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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20090922

Dossier : IMM‑1134‑09

Référence : 2009 CF 942

Ottawa (Ontario), le 22 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

MIKHAIL LENNIKOV

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire formée sous le régime du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), visant la décision en date du 24 février 2009 par laquelle le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a rejeté la demande de dispense ministérielle présentée par Mikhail Lennikov.


LE CONTEXTE FACTUEL

[2]               Mikhail Lennikov (le demandeur), né le 6 juillet 1960, est citoyen russe. Il a étudié le japonais à l'Université d'État d'Extrême-Orient, dans l'ex-URSS. Pendant ses études universitaires, il a occupé le poste de dirigeant des Jeunesses communistes (le Komsomol).

 

[3]               Le demandeur s'est rendu au Japon en octobre 1981 dans le cadre des activités du Komsomol. Peu avant ce voyage, un agent du Komitet gosudarstvennoy bezopasnosti (le KGB) est entré en contact avec lui et lui a demandé d'établir une appréciation morale de ses camarades de classe. Le demandeur affirme que la communication de tels renseignements faisait partie de son rôle de dirigeant du Komsomol. L'agent du KGB lui a aussi demandé d'essayer de remarquer tout ce qui paraîtrait important pendant son voyage au Japon. À son retour, le demandeur a revu l'agent du KGB et lui a remis les cartes de visite qu'il avait recueillies au Japon. Il a également répondu à certaines des questions de cet agent sur l'activité de la police japonaise à proximité du bateau du Komsomol, ainsi que sur un député japonais qu'il avait rencontré.

 

[4]               L'agent du KGB a contacté de nouveau le demandeur après qu'il ait obtenu son diplôme universitaire et l'a informé qu'une demande avait été faite pour qu'il travaille au KGB. Celui‑ci a engagé le demandeur en août 1982. Le demandeur affirme qu'il ne souhaitait pas travailler au KGB, mais qu'il a accepté de le faire par crainte de voir autrement compromises ses perspectives de carrière et ses chances de voyager à l'étranger.  

 

[5]               Au début, le demandeur a travaillé à la Section japonaise de la Première Direction du KGB, à Vladivostok. Ses tâches comprenaient la traduction de documents, l'évaluation de la crédibilité d'informateurs japonais éventuels et le maintien de rapports suivis avec certains étudiants de l'Université d'État d'Extrême-Orient qui jouaient le rôle d'informateur. Malgré les efforts qu'il déclare avoir déployés pour être muté à d'autres services et affecté à d'autres tâches, le demandeur est monté progressivement en grade dans le KGB, jusqu'à ce que, en novembre 1988, on le renvoie pour motif d'incapacité de service après qu'il eut présenté un mémoire expliquant pourquoi il n'était pas fait pour ce genre de travail. Par la suite, le demandeur a occupé divers emplois avant de quitter son pays pour le Japon en 1995.

 

[6]               Le demandeur est entré au Canada en 1997 en vertu d'un permis d'études. Accompagné de sa femme et de son fils, qui sont également citoyens russes, il s'est établi à Vancouver et s'est inscrit à l'Université de la Colombie-Britannique. En avril 1999, la famille a déposé une demande de résidence permanente. Cette démarche a donné lieu à un entretien avec un agent d'immigration, qui a constaté que le demandeur était interdit de territoire canadien en raison du fait qu'il avait été employé par le KGB. 

 

[7]               Ce constat d'interdiction de territoire a entraîné une série de procédures. Le 28 octobre 2004, un rapport circonstancié établi sous le régime du paragraphe 44(1) de la Loi a été communiqué à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) aux fins d'une enquête. La Commission a conclu que le demandeur était interdit de territoire canadien pour raison de sécurité en vertu de l'alinéa 34(1)f) de la Loi, et une mesure d'expulsion a en conséquence été prononcée contre lui. La Cour fédérale a rejeté le 16 janvier 2007, par la décision Lennikov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 43, [2007] A.C.F. no 67 (QL), la demande de contrôle judiciaire de cette décision de la Commission. Le demandeur a aussi présenté une demande d'examen des risques avant renvoi, qui a été rejetée le 20 août 2008. De même, le demandeur a vu rejeter le 13 mai 2009 la demande d'exemption pour des motifs d'ordre humanitaire qu'il avait formée sous le régime de l'article 25 de la Loi, et l'autorisation de faire appel de ce rejet lui a été refusée.

