c).

 

[21]           La demanderesse soutient que les renseignements que l’on trouve au paragraphe cinq sont un exemple de renseignements commerciaux qui portent expressément sur ses procédés opérationnels et qui entrent donc dans le champ d’application de l’alinéa 20(1)b). La demanderesse affirme également que ce paragraphe renferme des renseignements au sujet des coûts et de l’établissement des prix qu’elle ne partage pas avec ses concurrents. La communication de ces renseignements aurait pour effet d’améliorer la position concurrentielle de ses concurrents commerciaux, y compris celle d’AMEC Earth and Environmental.

 

[22]           Le sous-traitant est également mentionné au sixième paragraphe de la lettre du 25 juillet 2006.

 

[23]           Là encore, ce paragraphe fait expressément état de l’identité du sous-traitant et de la relation qui existe entre la demanderesse et ce sous-traitant, et ces renseignements ne devraient pas être divulgués. Le fait de désigner un sous-traitant en particulier dans une soumission est une pratique qui est propre à la demanderesse; il s’agit d’un renseignement commercial qui ne serait normalement pas livré à un tiers. La demanderesse soutient en conséquence que ce renseignement est visé par l’alinéa 20(1)b) de la Loi.

 

[24]           La demanderesse soutient que le neuvième paragraphe de la lettre en question renferme des renseignements techniques dont la divulgation lui causerait un préjudice et qui ne devraient pas être communiqués.

 

[25]           Les renseignements suivant lesquels le volet relatif à la prévision météorologique de la rubrique « Portée des travaux » de l’appel d’offres de Chevron visait à épargner du temps de forage constituent des renseignements précis sur la façon de soumissionner de la demanderesse. Celle-ci soutient que cette méthode stratégique et technique de soumissionner n’est jamais divulguée aux concurrents, et qu’il s’agit de renseignements qui sont susceptibles de conférer un avantage commercial injuste aux concurrents et de nuire à la demanderesse sur le plan commercial. La demanderesse soutient en outre que le fait qu’elle devrait pouvoir communiquer ces renseignements à un organisme de réglementation de l’industrie sans craindre que ces renseignements soient divulgués à des tiers constitue une attente raisonnable.

 

Lettre adressée le 26 juillet par le défendeur à la demanderesse

[26]           La demanderesse n’a soulevé aucune objection précise à la production de ce document.

 

Lettre adressée le 11 août par le défendeur à la demanderesse

[27]           La demanderesse prétend que la communication de cette lettre nuirait à sa position sur le marché en raison des inexactitudes qu’elle renferme. Plus précisément, on affirme dans cette lettre que [traduction] « aucun soumissionnaire n’a posé de question au sujet de l’appel d’offres avant la clôture des soumissions ». Dans son affidavit, Judith Bobbit déclare toutefois que la demanderesse s’est plainte du fait que l’examen auquel le défendeur avait procédé n’était pas complet et approprié et que la lettre de M. Smyth renfermait des inexactitudes au sujet des faits. La demanderesse soutient que la communication de ce document inexact pourrait lui causer des pertes financières ou nuire à sa position concurrentielle ou à sa réputation.

 

Lettre adressée le 16 août par la demanderesse au défendeur

[28]           La demanderesse soutient que cette lettre ne devrait pas être communiquée parce que le sous-traitant y est mentionné au paragraphe deux.

 

[29]           Là encore, la demanderesse soutient que le fait de désigner un sous-traitant en particulier dans une soumission est une pratique qui lui est propre et que la communication de ce renseignement la défavoriserait lors de futures soumissions.

 

Lettre adressée le 1er septembre par le défendeur à la demanderesse

[30]           La demanderesse soutient que le cette lettre en son entier lui causerait un préjudice si elle était divulguée, étant donné qu’elle laisse entendre que la plainte que la demanderesse a formulée à l’Office était sans fondement. La demanderesse affirme que cette lettre est inexacte et qu’elle renferme à la fois une hypothèse erronée et une conclusion erronée. Par conséquent, la demanderesse fait valoir que sa communication contribuerait à nuire à sa réputation auprès de ses clients actuels ou futurs. En conséquence, la demanderesse soutient que l’alinéa 20(1)d) s’applique et que cette lettre ne devrait pas être divulguée.

 

Lettre adressée le 17 octobre par la demanderesse au défendeur

[31]           La demanderesse soutient qu’on trouve au deuxième paragraphe de cette lettre des renseignements techniques qui lui sont propres et qui font ressortir les différences entre la prévision météorologique et l’observation météorologique. La demanderesse estime que ces renseignements ne sont pas reconnus par certains de ses concurrents et que leur communication permettrait à un tiers de modifier à l’avenir ses soumissions, et ce, au détriment de la demanderesse. Qui plus est, on trouve dans ce paragraphe une allusion à la méthode employée par la demanderesse au sujet des services d’établissement des coûts. La demanderesse soutient que ces renseignements sont considérés comme très confidentiels et que ce genre de secret industriel ne devrait pas être divulgué à un tiers sans le consentement de la demanderesse. Compte tenu des exceptions énumérées aux alinéas 20(1)b) et 20(1)c) de la Loi, ces renseignements ne devraient pas être communiqués.

 

[32]           On trouve par ailleurs dans ce paragraphe une autre allusion au sous-traitant de la demanderesse. La communication de ce renseignement à un tiers défavoriserait probablement la demanderesse lors de futures soumissions étant donné qu’elle permettrait à ce tiers de modifier en conséquence sa soumission ou sa méthode de soumission. La demanderesse soutient donc que les exceptions énumérées aux alinéas 20(1)b) à d) s’appliquent.

 

[33]           La demanderesse signale par ailleurs qu’on trouve au paragraphe cinq de cette lettre des renseignements précis au sujet de l’établissement des prix et des coûts et elle affirme que la communication de ces renseignements lui nuirait lors de soumissions futures. La demanderesse soutient que ces renseignements tombent sous le coup des alinéas 20(1)b) et c) de la Loi.

