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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20090917

Dossier : IMM-664-09

Référence : 2009 CF 929

Toronto (Ontario), le 17 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

Entre :

PENGHUI WU

demandeur

 

 

et

 

 

Le ministre

de la citoyenneté et de l’IMMIGRATION

défendeur

 

 

Motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 20 mars 2009, par laquelle elle a conclu que le demandeur, un citoyen chinois, n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 9 (la Loi) parce qu’il est de religion chrétienne.

 

 

LES FAITS

[2]               Le demandeur est un agriculteur chinois âgé de 49 ans qui possède neuf années de scolarité. Il est marié et a un enfant. Pour être en mesure de faire face au début de la maladie terminale de sa mère, le demandeur se serait converti au christianisme avec l’aide d’un ami qui appartenait à une église chrétienne clandestine. Le demandeur est arrivé au Canada le 29 juin 2007, muni d’un visa de visiteur pour rendre visite à sa mère malade. Pendant son séjour, l’épouse du demandeur l’aurait informé que, le 9 septembre 2007, les autorités chinoises, précisément le Bureau de la sécurité (PSB), le recherchaient et ont demandé que son épouse communique avec lui et le persuade de revenir en Chine. Le lendemain, le demandeur aurait appris que, en plus de s’être rendu chez lui, le PSB a fait une descente à son église clandestine et arrêté trois personnes. Le 16 septembre 2007, le demandeur a demandé l’asile en affirmant craindre avec raison d’être persécuté à cause de ses croyances religieuses chrétiennes. Le demandeur a déclaré qu’il est membre de la London Alliance Church depuis lors.

 

La décision faisant l’objet du contrôle

[3]               Le 20 mars 2009, la Commission a statué que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

[4]               En ce qui a trait à la question de savoir si le demandeur est un véritable chrétien, la Commission a mentionné que, selon le témoignage du demandeur, celui-ci a été exposé au christianisme pendant environ deux ans et qu’il lisait actuellement la Bible tous les jours.

 

[5]               La Commission a conclu que le niveau de connaissance du christianisme que possédait le demandeur n’était pas compatible avec presque deux ans d’exposition à la Bible, à la doctrine et à la pratique chrétienne, même en prenant en compte son manque de raffinement.

 

[6]               À la page 8 de ses motifs, la Commission a tiré les conclusions suivantes concernant l’absence de connaissance du demandeur sur le christianisme :

1.      Le demandeur ne pouvait pas énoncer trois enseignements fondamentaux de Jésus. Il a alors énoncé deux (2) des dix commandements.

 

2.      Le demandeur a nommé le mauvais livre de son verset favori qu’il avait marqué dans sa Bible.

 

3.      Le demandeur a été incapable de dire quoi que ce soit à propos de son passage préféré, mis à part que toute personne qui croit en Jésus sera sauvée.

 

4.      Questionné quant à ce que Jésus a dit à propos de la richesse, le demandeur a donné une réponse partiellement correcte en mentionnent ce qui suit : [traduction] « Apporte‑la au paradis de sorte que personne ne puisse la voler. » Toutefois, il a également ajouté ce qui suit : [traduction] « Aime ton prochain comme toi‑même et lis la Bible, » ce que la Commission a jugé incorrect.

 

5.      Le demandeur savait que les disciples de Jésus ont écrit le Nouveau Testament, mais il a été incapable d’en nommer un seul.

 

6.      Le demandeur ne connaissait aucun des huit enseignements du Sermon sur la montagne.

 

7.      Il a dit savoir qui était le roi David, mais, lorsqu’on lui a demandé de mentionner le livre écrit par David, il a répondu qu’il s’agissait du « Nouveau Testament ». 

 

8.      Le demandeur n’a pas été en mesure d’énoncer les deux pratiques particulières de la London Alliance Church jusqu’à ce qu’on l’incite à répondre ou qu’on lui donne la réponse.

 

[7]               La Commission semble avoir tiré une conclusion défavorable des réponses rapides données par le demandeur aux questions de l’avocate lorsqu’il a nommé les quatre Évangiles. L’omission du demandeur de participer à des séances de lecture de la Bible, les incohérences internes figurant dans le témoignage du demandeur et les incohérences entre son témoignage et son FRP ont également été citées comme motifs de la conclusion défavorable de la Commission quant à la crédibilité.

