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Cour fédérale

 

 

 

 

 

 

 

 

Federal Court


Date : 20090911

Dossier : T-363-85

Référence : 2009 CF 900

 

Ottawa (Ontario), le 11 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

ALFRED JOSEPH, CONSEILLER EN CHEF,

DORA B. WILSON, WALTER JOSEPH

et JACK SEBASTIAN,

CONSEILLERS DE BANDE, EN LEUR PROPRE NOM

ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES D’HAGWILGET VILLAGE,

DE LA BANDE D’HAGWILGET VILLAGE

ET DU CONSEIL D’HAGWILGET VILLAGE

 

demandeurs

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

défenderesse

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une requête présentée par les demandeurs en vue du versement d’intérêts postérieurs au jugement. Ils prétendent avoir droit à des intérêts en raison du retard de la défenderesse à remettre le produit du règlement de la présente action.

 

I.                   Contexte

[2]               Le 24 avril 2009, les parties à la présente action ont négocié un règlement en vertu duquel la défenderesse devait verser la somme de 21,5 millions $ ainsi que les dépens aux demandeurs en leur qualité de représentants. Puisqu’il s’agit en l’espèce d’une instance par représentation, l’approbation de la Cour était requise en application du paragraphe 114(4) des Règles pour donner effet au règlement. Après une audience tenue à Vancouver, la Cour a délivré une ordonnance qui, sauf pour ce qui est d’une disposition relative à l’établissement d’une fiducie de règlement, était en la forme à laquelle avaient consenti les parties. Cette ordonnance renfermait la disposition suivante concernant le paiement du produit du règlement :

[traduction]

            LA COUR ORDONNE :

 

1.         Le règlement de la présente action est approuvé par les présentes aux conditions qui suivent, à savoir :

 

a)         la défenderesse doit payer sans délai la somme de 21,5 millions $ aux demandeurs, en la versant à Peter Grant & Associates, en fidéicommis; […]

 

 

[3]               La preuve produite dans le cadre de la présente requête démontre que la défenderesse a payé aux demandeurs en deux versements le produit du règlement visé dans l’ordonnance. Le versement initial de 10 750 000 $ a été remis à l’avocat des demandeurs le 3 juillet 2009. Le versement final, du même montant, a été remis à cet avocat deux semaines plus tard. Les demandeurs prétendent avoir droit à des intérêts postérieurs au jugement parce que ces paiements n’ont pas été versés « sans délai » tel que le prévoyait l’ordonnance. La défenderesse rétorque qu’aucun intérêt postérieur au jugement n’est exigible puisque le produit était payable par suite d’un règlement. Elle ajoute que c’est seulement lorsque des sommes sont payables en guise de règlement d’un « jugement pécuniaire » que l’État fédéral peut être contraint, par application du paragraphe 7(2) de la Court Order Interest Act, R.S.B.C. 1996, ch. 79, et du paragraphe 31.1(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50, de payer des intérêts postérieurs au jugement.

 

[4]               La défenderesse pourrait avoir raison de dire qu’une ordonnance définitive de la Cour donnant suite au règlement d’un litige ne constitue pas un jugement pécuniaire au sens où l’entend  la Court Order Interest Act, précitée. Il arrive pour de nombreux règlements, en effet, que l’ordonnance définitive fasse simplement état d’un règlement, tout en mettant fin purement et simplement à l’instance. La Cour devait toutefois en l’espèce, en application du paragraphe 114(4) des Règles, évaluer si le règlement proposé était raisonnable. Tout règlement dans une telle situation est conditionnel à l’approbation de la Cour, et l’ordonnance résultant de cette approbation exprime le jugement de la Cour. Il s’agit, par conséquent, d’un jugement pécuniaire.