 

Lettre adressée le 10 novembre par le défendeur à la demanderesse

[34]           La demanderesse n’a soulevé aucune objection précise en ce qui concerne la teneur de cette lettre. Toutefois, comme l’Office est chargé de réglementer l’industrie de la prospection pétrolière à Terre-Neuve-et-Labrador, la demanderesse estime que la communication de cette lettre risque de nuire à sa réputation auprès de ses clients actuels ou futurs. La demanderesse invoque donc l’alinéa 20(1)c) de la Loi pour demander que cette lettre ne soit pas communiquée. La demanderesse soutient en outre qu’elle devrait pouvoir raisonnablement s’attendre à ce que sa correspondance avec l’Office ne soit pas divulguée à des tiers.

 

Résumé

[35]           La demanderesse fait valoir qu’elle s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer pourquoi chacune des lettres devrait être soustraite à la communication. La demanderesse estime qu’elle a fait la preuve qu’elle subira probablement un préjudice si ces documents sont communiqués à des tiers et à des concurrents. La demanderesse soutient en outre qu’aucune preuve contraire n’a été produite pour réfuter les éléments de preuve qu’elle a présentés à l’appui des arguments avancés dans la présente demande.

 

[36]           Qui plus est, la demanderesse soutient que, lorsqu’il a examiné sa demande, le défendeur n’a pas dûment tenu compte des importantes conséquences qu’entraînerait la communication de ces renseignements, aux termes de la loi ou de ses propres politiques. Le défendeur n’a pas non plus tenu dûment compte du caractère délicat des documents et renseignements contenus au dossier. La demanderesse prétend en outre que le défendeur ne s’est pas demandé, comme il aurait dû le faire, s’il était possible de retrancher de la correspondance communiquée les renseignements de nature délicate qu’elle contenait. 

 

Crainte raisonnable de partialité

[37]           La demanderesse soutient en outre que les documents ne devraient pas être communiqués en raison de la crainte raisonnable de partialité qui existe en ce qui concerne la décision du défendeur de communiquer les documents en question.

 

[38]           Le critère applicable en ce qui concerne la crainte raisonnable de partialité a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369. Il consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question … de façon réaliste et pratique? »

 

[39]           La demanderesse estime que la décision du défendeur de communiquer les documents était entachée de partialité en raison de la participation du président et premier dirigeant du défendeur, M. Max Ruelokke, au processus de prise de décision. La demanderesse soutient que M. Ruelokke était le directeur général d’AMEC Americas Limited avant de commencer à travailler pour le défendeur et précise qu’AMEC Earth & Environmental est une division de cette entreprise.

 

[40]           De plus, la demanderesse s’est opposée à la nomination de M. Ruelokke à ce poste au sein de l’Office, et elle a par la suite appris que les dirigeants ou les employés de l’Office avaient été mis au courant de son opposition à cette nomination.

 

[41]           Vu la conclusion de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador suivant laquelle M. Ruelokke était [traduction] « le président et premier dirigeant de l’Office depuis que le comité a arrêté son choix le 5 décembre 2005 » (Ruelokke c. Newfoundland and Labrador (Minister of Natural Resources), [2006] N.J. no 228, au paragraphe 11), la demanderesse affirme qu’au cours de la période comprise entre les mois de décembre 2005 et avril 2006, alors que la demanderesse participait au processus d’appel d’offres portant sur le marché qui avait été adjugé à AMEC Earth and Environmental, M. Ruelokke travaillait pour AMEC.

 

[42]           La demanderesse affirme que, compte tenu des liens d’emploi que M. Ruelokke avait antérieurement entretenus avec le soumissionnaire retenu, le rôle que M. Ruelokke avait joué dans l’examen de la plainte de la demanderesse faisait en sorte que cet examen était entaché de partialité. La demanderesse soutient qu’une personne bien renseignée considérerait que la participation de M. Ruelokke suscitait une crainte raisonnable de partialité étant donné que son ancien employeur livrait directement concurrence à la demanderesse.

 

[43]           La demanderesse affirme en outre qu’elle a droit à un nouvel examen indépendant et impartial des documents en question, et que la participation de M. Ruelokke au processus a eu pour effet de nier à la demanderesse son droit à l’équité procédurale. Dans l’arrêt Newfoundland  Telephone Co. c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, 89 D.L.R. (4th) 289, la Cour suprême du Canada a conclu que l’apparence d’impartialité constituait un élément essentiel de l’équité procédurale. La demanderesse soutient qu’un élément essentiel de l’équité procédurale fait défaut en l’espèce : la participation de M. Ruelokke au processus fait en sorte qu’on ne peut affirmer qu’il y a une apparence d’impartialité dans la décision du défendeur de communiquer les documents.

 

[44]           La demanderesse cite l’arrêt Szilrd c. Szasz, [1955] 3 R.C.S. 3, au paragraphe 4, sur lequel elle se fonde pour affirmer que [traduction] « chaque partie, agissant raisonnablement, a le droit de pouvoir compter constamment sur l’indépendance d’esprit de ceux qui porteront jugement sur elle et sur ses affaires ». La demanderesse soutient qu’en l’espèce, elle n’a pas pu compter constamment sur l’indépendance d’esprit de ceux qui étaient chargés de porter jugement sur ses affaires. En raison du poste qu’il occupe présentement à l’Office, M. Ruelokke est en mesure de favoriser son ancien employeur. La demanderesse estime par ailleurs que les observations faites par M. Smyth au sujet de son opposition à la nomination de M. Ruelokke permettent de douter de l’indépendance du défendeur dans sa décision de communiquer les documents. La demanderesse affirme donc que l’obligation d’équité procédurale n’a pas été respectée.

