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Date : 20090915

Dossier : T-1610-08

Référence : 2009 CF 914

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

MERCK-FROSST - SCHERING PHARMA GP

et SCHERING CORPORATION

 

demanderesses

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

 NOVOPHARM LIMITED

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Novopharm Limited (Novopharm) souhaite faire annuler et infirmer l’ordonnance de la protonotaire Milczynski du 13 août 2009, laquelle rejette sa requête en autorisation de signifier et déposer une contre-preuve.

 

  • [2] Il est bien établi que la Cour ne devrait pas intervenir dans les ordonnances discrétionnaires d'un protonotaire, telle celle portée en appel, sauf si les questions soulevées ont une influence déterminante sur l’issue de la question principale au dossier ou que l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.Dans un tel cas, la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire de nouveau.

 

  • [3] La requête n'a pas mentionné de question ayant une influence déterminante sur les questions principales; par conséquent, mon analyse se limitera à déterminer si l’ordonnance de la protonotaire était entachée d'erreur flagrante en ce sens que le pouvoir discrétionnaire a été exercé en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

 

  • [4] Les demanderesses ont déposé la demande initiale le 12 octobre 2008, au titre du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement).Novopharm a demandé l’autorisation de mettre en marché une version générique du médicament EZETROL®, l’ézétimibe, lequel, selon les demanderesses, est protégé par le brevet canadien 2 172 149 (le « brevet 149 »).

 

  • [5] Comme ça semble être devenu pratique courante dans les avis de conformité, les deux parties ont rigoureusement évité d’être précises lors des premières étapes des procédures.Novopharm a déposé un avis de demande auprès du ministre, que les demanderesses ont judicieusement qualifié de « très large », et qui énumérait 223 exemples d’antériorités qu’elle affirmait être pertinents au brevet 149.Les demanderesses ont répondu par un avis de demande que Novopharm a, avec à-propos, jugé « dépourvu de substance ».Bien qu’il contienne quelque 48 paragraphes sur les détails de l’avis de demande, il n’est pas exagéré de dire que la réponse à l’avis de demande aurait pu se limiter à un seul paragraphe, le paragraphe 25 de la demande, lequel est ainsi formulé :

Chaque allégation contenue dans l’avis de demande est injustifiée.  Chaque opinion alléguée dans l’avis de demande est erronée.  Chaque fait allégué est faux. Chaque affirmation juridique est erronée.  Chaque conclusion, déduction ou étape logique est incorrecte et ne s’appuie pas sur les éléments allégués.

 

  • [6] La séquence du dépôt des éléments de preuve n’a pas suivi l’ordre habituel : Novopharm a signifié ses éléments de preuve au titre de l'article 307 des Règles avant que les demanderesses signifient leurs éléments de preuve au titre de l'article 306 des Règles.Novopharm a signifié trois affidavits :l’affidavit du Dr John Sutherland, un expert, et deux affidavits de témoins non experts.Les demanderesses ont signifié sept affidavits :les affidavits de cinq experts, le Dr Antonio M. Gotto, le Dr Neal Castagnoli, le Dr John Clader, le Dr Leslie Z. Benet et le professeur Mark Wentland, et deux affidavits de témoins non experts.

 

  • [7] Novopharm a demandé l’autorisation de déposer un affidavit en réponse aux affidavits des experts des demanderesses.Sa requête était accompagnée d’un affidavit d’une parajuriste employée par l’avocat du défendeur, dans lequel elle déclare solennellement ce qui suit, au paragraphe 16 :

[traduction] Je suis informée et je crois sincèrement que le document joint (pièce « J ») à mon affidavit constitue la contre-preuve à propos de laquelle le Dr Sutherland témoignera si l’autorisation de déposer la contre-preuve est accordée.

 

  • [8] La pièce « J », la contre-preuve proposée, est un affidavit du Dr John Sutherland, qui n’a pas été fait sous serment.Les paragraphes 1 à 3 sont pertinents concernant cet appel.