 

[5]               La défenderesse invoque également le paragraphe 30(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, précitée, ainsi que l’article 474 des Règles, qui auraient pour effet combiné, selon elle, d’empêcher que prenne naissance toute obligation de verser de l’intérêt à l’égard d’un jugement avant que le processus qui y est prévu n’ait été mené à bien. Ces dispositions, la défenderesse affirme-t-elle, l’emportent sur le paragraphe 31.1(1) de la Loi, qui oblige l’État fédéral à verser des intérêts postérieurs au jugement en conformité avec les règles de droit provinciales. Je ne partage pas cet avis. L’objet de l’article 30 est de créer un mode de paiement d’un jugement, autre que l’exécution dont on ne peut se prévaloir contre l’État. On ne m’a présenté aucune preuve montrant que c’est bien à ce mode de paiement qu’a recouru la défenderesse en l’espèce et, quoi qu’il en soit, il faudrait qu’un libellé beaucoup plus clair ait été utilisé pour écarter l’obligation incombant explicitement à la défenderesse en vertu du paragraphe 31.1(1) de payer des intérêts postérieurs au jugement conformément aux dispositions de la Court Order Interest Act, précitée.

 

[6]               Les parties sont libres dans le cadre d’une instance par représentation, sous réserve de l’obtention de l’approbation de la Cour, de convenir comme elles l’entendent des conditions de paiement, ce qui comprend la question des intérêts postérieurs au jugement. L’ordonnance dont ont convenu les parties en l’espèce traitait bien de la question du paiement, en exigeant que la défenderesse verse « sans délai » aux demandeurs la somme de 21,5 millions $. Ce qu’il me reste à décider, c’est si les paiements effectués en l’espèce respectaient ou non cette condition de l’ordonnance.

 

[7]               Les parties conviennent que l’expression « sans délai » accorde un certain temps pour réaliser le règlement approuvé par l’ordonnance, mais sont en profond désaccord quant à savoir si les paiements de la défenderesse se conformaient à celle-ci. Les demandeurs ont cité des précédents où l’on a déclaré que « sans délai » voulait dire « immédiatement ». Selon d’autres précédents, l’expression voudrait dire « dans un délai raisonnable » compte tenu des circonstances, mais pas « instantanément ». Nombre des décisions citées ont trait à des instances criminelles ou à des procès pour outrage et sont, de ce fait, peu appropriées. J’estime, dans ce contexte, que les parties devaient s’attendre à ce que le règlement faisant suite à mon ordonnance requière un certain délai. Le règlement des actions ne constitue pas pour le gouvernement fédéral, contrairement aux sociétés d’assurance risques divers, une activité courante. Compte tenu des exigences administratives à respecter pour avoir accès à des fonds publics, je suis d’avis que ce qu’on envisageait comme délai dans l’ordonnance correspondait à tout le moins au temps qu’il a fallu à la défenderesse pour remettre son premier paiement à l’avocat des demandeurs. On n’a aucunement expliqué pourquoi il avait été nécessaire pour la défenderesse de s’acquitter de son obligation au moyen de deux versements, le second ayant été effectué deux semaines après le premier. Faute d’explication, la seule conclusion qu’il est raisonnable de tirer c’est que la défenderesse était en mesure, le 3 juillet 2009, de procéder au règlement intégral de l’ordonnance. Dans les deux semaines qui ont suivi, la défenderesse a tiré profit des sommes en cause, et les demandeurs en ont été privés. Il s’ensuit que les demandeurs ont droit, conformément à la Court Order Interest Act, précitée, aux intérêts postérieurs au jugement accumulés du 3 juillet 2009 au 17 juillet 2009 sur la somme de 10 750 000 $.

 

[8]               La défenderesse devra payer aux demandeurs les dépens afférents à la présente requête, d’un montant de 1 500 $ qui comprend les débours.

 


 

ORDONNANCE

 

            LA COUR STATUE que les demandeurs ont droit, conformément à la Court Order Interest Act, précitée, aux intérêts postérieurs au jugement accumulés du 3 juillet 2009 au 17 juillet 2009 sur la somme de 10 750 000 $.

 

LA COUR STATUE EN OUTRE que la défenderesse doit payer aux demandeurs les dépens afférents à la présente requête, d’un montant de 1 500 $ qui comprend les débours.

 

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-363-85

 

INTITULÉ :                                       JOSEPH ET AL.

                                                            c.

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

REQUÊTE INSTRUITE PAR TÉLÉCONFÉRENCE

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 AOÛT 2009

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 11 SEPTEMBRE 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jeff Huberman

(Peter Grant & Associates)

604-685-1229

 

POUR LES DEMANDEURS

Erin Tully

(MJ Vancouver (C.-B.))

604-666-8530

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peter Grant & Associates

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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