 

Autres préoccupations

[45]           Suivant la demanderesse, il semble que les employés du défendeur étaient au courant de son opposition à la nomination de M. Ruelokke à l’Office, parce que, lors de l’examen de la plainte, un membre de l’Office, M. Smyth, a dit que la demanderesse [traduction] « n’aurait pas dû s’opposer à la nomination de M. Ruelokke comme président et premier dirigeant de l’Office ».

 

[46]           La demanderesse explique en outre qu’elle est préoccupée par le passage de la demande d’information où il est indiqué que sa lettre du 16 août 2006 contient des allégations formulées contre M. Mellis. La demanderesse est préoccupée par la façon dont l’auteur de la demande a été mis au courant de l’existence de cette lettre, et elle ajoute que quelqu’un, à l’Office, avait dû divulguer ce renseignement.

 

[47]           La demanderesse trouve par ailleurs déconcertant que, comme elle est présentement engagée dans un procès contre AMEC Earth and Environmental au sujet des travaux visés par le marché, la communication de ces renseignements risquerait d’avoir une incidence sur ce procès.

 

[48]           La demanderesse demande que les documents ne soient pas divulgués, mais pour le cas où la Cour estimerait qu’il convient de les communiquer, elle demande que les passages de la correspondance auxquels elle s’oppose en soient retranchés avant la communication.

 

[49]           À titre subsidiaire, la demanderesse demande que ces documents ne soient pas communiqués en raison de la crainte raisonnable de partialité entourant la décision de les communiquer et parce que la communication de ces documents porterait atteinte à son droit à l’équité procédurale et à la justice naturelle.

 

Le défendeur

[50]           Le défendeur rappelle à la Cour que c’est à la demanderesse qu’il incombe d’établir que les documents en question cadrent avec l’une des exceptions énumérées au paragraphe 20(1) de la Loi. Le défendeur affirme que la demanderesse ne s’est pas acquittée de ce fardeau.

 

L’alinéa 20(1)a)

[51]           Selon le paragraphe 7 de la décision Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétariat d’État), 79 F.T.R. 42, 27 Admin. L.R. (2d) 102 (Gamma), « un secret industriel doit être un renseignement, probablement de caractère technique que l’on garde très jalousement et qui est pour celui qui le possède tellement précieux que sa seule divulgation ferait naître en faveur de ce possesseur une présomption de préjudice. » Le défendeur conteste l’allégation de la demanderesse suivant laquelle les renseignements faisant ressortir les différences qui existent entre la prévision météorologique et la surveillance météorologique constituent un secret industriel. Bien que la connaissance des différences qui existent entre la prévision météorologique et la surveillance météorologique puisse revêtir une importance primordiale pour la demanderesse, il ne s’agit pas d’un renseignement qui est propre à la demanderesse. En fait, le défendeur souligne que le profane saisit la différence qui existe entre une prévision (qui constitue une projection vers l’avenir) et une observation (qui consiste à surveiller la situation actuelle). En conséquence, ces termes et leur emploi dans les documents en question ne sauraient être considérés comme un secret industriel. En conséquence, la demanderesse n’a pas prouvé que l’alinéa 20(1)a) s’applique à l’un quelconque des documents en question.

 

L’alinéa 20(1)b)

[52]           Pour pouvoir être soustraits à la communication par application de l’alinéa 20(1)b), les renseignements doivent être : 1) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques; 2) de nature confidentielle; 3) fournis à une institution fédérale par un tiers; 4) traités comme tels de façon constante par ce tiers (Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), 27 F.T.R. 194, 37 Admin. L.R. 245). Il incombe à la demanderesse de démontrer que les documents en question satisfont à ces quatre critères pour qu’on puisse les soustraire à la communication en vertu de l’alinéa 20(1)b).

 

Renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques

[53]           Le défendeur conteste l’argument de la demanderesse suivant lequel on trouve dans ces documents des renseignements se rapportant à l’établissement des coûts et des prix. Le défendeur soutient que ces documents ne renferment aucun renseignement de la demanderesse qui porte sur l’établissement des prix ou des coûts.

 

[54]           Le défendeur soutient en outre que la participation du sous-traitant à la soumission n’est pas une chose qui est propre à la demanderesse, et il ajoute que le sous-traitant en question avait déjà conclu avec Chevron un contrat portant sur l’observation météorologique. En conséquence, le fait que la demanderesse mentionne ce sous-traitant dans son offre n’est pas propre à la demanderesse, et la communication de ce renseignement ne lui causera aucun préjudice.

 

[55]           Le défendeur soutient que les documents en question ne peuvent être qualifiés de documents de nature financière, commerciale, scientifique ou technique, et ce, peu importe la façon dont la demanderesse tente de les qualifier.

 

Confidentialité

[56]           Si la Cour conclut que les renseignements en question sont des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, elle doit également les considérer comme étant de nature confidentielle. Pour décider si un renseignement donné est confidentiel, la Cour doit appliquer une norme objective qui tienne compte de la teneur du renseignement, de son objet et des conditions dans lesquelles il a été préparé et communiqué (Air Atonabee). Le défendeur affirme par ailleurs que le renseignement ne doit pas être considéré confidentiel, même si un tiers le considère comme tel, dès lors que le public peut l’obtenir d’une autre source (Canada Packers, cité dans la décision Air Atonabee).