 

[8]               Le demandeur a aussi sollicité une dispense ministérielle sous le régime du paragraphe 34(2) de la Loi. Tout au long de cette procédure, il a présenté divers mémoires. Le ministre a rejeté sa demande de dispense le 24 février 2009, au motif que le maintien de sa présence au Canada serait préjudiciable à l'intérêt national. Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision.  

 

LA DÉCISION ATTAQUÉE

[9]               La demande de dispense ministérielle a été rejetée par lettre en date du 24 février 2009, portant la signature du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le défendeur). Le ministre y exposait dans les termes suivants les motifs de son rejet :

[TRADUCTION]

 

J'ai examiné et pris en considération dans leur totalité les pièces et la preuve produites, dont j'ai retenu notamment les éléments suivants :

 

·        L'exposé que donne le demandeur de sa carrière au KGB ne prouve pas de manière satisfaisante que sa présence au Canada ne soit pas préjudiciable à l'intérêt national.

 

·        Le demandeur admet qu'il relevait directement du service du KGB directement chargé du renseignement étranger et de l'espionnage.

 

·        Le demandeur admet avoir rempli des fonctions de renseignement étranger et de recrutement pour le KGB.

 

·        Le demandeur reconnaît qu'il était au courant de la nature des activités du KGB pendant la période où il admet avoir travaillé pour cet organisme.

 

J'ai pris en considération ses attaches avec la collectivité, le fait que sa famille est établie au Canada et d'autres facteurs. Cependant, les points négatifs énumérés ci‑dessus sont graves et l'emportent sur tous facteurs favorables à M. Lennikov. Il serait préjudiciable à l'intérêt national de permettre au demandeur de rester au Canada. La demande de dispense ministérielle est donc rejetée.

 

La copie conforme de la décision communiquée par l'Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC) comprenait une copie de la lettre précitée et un document intitulé [TRADUCTION] « Note d'information pour le ministre aux fins de sa décision » (la note d'information), signé par le président de l'ASFC.

 

[10]           La note d'information commence par une récapitulation des étapes de l'immigration du demandeur au Canada, puis énonce les motifs de son interdiction de territoire, notamment le fait qu'il ait admis avoir été agent du KGB, et détaille les diverses fonctions qu'il a remplies dans cet organisme.

 

[11]           La note d'information rappelle ensuite le critère applicable à la dispense ministérielle visée au paragraphe 34(2) de la Loi, insistant sur le fait que c'est à la personne qui demande cette dispense de prouver que le maintien de sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national. La note précise aussi que les facteurs qui définissent l'intérêt national sont énumérés dans le guide opérationnel IP 10 (Traitement des demandes au Canada) et que tous les éléments de preuve produits ont été examinés en fonction de ces facteurs. On lit en outre dans la note que l'examen du dossier du demandeur sous l'angle de l'intérêt national comprend l'évaluation comparative de tous les facteurs relatifs à son admission en fonction des objectifs explicites de la Loi, ainsi que des intérêts nationaux et des obligations internationales du Canada.

 

[12]           La section suivante de la note d'information expose en détail les éléments pris en considération par le président de l'ASFC. Celui‑ci fait observer que, dans ses entretiens et déclarations, le demandeur s'est montré peu disposé à donner les renseignements requis, et qu'il n'a pas rendu compte de manière crédible de ses années de service au KGB ni de sa démission, refusant notamment de communiquer les documents demandés sur son service militaire. Il note également que le demandeur n'a exprimé ni conscience des implications ni regret relativement aux activités d'espionnage du KGB.

 

[13]           On lit en outre dans la note d'information que le demandeur a toujours soutenu qu'il n'avait jamais participé directement à des activités d'espionnage et que ses tâches se limitaient à du travail de bureau, d'analyse et de traduction. Le demandeur affirme aussi qu'il a appris les abus du KGB en écoutant la radio étrangère. Toujours selon la note d'information, les renseignements obtenus de sources ouvertes confirment que le KGB exerçait diverses activités d'espionnage et que le service où travaillait le demandeur relevait en principe de l'unité centrale chargée de coordonner l'ensemble des opérations de renseignement étranger. Qui plus est, le demandeur a reconnu avoir aidé les agents de recrutement en recueillant des renseignements sur les visiteurs japonais et en indiquant à ses supérieurs lesquels pourraient devenir des informateurs. La note conclut de ce qui précède que le demandeur a directement soutenu des activités d'espionnage visant le Japon. Enfin, la note précise que le demandeur affirme ne pas avoir recruté sciemment d'espions.