[traduction]
1.  Je suis le même John D. Sutherland qui a fait une déclaration sous serment dans un affidavit le 6 avril 2009.  J’ai examiné les affidavits suivants, que j’ai reçus seulement le 6 juillet 2009 :

 

a)  L’affidavit de Mark Wentland, fait sous serment le 3 juillet 2009.

 

b)  L’affidavit de Leslie J. Benet, Ph.D., fait sous serment le 2 juillet 2009.

 

c)  L’affidavit du Dr John Clader (inventeur), fait sous serment le 26 juin 2009.

 

d)  L’affidavit de Neal Castagnoli, Ph.D., fait sous serment le 2 juillet 2009.

 

2.  Je ne suis pas d’accord avec certaines des déclarations faites dans ces affidavits, mais l’avocat de Novopharm m’a demandé de limiter mes commentaires aux questions que je n’aurais pas pu prévoir avant d’examiner ces affidavits.  J’ai donc limité mes déclarations ci-dessous selon ces directives.

 

3.  Mon témoignage répond directement aux éléments suivants :

 

a)  La comparaison de l’activité in vivo des composés de configuration cis par M. Wentland avec leurs homologues identiques de configuration trans dans le brevet 007;

 

b)  les conclusions du Dr Wentland, du Dr Benet et du Dr Castagnoli, qui reposent sur la connaissance rétrospective, par la personne versée dans l’art, de la structure de l’ézétimibe ou des suppositions invalides au sujet du substituant C4;

 

c)  l’affirmation du Dr Wentland selon laquelle la personne versée dans l’art aurait eu recours aux calculs de log du coefficient de partage (logP) pour les composés du brevet 007;

 

d)  les comparaisons, les exemples et les affirmations du Dr Wentland, du Dr Benet et du Dr Castagnoli au sujet des attentes de la personne versée dans l'art au sujet de l’hydroxylation benzylique et du groupe de phényle N1 en position para;

 

e)  les affirmations du Dr Benet et du Dr Castagnoli selon lesquelles la personne versée dans l'art aurait supposé que les métabolites étaient inactifs et

 

f)  l’affirmation du Dr Benet et du Dr Castagnoli selon laquelle la personne versée dans l'art aurait envisagé (1) la biotransformation de la phase II dans la conception d’un composé et (2) que la possibilité de la glucoronidation se serait éloignée d’un cycle de phényle de C4 para-substitué.

 

 

  • [9] Le « brevet 007 » mentionné dans l’affidavit fait référence au brevet canadien 2 114 007.Dans son avis de conformité, Novopharm affirme que les revendications 1, 2, 4, 5, 7 et 9 du brevet 149 sont inévitablement prévues par le brevet 007.

 

  • [10] En examinant la requête en dépôt d’une contre-preuve, la protonotaire a correctement établi le critère pertinent énoncé dans l’affaire Pfizer Canada c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 506, l’affaire Eli Lilly Canada c. Apotex Inc., 2006 CF 953, et d’autres décisions de la Cour.Le critère comporte quatre volets :

    • (i) ces éléments de preuve serviront-ils les intérêts de la justice?

    • (ii) ces éléments de preuve aideront-ils la Cour à trancher la question sur le fond?

    • (iii) l’accueil de la requête causera-t-il un préjudice grave ou substantiel à la partie adverse?

    • (iv) les éléments de la contre-preuve étaient-ils disponibles et (ou) était-il possible d’en prévoir la pertinence à une date antérieure?

 

  • [11] Novopharm soutient que la décision de la protonotaire était manifestement erronée quant aux aspects suivants :

    • (i) Elle a fondé sa décision sur un mauvais principe en exigeant du Dr Sutherland un témoignage sous serment pour expliquer pourquoi la contre-preuve proposée n’était pas disponible et n’aurait pas pu être prévue dans son affidavit lié à l’interrogatoire principal;

    • (ii) Elle a fondé sa décision sur un mauvais principe en concluant que la contre-preuve qui contredit ou critique la preuve des demanderesses ne constitue pas une contre-preuve appropriée;

    • (iii) Elle a fondé sa décision sur une mauvaise appréciation des faits, concluant que [traduction] « la réponse proposée cherche à contredire ou à critiquer la preuve des demanderesses, et à avoir le “dernier mot” sur les éléments de critique visant l’affidavit original du Dr Sutherland, alors qu’en fait, la réponse proposée ne traite pas seulement des éléments de critique, mais de nouveaux faits et questions soulevés par les demanderesses pour la première fois dans leur preuve.