 

[57]           Le défendeur affirme que les renseignements que l’on trouve dans les documents demandés n’ont pas été antérieurement considérés comme confidentiels par la demanderesse. Aucune des lettres que le défendeur et la demanderesse se sont échangées ne portait la mention « confidentiel ». Qui plus est, le défendeur signale que Mme Bobbit a parlé ouvertement dans les médias du différend qui oppose la demanderesse au défendeur en ce qui concerne la façon dont ce dernier a examiné l’appel d’offres de Chevron. En fait, dans un article publié dans un journal, Mme Bobbit mentionne les lettres du 25 juillet, du 11 août et du 10 novembre. Il est donc évident que la plainte que la demanderesse a adressée au défendeur au sujet de l’appel d’offres de Chevron n’a pas été gardée confidentielle par la demanderesse et qu’on peut en prendre connaissance en consultant au moins une source publique, en l’occurrence l’article paru dans le Telegram le 23 décembre 2006. Plus particulièrement, le fait que le marché portait à la fois sur la prévision météorologique et sur l’observation météorologique est bien précisé dans l’article paru dans ce journal, de sorte que la demanderesse ne l’avait pas gardé confidentiel. Il en est de même en ce qui concerne le fait que, dans sa soumission, la demanderesse propose un seul prix pour ces deux volets. Le défendeur affirme de façon générale que la teneur des documents en question et, surtout, le contexte général et les faits à l’origine de la plainte que la demanderesse a adressée au défendeur, sont des renseignements dont le public peut prendre connaissance en lisant l’article du journal en question. Ce renseignement ne saurait donc être qualifié de confidentiel.

 

Renseignements fournis par un tiers

[58]           Pour répondre aux conditions prévues à l’alinéa 20(1)b), il faut également que le renseignement dont la demanderesse réclame l’exemption ait été fourni par la demanderesse au défendeur. Or, les documents en litige renferment des renseignements qui proviennent d’autres sources que la demanderesse. Les renseignements n’ont donc pas été expressément fournis par la demanderesse et ils ne satisfont pas au troisième critère prévu à l’alinéa 20(1)b).

 

Renseignements traités comme étant confidentiels de façon constante

[59]           L’alinéa 20(1)b) exige également que les renseignements aient été traités comme étant confidentiels de façon constante par la demanderesse. Le défendeur s’appuie sur la décision Toronto Sun Wah dans laquelle la Cour conclut que « la partie qui veut soustraire les renseignements à la divulgation doit, autrement que par de simples affirmations, montrer que les renseignements sont traités de façon constante comme des renseignements confidentiels ». Le problème qui se présente dans le cas qui nous occupe est le même que celui sur lequel la Cour s’est penchée dans la décision Toronto Sun Wah, au paragraphe 25 :

 

Un affidavit du chef de la direction de la demanderesse affirme que l’information était traitée de manière confidentielle, mais il ne fait aucunement état des moyens pris à cet égard. Aucune facture ne porte la mention « confidentiel » et l’affidavit n’expose aucun fait qui indique comment la demanderesse aurait traité cette information de manière confidentielle de façon constante.

 

 

[60]           Le défendeur soutient qu’il ressort de l’article publié dans le journal que les documents en question n’ont pas été traités par la demanderesse de manière confidentielle. La thèse du défendeur est donc que la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que les documents devraient échapper à la présomption de communication.

 

            Les alinéas 20(1)c) et 20(1)d)

[61]           La partie qui cherche à empêcher la communication de renseignements en vertu de ces dispositions doit faire la preuve d’un risque vraisemblable de préjudice probable (Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services), 107 N.R. 89, 67 D.L.R. (4th) 315. Cette preuve est plus exigeante que celle de la spéculation quant à un éventuel préjudice. Dans la décision Saint John Shipbuilding, la Cour a conclu que « [c]e que la requérante a établi […] c’est la possibilité que cela nuise à sa compétitivité. Toutefois, ce risque ne satisfait pas au critère établi […] dans l’affaire Canada Packers ». Le défendeur se fonde également sur la décision SNC Lavalin Inc. c. Canada (Ministre de la Coopération internationale), 2003 CFPI 681, 234 F.T.R. 294 (SNC Lavalin) au paragraphe 36 :

 

… l’auteur de l’affidavit atteste, bien que souvent en termes conditionnels, que la demanderesse risque vraisemblablement de subir des pertes financières et un préjudice à sa compétitivité. Le langage conditionnel est d’importance cruciale, car il ne suffit pas simplement que la demanderesse établisse que la communication pourrait lui causer un préjudice. Une hypothèse, quelque éclairée qu’elle soit, ne répond pas aux critères du risque vraisemblable de perte financière ou de préjudice à la position concurrentielle de l’intéressée. 

 

L’alinéa 20(1)c)

[62]           Le défendeur soutient que l’affidavit de la demanderesse ne renferme rien de plus que des spéculations au sujet d’un éventuel préjudice. On trouve dans cet affidavit des déclarations générales et une formulation conditionnelle qui ne sont appuyées par aucun élément de preuve qui démontre qu’il existe une probabilité de préjudice ou de perte. La demanderesse n’a pas réussi à démontrer qu’il existe un risque vraisemblable de perte financière ou de perte de position concurrentielle.

 

[63]           De surcroît, la demanderesse doit prouver que toute perte serait le résultat de la communication des documents. En l’espèce, la demanderesse a elle-même divulgué une grande partie des renseignements. Ainsi, même si la demanderesse pouvait répondre au critère du préjudice probable, ce préjudice pourrait tout aussi bien découler de sa propre communication du contenu des documents en question aux médias. Pour ces motifs, la demanderesse n’a pas démontré que ces documents devraient être soustraits en totalité ou en partie à la communication sur le fondement de l’alinéa 20(1)c).

 

L’alinéa 20(1)d)

[64]           Pour avoir droit à une exemption en vertu de cet alinéa, la demanderesse doit démontrer que la divulgation risquerait d’entraver ou de contrecarrer des négociations contractuelles. Pour qu’il existe une distinction d’avec l’alinéa 20(1)c), il ne peut s’agir d’un simple accroissement de la concurrence. Suivant la décision Gamma, au paragraphe 47, « la divulgation qui risquerait d’"entraver" des négociations en vue de contrats, dont il s’agit à l’alinéa 20(1)d), doit s’entendre d’un empêchement de ces négociations et non pas simplement d’une concurrence plus forte pour le tiers qui pourrait résulter de la divulgation ». La demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve pour démontrer que la communication des documents en question risquerait probablement d’entraver des négociations précises. En l’espèce, la demanderesse n’a présenté aucune preuve de l’existence d’un préjudice en particulier. La demanderesse n’a donc pas établi que l’alinéa 20(1)d) s’applique en l’espèce. 

