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Date : 20091001

Dossiers : IMM-4712-09

IMM-4767-09

IMM-4766-09

IMM-5691-08

 

Référence : 2009 CF 989

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2009

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

MOHAMED SAID JAMA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. L’aperçu

[1]               Dans le cadre d’une demande de sursis, lorsqu’on évalue le risque, la protection du public canadien doit être le critère prépondérant. Les antécédents criminels violents du demandeur ont conduit tant la déléguée du ministre (deux fois) que la Section de l’immigration à décider que le demandeur constituait un danger pour le public. L’intégrité du gouvernement (dans ses trois composantes, selon la séparation des pouvoirs) est en jeu quant à la confiance du public dans le système d’immigration du Canada. Le public canadien, composé de membres individuels, qui ensemble constituent la société canadienne, doit se sentir en sécurité; pour autant, le public canadien reconnaît néanmoins, par son système législatif, que la fragilité de la condition humaine d’une personne doit aussi être prise en compte. Les deux doivent être soupesés lorsqu’on évalue le risque. Dans la présente affaire, les défendeurs ont entièrement tenu compte tant du demandeur que du public canadien. Les défendeurs sont prêts à dépenser 50 000 $ pour affréter un vol nolisé afin de s’assurer que la destination finale précise du demandeur aura tenu compte du risque personnalisé de sa situation; néanmoins, les défendeurs reconnaissent leur responsabilité prépondérante quant à la sécurité du public canadien.

 

[2]               Lorsqu’elle statue sur quelque question que ce soit en matière d’immigration, la Cour reconnaît, admet et comprend que l’objet de la nouvelle Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), tel qu’il a été énoncé par le législateur à l’article 3 représente le véritable fondement de l’interprétation à donner à chacun des articles subséquents de la LIPR.

 

[3]               Pour la Cour, les alinéas pertinents de l’article 3 dans la présente espèce sont les alinéas g) et h), lesquels sont libellés ainsi :

g) de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité;

 

 

h) de promouvoir, à l’échelle internationale, la sécurité et la justice par l’interdiction du territoire aux personnes et demandeurs d’asile qui sont de grands criminels ou constituent un danger pour la sécurité.

(g) to protect the health and safety of Canadians and to maintain the security of Canadian society; and

 

(h) to promote international justice and security by denying access to Canadian territory to persons, including refugee claimants, who are security risks or serious criminals.

 

 

[4]               En ce qui a trait à la sécurité de la société canadienne, l’arrêt Medovarski c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, [2005] 2 RCS 539), interprète par la voie du plus haut tribunal du Canada, l’essence des objectifs législatifs du Canada dans la LIPR.

 

II. L’introduction

[5]               La présente décision est rendue en réponse à une demande d’obtention d’une ordonnance provisoire interdisant temporairement au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de renvoyer le demandeur du Canada. La Cour souscrit pleinement à l’argumentation des défendeurs.

 

III. Le contexte

[6]               Le casier judiciaire du demandeur contient, en résumé, les mentions suivantes :

Le 15 novembre 1995 ‑ Burnaby (C.-B.), déclaré coupable de :

 

         Conduite avec des facultés affaiblies – alinéa 253a) du Code criminel. Il a été condamné à une amende de 300 $ et, à défaut, à trois jours d’emprisonnement ainsi qu’à une interdiction de conduire d’un an.

Le 18 mai 2005 ‑ Winnipeg (Man.), déclaré coupable de :

 

         Possession d’arme – article 88 du Code criminel. Il a été condamné à 9 mois; une ordonnance d’interdiction a été rendue, laquelle était obligatoire conformément à l’article 109 du Code criminel.

         Méfait public – alinéa 140(1)b) du Code criminel. Il a été condamné à une peine concurrente de 8 mois.

         Vol qualifié – alinéa 344b) du Code criminel. Il a été condamné à une peine concurrente de 6 mois; une ordonnance d’interdiction concurrente a été rendue, laquelle était obligatoire conformément à l’article 109 du Code criminel,

         Omission de se conformer à un engagement (x2) – paragraphe 145(3) du Code criminel. Il a été condamné pour chaque chef d’accusation à une peine de 3 mois concurrente aux autres condamnations.

Le 25 août 2005 ‑ Winnipeg (Man.), déclaré coupable de :

 

         Omission de se conformer à un engagement – paragraphe 145(3) du Code criminel. Il a été condamné à 1 jour (il a passé 15 jours en détention provisoire).