 

  • [12] La protonotaire accorde une grande importance au fait que la contre-preuve proposée se trouvait dans un affidavit non assermenté du Dr Sutherland et qu’il n’avait pas assermenté un affidavit indiquant que la contre-preuve proposée n’était pas disponible et (ou) qu’il ne pouvait pas s’attendre à ce qu’elle soit pertinente à une date antérieure :

[traduction]
Il faut noter dès le départ que l’affidavit en réponse proposé du Dr Sutherland n’a pas été assermenté et qu’il a été présenté devant la Cour comme pièce jointe à l’affidavit d’une parajuriste de l’avocat de Novopharm.  Il n’y avait pas non plus d’affidavit de la part du Dr Sutherland à partir duquel la Cour pouvait évaluer certains des facteurs à prendre en considération dans une requête en vertu de l'article 312 des Règles, en particulier si la contre-preuve proposée était disponible et pouvait ou ne pouvait pas être attendue au cours de la première ronde, et si la contre-preuve proposée aiderait le juge à entendre la demande sur le fond.  En protégeant le Dr Sutherland du contre-interrogatoire, la Cour doit se contenter des arguments de Novopharm sur ces points pour statuer sur cette requête.

 

  • [13] La protonotaire décrit plus loin les conséquences du dépôt, en réponse, d’une proposition d’affidavit non assermenté :

[traduction]
En ce qui concerne les éléments qui pourraient être considérés comme « nouveaux » dans la proposition de réponse de M. Sutherland, il n'est pas clair non plus, à la lumière des preuves admissibles dans le dossier de Novopharm, pourquoi le Dr Sutherland n’a pas pu prévoir ou inclure l’information dans son affidavit original.  Étant donné que ce témoin ne peut être contre-interrogé sur ces points, la Cour doit s’appuyer sur des affirmations qui n’ont pas été faites sous serment, et elle ne peut donc pas soupeser adéquatement les facteurs de la présente requête et conclure que Novopharm ne scinde pas son dossier. [Non souligné dans l’original.]

 

  • [14] Dans une large mesure, la protonotaire a adopté les observations des demanderesses sur ces questions énoncées aux paragraphes 5 à 7 de leur mémoire sur la requête devant la protonotaire.

 

  • [15] Les demanderesses soutiennent que, bien que la protonotaire ait signalé qu’il n’y avait pas de preuve admissible de l’opinion subjective du Dr Sutherland quant à savoir s’il aurait pu prévoir que la preuve était pertinente à une date antérieure, elle a tout de même procédé à une évaluation objective pour déterminer si la preuve était « nouvelle ».

 

  • [16] Avec tout le respect que je dois à la protonotaire, je trouve qu’elle a mis beaucoup trop l’accent sur le fait que l’affidavit n’a pas été assermenté et que son analyse sur le caractère nouveau de la contre-preuve proposée est erronée.

 

  • [17] Contrairement à l’opinion exprimée par la protonotaire, un affidavit dans lequel le déposant déclare qu’il n’aurait pas été possible de prévoir la pertinence de la contre-preuve proposée est tout au plus d’une valeur marginale.Il est peu probable qu’il soit plus probant qu’un affidavit de l’autre partie, comme c’est le cas en l’espèce, dont l'auteur jure qu’il aurait été possible de s’attendre à la contre-preuve proposée.À cet égard, je suis d’accord avec le commentaire de la protonotaire Tabib dans Solvay Pharma Inc. et al. c. Apotex Inc. et al. (T-427-06, 15 juin 2007), cité par le protonotaire Aalto dans Astrazeneca Canada Inc. et al. c. Novopharm Limited et al., 2009 CF 902 :