 

Crainte raisonnable de partialité

[65]           Le défendeur soutient que la question de la crainte raisonnable de partialité n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit pour la Cour de se prononcer sur l’opportunité de communiquer les documents en vertu de la Loi. La Cour reprend depuis le début l’examen de la question de savoir si les documents devraient être communiqués ou non. De plus, comme M. Ruelokke n’a pas participé à la décision du défendeur de communiquer les documents, il ne saurait y avoir de crainte raisonnable de partialité. Le défendeur soutient qu’il n’y a aucun élément de preuve qui permettrait à une personne bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la décision est entachée de partialité.

 

La partialité et la Loi

[66]           La Cour ne peut refuser la communication des documents en question en vertu de la Loi sur le fondement de l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. Si la Cour devait conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, la réparation consisterait à annuler la décision du défendeur de communiquer les documents et de renvoyer la question au défendeur pour qu’il la réexamine. En fait, l’existence d’une crainte raisonnable de partialité n’empêcherait pas la Court de tirer sa propre conclusion au sujet de la communication des documents en question.

 

[67]           Qui plus est, l’article 2 de la Loi indique clairement que la communication est la règle et que cette règle n’est assortie que des quelques exceptions énumérées. Ainsi, si la demanderesse ne réussit pas à démontrer que les documents tombent sous le coup du paragraphe 20(1) de la Loi, les documents doivent être divulgués.

 

Décision quant à l’accès à l’information

[68]           Il ressort clairement de la preuve que M. Ruelokke n’a pas pris part à la décision relative à la communication des documents. Le défendeur ignore de surcroît comment l’auteur de la demande a obtenu les renseignements précis concernant la lettre écrite le 16 août 2006. C’est également le cas de M. Baker, qui a déclaré, en contre-interrogatoire, qu’il ne savait pas comment l’auteur de la demande avait obtenu ces renseignements. Toutefois, compte tenu de l’article de journal et de l’échange que la demanderesse a eu avec les personnes qui se sont occupées de l’appel d’offres de Chevron, le défendeur croit qu’il est possible que ces renseignements aient été obtenus par l’entremise de la demanderesse.

 

[69]           Quoi qu’il en soit, le défendeur soutient que les connaissances particulières qu’avait l’auteur de la demande n’ont eu aucune incidence sur le traitement de la demande.

 

Enquête sur l’appel d’offres de Chevron

[70]           Le défendeur soutient que le rôle que M. Ruelokke a joué en ce qui concerne les interactions de la demanderesse avec le défendeur ne soulève pas de crainte raisonnable de partialité. De plus, à l’époque où la plainte de la demanderesse a été examinée, M. Ruelokke n’avait pas encore commencé à travailler pour le défendeur. Bien qu’il ait été nommé à l’Office le 5 décembre 2005, sa nomination n’a pris effet que le 26 octobre 2006 et il n’est entré en fonction que le 30 octobre 2006.

 

[71]           M. Ruelokke a bien précisé qu’il n’avait pas participé aux opérations d’AMEC Earth and Environnent. De plus, le rôle que M. Ruelokke a joué en ce qui concerne la demanderesse dans la présente affaire se limitait à vérifier quelle suite le personnel de l’Office avait donnée à la plainte.

 

[72]           Le défendeur soutient que l’allégation d’enquête injuste de la demanderesse s’explique par le fait que le résultat de l’enquête ne lui était pas favorable. En l’espèce, il n’y a aucun élément de preuve qui permettrait à une personne bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que le rôle que M. Ruelokkea a joué en ce qui concerne l’appel d’offres de Chevron était entaché de partialité.

 

[73]           La demanderesse emploie des termes très forts pour qualifier le présumé rôle que M. Ruelokke a joué en l’espèce. Le défendeur soutient que de telles déclarations et allégations ne devraient pas être faites à la légère. Ces déclarations devraient être considérées comme frivoles et vexatoires parce qu’elles ne reposent sur aucune preuve solide.

 

[74]           Si elle conclut que le défendeur a eu raison de décider de communiquer les documents, la Cour doit confirmer sa décision, indépendamment de tout grief formulé par la demanderesse quant au processus de prise de décision.

 

[75]           Le défendeur demande à la Cour de confirmer que les documents en question ne tombent pas sous le coup des exceptions prévues par la loi qui sont énumérées au paragraphe 20(1) de la Loi qu’ils devraient être communiqués à la personne qui les a demandés. Le défendeur réclame également les dépens de la présente demande.

 

ANALYSE

            Considérations d’ordre général

[76]           Le paragraphe 2(1) de la Loi et la jurisprudence applicable consacrent clairement le principe général du droit du public à la communication des documents de l’administration fédérale et précisent que les exceptions à ce droit sont limitées. Qui plus est, tout doute quant aux renseignements qui devraient être communiqués doit bénéficier à la divulgation et la charge de la preuve incombe à la partie qui s’oppose à la divulgation (Toronto Sun Wah, au paragraphe 8.

 

[77]           Il s’ensuit donc que les documents et/ou les renseignements en litige dans la présente affaire doivent être divulgués à moins que la demanderesse soit en mesure de démontrer qu’ils sont visés par une ou plusieurs des exceptions prévues au paragraphe 2(1) de la Loi.

 

[78]           Il est également acquis que, dans un recours en révision selon l’article 44 de la Loi, notre Cour reprend depuis le début l’examen de l’affaire et elle n’a pas à faire preuve envers la décision de l’Office de la retenue à laquelle elle est normalement tenue lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire (Toronto Sun Wah, au paragraphe 11.)

