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Cour fédérale

Federal Court

 

 

Date : 20090929

Dossier : T‑266‑07

Référence : 2009 CF 979

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 29 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

PETER COLLINS

demandeur

 

 

et

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Peter Collins, un détenu d’un pénitencier fédéral maintenant admissible à la libération conditionnelle. Il n’est pas représenté par avocat et n’a pas de formation juridique formelle, et il a préparé et présenté ses arguments apparemment sans assistance juridique. Dans ces circonstances, la Cour est disposée à faire preuve d’une certaine indulgence quant à la procédure, mais elle ne peut pas accorder un redressement au‑delà de ce qui relève de sa compétence, ni accorder un redressement à l’égard de questions qui ont déjà fait l’objet de mesures correctives. Pour les raisons suivantes, je conclus en l’espèce au rejet de la demande, sans frais.

 

[2]               Dans son avis de requête déposé au dossier le demandeur demande que :

[traduction]

1.      L’appel soit accordé;

 

2.      La décision de troisième niveau du Service correctionnel du Canada datée du 8 janvier 2007 soit annulée;

 

3.      La Cour ordonne au Service correctionnel du Canada de préparer un rapport exhaustif adressé au département de psychologie de la prison fédérale de Bath, contenant les informations pertinentes et factuelles que SCC a empêché le demandeur de photocopier et de remettre au psychologue des prisons chargé de l’évaluation des risques nécessaire devant accompagner une demande de libération conditionnelle auprès de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

 

4.      La Cour ordonne au Service correctionnel du Canada de préparer un rapport exhaustif adressé à la Commission nationale des libérations conditionnelles contenant les informations pertinentes et factuelles que le SCC n’a pas permis au demandeur de photocopier et de remettre à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

 

5.      La Cour rende une ordonnance enjoignant qu’un psychologue indépendant du Service correctionnel du Canada procède à une évaluation exhaustive des risques psychologiques.

 

6.      La Cour ordonne que la nouvelle évaluation psychologique du risque comprenne une analyse approfondie du plan de libération du demandeur ainsi que d’autres documents fournis à l’appui, qui n’ont pas été correctement examinés.

 

7.      La Cour rende toute autre ordonnance permise.

 

[3]               En ce qui concerne la première demande, il importe de relever que la présente procédure n’est pas un appel, mais une demande; il ne sera toutefois pas tenu compte de cette erreur terminologique. Quant à la dernière demande, relative au prononcé de toute autre ordonnance, elle ne peut être interprétée de façon à donner la possibilité au demandeur ou à la Cour de rechercher ou rendre toute autre ordonnance qui puisse paraître opportune au fur et à mesure de l’avancement des débats ou de la présentation d’arguments; elle est nécessairement accessoire à l’autre réparation spécifiquement sollicitée. En outre, l’article 302 des Règles des cours fédérales dispose qu’une demande de contrôle judiciaire ne peut porter que sur une seule ordonnance pour laquelle une réparation est demandée. Parfois, en particulier dans un cas comme celui de M. Collins, la Cour permet des redressements à l’égard de plus d’une question, mais c’est généralement lorsque les questions sont étroitement liées, et qu’il ne s’agit pas d’une invitation à réclamer un redressement général ayant trait à de multiples questions.

 

[4]               Je vais maintenant examiner le mémoire du demandeur dans lequel il a demandé l’ordonnance suivante au paragraphe 140 :

[traduction]

140.    Le demandeur demande donc respectueusement ce qui suit :

 

1.         Une ordonnance annulant la décision du Service correctionnel du Canada empêchant le demandeur de photocopier des observations destinées aux tribunaux fédéraux dans le cadre du programme de photocopie juridique.

 

2.         Une ordonnance enjoignant au défendeur de s’assurer qu’il obtienne toutes les informations manquantes et qu’elles soient déposées aux dossiers du demandeur.

 

3.         Une ordonnance enjoignant au défendeur de corriger les informations erronées contenues dans les fichiers du demandeur.

 

4.         Une ordonnance enjoignant au défendeur de verser toutes les informations du plan de libération du demandeur aux dossiers du SCC le concernant.

 

5.         Une ordonnance enjoignant au défendeur de soumettre à nouveau le cas du demandeur à l’évaluation des risques psychologiques, dès que les dossiers du demandeur auront été corrigés et mis à jour.