[traduction]
J’ajouterais, de façon générale, que la déclaration catégorique d’un expert selon laquelle il ou elle n’aurait pas pu prévoir une certaine approche ou argumentation, ou qu’une certaine approche ou argumentation ne figure pas dans l’avis d’allégation, devrait se voir attribuer très peu de poids, voire aucun.  Dans la mesure où l’on peut évaluer l’affaire à la lecture simple de l’avis d’allégation et des affidavits d’un profane, une déclaration contraire catégorique d’un expert n’aura pas de poids.  Dans la mesure où l’évaluation ne peut être faite sans l’aide d’un expert, une déclaration catégorique n’aide pas à comprendre ou à justifier les distinctions subtiles qui doivent apparemment être faites.

 

  • [18] Ce qu’il faut, c’est une analyse des documents déposés et proposés afin de déterminer, au moyen d’une analyse objective, s’il aurait été raisonnablement possible de prévoir que la contre-preuve proposée était pertinente.Cela n’a pas été fait dans ce cas-ci, car la savante protonotaire a permis à la forme de l’emporter sur la substance.

 

  • [19] Il est certainement vrai que l’affidavit de réponse proposé du Dr Sutherland n’était pas assermenté; cependant, ce n’est pas une façon inhabituelle ou discutable de procéder dans le cadre de telles requêtes.Par conséquent, ce seul fait n’aurait pas dû être fatal à la demande de Novopharm.De plus, l’affidavit non assermenté était une pièce jointe à un affidavit assermenté attestant que si le dépôt de la contre-preuve était accepté, elle serait assermentée, signifiée et déposée sous la forme remise à la protonotaire.Par conséquent, il aurait dû recevoir plus de considération qu’une simple déclaration non assermentée.

 

  • [20] Même s’il incombait à Novopharm de démontrer pourquoi une contre-preuve était nécessaire, les demanderesses ne semblent pas avoir indiqué dans le dossier qu’elles souhaitaient contre-interroger en quoi que ce soit le Dr Sutherland sur l’affidavit proposé avant la requête.Il est tout simplement inapproprié de laisser entendre, pour ainsi dire, qu’il était « à l’abri du contre-interrogatoire » par Novopharm.

 

  • [21] La décision de la protonotaire et le point de vue des demanderesses dans leur opposition à la requête se concentrent principalement sur le fait que la contre-preuve proposée ne satisfaisait pas au quatrième critère énoncé au paragraphe 10.Aucune observation ne m’a été faite selon laquelle les trois premiers critères n’avaient pas été respectés et, d’après mon examen de la preuve proposée et du dossier, je suis convaincu que la contre-preuve proposée satisfait aux trois premières parties du critère pour les motifs énoncés aux paragraphes 12 à 16 du mémoire de Novopharm déposé sur la requête devant la protonotaire.

 

  • [22] En examinant si la preuve proposée est une contre-preuve appropriée qui n’était pas disponible ou dont il n’était pas possible de saisir la pertinence à une date antérieure, l’analyse en deux étapes suivante est requise.

 

  • [23] La première étape consiste à se demander si les éléments de preuve proposés répondent adéquatement aux éléments de preuve de l’autre partie.La preuve est adéquate s’il ne s’agit pas d’une simple déclaration contraire, mais qu’elle fournit une preuve qui critique, conteste ou réfute la preuve de l’autre partie.La preuve n'est pas adéquate si elle ne fait que répéter ou réitérer la preuve que la partie a initialement déposée.

 

  • [24] À mon avis, la protonotaire a appliqué le droit de façon trop sévère en disant que [traduction] « le fait de s’engager dans un débat, une critique, un argument, une réfutation ou un désaccord n’est pas une réponse adéquate, mais qu’un contre-interrogatoire ou une argumentation pourrait être plus approprié  ».La déclaration de la protonotaire est exacte seulement si la preuve ne contient aucun élément nouveau auquel une réponse est proposée.Si la preuve à laquelle la réponse est proposée se rapporte à des éléments de preuve nouveaux qui n’étaient pas auparavant considérés comme pertinents par la première partie, il se pourrait bien qu’il s’agisse d’une contre-preuve appropriée.