 

Crainte de partialité

[79]           Outre les exceptions précises énumérées au paragraphe 20(1) de la Loi, la demanderesse invoque également l’existence d’une crainte raisonnable de partialité comme motif justifiant la Cour de trancher en sa faveur la question de la communication. Indépendamment du fait qu’après examen de la preuve, je ne crois pas que la demanderesse soit en mesure de démontrer l’existence d’une crainte raisonnable de partialité conformément aux principes bien connus énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty, à la page 17, le fait que je reprends l’examen de la présente affaire depuis le début et que je n’examine pas la décision du défendeur selon les principes habituels qui s’appliquent dans le cas d’un contrôle judiciaire font en sorte que la question de la partialité n’est pas pertinente lorsqu’il s’agit pour moi de me prononcer sur la question de savoir si les documents et les renseignements en question remplissent les conditions requises pour être visés par l’une ou l’autre des exceptions énumérées au paragraphe 2(1). En conséquence, il n’est pas nécessaire que je m’attarde sur les allégations de crainte de partialité.

 

Les documents en question

1.                  Lettre adressée le 25 juillet 2006 par Judith Bobbit, présidente d’Oceans Ltd., à Frank Smyth, Directeur, Retombées industrielles, Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers

[80]           La demanderesse affirme que les renseignements contenus dans la lettre en question au sujet des [traduction] « différences techniques qui influent sur sa manière de soumissionner relativement aux volets relatifs à la prévision météorologique et à l’observation météorologique sur lesquels Oceans (la demanderesse) soumissionne » sont visés par les exceptions énumérées aux alinéas 20(1)b) et 20(1)d) de la Loi. La demanderesse explique aussi que la lettre renferme des renseignements relatifs à [traduction] « des soumissions portant sur des travaux à effectuer dans la zone extracôtière » qui ne sont jamais divulgués aux concurrents. Elle ajoute que leur communication lui causerait des pertes économiques et créerait un avantage commercial injuste en faveur de ses concurrents. La demanderesse affirme que ces renseignements tombent également sous le coup de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b).

 

[81]           La demanderesse ajoute que cette lettre renferme aussi des renseignements précis au sujet de l’identité d’un sous-traitant en particulier et des rapports qu’elle entretient avec ce dernier et que la communication de ces renseignements la défavoriserait lors de soumissions à venir et nuirait à la demanderesse et au sous-traitant [traduction] « et éventuellement à d’autres personnes ».

 

[82]           La demanderesse estime que les renseignements concernant le sous-traitant tombent sous le coup des alinéas 20(1)b) et 20(1)c) de la Loi.

 

[83]           La demanderesse affirme en outre que cette lettre renferme des renseignements sur l’établissement des coûts et des prix qui ne sont jamais partagés avec des concurrents et dont la communication [traduction] « est susceptible d’améliorer la position concurrentielle de concurrents commerciaux, dont AMEC Earth and Environment ». La demanderesse affirme donc que l’alinéa 20(1)b) s’applique.

 

[84]           La demanderesse a toutefois présenté bien peu d’éléments de preuve et invoqué peu de principes et de précédents pour justifier l’exclusion des renseignements en question. La demanderesse ne s’est pas acquittée convenablement du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’une exception en particulier s’appliquait en l’espèce à un renseignement ou à un document donné, et ce, même lorsqu’on examine chaque objection en fonction de l’ensemble du contexte de la présente affaire.

 

[85]           En particulier, la demanderesse n’a pas démontré :

1.                  que les renseignements contenus dans ces documents sont des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques au sens de l’alinéa 20(1)b) (H.J. Heinz Co. of Canada Ltd. c. Canada (Procureur général), 2005 CarswellNat 3026, au paragraphe 15). D’ailleurs, la plus grande partie des renseignements mentionnés semblent n’être qu’un résumé de la portée des travaux de l’appel d’offres de Chevron. Ce ne sont même pas des renseignements de la demanderesse et ils ne mentionnent pas des renseignements techniques ou des pratiques commerciales propres à la demanderesse;

2.                  que les renseignements sont de nature confidentielle au sens de l’alinéa 20(1)b) (Air Atonabee, au paragraphe 15). Par exemple, rien ne permet de penser que les renseignements en question ont été traités de façon constante comme des renseignements confidentiels dans le passé. La correspondance entre la demanderesse et le défendeur ne portait pas la mention « confidentiel » et on ne peut s’attendre à ce qu’un renseignement soit traité comme confidentiel lorsque la loi indique clairement que le public a le droit de connaître ces renseignements et que la demanderesse a parlé dans les journaux de son différend avec le défendeur au sujet du processus d’adjudication du marché de Chevron (Toronto Sun Wah, au paragraphe 25);

3.                  qu’il existait un risque vraisemblable de préjudice probable donnant lieu à l’application de l’alinéa 20(1)c) ou de l’alinéa 20(1)d). Il ne suffit pas de faire des affirmations et de se livrer à des spéculations (Saint John Shipbuilding, aux paragraphes 5 et 22, SNC Lavalin Inc., au paragraphe 36, Geophysical Service Inc. c. Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, [2003] A.C.F. no 665, aux paragraphes 47 et 48, et Toronto Sun Wah, au paragraphe 27);

4.                  que la divulgation de cette lettre entraînerait une perte financière ou un préjudice à sa position concurrentielle;

5.                  que la divulgation risquerait d’entraver ou de contrecarrer des négociations contractuelles au sens de l’alinéa 20(1)d) (Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétariat d’État), (1994), 79 F.T.R. 42 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 47).

