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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20090911

Dossier : T-1890-08

Référence : 2009 CF 901

Ottawa (Ontario), le 11 septembre  2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

HI-TECH SEALS INC.

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision prise par le délégué du ministre du Revenu national (le délégué) de ne pas accorder un allègement discrétionnaire à l’égard du paiement des pénalités qui lui ont été imposées pour ne pas avoir versé les retenues à la source ou les montants d’impôt à retenir, ainsi que l’exige la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1.

 

[2]               Les faits ne sont pas contestés, pas plus que la norme de contrôle applicable. Il y a en l’espèce deux points en litige : si la décision est raisonnable et si la demanderesse a bénéficié de l’équité procédurale à l’égard des « motifs suffisants ».

 

II.         LE CONTEXTE

[3]               Dans la présente affaire, le fait fondamental est l’omission d’avoir versé des montants d’impôt sur des paiements dits hors paye (les services de paye étaient fournis par une autre entreprise) le 31 mars 2008. Les détails précis des paiements ne sont pas exposés clairement dans le dossier de la demanderesse, mais il est évident qu’il y avait des montants d’impôt à payer le 3 avril 2008 et qu’ils ne l’ont pas été avant le 17 avril suivant. La pénalité imposée pour le versement tardif était de 79 220,25 $.

 

[4]               Le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu confère au ministre le pouvoir d’annuler un montant de pénalité ou d’intérêts, ou d’y renoncer.

220. (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220. (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

[5]               Il existe des lignes directrices régissant l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre, et le fondement général de l’exercice de ce pouvoir est l’une des situations suivantes : a) des circonstances exceptionnelles, b) les actions de l’ARC et c) l’incapacité de payer ou des difficultés financières. Un énoncé plus complet de la partie II des Lignes directrices ou Dispositions d’allègement pour les contribuables est annexé aux présents motifs.

 

[6]               L’entreprise a demandé d’être dispensée des pénalités au motif que le contrôleur de l’entreprise, qui devait autoriser le versement à l’ARC, était absent pour des [traduction] « raisons personnelles ». Il se trouve qu’il ne s’agit pas là d’une explication complète : le contrôleur était en vacances, comme la demanderesse l’admet maintenant.

 

[7]               Le défendeur a refusé la demande d’allègement, signalant que James Bond était un actionnaire principal et que celui-ci aurait pu autoriser le versement en temps opportun.

 

[8]               Il se trouve que M. Bond a joué un rôle crucial dans une demande d’allègement fiscal antérieure, présentée en 1997. À cette époque, il était absent pour affaires et n’avait envoyé le versement qu’à son retour. Dans ce cas particulier, la pénalité avait été annulée.

 

[9]               L’entreprise a ensuite demandé un examen de second niveau mais elle n’a présenté aucune preuve nouvelle. Le délégué a refusé la demande et, dans la lettre de décision, il a simplement déclaré que les pénalités avaient été imposées conformément à la loi et qu’il n’y avait aucune circonstance indépendante de la volonté de l’entreprise qui empêchait cette dernière d’observer la loi.

 

[10]           Le dossier du tribunal contient le rapport fait par le personnel au délégué, de même que ses commentaires sur ce rapport et sa signature, laquelle indique qu’il y souscrit. Le rapport fait état de bons antécédents de conformité de la part de l’entreprise, reconnaît que seul le contrôleur était au courant des renseignements relatifs au paiement, signale l’absence inexpliquée du contrôleur et conclut qu’il aurait dû y avoir un remplaçant ou alors que le contrôleur aurait dû communiquer avec l’employeur, ce qu’il aurait pu faire grâce à la technologie moderne.

 

[11]           Un rapport plus détaillé, non signé par le délégué, a été trouvé dans le dossier de l’ARC, et ce document comporte les détails de la demande d’allègement de 1997 qui a été accordée.

 

[12]           Pour le présent contrôle judiciaire, la demanderesse a déposé un affidavit qui, en fait, conteste la conclusion selon laquelle M. Bond aurait pu signer le chèque de versement. D’après la preuve, M. Bond se trouvait à l’étranger à l’époque en cause et n’était pas disponible pour signer le chèque de versement.

 

III.       ANALYSE

A.        La norme de contrôle

[13]           La Cour convient avec les parties que la norme de contrôle qui s’applique à la décision elle-même est la « décision raisonnable ». Cela a été récemment confirmé de nouveau par le juge Beaudry dans la décision Jones (Succession) c. Canada (Procureur général), 2009 CF 646. Pour ce qui est de la question de l’équité procédurale ou du caractère suffisant des motifs, les parties, tout comme la Cour, conviennent que la norme est la « décision correcte ».