 

  • [25] S’il est jugé que la preuve répond adéquatement, il faut alors se demander s’il était possible d’en anticiper la pertinence à une date antérieure.S’il était possible de prévoir qu’elle soit pertinente, elle est donc offerte dans le but de renforcer son point de vue en présentant de nouveaux éléments de preuve qui auraient pu et auraient dû être inclus dans l’affidavit initial.Une telle preuve n’est pas une contre-preuve adéquate, puisque la partie qui propose de la déposer scinde son dossier.Une partie doit présenter ses meilleurs arguments pour que l’autre y réponde; elle ne peut pas demeurer embusquée jusqu’à ce que la partie d’en face dépose sa réponse, puis déposer des éléments de preuve supplémentaires pour étayer sa thèse à la lumière des arguments soulevés en défense.C’est inacceptable, parce qu’elle aurait pu être déposée avec la preuve initiale, et que l’autre partie n’a pas la possibilité d’y répondre.

 

  • [26] Il peut être difficile d’analyser s’il était possible d’évaluer la pertinence de la contre-preuve proposée à une date antérieure, particulièrement dans des demandes d’avis de conformité, lorsqu’il y a une telle abondance de preuves scientifiques disponibles qui peuvent ou non être pertinentes à la lumière des allégations avancées par la deuxième partie au sens du Règlement et de la défense présentée par la première partie.À cet égard, j’appuie sans réserve l’observation suivante du protonotaire Aalto dans l'affaire Astrazeneca, au paragraphe 15.

[traduction]
Il n’appartient pas à un défendeur fabricant de médicament générique de spéculer [lorsque l’ordre du dépôt de la preuve a été inversé] sur chaque élément de preuve qu’un demandeur peut choisir de présenter à l’appui de sa demande.  C’est particulièrement le cas, comme il a été souligné, lorsque l’avis de demande contient de simples dénégations.

 

  • [27] En l’espèce, la protonotaire a conclu que l’affidavit en réponse proposé traitait effectivement des six questions énoncées au paragraphe 3 de l’affidavit du Dr Sutherland, énoncées ci‑dessus, concluant qu’il [traduction] « lie l’analyse à la preuve des demanderesses ».Il a donc été jugé adéquat.Toutefois, à mon avis, elle n’a pas effectué une analyse adéquate à la seconde étape.

 

  • [28] La protonotaire a jugé que la contre-preuve proposée visait à contredire ou à critiquer la preuve des demanderesses sans d’abord examiner si les éléments qu’elle cherchait à contredire ou à critiquer étaient des éléments dont Novopharm n’aurait pas pu prévoir la pertinence.

 

  • [29] Novopharm allègue que la revendication 21 du brevet 149 est invalide en vertu de la Loi sur les brevets, étant donné que son objet est évident à la lumière de l’état actuel des connaissances des personnes versées dans l’art au moment pertinent.Il était tout à fait prévisible que les demanderesses allaient déposer des éléments de preuve opposés à l’idée que l’objet de la revendication 21 était évident.Dans la mesure où la preuve des demanderesses est que l’analyse du Dr Sutherland est erronée ou trompeuse, il est peu probable que la réponse et peut-être les détails de cette réponse produisent une contre-preuve adéquate.Dans de telles circonstances, même s’il est possible de soutenir qu’elle est adéquate, la contre-preuve ne serait pas appropriée dans la plupart des cas, car il s’agirait probablement d’une réaffirmation de points déjà soulevés ou d’une manœuvre créée de toutes pièces.