 

[86]           Il semble que ce que la demanderesse craint surtout c’est que des concurrents puissent d’une certaine manière utiliser des renseignements divulgués dans certains passages de cette lettre, notamment la mention d’un sous-traitant en particulier, pour obtenir ainsi un avantage quelconque lors de soumissions à venir. La lettre contient toutefois une liste d’éléments que la demanderesse inclut dans l’appel d’offres de Chevron. Elle ne révèle rien au sujet de sa méthode de soumission qui soit confidentiel pour la demanderesse. La demanderesse a elle-même déjà révélé dans l’article du Telegram une grande partie de la nature générale de l’appel d’offres de Chevron et des problèmes qu’elle a rencontrés, y compris le fait que les travaux à exécuter portaient sur de la prévision météorologique et de l’observation météorologique et qu’elle devait proposer un tarif journalier et préciser si les services d’observation météorologique devaient être fournis par une autre entreprise.

 

2.         Lettre adressée le 26 juillet 2006 par Frank Smyth, de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, à Judith Bobbit, présidente d’Oceans Ltd. (la demanderesse)

[87]           La demanderesse affirme qu’elle n’a aucune objection particulière à la production de cette lettre et de l’avis de confirmation de réception de télécopie portant la date du 26 juillet 2006.

 

 

3.         Lettre adressée le 11 août 2006 par Frank Smyth, de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, à Judith Bobbit, présidente d’Oceans Ltd. (la demanderesse)

[88]           La demanderesse affirme que la communication de cette lettre nuirait à sa position sur le marché en raison des inexactitudes factuelles qu’elle renferme : [traduction] « aucun soumissionnaire n’a posé de question au sujet de l’appel d’offres avant la clôture des soumissions ».

 

[89]           L’affirmation selon laquelle la communication de cette lettre [traduction] « pourrait causer [à la demanderesse] des pertes financières ou nuire à sa position concurrentielle » permet de penser que la demanderesse cherche à remplir les conditions requises pour tomber sous le coup de l’alinéa 20(1)c) dans le cas de cette lettre. Toutefois, comme nous l’avons déjà expliqué, il ne s’agit que d’affirmations, de conjectures et de spéculations, ce qui ne suscite pas de risque vraisemblable de préjudice probable au sens de la jurisprudence précitée.

 

4.         Lettre adressée le 16 août 2006 par Judith Bobbit, présidente d’Oceans Ltd., à Frank Smyth, Directeur, Retombées industrielles, Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers

[90]           Là encore, la demanderesse s’oppose à la divulgation de l’identité du sous-traitant. La demanderesse explique que le fait de désigner un sous-traitant en particulier dans une soumission est une façon de procéder qui est [traduction] « propre à Oceans et qui constitue une méthode ou une pratique utilisée par Oceans pour s’acquitter de ses obligations en matière de prévision et d’observation maritimes ».

 

[91]           La demanderesse affirme que ce renseignement tombe sous le coup tant de l’alinéa 20(1)b) que de l’alinéa 20(1)c) parce que [traduction] « la communication de ce renseignement défavoriserait Oceans lors de futures soumissions étant donné qu’elle révélerait éventuellement la méthode employée par Oceans pour soumissionner relativement à ce genre de travaux à ses concurrents et à des parties adverses comme AMEC ».

 

[92]           Comme nous l’avons déjà dit, la demanderesse n’a pas véritablement cherché à répondre aux critères définis par la jurisprudence pour pouvoir bénéficier des exceptions prévues aux alinéas 20(1)b) et 20(1)c). On ne peut pas dire que la demanderesse s’est acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que la lettre en question remplit les conditions requises pour tomber sous le coup d’une des exceptions. La demanderesse a déjà révélé dans l’article du Telegram beaucoup de renseignements concernant l’appel d’offres de Chevron et de son recours à une [traduction] « autre entreprise » pour les services d’observation météorologique. L’idée que l’identification du sous-traitant cause un préjudice quelconque n’est que simple conjecture.

 

5.         Lettre adressée le 1er septembre 2006 par Frank Smyth, de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, à Judith Bobbit, présidente d’Oceans Ltd. (la demanderesse)

[93]           La demanderesse revendique l’exception prévue à l’alinéa 20(1)d) pour la totalité de cette lettre parce que la communication de cette lettre nuirait à sa position sur le marché et à sa réputation auprès de ses clients actuels ou futurs.

 

[94]           La demanderesse n’a pas véritablement tenté de justifier ces affirmations et spéculations ou de satisfaire aux critères définis par la jurisprudence en ce qui concerne l’alinéa 20(1)d).

 

 

6.         Lettre adressée le 17 octobre 2006 par Judith Bobbit, présidente d’Oceans Ltd., à Frank Smyth, Directeur, Retombées industrielles, Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers

[95]           La demanderesse soutient qu’on trouve au deuxième paragraphe de cette lettre des renseignements techniques qui lui sont propres parce qu’ils font ressortir les différences entre la prévision météorologique et l’observation météorologique.

 

[96]           La demanderesse explique en outre que [traduction] « les connaissances acquises au sujet des méthodes utilisées en matière de prévision météorologique et de surveillance météorologique revêtent une importance cruciale » pour elle, mais je ne trouve rien dans le paragraphe en question qui constitue une communication de telles connaissances. Chacun sait qu’il y a une différence entre la prévision météorologique et l’observation météorologique.

 

[97]           La demanderesse affirme aussi qu’on trouve dans ce paragraphe [traduction] « une allusion à la méthode employée par Oceans [la demanderesse] pour soumissionner relativement à des services d’établissement des coûts ». Ce paragraphe souligne simplement que, dans le cas de cette soumission précise, [traduction] « il a fallu proposer un tarif quotidien tous frais compris », mais que le volet des services de prévision avait été réduit et que le volet concernant l’observation avait été confié à un sous-traitant.

 

[98]           Je ne trouve rien dans ce paragraphe qui permettrait de quelque façon que ce soit à la demanderesse de se prévaloir de l’alinéa 20(1)b) ou de l’alinéa 20(1)c).

 

[99]           De plus, le fait de mentionner le sous-traitant ne permet pas à la demanderesse d’invoquer les alinéas 20(1)b), c) ou d) pour les motifs déjà exposés.