 

B.         La décision raisonnable

[14]           La demanderesse a fait valoir que le délégué n’avait pas accordé assez d’importance à l’absence du contrôleur et qu’il a fait une hypothèse erronée au sujet de la capacité de M. Bond d’effectuer le versement requis.

 

[15]           D’après le dossier soumis au délégué, il ne fait aucun doute que ce dernier était conscient de l’absence du contrôleur – l’ARC essayait de savoir où cet homme se trouvait et pourquoi. En outre, le délégué n’avait en main aucune information qui donnerait à penser que M. Bond n’était pas disponible. Il était donc raisonnable de présumer que ce dernier était disponible, et cette présomption n’a pas été réfutée. Il est important de garder à l’esprit que c’est exclusivement à la partie demanderesse qu’il incombe d’établir les motifs qui justifient l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. La demanderesse n’a pas fait valoir que personne n’était disponible pour autoriser les versements.

 

[16]           Au vu de ce qui a été soumis à l’ARC, la décision du délégué était raisonnable. La tentative faite par la demanderesse pour compléter le dossier en produisant un affidavit de nouveaux éléments de preuve dans le cadre du présent contrôle judiciaire confirme simplement le caractère raisonnable de la décision. Détail tout aussi important, il est inapproprié d’essayer de compléter le dossier relatif à la décision sans avoir obtenu l’autorisation de la Cour.

 

[17]           Même en les admettant,  les nouveaux éléments de preuve établiraient que les paiements s’appliquaient à des primes – la décision de payer avait été prise plusieurs mois à l’avance et, de ce fait, il aurait fallu anticiper le versement. Ces nouveaux éléments de preuve montrent que le contrôleur était absent pour cause de congé, et non pas à cause de circonstances personnelles imprévues, comme un décès dans la famille. Enfin, ils établissent que M. Bond se trouvait à l’étranger à un moment où il y avait un paiement important à verser (cela s’était produit aussi en 1997) et que l’entreprise avait permis que le contrôleur et un actionnaire principal soient absents à un moment critique, sans plan de réserve évident.

 

[18]           Il est difficile de voir comment ces nouveaux éléments de preuve auraient aidé l’entreprise à convaincre le délégué mais, de toute façon, ce dernier ne les avait pas en main parce que la demanderesse ne les avait pas déposés en preuve.

 

[19]           La demanderesse a fait valoir aussi que le délégué a limité son pouvoir discrétionnaire car, en 1997, l’allègement de la pénalité a été considéré comme une mesure « unique ». Le fondement de cette prétention est que la présente demande d’allègement n’a pas été examinée sur le fond parce que le délégué a jugé que l’allègement « unique » qui avait été accordé interdisait d’examiner la demande actuelle.

 

[20]           La difficulté que pose la position de la demanderesse est qu’il n’y a aucune preuve que l’allègement « unique » faisait partie des motifs de décision, soit au premier stade, soit devant le délégué.

 

[21]           La demanderesse fait valoir ses antécédents de conformité et indique qu’il aurait été opportun de citer la similitude de circonstances en 1997 en tant que facteur pris en considération pour arriver à une décision défavorable. Cependant, cela n’a pas eu lieu et la demanderesse ne peut guère s’en plaindre maintenant.

 

[22]           En conséquence, la Cour conclut que d’après le dossier soumis au délégué ou, alors, si les nouveaux éléments de preuve étaient admissibles - ce qu’ils ne sont pas - la décision de ce dernier était raisonnable.

 

C.        Le caractère suffisant des motifs

[23]           La lettre de décision n’aurait pas constitué des motifs suffisants. Il ne suffit pas pour le défendeur d’affirmer que l’on peut trouver les « raisons » ou le « raisonnement » en recousant ensemble divers éléments du dossier de l’ARC et en devinant ce que le décideur avait à l’esprit.

 

[24]           Cependant, en l’espèce, le rapport, qui comporte les notes et la signature du délégué, de même que la lettre de décision sont aisément disponibles et expliquent convenablement les motifs pour lesquels l’allègement a été refusé. Ce motif de contrôle judiciaire est dénué de fondement.

 

IV.       CONCLUSION

[25]           Pour ces motifs, le contrôle judiciaire est rejeté avec dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


ANNEXE

 

 

IC07-1 – Dispositions d’allègement pour les contribuables

 

 

¶ 23. Le ministre peut accorder un allègement de l'application des pénalités et des intérêts lorsque les situations suivantes sont présentes et qu'elles justifient l'incapacité du contribuable à s'acquitter de l'obligation ou de l'exigence fiscale en cause :

 

a) circonstances exceptionnelles;

 

b) actions de l'ARC;

 

c) incapacité de payer ou difficultés financières.