 

  • [30] Toutefois, dans la mesure où la preuve des demanderesses est que la revendication 21 n’était pas évidente et qu’elles ont expliqué en quoi, ces raisons et les faits qui les sous-tendent sont susceptibles de justifier une réplique, puisqu’elles sont nouvelles.De plus, lorsque le témoignage des demanderesses indique que l’expert de Novopharm a tort leur son avis et qu’elles ne remettent pas simplement en question sa science, mais qu’elles soulèvent de nouvelles questions au moyen de données scientifiques différentes, d’autorités différentes, d’hypothèses différentes et ainsi de suite, cela aussi, à première vue, soulèvera de nouvelles questions qui pourraient nécessiter une réponse.Bien que l’on puisse dire que ce type de preuve répond de façon très générale à la preuve de Novopharm, il se peut que les détails soient nouveaux.Novopharm pourrait s’attendre à ce que des données scientifiques et des arguments soient présentés pour l’inventivité de la demande et pour remettre en question la preuve de son expert, mais il n’est pas nécessaire de traiter de tous les arguments qu’elle peut prévoir, car, jusqu’à ce que les demanderesses présentent leur preuve, Novopharm n’a aucun moyen de savoir quels sont les arguments et éléments de preuve réellement pertinents parmi ceux qu’elle pourrait prévoir.La nécessité de le faire plus tôt se traduirait par de longs affidavits contenant de nombreux paragraphes non pertinents de « preuve anticipée ».

 

  • [31] Je passe maintenant à l’examen de la proposition de contre-preuve par affidavit.Ce faisant, je reconnais que le Dr Sutherland a peut-être répété certaines affirmations de son affidavit initial afin que sa réponse proposée se lise mieux.Cela est irréprochable.De plus, il convient de reconnaître que la Cour n’est pas versée dans la science de la chimie en comparaison avec les experts des parties.Par conséquent, il n’est pas approprié, à ce stade précoce du litige, d’analyser chaque phrase ou paragraphe en détail pour déterminer s’il s’agit vraiment d’une contre-preuve.À mon avis, à ce stade-ci, il vaut mieux errer par inclusion au dossier, d’autant plus que ces affidavits n’ont pas encore fait l’objet d’un contre-interrogatoire.Par conséquent, voici mon analyse de la réponse proposée selon les six rubriques décrites par le Dr Sutherland.

 

Contre-preuve proposée

a)  Paragraphes proposés 4 à 6 :  a)  La comparaison de l’activité in vivo des composés de configuration cis par le Dr Wentland avec leurs homologues identiques de configuration trans dans le brevet 007;

 

  • [32] Aux paragraphes 4 à 6 de la proposition d’affidavit en réponse, le Dr Sutherland répond aux paragraphes 72 à 74 de l’affidavit du Dr Wentland.Dans ces paragraphes, le Dr Wentland répond à l’affirmation du premier affidavit du Dr Sutherland selon laquelle le brevet 007 aurait amené la personne qualifiée à fabriquer un composé à configuration trans.Le Dr Sutherland compare certains composés cis et trans, puis conclut qu’il y a une tendance générale dans le brevet 007 à privilégier les composés à configuration trans.

 

  • [33] Dans la réponse proposée, le Dr Sutherland affirme que la conclusion du Dr Wentland selon laquelle les composés trans n’auraient pas été favorisés est fondée sur des faits erronés relatifs au nombre de paires de composés dans le brevet 007, au nombre de paires dans lesquelles le composé cis a une plus grande activité à « SC » ou « CE » que le produit trans, au nombre de paires dans lesquelles la configuration trans a une plus grande activité que le partenaire de configuration cis, au nombre de paires dans lesquelles les composés cis et trans ont une activité semblable et le nombre de paires où les configurations cis et trans n’affichent toutes deux aucune activité.

 

  • [34] Novopharm soutient qu’il n’aurait pas été possible de prévoir, pour tenter de contredire la conclusion du Dr Sutherland, que le Dr Wentland n’analyserait qu’un sous-ensemble de données favorables, mais qu’il indiquerait que les données étaient complètes.

 

  • [35] Je ne vois rien de nouveau dans la déclaration du Dr Wentland.Le Dr Sutherland a fait référence à certaines paires de composés de comparaison cis/trans dans son premier affidavit, et le Dr Wentland a répondu en parlant d’autres paires.La validité de ces choix et la pertinence des arguments des parties peuvent faire l’objet d’un contre-interrogatoire approprié.Ces paragraphes ne constituent pas une contre-preuve adéquate.