 

[100]       La demanderesse affirme par ailleurs que le paragraphe 5 de cette lettre [traduction] « renferme des renseignements précis au sujet de l’établissement des prix et des coûts » qui, s’ils étaient révélés, [traduction] « nuiraient à la demanderesse lors de futures soumissions dans l’industrie concurrentielle de l’exploration pétrolière extracôtière ». En plus de se contenter d’une simple affirmation, la demanderesse n’a présenté aucun élément de preuve qui réponde aux critères de la jurisprudence et qui ferait en sorte que ces renseignements tombent sous le coup des exceptions énoncées aux alinéas 20(1)b) ou c).

 

7.         Lettre adressée le 10 novembre 2006 par Max Ruelokke, président et premier dirigeant de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, à Judith Bobbit, présidente d’Oceans Ltd. (la demanderesse)

[101]       La demanderesse  [traduction] « n’a soulevé aucune objection précise en ce qui concerne la teneur de cette lettre », mais soutient que sa communication  [traduction] « risque de nuire à la réputation d’Oceans auprès de ses clients actuels ou futurs » et que [traduction] « elle devrait pouvoir raisonnablement s’attendre à ce que sa correspondance avec l’organisme de réglementation ne soit pas divulguée à des tiers, y compris ses clients et ses concurrents ».

 

[102]       Il est difficile de comprendre sur quoi peut se fonder une telle attente étant donné que la loi consacre le principe du droit du public à la communication des documents de l’administration fédérale à moins que les renseignements demandés ne tombent sous le coup d’une exception en particulier et qu’ils répondent aux critères élaborés par les tribunaux relativement à cette exception.

 

[103]       La demanderesse invoque en l’espèce l’alinéa 20(1)c), mais elle ne soumet aucun élément de preuve qui justifierait l’application de cette exception à la lettre en question ou qui démontrerait qu’il existe un risque vraisemblable de perte financière ou de gain susceptible de nuire à la position concurrentielle de la demanderesse.

 

 

Griefs d’ordre général

[104]       La demanderesse formule également quelques griefs d’ordre général au sujet de la façon dont l’Office défendeur a traité la question de la communication et elle soutient que [traduction] « l’Office n’a pas tenu dûment compte du caractère délicat des éléments et des renseignements versés au dossier, compte tenu notamment du témoignage de Mme Bobbit concernant le préjudice que subirait probablement Oceans si le document était communiqué, ni dûment examiné la question de savoir si les renseignements délicats qu’il contient pouvaient en être retranchés ».

 

[105]       Comme la Cour reprend l’examen de l’affaire depuis le début et qu’il ne s’agit pas du contrôle judiciaire de la décision de l’Office défendeur, il est difficile de percevoir la pertinence de ces allégations.

 

Conclusions

[106]       La jurisprudence relative aux exceptions énumérées au paragraphe 20(1) de la Loi précise clairement que le demandeur a une lourde charge lorsqu’il s’agit de démontrer qu’une exception en particulier s’applique. La Loi favorise la communication. La demanderesse se fonde sur l’affidavit de Mme Bobbit pour affirmer qu’il n’est pas facile de faire la preuve de ses craintes au sujet des pertes qu’elle risque de subir à l’avenir. Mme Bobbit a fait de son mieux pour présenter des éléments de preuve, eu égard aux circonstances. La jurisprudence indique toutefois clairement que l’on ne peut se contenter de soumettre au tribunal des affirmations et des spéculations. Il est parfois difficile de savoir précisément ce à quoi la demanderesse renvoie. Ainsi, au paragraphe 37 de son affidavit, Mme Bobbit explique que [traduction] « les connaissances relatives aux méthodes employées en matière de prévision météorologique et de surveillance météorologique revêtent une importance cruciale pour Oceans, et que la communication de ces renseignements à des tiers lui causerait un préjudice étant donné qu’elle leur permettrait de modifier en conséquence leurs soumissions à venir, et ce, au détriment d’Oceans ».

 

[107]       Toutefois, lorsqu’on examine les lettres, on constate qu’elles ne renferment pas de [traduction] « connaissances relatives aux méthodes employées en matière de prévision météorologique et de surveillance météorologique ».

 

[108]       À l’audience, la demanderesse a expliqué qu’elle ne s’inquiétait pas des aspects scientifiques ou techniques des obligations et des processus en cause, mais plutôt de la façon dont elle s’y prend pour structurer ses soumissions. Là encore, lorsqu’on examine attentivement les lettres, on constate qu’elles portent en réalité sur l’appel d’offres de Chevron, sur la portée des travaux visés par l’appel d’offres de Chevron et sur le différend non encore réglé de la demanderesse au sujet de l’appel d’offres de Chevron. Il ne s’agit pas du type de renseignements que les exceptions prévues au paragraphe 20(1) sont censées viser. De plus, tout préjudice ou désavantage dont la demanderesse se prétend victime demeure entièrement spéculatif et n’a pas été établi conformément aux exigences de la jurisprudence.

 

[109]       Après avoir repris l’examen de la présente affaire depuis le début, force m’est de conclure que la demanderesse n’a pas établi que l’une ou l’autre des exceptions prévues par la Loi s’appliquait. En conséquence, je dois rejeter la présente demande. J’estime que les documents en question devraient être communiqués.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande est rejetée;

2.                  Le défendeur a droit à ses dépens au barème habituel.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1363-08

 

INTITULÉ :                                                   OCEANS LIMITED

 

                                                                        c.        

 

                                                OFFICE CANADA-TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR DES HYDROCARBURES EXTRACÔTIERS

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 10 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 28 septembre 2009

           

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Augustine F. Bruce                                           POUR LA DEMANDERESSE

 

Amy M. Crosbie                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Augustine F. Bruce                                           POUR LA DEMANDERESSE

Lewis, Sinnott, Shortall, Hurley, Bruce

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

                       

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.