 

[14]           La note d'information examine ensuite l'affirmation du demandeur selon laquelle il serait entré au KGB contre sa volonté et se serait livré à des manœuvres secrètes pour en sortir à la première occasion. Le président de l'ASFC estime peu probable qu'il en ait été ainsi, étant donné la rigoureuse procédure de recrutement appliquée par le KGB et le prestige qui auréolait ses agents. Il fait aussi observer qu'on voit mal pourquoi le demandeur a été promu s'il était aussi désillusionné qu'il le dit.

 

[15]           Après avoir énuméré les emplois occupés par le demandeur après son départ du KGB, l'auteur de la note fait observer qu'aucun élément d'information n'indique qu'il ait été en rapport avec les services de renseignements russes pendant qu'il vivait au Japon ou depuis son entrée au Canada. 

 

[16]           Le demandeur, toujours selon la note d'information, affirme craindre d'être inculpé de trahison s'il est renvoyé en Russie, étant donné qu'il a révélé les noms de certains agents du KGB.

 

[17]           Le président de l'ASFC énumère divers éléments relatifs à la vie du demandeur au Canada, notamment son établissement dans notre pays, et le fait qu'il occupe un emploi d'assistant à l'enseignement tout en faisant des études de doctorat. En outre, le demandeur a fait valoir que lui-même et sa femme souffrent de problèmes psychologiques attribuables aux difficultés d'immigration de la famille. Le demandeur a aussi produit des lettres attestant que des membres de la collectivité appuient ses efforts en vue de rester au Canada. La note d'information mentionne aussi la crainte exprimée par le demandeur que son fils, jusqu'à maintenant éduqué au Canada, ne se trouve en butte à des difficultés scolaires et ne soit soumis au service militaire obligatoire s'il est expulsé vers la Russie. L'auteur de la note fait remarquer qu'il est possible dans certains cas d'être exempté du service militaire et que le gouvernement russe a annoncé qu'il projetait d'abolir le service militaire obligatoire; qui plus est, ces craintes ont été invoquées dans le cadre de l'examen des risques avant renvoi et écartées par l'agent d'ERAR.

 

[18]           Enfin, le président de l'ASFC, après avoir déclaré que celle‑ci a effectué une évaluation comparative de tous les facteurs relatifs à la demande de dispense ministérielle, conclut que le demandeur n'a pas établi que le maintien de sa présence au Canada ne serait pas préjudiciable à l'intérêt national. Cette évaluation comparative est résumée dans l'un des paragraphes de conclusion de la note d'information, où le président de l'ASFC écrit ce qui suit :

[TRADUCTION] Le récit ambigu que donne M. Lennikov de sa carrière au KGB ne prouve pas de manière satisfaisante pour l'ASFC que le maintien de sa présence au Canada ne serait pas préjudiciable à l'intérêt national. Il admet qu'il relevait directement du service du KGB chargé du renseignement étranger et de l'espionnage, comme il reconnaît avoir apporté une contribution directe à ces opérations et avoir exercé des activités de recrutement. M. Lennikov admet qu'il était au courant des activités du KGB et n'exprime aucun regret d'y avoir participé. Il paraît peu probable que, comme il l'affirme, il soit entré au KGB sous la contrainte, à en juger par l'excellente réputation dont jouissait cet organisme comme employeur en Union soviétique. S'il est vrai que M. Lennikov a établi sa famille au Canada et paraît être un résident respectueux des lois et lié par de nombreuses attaches à la collectivité, les facteurs négatifs énumérés plus haut l'emportent sur ces facteurs positifs et démontrent que le maintien de sa présence au Canada serait contraire à l'intérêt national.

 

[19]           Tout au long de la note d'information, il est fait référence à des pièces justificatives établies aussi bien par le demandeur que par l'ASFC et qui ont été jointes à la recommandation.