 

b)  Paragraphes proposés 7 à 16 :  Les conclusions du Dr Wentland, du Dr Benet et du Dr Castagnoli, qui reposent sur la connaissance rétrospective, par la personne versée dans l’art, de la structure de l’ézétimibe ou des suppositions invalides au sujet du substituant C4;

 

  • [36] Les paragraphes des affidavits des experts des demanderesses auxquels le Dr Sutherland se propose de répondre répondent directement à l’affirmation de son affidavit initial, dans lequel il effectue son analyse comparative cis/trans, concluant qu’il aurait été évident pour la personne versée dans l'art de concevoir un composé trans et qu’un substituant « hydroxy » à la position para du substituant C4 était optimal.Après avoir examiné les paragraphes pertinents des affidavits déposés, je conclus que la réponse proposée par le Dr Sutherland ne peut pas être considérée comme une réponse adéquate aux « nouvelles » questions soulevées.Les parties se sont plutôt engagées dans un débat sur le substituant C4 qui peut faire l’objet d’un contre-interrogatoire.Il n’y a pas de fondement adéquat pour la contre-preuve.

 

c)  Paragraphes proposés 17 à 20 :  L’affirmation du Dr Wentland selon laquelle la personne versée dans l’art aurait eu recours aux calculs de log du coefficient de partage (logP) pour les composés du brevet 007;

 

  • [37] Le Dr Sutherland propose de répondre à l’affirmation du Dr. Wentland, au paragraphe 69 de son affidavit, selon laquelle [traduction] « la lipophilie d’un composé aurait pu être facilement déterminée en calculant son logP à l’aide d’un logiciel qui était à la disposition de la personne versée dans l'art en 1993 » et qu’une personne versée dans l’art aurait pu tenter de concevoir un composé à partir d’une valeur de logP calculée par ordinateur supérieure à celle des composés dits « 8F » et « 1L ».

 

  • [38] Novopharm soutient que la suggestion du Dr. Wentland selon laquelle l’analyse quantitative aurait dû être faite est nouvelle et qu’elle ne fait manifestement pas partie de la preuve par affidavit antérieure du Dr. Sutherland concernant le brevet 007 et qu’elle ne figure pas dans les exemples d’antériorités cités sur lesquels l’opinion du Dr. Sutherland était fondée.Cela semble exact.Par conséquent, la réponse proposée répond bien aux nouveaux éléments de preuve et ces paragraphes sont adéquats.

 

d)  Paragraphes proposés 21 à 33 :  Les comparaisons, les exemples et les affirmations du Dr Wentland, du Cr. Benet et du Dr Castagnoli au sujet des attentes de la personne versées dans l'art au sujet de l’hydroxylation benzylique et du groupe de phényle N1 en position para;

 

  • [39] Le Dr Wentland cite les molécules énalapril et lisinopril comme exemples de composés qui ne subissent pas d’hydroxylation benzylique.Novopharm soutient que ces exemples du Dr. Wentland sont nouveaux, qu’ils ne font manifestement pas partie de la preuve de l’affidavit antérieur du Dr. Sutherland et qu’ils ne se trouvent pas dans les exemples d’antériorités cités sur lequel se fondait l’opinion du Dr. Sutherland.Cela semble exact.Par conséquent, les paragraphes 21 à 24 de la réponse proposée répondent aux nouveaux éléments de preuve et sont adéquats.

 

  • [40] Le Dr Sutherland propose également de répondre au Dr Wentland et au Dr Castagnoli, et plus particulièrement à leur référence au composé « 5AA ».Bien que le Dr Castagnoli déclare dans son affidavit qu’il répond aux déclarations du [traduction] « Dr Sutherland au sujet du composé “5AA” et d’autres composés contenus à la page 52 de son affidavit », il n’est pas évident pour la Cour que le composé « 5AA » a été mentionné par le Dr Sutherland dans son premier affidavit et que les paragraphes 25 à 30 semblent répondre aux nouveaux éléments de preuve et constituent une réponse adéquate.