 

6.         Une ordonnance enjoignant au défendeur de fixer la date d’une nouvelle audience à la Commission nationale des libérations conditionnelles à la lumière des recommandations du SCC et des évaluations fondées sur des dossiers complets et une évaluation des risques psychologiques effectuée en tenant compte de toutes les informations disponibles.

 

7.         Une ordonnance enjoignant au Service de réexaminer toutes les évaluations de cas et les décisions prises depuis le 20 avril 2006.

 

8.         Une ordonnance enjoignant au Service de cesser de tirer avantage du programme de photocopie juridique.

 

9.         Les frais liés à la mise à la poste et à la reproduction de documents ainsi que les frais relatifs aux documents juridiques et au recours aux services offerts par des membres de la collectivité pour des services qui auraient dû être autrement disponibles.

 

10.       Des dommages‑intérêts punitifs s’élevant à 25 000 $.

 

11.       Les dépens de la présente demande.

 

 

[5]               L’exposé des arguments ne peut pas être utilisé pour élargir la portée du redressement demandé dans l’avis de requête. En outre, la demande faite aux paragraphes 8 et 9 ne relève pas de la compétence de la Cour dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, et est manifestement hors du champ du redressement demandé dans l’avis de demande initial.

 

[6]               Il convient d’examiner le redressement demandé par le demandeur à la lumière du contexte factuel de la présente affaire. Le demandeur a été incarcéré dans un pénitencier fédéral pour une longue période de temps et est récemment devenu admissible à une libération conditionnelle. Avant l’examen de libération conditionnelle par la Commission des libérations conditionnelles, le demandeur a subir un examen psychologique, appuyé d’un rapport préparé par l’examinateur ayant été présenté à la commission. Le demandeur, en vue de son examen et de la préparation des observations à être présentées à la Commission, a préparé un grand nombre de documents qui, selon lui, étayaient sa demande de libération conditionnelle. Ces documents ont été présentés à la personne chargée de l’examen psychologique, qui a demandé de les conserver. Le demandeur a refusé parce qu’il ne possédait pas de copies des documents et ne voulait pas renoncer à la possession de son seul exemplaire.

 

[7]               Le demandeur a demandé la permission aux responsables de l’établissement où il était incarcéré de photocopier les documents en question. Cette demande a été refusée. Le demandeur a déposé un grief qui a été présenté à trois paliers différents. À chacun des trois paliers, le grief a été rejeté au motif que les documents que le demandeur cherchait à photocopier ne constituaient pas ce que les décideurs considèrent comme des « documents juridiques ». En outre, il a été déterminé au premier palier que des frais de 15 cents, plus tard réduits à 5 cents, par page seraient facturés. Rien ne donne à penser que le demandeur n’était pas en mesure de payer les frais de photocopie, à l’un ou l’autre tarif; il semble simplement qu’il considérait les frais trop élevés.

 

[8]               Il semble toutefois, d’après les éléments de preuve présentés que tant la personne chargée de l’évaluation psychologique que, par la suite, la Commission ont eu accès aux documents. Dans son rapport, le psychologue a écrit ce qui suit :

[traduction]

Il a présenté un gros classeur qui contenait ses plans de libération ainsi que de nombreuses lettres, des documents, des certificats et des photographies qu’il a dit vouloir fournir à la Commission nationale des libérations conditionnelles lors de son audience...

 

Le gros classeur qu’il présentait, qui contenait des éléments de preuve concernant ses nombreuses réalisations positives, semblait s’inscrire dans une stratégie globale pour sa libération conditionnelle... Son plan initial de résider au CCC Keele, à Toronto, est apparemment soutenu par une grande quantité de documents contenus dans le classeur.

 

[9]               En outre, la Commission a de toute évidence également eu les documents à sa disposition quelques jours avant l’audition de la demande de libération conditionnelle étant donné que l’agent de révision de la Commission a dit ce qui suit dans une lettre au demandeur en date du 7 juillet 2006 :

[traduction] Comme je vous l’ai indiqué dans ma lettre en date du 20 juin 2006, ce classeur d’informations a été reçu par la Commission nationale des libérations conditionnelles (bureau de Kingston) le 13 juin 2006, avant l’audience, et il avait été mis à la disposition des membres du Conseil qui participaient à l’examen de votre dossier avant votre audience, le 22 juin 2006.