 

LES DISPOSITIONS APPLICABLES

[20]           Les dispositions législatives applicables sont reproduites à l'annexe A du présent exposé.

 

LA QUESTION EN LITIGE

[21]           La décision du ministre de refuser au demandeur la dispense ministérielle est-elle déraisonnable?

 

[22]           La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs dont l'exposé suit.


LA NORME DE CONTRÔLE

[23]           Les deux parties soutiennent que, suivant les arrêts de la Cour suprême du Canada Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 2009, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339 (Khosa), la norme de contrôle applicable à la question en litige est celle de la décision raisonnable. La cour de révision doit se demander « si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité » (Dunsmuir, au paragraphe 47), et si cette décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (ibid.). Je pense comme les parties que la norme de contrôle applicable à la présente espèce est celle de la décision raisonnable.

 

[24]           Le demandeur a présenté à l'audience une requête orale tendant à modifier ses conclusions écrites pour y ajouter un moyen comme quoi le défendeur aurait manqué à l'équité procédurale en omettant de communiquer des documents pertinents et importants ayant servi de base à la rédaction de la note d'information destinée au ministre.

 

[25]           Le défendeur a opposé une exception à cette requête. Après avoir entendu les conclusions orales des avocats, j'ai écarté ladite requête, me fondant sur les arrêts de la Cour d'appel Lanlehin c.  Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 207 (C.A.F.) (QL), et Dag c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 95, [2008] A.C.F. no 424 (QL).

 

ANALYSE

La décision du ministre de refuser au demandeur la dispense ministérielle est-elle déraisonnable?

 

Les moyens du demandeur

[26]           Le demandeur soutient que la décision du ministre est déraisonnable pour deux raisons : l'exposé de ses motifs ne témoigne pas d'un examen comparatif des facteurs voulus, et ces motifs sont fondés sur des conclusions de fait erronées.

 

L'absence d'examen comparatif des facteurs voulus

[27]           Le demandeur soutient que, malgré les passages de la note d'information qui font référence aux lignes directrices de traitement des demandes IP 10 (les lignes directrices), on ne trouve dans cette note aucune analyse ni aucun examen comparatif des facteurs. Il fait valoir qu'il n'existe aucun élément de preuve indiquant que le maintien de sa présence au Canada serait choquant pour le public canadien et que ce facteur n'est pas examiné dans les motifs. Il fait en outre valoir que n'y est pas clairement examiné le point de savoir s'il a ou non rompu tous ses liens avec le KGB et que la seule réponse possible à cette question d'après la preuve est affirmative. Le défendeur n'aurait pas non plus analysé la question de savoir si le demandeur paraît jouir de biens acquis lorsqu'il travaillait pour le KGB ou s'il tire quelque profit que ce soit de son appartenance antérieure à cet organisme. Enfin, le demandeur fait valoir que la note d'information n'aborde pas le point de savoir s'il a ou non adopté les valeurs démocratiques.     

 

[28]           Le demandeur ajoute que le défendeur a omis d'effectuer un examen comparatif des facteurs voulus correspondant à ces questions. Se fondant sur Afridi c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1192, 75 Imm. L.R. (3d) 291, ainsi que sur Ismeal c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1366, 77 Imm. L.R. (3d) 310, le demandeur fait valoir que des motifs où il n'est pas tenu compte des facteurs et lignes directrices applicables ne peuvent résister au contrôle judiciaire.

 

Des conclusions de fait erronées

[29]           Le demandeur soutient également que la décision considérée est déraisonnable parce que fondée sur des conclusions de fait erronées, que l'instance décisionnelle aurait tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

 

[30]           La conclusion selon laquelle le demandeur était peu disposé à donner des renseignements fait partie de ces conclusions de fait supposées erronées. Le demandeur affirme que la note d'information ne mentionne aucun fait précis qui tendrait à établir cette prétendue mauvaise volonté et que l'examen des transcriptions de ses entretiens infirme cette conclusion. Qui plus est, il a produit des exposés complets et détaillés de ses rapports avec le KGB dont la note d'information ne fait aucune mention.