 

¶ 24. Le ministre peut également accorder un allègement même si la situation du contribuable ne se trouve pas parmi les situations mentionnées au paragraphe 23.

 

¶ 25. Les pénalités et les intérêts peuvent faire l'objet d'une renonciation ou d'une annulation, en tout ou en partie, lorsqu'ils découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d'effectuer un paiement lorsqu'il était dû, de produire une déclaration à temps ou de s'acquitter de toute autre obligation que lui impose la Loi sont les suivantes, sans être exhaustives :

 

a) une catastrophe naturelle ou causée par l'homme, telle qu'une inondation ou un incendie;

 

b) des troubles publics ou l'interruption de services, tels qu'une grève des postes;

 

c) une maladie grave ou un accident grave;

 

d) des troubles émotifs sévères ou une souffrance morale grave, tels qu'un décès dans la famille immédiate.

 

[…]

 

¶ 33. Lorsque des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, des actions de l'ARC, ou l'incapacité de payer ou les difficultés financières ont empêché le contribuable de respecter la Loi, les facteurs suivants seront considérés pour déterminer si l'ARC annulera ou renoncera aux pénalités et aux intérêts, ou non :

 

a) le contribuable a respecté, par le passé, ses obligations fiscales;

 

b) le contribuable a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;

 

c) le contribuable a fait des efforts raisonnables et n'a pas été négligent dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d'autocotisation;

 

 

 

d) le contribuable a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

 

[…]

¶ 103. Si une demande a été refusée ou partiellement acceptée, il n'y a aucun droit de faire opposition au profit d'un contribuable pour contester une décision prise conformément aux dispositions d'allègement pour les contribuables. Cependant, si le contribuable estime que le pouvoir discrétionnaire du ministre n'a pas été exercé correctement, il peut demander, par écrit, que le directeur du bureau des services fiscaux ou du centre fiscal reconsidère la décision initiale et réexamine la situation. Au cours du second examen, le contribuable aura la possibilité de soumettre des observations supplémentaires que l'ARC prendra en considération. Voir le paragraphe 31 pour obtenir les adresses des bureaux de l'ARC.

¶ 23. The Minister may grant relief from the application of penalty and interest where the following types of situations exist and justify a taxpayer's inability to satisfy a tax obligation or requirement at issue :

 

 

(a) extraordinary circumstances

 

(b) actions of the CRA

 

(c) inability to pay or financial hardship

 

¶ 24. The Minister may also grant relief if a taxpayer's circumstances do not fall within the situations stated in ¶ 23.

 

 

¶ 25. Penalties and interest may be waived or cancelled in whole or in part where they result from circumstances beyond a taxpayer's control. Extraordinary circumstances that may have prevented a taxpayer from making a payment when due, filing a return on time, or otherwise complying with an obligation under the Act include, but are not limited to, the following examples :

 

 

 

 

(a) natural or man-made disasters such as, flood or fire;

 

 

 

(b) civil disturbances or disruptions in services, such as a postal strike;

 

(c) a serious illness or accident; or

 

(d) serious emotional or mental distress, such as death in the immediate family.

 

 

 

¶ 33. Where circumstances beyond a taxpayer's control, actions of the CRA, or inability to pay or financial hardship has prevented the taxpayer from complying with the Act, the following factors will be considered when determining whether or not the CRA will cancel or waive penalties and interest :

 

 

(a) whether or not the taxpayer has a history of compliance with tax obligations;

 

(b) whether or not the taxpayer has knowingly allowed a balance to exist on which arrears interest has accrued;

 

 

(c) whether or not the taxpayer has exercised a reasonable amount of care and has not been negligent or careless in conducting their affairs under the self-assessment system; and

 

(d) whether or not the taxpayer has acted quickly to remedy any delay or omission.

 

¶ 103. If a request was denied or partly granted, there is no right of objection for a taxpayer to dispute a decision under the taxpayer relief provisions. However, if the taxpayer believes that the Minister's discretion has not been properly exercised, the taxpayer can write to ask that the director of the tax services office or the tax centre reconsider the original decision and review the situation again. During the second review, the taxpayer will have the opportunity to make more representations for the CRA's consideration. To find the addresses of CRA offices, see ¶ 31.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1890-08

 

INTITULÉ :                                       HI-TECH SEALS INC.

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 EDMONTON (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 SEPTEMBRE 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 11 SEPTEMBRE 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Chad J. Brown

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Wendy Bridges

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Felesky Flynn LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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