 

[8]               La Commission a accordé peu de poids à une lettre d’appui de l’église du demandeur parce que celle-ci ne contenait pas de détails sur la participation du demandeur à l’église.

 

[9]               La Commission a conclu que l’historique des tentatives d’admission du demandeur au Canada depuis 1995 indique un ardent désir de venir au Canada et d’y vivre.

 

[10]           La Commission a jugé que le témoignage du demandeur n’était pas digne de foi et qu’il n’était pas crédible. La Commission a conclu que le demandeur n’est pas et n’a jamais été un véritable croyant chrétien et que les activités religieuses auxquelles il a participé et les connaissances qu’il a exhibées sur le christianisme ont été acquises pour les besoins de la présentation de sa demande d’asile.

 

[11]           La Commission a également conclu que le récit du demandeur selon lequel il était recherché par le PSB n’était pas véridique. Le demandeur a admis au début de l’audience que, compte tenu des éléments de preuve incohérents et contradictoires du demandeur sur cet aspect essentiel de sa demande d’asile, il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer cette dernière conclusion.

 

Les questions en litige

[12]           Le demandeur a soulevé les questions suivantes :

a.                                           La SPR a-t-elle commise une erreur de droit en ne tenant pas compte ou en interprétant incorrectement les éléments de preuve qui lui ont été dûment présentés?

 

b.                  La SPR a-t-elle tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables ou fondé sa décision sur des conclusions de fait tirées d’une manière abusive et arbitraire sans tenir compte des éléments qui lui ont été dûment présentés?

 

c.                  Si les erreurs de la SPR n’étaient pas des erreurs de droit susceptibles de contrôle, l’effet cumulatif de ces erreurs constituent-ils une évaluation erronée?

 

[13]           J’ai reformulé la liste de questions comme suit :

a.                  Était-il déraisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur n’était pas un témoin digne de foi et crédible?

 

 

 

LA Norme de contrôle

 

 

[14]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 372 N.R. 1, la Cour suprême du Canada a statué, au paragraphe 62, que la première étape de l’analyse relative à la norme de contrôle consiste à « vérifie[r] si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier. »

 

[15]           Dans le passé, j’ai conclu que la norme de contrôle des conclusions de la Commission quant à la crédibilité était la norme de la décision manifestement déraisonnable (voir Chen c. Canada (MCI), 2002 CFPI 1194, 118 A.C.W.S. (3d) 700, au paragraphe 4; Gonzalez c. Canada (MCI), 2008 CF 128, 164 A.C.W.S. (3d) 674, au paragraphe 13). Avant d’annuler une conclusion de la Commission quant à la crédibilité, un des critères suivants doit être établi :

1.         la Commission n’a pas fourni de motifs valables pour conclure à l’absence de crédibilité d’un requérant;

 

2.         les inférences tirées par la Commission sont fondées sur des conclusions d’invraisemblance qui, de l’avis de la Cour, ne sont tout simplement pas vraisemblables;

 

3.         la décision était fondée sur des conclusions qui n’étaient pas étayées par la preuve;

 

4.         la conclusion quant à la crédibilité était fondée sur une conclusion de fait tirée de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve.

 

 

 

[16]           À la suite de l’arrêt Dunsmuir, il est clair que la norme de la décision manifestement déraisonnable a été éliminée et que les cours de révision doivent se concentrer sur uniquement deux normes de contrôle, à savoir la norme de la raisonnabilité et la norme de la décision correcte.

 

[17]           Les conclusions en matière de vraisemblance et de crédibilité sont de nature factuelle. La jurisprudence postérieure à l’arrêt Dunsmuir a statué que la norme de contrôle à appliquer aux évaluations en matière de crédibilité et de vraisemblance est la norme de la raisonnabilité et elle doit être appliquée avec un degré très élevé de déférence (voir Saleem c. Canada (MCI), [2008] A.C.F. no 482, 2008 CF 389, au paragraphe 13; Malveda c. Canada (MCI), [2008] A.C.F. no 527, 2008 CF 447, aux paragraphes 17 à 20; Khokhar c. Canada (MCI), [2008] A.C.F. no 571, 2008 CF 449, aux paragraphes 17 à 20).