 

[31]           Le demandeur insiste sur le caractère erroné de la conclusion selon laquelle il aurait refusé de produire les documents demandés touchant son service militaire, l'offre d'emploi du KGB et sa démission. Il fait valoir que le dossier montre qu'il a révélé ses antécédents professionnels en déposant son livret de travail avec sa demande de résidence permanente. Il ajoute qu'il n'a pas pu produire les autres documents demandés parce qu'il ne les a pas en sa possession et qu'il serait gêné d'en demander copie aux autorités militaires russes, ce dont le défendeur a été informé par une lettre de son avocat.    

 

[32]           Pour ce qui concerne la conclusion comme quoi il n'aurait exprimé ni conscience des implications ni regret relativement aux activités d'espionnage du KGB, le demandeur affirme qu'elle n'est étayée par aucun élément des transcriptions. Il fait valoir que le défendeur a omis de tenir compte d'éléments très pertinents et convaincants touchant son point de vue sur le KGB, qu'il a toujours fait clairement état de sa répugnance à s'enrôler dans cet organisme et que la question du regret ne lui a jamais été explicitement posée.

 

[33]           Le demandeur affirme qu'on a commis une autre erreur en concluant qu'il relevait directement du service du KGB chargé du renseignement étranger et de l'espionnage, étant donné que la preuve n'étaye pas cette conclusion. Il ajoute que ce point se rapporte en fait à la question de l'interdiction de territoire dans le cadre de l'alinéa 34(1)f) de la Loi, et non à la procédure de dispense ministérielle, qui n'est pas conçue pour contrôler la justesse du constat d'interdiction de territoire. Le demandeur explique que, en se fondant sur cet élément, le défendeur a assimilé son appartenance antérieure au KGB à la question de l'intérêt national, ce qui constitue une conclusion déraisonnable. Le demandeur invoque à ce propos Afridi et Ismeal, précitées, ainsi que Soe c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 461, [2007] A.C.F. no 620 (QL).

[34]           Enfin, le demandeur fait valoir que la note d'information donne à penser que ses employeurs ultérieurs pourraient avoir été des entreprises servant de couverture à des activités secrètes de renseignement politique et économique, sans analyser la question ni préciser s'il s'agissait d'un facteur positif ou négatif. Là encore, le demandeur invoque les décisions citées au paragraphe précédent pour soutenir que, en se fondant sur cet élément, le défendeur a assimilé son appartenance antérieure au KGB à la question de l'intérêt national et a ainsi tiré une conclusion déraisonnable.

 

Les moyens du défendeur

[35]           Le défendeur rappelle d'abord que pèse sur le demandeur la charge de convaincre le ministre que le maintien de sa présence au Canada ne serait pas préjudiciable à l'intérêt national. De plus, l'expression « préjudiciable à l'intérêt national » doit recevoir une interprétation large, le ministre étant libre de prendre en considération toutes sortes de facteurs; voir Miller c. Canada (Solliciteur général), 2006 CF 912, [2007] 3 R.C.F. 438, au paragraphe 73 (Miller); Chogolzadeh c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 405, 327 F.T.R. 39, aux paragraphes 35 à 37 (Chogolzadeh); et Kablawi c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 1011, 333 F.T.R. 300, au paragraphe 23 (Kablawi).

L'absence d'examen comparatif des facteurs voulus

[36]           Le défendeur soutient qu'est dénuée de fondement l'affirmation du demandeur voulant que le ministre n'ait pas effectué d'examen comparatif des facteurs pertinents dans sa décision. Tout au contraire, le ministre a explicitement mis en balance les facteurs positifs et négatifs avant de conclure que le maintien de la présence du demandeur au Canada serait préjudiciable à l'intérêt national. Le défendeur cite à l'appui de cette prétention des extraits du dossier du demandeur et du dossier du tribunal.

 

[37]           Le défendeur fait valoir que la présence de certains facteurs positifs n'oblige pas le ministre à accorder la dispense et qu'il lui est permis de donner plus de poids à la nature et à la portée des actes du demandeur qu'à la question de savoir si ce dernier trouverait avantage à ce que ladite dispense lui soit octroyée (Chogolzadeh, aux paragraphes 44 et 45; et Kablawi, aux paragraphes 22 et 23).