 

[10]           À l’audience, le demandeur a confirmé que les documents avaient été photocopiés et des copies remises à la Commission environ trois jours ouvrables avant que cette dernière entende l’affaire. Ainsi, la Commission avait à sa disposition les documents avant l’audience et lors de ses délibérations après l’audience. De plus, tant le psychologue que la Commission avaient donc eu accès aux documents qu’ils devaient, selon le demandeur, avoir en main pour se prononcer.

 

[11]           En ce qui concerne le processus de plainte et de grief, le demandeur a présenté une plainte par écrit auprès de l’institution en date du 25 avril 2006, selon laquelle on lui avait refusé le droit de faire des photocopies et les frais de 15 cents par page étaient trop élevés. Voici les mesures correctives que demandait le demandeur :

[traduction]

MESURES CORRECTIVES

 

Indiquez‑moi par écrit comment des informations destinées à être présentées à un tribunal fédéral (Commission nationale des libérations) et aux décideurs (ALCE, psychologue) ne répondent pas aux critères du service de photocopies de documentation juridique?

 

Expliquez‑moi pourquoi les frais de photocopie sont si élevés (15 cents par page)

 

Fournissez des instructions écrites au service des archives, au comité des détenus et à moi‑même sur ce qui constitue des documents juridiques.

 

[12]           Le comité des griefs des détenus a fourni une réponse écrite en date du 12 juin 2006, qui traite des deux questions. Il déclarait :

[traduction]

J’ai examiné votre plainte datée du 23 mai 2006, dans laquelle vous vous plaignez de ne pas avoir eu le droit de photocopier des documents personnels que vous aviez l’intention de remettre à un psychologue. Vous indiquez que c’était dans le but d’aider le psychologue dans la réalisation d’une évaluation des risques en vue d’un examen à être effectué prochainement par la CNLC. Vous soutenez que puisque la CNLC fait partie du système de justice pénale, il s’agissait bien de photocopies faites à des fins juridiques. Vous avez rencontré le responsable de l’unité/A G. Gillis concernant vos questions le 6 juin 2006. Ma réponse est la suivante :

 

Le service de photocopies est fourni aux détenus de l’Établissement de Bath conformément au paragraphe 19 de la DC 084, intitulée Accès des détenus aux services juridiques et à la police. Il y ait question de fins bien précises, qui n’intervenaient pas dans votre cas. Le but est de fournir des documents à un conseiller juridique. Comme les procédures opérationnelles de notre établissement ont été respectées en ce qui concerne la décision qui a été prise, votre grief est rejeté. Bien que votre grief soit rejeté, vous demandez entre autres mesures correctives des explications concernant la raison pour laquelle le coût par page est 0,15 $. Le montant demandé tient compte du coût du papier, de l’encre en poudre, des frais administratifs et des coûts de main‑d’œuvre. Il convient de noter que, bien que dans la collectivité, les coûts pour des services similaires varient, les frais supportés par les détenus individuellement continuent d’être conformes aux normes de la collectivité.

 

[13]           Le demandeur n’a pas jugé cette réponse satisfaisante et il a demandé les mêmes mesures correctives au deuxième palier de grief, et que des excuses et une liste d’exemples des incidences de certaines décisions lui soient fournies. On semble avoir fait preuve d’une certaine maladresse administrative dans le cadre du traitement de la demande du demandeur au premier palier, mais, ultimement, une réponse écrite a été fournie au deuxième palier, en date du 27 août 2006. Dans cette réponse, il était fait mention des politiques concernant les frais de photocopies. Le grief a été rejeté dans une décision, dont voici un extrait :

[traduction]

Nous croyons que, avant l’achèvement du rapport le 25 avril 2006, vous avez eu l’occasion de porter les informations que vous avez rassemblées à la connaissance du Dr Cheston et de les examiner avec lui. En outre, une semaine avant l’audience devant la Commission nationale des libérations conditionnelles, vous avez demandé que votre agent de libération conditionnelle de l’époque photocopie les documents qui se trouvaient dans votre classeur et qu’il les remette à la CNLC. Nous croyons que ce sont les mêmes informations que vous avez portées à la connaissance du psychologue étant donné que c’était des lettres de soutien et d’autres documents de nature similaire obtenus de la part de détenus.