Le 4 décembre 2006 ‑ Winnipeg (Man.), déclaré coupable de :

 

         Vol qualifié – alinéa 344b) du Code criminel. Il a été condamné pour chaque chef d’accusation à une peine concurrente de 7 ans (avec une réduction de peine de 27 mois pour le temps passé en détention provisoire); une ordonnance d’interdiction a été rendue, laquelle était obligatoire conformément à l’article 109 du Code criminel.

         Voies de fait graves – paragraphe 268(1) du Code criminel. Il a été condamné pour chaque chef d’accusation à une peine concurrente de 7 ans (avec une réduction de peine de 27 mois pour le temps passé en détention provisoire); une ordonnance d’interdiction a été rendue, laquelle était obligatoire conformément à l’article 109 du Code criminel.

         Agression armée – alinéa 267a) du Code criminel. Il a été condamné pour chaque chef d’accusation à une peine concurrente de 7 ans (avec une réduction de peine de 27 mois pour le temps passé en détention provisoire); une ordonnance d’interdiction a été rendue, laquelle était obligatoire conformément à l’article 109 du Code criminel.

Le 16 avril 2007 ‑ Winnipeg (Man.), déclaré coupable de :

 

         Omission de se conformer à un engagement – paragraphe 145(3) du Code criminel. Il a été condamné pour chaque chef d’accusation à une peine concurrente de 30 jours.

         Omission de comparaître – alinéa 145(2)a) du Code criminel. Il a été condamné pour chaque chef d’accusation à une peine concurrente de 30 jours.

(Pièce « D » de l’affidavit de Barry Pike souscrit le 25 septembre 2009, dossier de requête des défendeurs aux pages 23 à 25).

 

[7]               Les condamnations du 4 décembre 2006 résultaient d’un braquage de domicile. Lorsque l’une des victimes a tenté de s’enfuir de l’appartement, le demandeur l’a poursuivie et l’a poignardée au visage. La victime a subi une coupure de deux centimètres à sa joue gauche, laquelle a pénétré à l’intérieur de sa bouche. La blessure a nécessité une chirurgie buccale et de la chirurgie plastique continue afin de diminuer la cicatrice. Le juge qui a prononcé la condamnation a décrit les circonstances comme étant [traduction] « une attaque vicieuse et gratuite » (pièces « B », « C » et « D » de l’affidavit de Barry Pike souscrit le 25 septembre 2009, dossier de requête des défendeurs aux pages 8 à 10, 16 à 19, 25 à 27).

 

IV. Analyse

[8]               Le demandeur n’a établi ni : a) une question sérieuse à trancher; ni b) un préjudice irréparable en cas d’expulsion; ni c) que la prépondérance des inconvénients militait en sa faveur.

 

[9]               Afin d’obtenir la réparation demandée, le demandeur devrait avoir établi l’existence des trois facteurs : une question sérieuse ou une cause défendable, un préjudice irréparable, et que la prépondérance des inconvénients milite en sa faveur. Le critère est conjonctif et l’omission d’établir l’un des trois éléments entraînera le rejet de la demande (RJR‑MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311; Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF)).

 

A. L’existence d’une question sérieuse

[10]           La première question consiste à savoir si oui ou non les dossiers du demandeur en suspens à la Cour fédérale soulèvent une question sérieuse ou une cause défendable. Sur le plan technique, le demandeur a quatre dossiers en suspens à la Cour et il a déposé la présente requête en sursis au renvoi dans les quatre dossiers à la Cour. Les quatre dossiers du demandeur et la décision à laquelle elles sont liées sont les suivantes :

         IMM-5691-08 : Concerne la conclusion de la déléguée du ministre, datée du 8 décembre 2008, selon laquelle le demandeur constitue un danger pour le public au Canada, aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR. Le 29 juillet 2009, le juge James Russell a rendu des motifs de jugement dans lesquels il a conclu qu’il n’y avait pas d’erreur susceptible de contrôle (2009 CF 781). La décision du juge Russell en ce qui a trait à la certification d’une question de portée générale et le jugement demeurent en suspens;

         IMM-4712-09 : A prétendument trait à la décision de M. Barry Pike, datée du 21 septembre 2009, de ne pas différer le renvoi du demandeur. En fait, la lettre du 21 septembre 2009 n’est rien d’autre qu’un avis relatif aux arrangements de voyage. Le demandeur n’a présenté aucune observation relativement à cette question;

         IMM-4766-09 : Concerne la conclusion de la déléguée du ministre, datée du 24 septembre 2009, dans le cadre du réexamen, selon laquelle le demandeur constitue un danger pour le public au Canada, aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR;

         IMM-4767-09 : A trait à la décision de M. Pike, datée du 24 septembre 2009, de ne pas reporter le renvoi du demandeur.