 

[38]           Le défendeur soutient en outre qu'est infondée la prétention du demandeur selon laquelle la décision du ministre serait déraisonnable au motif qu'elle ne reprend pas textuellement les questions énumérées dans les lignes directrices. Le demandeur, fait‑il valoir, se méprend sur la nature des lignes directrices, et, bien qu'il ne soit pas répondu explicitement aux questions qui y sont énumérées, un bon nombre des facteurs pris en considération dans la note d'information correspondent aux sous-questions qu'on trouve aussi dans les mêmes lignes directrices. En outre, un bon nombre des annexes auxquelles renvoie la note d'information concernent les questions formulées dans lesdites lignes directrices. Le défendeur ajoute que notre Cour a rejeté l'idée qu'il faudrait répondre directement aux questions énumérées dans les lignes directrices, parce que cela équivaudrait à accorder plus d'importance à la forme qu'au fond; voir Ramadan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 1155, 335 F.T.R. 227, au paragraphe 21. Qui plus est, les lignes directrices guidant l'action d'une instance administrative ne peuvent pas restreindre son pouvoir discrétionnaire; voir Kablawi, au paragraphe 23, et Miller, au paragraphe 73.

 

Des conclusions de fait erronées

[39]           Touchant l'affirmation du demandeur selon laquelle il aurait été tiré à son sujet de nombreuses conclusions de fait erronées, le défendeur soutient que les conclusions en question étaient étayées par la preuve dont le ministre disposait et, par conséquent, ne donnent pas prise au contrôle judiciaire; voir Khosa, aux paragraphes 45 et 61, et le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7.

 

[40]           À propos de la conclusion voulant que le demandeur se soit montré peu disposé à donner des renseignements sur la nature de sa participation aux activités du KGB, le défendeur soutient qu'elle était raisonnablement permise, et se fondait sur des contradictions et des ambiguïtés entachant les conclusions et les moyens de preuve du demandeur. Le défendeur fait également état de diverses contradictions et ambiguïtés dont témoigneraient les transcriptions d'entretiens et les documents établis par des agents qui ont été communiqués au ministre.

 

[41]           À propos de l'affirmation du demandeur selon laquelle il n'était pas raisonnable de conclure qu'il avait refusé de produire des documents demandés, le défendeur invoque une série de lettres échangées par les parties où le demandeur répond à une demande de documents en se contentant de déclarer, sans autres explications, qu'il ne les a pas en sa possession et qu'il se sentirait mal à l'aise de demander une copie de certaines pièces aux autorités militaires russes. Le défendeur soutient que, étant donné l'insuffisance de ces explications, il était raisonnable de conclure que le demandeur refusait essentiellement de produire les documents demandés.

 

[42]           Le défendeur soutient également qu'il était raisonnable de conclure de l'examen des transcriptions d'entretiens et des documents dont disposait le ministre que le demandeur n'avait pas exprimé de regret, qu'il relevait directement du service du KGB chargé de l'espionnage et que sa participation à ces activités était volontaire. Le défendeur invoque des éléments déterminés de la preuve qui étayent selon lui ces conclusions. Il rappelle de plus qu'un bon nombre de ces conclusions ont déjà été formulées aussi bien par la Commission que par notre Cour – voir Mikhail c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] D.S.I. no 31 (QL), et Lennikov, précitée –, ainsi que par d'autres instances décisionnelles à propos des demandes d'autres personnes.

 

Analyse

[43]           Avant d'examiner le moyen du demandeur voulant que le défendeur ait omis de peser et d'analyser des facteurs déterminants, je précise que rencontre mon agrément la proposition selon laquelle la note d'information établie par l'ASFC peut faire fonction d'exposé des motifs de la décision du ministre dans la mesure où celle‑ci correspond à la recommandation de cette note (Miller, au paragraphe 62). J'estime également qu'il incombe au demandeur de convaincre le ministre que le maintien de sa présence au Canada ne serait pas préjudiciable à l'intérêt national. En outre, je pense comme le défendeur que l'expression « préjudiciable à l'intérêt national » doit être interprétée dans un sens large et qu'il est loisible au ministre de prendre en considération toutes sortes de facteurs (Miller, au paragraphe 73; Chogolzadeh, aux paragraphes 35 à 37; et Kablawi, au paragraphe 23).