 

[18]           La norme de contrôle est donc la norme de la raisonnabilité et elle doit être appliquée avec un degré élevé de déférence à l’égard des conclusions de la Commission.

 

L’ANALYSE

 

La question en litige :  Était-il déraisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur n’était pas un témoin digne de foi et crédible?

 

 

[19]           La Commission a conclu que le motif pour lequel le demandeur sollicitait l’asile n’était pas crédible, à savoir que le PSB en Chine le recherchait parce qu’il était membre d’une église chrétienne « clandestine ». Le demandeur a présenté à l’audience un témoignage incohérent et contradictoire sur des aspects importants du fondement essentiel de sa demande d’asile. La conclusion de la Commission était raisonnable, ce que l’avocat du demandeur a admis à l’audience. Pour ce seul motif, la Cour doit maintenir la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n’est pas crédible en ce qui a trait à la raison pour laquelle il sollicite l’asile ou la protection au Canada.

 

[20]           Le demandeur prétend que la Commission a évalué sa connaissance du christianisme de manière trop rigoureuse, compte tenu du fait qu’il ne pratiquait le christianisme que depuis deux ans au moment de l’audience. Compte tenu de la conclusion que j’ai déjà tirée, cette présumée erreur n’est pas importante. La Cour l’examinera néanmoins pour référence future.

 

[21]           Lorsqu’elle évalue les connaissances d’un requérant sur le christianisme, la Commission ne devrait pas adopter une norme de connaissance aussi déraisonnablement élevée ou mettre l’accent sur « quelques erreurs ou malentendus au point d’en faire une analyse microscopique, ce qui a été critiqué dans l’arrêt Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.) (1989), 99 N.R. 168, [1989] A.C.F. no 444, et dans des décisions ultérieures. » (voir Huang c. Canada (MCI), 2008 CF 346, 69 Imm. L.R. (3d) 286, le juge Mosley, au paragraphe 10; Chen c. Canada (MCI), 2007 CF 270, 155 A.C.W.S. (3d) 929, le juge Barnes, au paragraphe 16). La Commission ne devrait pas blâmer un requérant peu instruit de ne pas être en mesure d’identifier dans la Bible un passage concernant une cérémonie ou un rituel particulier (voir Feradov v. Canada (MCI), 2007 CF 101, 154 A.C.W.S. (3d) 1183, le juge Barnes au paragraphe 16).

 

[22]           La lecture des motifs de la Commission donne l’impression que pour être reconnu en tant que chrétien, il faudrait être en mesure de retenir à tout le moins une certaine connaissance encyclopédique de la Bible ou de l’enseignement de Jésus. On ne peut s’empêcher d’avoir de la sympathie pour le requérant qui avait beaucoup de mal à comprendre et à se faire comprendre par l’intermédiaire d’un interprète. Déterminer si une personne est un véritable chrétien par le biais de « questions futiles » est manifestement contraire à la jurisprudence mentionnée plus haut. La Cour a souvent infirmé la décision d’un commissaire en la déclarant « injuste » et « déraisonnable » parce que le demandeur n’était pas capable de répondre à des questions détaillées à propos de la Bible.

 

[23]           La Cour conclut également que le rejet de la lettre de l’église du demandeur par le commissaire était déraisonnable. Cette lettre confirmait simplement que le demandeur appartenait à l’église et qu’il y avait été baptisé.

 

[24]           Néanmoins, bien que le demandeur puisse être un véritable chrétien, il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer la conclusion selon laquelle le demandeur n’était pas crédible à l’égard du fondement essentiel de sa demande d’asile. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 

QUESTION certifiée

[25]           Les deux parties ont informé la Cour que la présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale qu’il y aurait lieu de certifier en vue d’un appel. La Cour souscrit à cette affirmation.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                              IMM-664-09

 

Intitulé :                                             PENGHUI WU c. Le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     Le 15 septembre 2009

 

Motifs du jugement

et jugement :                                    le juge KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                            Le 17 septembre 2009

 

 

Comparutions :

 

John Savaglio

Pour le demandeur

 

Nimanthika Kaneira

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John Savaglio

Avocat

1919, Brookshire Square

Pickering (Ontario)

L1V 6L2

 

Pour le demandeur

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

 

 

 

 

 

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