 

  • [41] Le Dr Sutherland souhaite également répondre à ce qu’il qualifie de mauvaise interprétation de son témoignage initial par le Dr Castagnoli concernant les composés « 5D », « 5 », « 5S », « 5T », « 7M » et « 7P ».Il n’est peut-être pas d’accord avec l’analyse du Dr Castagnoli et sa compréhension de ses déclarations précédentes, mais c’est une question qui pourrait être examinée à fond en contre-interrogatoire.Il ne s’agit pas d’une question nouvelle et les paragraphes 31 à 32 proposés ne ne se prêtent pas à une réponse.

 

  • [42] Le Dr Sutherland souhaite également répondre au fait que le Dr Wentland s’est fié à un document rédigé en 1965.Cet écrit semble avoir été invoqué pour la première fois par le Dr Wentland, et les paragraphes 32 à 33 constituent une contre-preuve appropriée.

 

e)  Paragraphes 34 à 35 :  Les affirmations du Dr Benet et du Dr Castagnoli selon lesquelles la personne versée dans l'art aurait supposé que les métabolites étaient inactifs;

 

  • [43] Je suis convaincu que les paragraphes contestés des affidavits du Dr Benet et du Dr Castagnoli répondaient à la preuve initiale de l’affidavit du Dr Sutherland et ne soulevaient rien de nouveau.Par conséquent, les paragraphes 34 et 35 ne constituent pas une contre-preuve adéquate.

f)  Paragraphes 36 à 46 : L’affirmation du Dr Benet et du Dr Castagnoli selon laquelle la personne versée dans l'art aurait envisagé (1) la biotransformation de la phase II dans la conception d’un composé et (2) que la possibilité de la glucoronidation se serait éloignée d’un cycle de phényle de C4 para-substitué.

 

  • [44] Novopharm soutient que ces paragraphes sont une réponse appropriée, car le Dr Sutherland, dans son affidavit initial, ne parle que de la biotransformation de la phase I, et que la phase II n’est devenue pertinente qu’après avoir été soulevée par les experts des demanderesses.Je suis d'accord.Il aurait donc été possible de prévoir que les experts des demanderesses soulèvent la question de la phase II, mais jusqu’à ce qu’ils le fassent, c’était de la pure spéculation.Elle n’est devenue pertinente qu’une fois qu’elle a été soulevée.Par conséquent, les paragraphes 36 à 46 de l’affidavit proposé constituent une contre-preuve pertinente.

 

  • [45] En résumé, les paragraphes ci-dessous de l’affidavit proposé en réponse sont des éléments de preuve adéquats et Novopharm est autorisée à déposer un affidavit du Dr Sutherland comprenant les paragraphes 1 à 3, modifiés au besoin pour refléter cette décision, les paragraphes 17 à 30, 32 et 33 et les paragraphes 36 à 46.

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.  Novopharm Limited soit autorisée à déposer une contre-preuve comprenant :  les paragraphes 1 à 3, modifiés au besoin pour refléter cette décision, les paragraphes 17 à 30, 32 et 33 et les paragraphes

36 à 46 de l’affidavit proposé du Dr Sutherland.

 

2.  Les dépens du présent appel et de la requête devant la protonotaire vont à Novopharm, peu importe l’issue de l’affaire.

     « Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-1610-08

 

INTITULÉ :    MERCK-FROSST - SCHERING PHARMA GP et

SCHERING CORPORATION c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ et NOVOPHARM LIMITED

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 31 août 2009

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :  LE 15 SEPTEMBRE 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven G. Mason

David Tait

 

POUR LES DEMANDERESSES

Arthur B. Renaud

Dominique Hussey

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(NOVOPHARM)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MCCARTHY TÉTRAULT LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

BENNETT JONES LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(NOVOPHARM)

JOHN H. SIMS, c.r.

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

(MINISTÈRE DE LA SANTÉ)

 

 

 

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