 

[44]           Compte tenu de ces conclusions préliminaires, je ne puis souscrire à l'affirmation que le défendeur n'aurait effectué aucune analyse ni aucun examen comparatif des facteurs. La note d'information énumère de nombreux facteurs, aussi bien positifs que négatifs, pris en compte dans l'analyse, et les facteurs déterminants y sont explicitement mis en balance, ainsi qu'on peut le constater à la lecture du passage qui en est reproduit au paragraphe 18 du présent exposé. Par conséquent, on ne saurait conclure sur ce fondement que la décision attaquée est déraisonnable.

 

[45]           Le demandeur invoque deux décisions de notre Cour, soit Afridi et Ismeal, et leur assimile son cas. Dans ces deux affaires, la Cour a conclu au caractère déraisonnable de la décision du ministre, soit au motif qu'il n'avait pas relevé des facteurs pertinents, soit au motif qu'il avait expressément écarté des facteurs positifs qui jouaient en faveur du demandeur et n'avait pas même esquissé un examen comparatif. Or tel n'est pas le cas dans la présente espèce. La note d'information recense les principaux facteurs positifs et négatifs et les met en balance. Aucun élément du dossier ne donne à penser le contraire.

 

[46]           La note d'information fait référence à un certain nombre de documents, notamment à un mémoire établi par un agent de l'ASFC qui prend explicitement en considération les questions des lignes directrices. Ce mémoire recense également les principaux facteurs pertinents, dont un bon nombre se déduisent des sous-questions formulées dans les lignes directrices, de sorte qu'il ne peut être dit unilatéral. Me fondant sur cette constatation, je conclus que la décision du ministre de refuser la dispense ministérielle au demandeur ne saurait être considérée comme déraisonnable. Les motifs exposés sont transparents et composent une analyse intelligible, et la décision appartient aux issues possibles acceptables.  

 

[47]           Avant d'examiner la deuxième allégation du demandeur, selon laquelle la décision du ministre serait fondée sur de nombreuses conclusions de fait erronées, j'aimerais rappeler la distinction établie dans Khosa entre un motif de contrôle et une norme de contrôle. Les principes relatifs à la norme de contrôle formulés dans Dunsmuir doivent être appliqués, sauf intention claire du législateur. En outre, les motifs de contrôle énumérés au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, ne doivent pas être interprétés comme des normes de contrôle. La cour de révision qui applique la norme de la décision raisonnable doit se rappeler que « [l]e caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47, et Khosa, au paragraphe 63).

 

[48]           Les conclusions de fait que conteste le demandeur sont bel et bien fondées sur la preuve dont le ministre disposait, et il était permis à ce dernier de les en tirer. Le défendeur a attiré l'attention sur des éléments de la preuve au dossier que j'estime comme lui étayer les faits exposés ou mentionnés dans la note d'information. Il est évident qu'on a tenu compte des éléments présentés par le demandeur dans l'établissement de la note d'information, puisqu'une bonne partie des renseignements en question se trouve dans les mémoires mêmes de ce dernier. Je conclus en conséquence à l'absence d'erreurs révisables qui justifieraient l'intervention de notre cour.

 

[49]           Il n'a pas été proposé de questions à la certification, et la présente instance n'en soulève aucune qui s'y prêterait.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


ANNEXE A

 

Les dispositions législatives applicables

 

 

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

Sécurité

 

34. (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

 

a) être l’auteur d’actes d’espionnage ou se livrer à la subversion contre toute institution démocratique, au sens où cette expression s’entend au Canada;

 

b) être l’instigateur ou l’auteur d’actes visant au renversement d’un gouvernement par la force;

 

c) se livrer au terrorisme;

 

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

 

e) être l’auteur de tout acte de violence susceptible de mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui au Canada;

 

f) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé aux alinéas a), b) ou c).

 

 

(2) Ces faits n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

Security

 

34. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

 

(a) engaging in an act of espionage or an act of subversion against a democratic government, institution or process as they are understood in Canada;

 

(b) engaging in or instigating the subversion by force of any government;

 

 

(c) engaging in terrorism;

 

(d) being a danger to the security of Canada;

 

 

(e) engaging in acts of violence that would or might endanger the lives or safety of persons in Canada; or

 

(f) being a member of an organization that there are reasonable grounds to believe engages, has engaged or will engage in acts referred to in paragraph (a), (b) or (c).

 

 

(2) The matters referred to in subsection (1) do not constitute inadmissibility in respect of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.