 

i)  IMM-5691-08 – L’avis de danger

[11]           L’observation du demandeur relativement à cette question suppose effectivement qu’il existe une question sérieuse. Pourtant, après une audition complète de la demande de contrôle judiciaire du demandeur qui visait la décision de la déléguée du ministre, le juge Russell a conclu de la façon suivante : « Je ne constate aucune erreur susceptible de révision concernant les questions soulevées par le demandeur et je conclus que la présente demande devrait être rejetée ». La question dans la présente affaire soumise à la Cour a déjà été tranchée de façon définitive. Seul le prononcé d’un jugement formel demeure en suspens (Jama c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 781, au paragraphe 93).

 

[12]           En outre, la décision de la déléguée du ministre, datée du 24 septembre 2009, dans le cadre du réexamen prévaut sur sa décision du 8 décembre 2008. Ainsi, même si une question était certifiée par le juge Russell dans le dossier IMM‑5691‑08, toute autre révision de la décision du 8 décembre 2008, au moyen d’un appel à la Cour d’appel fédérale, est maintenant théorique. Par conséquent, la demande sous‑jacente du demandeur dans le dossier IMM‑5691‑08 ne soulève pas de question sérieuse.

 

ii)  IMM-4767-09 – Aucun autre report du renvoi

[13]           Dans la présente affaire, la décision contestée est l’exécution de la mesure de renvoi. Dans de telles circonstances, octroyer un sursis accorde effectivement la réparation demandée dans la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire. L’examen de la question sérieuse est la seule considération que le refus de reporter le renvoi recevra avant que la Cour n’octroie la réparation qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, la Cour doit examiner de près le fond de la demande sous‑jacente. Le critère de la question sérieuse devient la vraisemblance que la demande sous‑jacente soit accueillie (Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 CF 682, 2001 CFPI 148 (1re inst) aux paragraphes 7 à 11; Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, 387 NR 278, aux paragraphes 66 et 67).

 

[14]           En l’espèce, lorsqu’on examine le droit et les faits, la décision de l’agent Pike était entièrement raisonnable. La demande sous‑jacente ne satisfait pas au critère de la possibilité de succès.

 

[15]           Il est de jurisprudence constante que le pouvoir discrétionnaire dont disposent les agents d’exécution en matière de report d’une mesure de renvoi est limité. Récemment, aux paragraphes 49 à 51 de l’arrêt Baron, précité, la Cour d’appel fédérale a analysé la jurisprudence relative aux principes qui gouvernent le pouvoir discrétionnaire des agents chargés du renvoi. La Cour d’appel a mis l’accent sur le fait que le report ne serait approprié que dans des situations très précises. Au paragraphe 32 de la décision Ferraro c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 815, 168 ACWS (3d) 828, la Cour a relevé que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne devait pas être remis en question dans le cadre du contrôle judiciaire à moins que l’agent d’exécution ait omis de tenir compte d’un facteur important ou ait commis une erreur grave dans l’évaluation de la situation de la personne visée par la mesure de renvoi. La décision de l’agent Pike, rendue le 24 septembre, ne correspond pas à cette description.

 

[16]           Le demandeur a demandé que la mesure de renvoi soit reportée jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande de réexamen concernant l’avis de danger, et jusqu’à ce qu’une décision concernant la certification de la question dans le dossier IMM‑5691‑08 soit rendue. Avant de rendre sa décision, l’agent Pike a attendu qu’une décision soit rendue par la Direction générale du règlement des cas relativement à la demande de réexamen du demandeur, ainsi, le premier fondement de la demande de report n’existe plus.

 

[17]           Le seul fondement qui demeure était la demande du demandeur, datée du 23 septembre 2009, visant à obtenir un report, laquelle était libellée de la façon suivante :

[traduction]

[…] Je demande aussi que les arrangements relatifs au renvoi soient reportés jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue quant à la procédure en suspens à la Cour fédérale contestant l’avis de danger contre M. Jama. J’attire votre attention sur ces passages de transcription des contrôles des motifs de la détention de M. Jama.