 

 

Vous avez été informé que vous pourriez prendre des dispositions à l’extérieur pour faire photocopier vos documents pour qu’ils vous soient retournés puis transmis à la CNLC ou fournis à votre assistant pour qu’il le fasse pour vous. Comme indiqué plus haut dans le rapport du psychologue, vous avez annoncé que vous aviez l’intention de fournir toutes ces informations à la Commission nationale des libérations conditionnelles en vue de votre audience.

 

Votre dossier a été examiné dans son intégralité et il n’y a aucune indication, émanant de vous ou du coordonnateur des griefs, que votre plainte devait être considérée comme une plainte de nature délicate. Cependant, la réponse de M. Edwards fait à tort mention d’une plainte ayant été présentée en tant que plainte de nature délicate ayant été rejetée sur ce fondement. Nous pensons qu’il s’agit d’une erreur et nous nous en excusons.

 

Le grief est rejeté.

 

[14]           À nouveau, il semble y avoir eu maladresse administrative, car la décision du deuxième palier n’a pas été transmise au demandeur en temps opportun et ne lui a été communiquée qu’à la suite d’une demande d’information du demandeur sur l’état du dossier.

 

[15]           Le demandeur demeurait insatisfait et a soumis un grief de troisième palier. La décision, qui a été rendue le 21 décembre 2006, fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire dont la Cour est saisie. En voici un extrait :

[traduction]

M. Collins n’a fourni, à aucune des étapes du processus, d’information détaillée quant à la nature exacte et la quantité des documents qu’il souhaitait faire photocopier. Seul le psychologue en fournit une description dans le rapport daté du 15 mars 2006. Il déclare : « Il a présenté un gros classeur qui comprenait ses plans de libération ainsi que de nombreuses lettres, des documents, des certificats et des photographies qu’il a dit vouloir fournir à la Commission nationale des libérations conditionnelles lors de son audience. M. Collins a expliqué qu’il fournissait toute cette documentation à la CNLC parce qu’il avait l’impression que les informations contenues dans le dossier de la Commission des libérations conditionnelles ne comporteraient probablement pas d’éléments permettant de prouver les nombreuses réalisations positives, accomplies au cours de son incarcération ». (onglet D)

 

M. Collins n’a pas fourni d’information nouvelle ou supplémentaire lors de la présentation de son grief au troisième palier.

 

Les références citées dans la réponse au grief au second palier en ce qui concerne les sections 23 et 25 de la LSCMLC sont correctes. Les politiques de l’Établissement de Bath en ce qui concerne l’obligation de fournir un service de photocopie à des fins juridiques sont conformes à la DC 084.

 

La seule description de la documentation que M. Collins voulait faire photocopier a été indirectement fournie par le psychologue, comme mentionné précédemment. Cette description a mené cet analyste à conclure que la documentation que M. Collins souhaitait photocopier n'était pas un document juridique au sens de la DC 084.

 

Le coût d’une photocopie a été fourni à M. Collins par l’Établissement de Bath dans la réponse au premier palier.

 

[16]           Ainsi, il apparaît que :

         Le psychologue qui a examiné le demandeur a eu accès aux documents en cause;

         Dans l’examen du dossier du demandeur, la Commission des libérations conditionnelles a eu les photocopies des documents à sa disposition avant l’audience et lors de ses délibérations;

         Des explications sur le coût des photocopies ont été fournies au demandeur.

 

[17]           Par conséquent, les questions liées aux redressements pouvant à bon droit être sollicités par le demandeur devant la Cour, à savoir, la fourniture de ses documents au psychologue et à la Commission des libérations conditionnelles et la fourniture d’explications quant au coût des photocopies, ont déjà été réglées. Il ne reste donc aucune question relevant de la Cour à trancher. En termes juridiques, l’affaire est théorique.

 

[18]           Par conséquent, il n’existe aucun litige actuel justifiant l’intervention de la Cour. La demande est rejetée. Le demandeur n’a pas sollicité de dépens et aucuns ne lui seront accordés.

 


JUGEMENT

Pour les motifs exposés :

LE TRIBUNAL STATUE que :

1.      La demande est rejetée;

2.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                              T‑266‑07

 

INTITULÉ :                                            PETER COLLINS c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 28 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                           Le 29 septembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Collins

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Derek Edwards

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S/O

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, Q.C.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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