 

 

 

Citoyenneté et Immigration Canada, IP 10

Refus des cas de sécurité nationale / Traitement des demandes en vertu de l'intérêt national

Appendice D – Préparation du rapport de demande de dispense

(24 octobre 2005), pages 15 à 17

 

Questions

 

La présence du demandeur au Canada est-elle inconvenante pour le public canadien?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les liens du demandeur avec l'organisation/le régime sont-ils complètement rompus?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Y a‑t‑il des indications quelconques que le demandeur pourrait bénéficier d'un avoir obtenu lorsqu'il était membre de l'organisation?

 

 

 

Y a‑t‑il des indications quelconques que le demandeur pourrait retirer des bénéfices de son appartenance passée à l'organisation/au régime?

 

 

 

 

 

 

Le demandeur a‑t‑il adopté les valeurs démocratiques de la société canadienne?

Détails

 

• Y a‑t‑il des preuves satisfaisantes que le demandeur ne constitue pas un danger pour le public?

• S'agissait‑il d'un acte isolé? Dans la négative, sur quelle période s'est‑il produit?

• Quand l'activité a‑t‑elle eu lieu?

• Impliquait-elle de la violence?

• Le demandeur était‑il personnellement impliqué dans les activités de l'organisation/du régime, ou en était‑il complice?

• Au niveau international, l'organisation/le régime a‑t‑il la réputation de recourir à la violence pour atteindre ses buts? Dans l'affirmative, quel est le degré de violence manifesté par celui‑ci?

• Pendant combien de temps le demandeur a‑t‑il été membre de l'organisation/du régime?

• L'organisation/le régime est‑il encore impliqué dans des activités criminelles ou violentes?

• Quel rôle jouait le demandeur ou quel poste occupait‑il au sein de l'organisation/du régime?

• A‑t‑il tiré profit de son appartenance à l'organisation/au régime ou de ses activités à l'intérieur de celui‑ci?

• Y a‑t‑il des preuves qu'il n'était pas au courant des atrocités ou activités criminelles/terroristes commises par l'organisation/le régime?

 

 

• Le demandeur est‑il digne de foi, direct et honnête concernant les activités/l'appartenance à l'organisation/au régime qui ont empêché son admission, ou a‑t‑il essayé de minimiser son rôle à l'intérieur de celui‑ci?

• Quelles sont les preuves qu'il a rompu ses liens?

• Quels sont les détails de la rupture de tels liens? A‑t‑il rompu ses liens avec l'organisation/le régime à la première occasion? Pourquoi?

• Actuellement, a‑t‑il des liens avec des personnes encore impliquées dans l'organisation/le régime?

• Son mode de vie démontre‑t‑il de la stabilité ou un type d'activités vraisemblablement associées à la criminalité?

 

• Le demandeur a‑t‑il un mode de vie qui correspond à son avoir net personnel (ANP) et à son emploi actuel?

• Dans la négative, fournir des preuves que son ANP ne provient pas d'activités criminelles.

 

• Le mode de vie du demandeur démontre‑t‑il qu'il pourrait retirer des bénéfices de son appartenance passée à l'organisation/au régime?

• Sa situation dans la communauté démontre‑t‑elle qu'il bénéficierait d'un traitement spécial quelconque en raison de son appartenance passée à l'organisation/au régime?

 

• Quelle attitude le demandeur a‑t‑il actuellement à l'égard de l'organisation/du régime, de son appartenance à celui‑ci et des activités qu'il a exercées en son nom?

• Partage‑t‑il encore des valeurs et un mode de vie reconnus comme semblables à ceux de l'organisation?

• Exprime‑t‑il des remords pour avoir appartenu à l'organisation/au régime ou pour y avoir exercé des activités?

• Quelle attitude adopte‑t‑il actuellement face au recours à la violence en vue de changements politiques?

• Quelle attitude adopte‑t‑il au sujet de la primauté du droit et des institutions démocratiques, telles qu'elles sont comprises au Canada?

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑1134‑09

 

INTITULÉ :                                       MIKHAIL LENNIKOV

                                                            c.

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                           

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britanique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 10 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 22 septembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Darryl W. Larson                                                                     POUR LE DEMANDEUR

                                                                                               

Banafsheh Sokhansanj                                                              POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Embarkation Law Group                                                          POUR LE DEMANDEUR      

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

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