 

(Dossier de requête du demandeur, à la page 152.)

 

[18]           En réponse, l’agent Pike a correctement noté que la demande de contrôle judiciaire du demandeur avait été rejetée malgré l’existence d’une question en suspens quant à savoir si une question allait être certifiée. Il a aussi correctement relevé que l’existence d’un jugement en suspens n’interdit pas de procéder au renvoi. Dans de telles circonstances, l’agent Pike a conclu qu’il n’y avait pas de motif justifiant tout autre report. La décision de l’agent Pike était entièrement raisonnable (pièce « E » de l’affidavit de Barry Pike, souscrit le 25 septembre 2009, dossier de requête des défendeurs, aux pages 44 et 45).

 

[19]           Le fait que l’existence de la demande de contrôle judiciaire du demandeur relative à l’avis de danger ne donne pas lieu à un sursis légal ou réglementaire à quelque étape que ce soit de la procédure est particulièrement pertinent. En l’absence de sursis légal, l’existence de la demande dans le dossier IMM‑5691‑08 n’est pas, en soi, un motif de report du renvoi. La traiter comme un tel motif « aurait pour résultat de créer un sursis que le législateur n’a pas voulu inclure dans la Loi » (Wang, précitée, aux paragraphes 45 et 52).

 

[20]           Selon les observations du demandeur, les déclarations faites par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à la Section de l’immigration équivalent à un engagement. À mon avis, ces observations sont sans fondement. Premièrement, la demande du demandeur, datée du 23 septembre 2009, ne fait aucune mention du prétendu engagement. La décision de l’agent Pike ne peut pas maintenant être contestée sur ce fondement.

 

[21]           La preuve établit que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a choisi d’attendre la décision de la Cour fédérale avant d’entreprendre quelque action que ce soit quant au renvoi du demandeur. Il se pourrait aussi que l’ASFC ait initialement choisi d’attendre la décision relative à la certification, même si cela n’est pas évident. Quoi qu’il en soit, étant donné la durée écoulée depuis que la décision de la Cour fédérale a été rendue, la durée de plus en plus longue de la détention du demandeur, et le fait que le demandeur se fonde sur la durée de sa détention comme facteur en faveur de sa mise en liberté, il n’y a pas d’obstacle à procéder au renvoi en ce moment. La Section de l’immigration a été avisée de la décision de l’ASFC à cet égard lors du contrôle des motifs de la détention, le 17 septembre 2009 (affidavit de Maria Dejaeger, souscrit le 28 septembre 2009, dossier de requête des défendeurs, aux pages 46 à 50, 54 et 58; dossier de requête du demandeur aux pages 66, 68 et 69).

 

[22]           Dans de telles circonstances, la décision de l’agent Pike était entièrement raisonnable. Vu que la question a été entièrement examinée, il n’est pas vraisemblable que la demande sous‑jacente du demandeur dans cette affaire soit accueillie et, par conséquent, l’affaire ne soulève pas de question sérieuse.

 

iii)  IMM-4766-09 – Le réexamen de l’avis de danger

[23]           La dernière affaire du demandeur à la Cour est sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la conclusion de la déléguée du ministre, datée du 24 septembre 2009, dans le cadre du réexamen et selon laquelle le demandeur constitue un danger pour le public au Canada, aux termes de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR. Le demandeur présente deux questions relativement à cette décision, aucune d’elles n’équivaut à une question sérieuse.

 

[24]           La première observation du demandeur est que la décision de la déléguée du ministre a été rendue sans tenir compte des documents dont elle disposait. Précisément, le demandeur donne à penser que la déléguée du ministre n’a pas tenu compte du courriel envoyé à M. Matas, lequel contient des prétendus détails relatifs au décès signalé de « Hussien » Jiliow (sic).

 

[25]           La proposition du demandeur n’est pas défendable au vu des motifs de la décision de la déléguée du ministre. La déléguée du ministre a fait référence de façon explicite au courriel en cause à deux endroits dans ses motifs. Premièrement, lorsqu’elle résumait les observations faites pour le compte du demandeur, la déléguée du ministre a reproduit le texte complet du courriel dans sa décision. Ensuite, lorsqu’elle analysait le risque auquel le demandeur serait exposé en cas de retour, la déléguée du ministre a tenu compte du poids à accorder à ce nouveau renseignement. En définitive, elle a conclu que cela n’était pas suffisant pour satisfaire à la norme de la preuve, conclusion qui est raisonnable (pièce « D » de l’affidavit de Barry Pike, souscrit le 25 septembre 2009, dossier de requête des défendeurs, aux pages 34 et 40).

 

[26]           L’autre observation du demandeur est que la déléguée du ministre n’aurait pas dû se fonder sur l’indication du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile selon laquelle les arrangements faits pour le renvoi du demandeur le sont au moyen d’un vol nolisé direct, lequel n’aurait pas d’escale à Mogadiscio. Cette observation n’est pas fondée. Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a reconnu que le renvoi de M. Abokor Jama n’avait pas à être effectué comme on en avait l’intention. Les arrangements relatifs au renvoi dans la cause de M. Abokor Jama prévoyaient une escale à Mogadiscio, ce qui était problématique. Des arrangements différents – un vol nolisé direct (au coût de 50 000 $ pour le gouvernement canadien) – sont utilisés dans la présente affaire, afin d’éviter toute possibilité que les mêmes questions surgissent dans la présente affaire. Il était raisonnable que la déléguée du ministre accorde du poids à ce renseignement (pièce « D » de l’affidavit de Barry Pike, souscrit le 25 septembre 2009, dossier de requête des défendeurs, aux pages 40 et 41; pièce « B » de l’affidavit de Maria Dejaeger, souscrit le 28 septembre 2009, dossier de requête des défendeurs à la page 56; dossier de requête du demandeur aux pages 143, 149 et 150).

 

[27]           Pour tous les motifs exposés ci‑dessus, aucune des demandes sous‑jacentes du demandeur ne soulève de question sérieuse. La présente requête devrait être rejetée sur ce seul fondement, étant donné que le critère est conjonctif.

 

B. Le préjudice irréparable

[28]           Il incombe au demandeur de présenter la preuve du préjudice irréparable. Le risque de préjudice avancé par le demandeur a été pris en compte par la déléguée du ministre. Nous ne sommes pas en présence d’un cas où un risque quelconque n’a pas été évalué. Tous les éléments de preuve soumis à la Cour ont été pris en compte.

 

[29]           Le renseignement soumis à la Cour relativement à M. Hussein Jilaow n’a pas été produit au moyen d’une preuve assermentée. D’importantes préoccupations concernant la crédibilité existent relativement à la validité de ce renseignement.

 

[30]           Le demandeur n’a pas établi qu’il subirait un préjudice irréparable s’il était renvoyé.

 

C. La prépondérance des inconvénients

[31]           Enfin, le demandeur n’a pas satisfait au troisième volet du critère tripartite. La prépondérance des inconvénients milite en faveur du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et du public canadien.

 

[32]           La Cour d’appel fédérale a récemment décidé que, même dans un cas où le demandeur n’a pas de casier judiciaire, qu’il ne constitue pas une préoccupation quant à la sécurité, et qu’il est financièrement et socialement intégré au Canada, la prépondérance des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de l’obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront. Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système (Selliah c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, 132 ACWS (3d) 547 (CAF), au paragraphe 22).

 

[33]           En l’espèce, le demandeur n’est ni financièrement ni socialement intégré au Canada. Au contraire, il est intégré au système carcéral comme résultante de ses longs et violents antécédents criminels. Tant la déléguée du ministre (deux fois) que la Section de l’immigration, dans la détention du demandeur, ont estimé qu’il constituait un danger pour le public. Malgré cette dernière conclusion, le report du renvoi du demandeur pourrait entraîner sa mise en liberté – en fait, le demandeur a fait observer que les délais de plus en plus longs sont un facteur en faveur de sa mise en liberté.

 

[34]           La protection du public canadien doit être un critère prépondérant.

 

[35]           Vu l’ensemble des circonstances, la prépondérance des inconvénients milite en faveur des ministres.

 

V. Conclusion

[36]           Pour tous les motifs susmentionnés, la demande présentée par le demandeur en vue d’obtenir le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que : la demande présentée par le demandeur en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                             IMM-4712-09

                                                                    IMM-5691-08

                                                                    IMM-4767-09

                                                                    IMM-4766-09

 

INTITULÉ :                                               MOHAMED SAID JAMA

                                                                     c

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                            ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                      Le 30 septembre 2009 (par téléconférence)

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                     Le juge Shore

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                              Le 1er octobre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

 

POUR LE DEMANDEUR

Sharlene Telles-Langdon

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

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