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Date : 20090909

Dossier : IMM-5588-08

Référence : 2009 CF 888

Ottawa (Ontario), le 9 septembre 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

MAZHAR ELAHI

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision du 14 octobre 2008 se rapportant à un examen des risques avant renvoi (ERAR) selon lequel le demandeur ne serait pas exposé à la persécution, à la torture ou à des traitements ou peines cruels et inusités ou à une menace à sa vie s’il était renvoyé au Pakistan. Pour les motifs suivants, je considère que l’agent n’a pas commis d’erreur donnant lieu à révision et que la demande devra être rejetée.

 

[2]               M. Elahi est citoyen du Pakistan. En 1993, il est devenu membre du Parti du peuple pakistanais (PPP) et a aidé à organiser des réunions et des conférences. Le demandeur allègue que peu après les élections de février 1997 au Pakistan, il a commencé à être harcelé par des membres d’un parti politique adverse, la Ligue musulmane, qui venait d’accéder au pouvoir au pays.

 

[3]               Le demandeur prétend avoir été battu en mars 1997 par des membres de la Ligue musulmane alors qu’il travaillait à la boutique de sa famille. M. Elahi a rempli un rapport d’incident pour la police, mais rien n’a été fait. M. Elahi affirme aussi qu’en avril 1997, il a commencé à recevoir régulièrement des menaces par téléphone. Le 20 avril 1997, des membres de la Ligue musulmane qui le cherchaient se sont rendus chez lui, mais il était absent. Ces membres ont attaqué le frère de M. Elahi et menacé de mort le demandeur. Cet incident a aussi été signalé à la police, mais rien n’a été fait.

 

[4]               Dans la dernière semaine d’avril 1997, M. Elahi a été battu de nouveau et averti de ne pas informer la police de cet incident. Pris de peur et se rappelant ses expériences antérieures, M. Elahi n’a pas signalé l’incident à la police; il a plutôt decidé de quitter le Pakistan.

 

[5]               En mai 1997, M. Elahi a quitté le Pakistan et est parti en Tanzanie, mais n’ayant pas pu y obtenir l’asile, il est venu au Canada le 22 novembre 1998 et a présenté une demande du statut de réfugié. Le 29 juin 2000, la Section du statut de réfugié (SSR) a conclu que M. Elahi n’était pas un réfugié au sens de la Convention. Le 4 janvier 2001, une demande de contrôle judiciaire visant cette décision a été rejetée par la Cour.

 

[6]               La SSR n’a pas cru le récit de M. Elahi et a tiré des conclusions négatives quant à sa crédibilité. La SSR est arrivée à une conlusion défavorable du fait que M. Elahi n’avait pas fourni une lettre du candidat du PPP pour lequel il avait prétendu travailler et elle a donc conclu, selon la prépondérance de la preuve, que M. Elahi n’était pas membre du PPP. La SSR a déclaré que même si M. Elahi était membre du PPP, sa simple appartenance au parti ne l’exposerait pas au risque d’être persécuté s’il devait retourner au Pakistan. La SSR a aussi déclaré qu’il y avait une possibilité de refuge intérieur au Pakistan.

 

[7]               Le 12 février 2008, M. Elahi a demandé un examen des risques avant renvoi. Pour appuyer sa demande, il a fourni une lettre du PPP du Canada signée par Rao Sikandar Iqbal (le candidat du PPP en question dans la décision de la SSR) et des articles d’actualité qui présentaient des exemples de la violence entre les partis politiques au Pakistan. Le 14 octobre 2008, la demande d’ERAR de M. Elahi a été refusée.

 

[8]               L’agent a fait remarquer que les allégations du demandeur étaient essentiellement les mêmes que celles exposées devant la SSR. L’agent a pris en considération la lettre du PPP du Canada, qui affirmait que le demandeur avait été, pendant la période en question, et était toujours un membre actif du PPP. Toutefois, l’agent a décidé que, compte tenu de l’absence de détails dans la lettre, l’élément de preuve fourni ne donnait pas à penser que M. Elahi serait dès lors pris pour cible ni que les opposants politiques au PPP seraient à sa recherche.

 

[9]               L’agent a étudié en détail la situation politique au Pakistan à partir de 1999. Il a fait observer que malgré l’assassinat de Benazir Bhutto, la chef du PPP, le parti avait accédé au pouvoir à la suite des élections de février 2008.

 

[10]           L’agent a fait remarquer que l’asile est une mesure de protection substitutive et qu’il existe une présomption de protection de l’État. L’agent a conclu que les changements au Pakistan n’auraient pas de conséquences négatives sur le demandeur et que ses activités au sein du PPP ne l’exposeraient pas à la persécution. En dépit de la possibilité de persécution, l’agent a jugé que la protection de l’État était disponible et a affirmé que [traduction] « la documentation objective donne à penser qu’il y aurait des recours possibles pour le demandeur s’il décidait de les utiliser ».

 

La question en litige

[11]           Le demandeur soulève essentiellement une question pour ce qui est de la décision faisant l’objet du contrôle : l’agent a-t-il tiré une conclusion de fait erronée soit en faisant une mauvaise interprétation de la preuve, soit en n’en tenant pas compte?

 

Analyse

[12]           Le demandeur soutient que la nouvelle preuve fournie amenait à conclure qu’il était membre du PPP et qu’il serait exposé au risque d’être persécuté s’il retournait au Pakistan, étant donné son engagement dans le PPP. En effet, certains éléments de preuve le mettaient en garde contre les préjudices qu’il pourrait subir s’il retournait au Pakistan. Le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur donnant lieu à révision en ne considérant pas les documents fournis qui portaient sur la situation du pays.

 

[13]           Le défendeur avance que l’agent n’a pas commis d’erreur donnant lieu à révision par son évaluation de la preuve et que la conclusion tirée au sujet de la menace de persécution des membres ordinaires du PPP était raisonnable. Le défendeur soutient qu’il était inutile de se référer aux preuves documentaires, car, à l’exception d’un document ne traitant pas de la situation des membres ordinaires du PPP, tous les autres documents étaient antérieurs à d’importants changements au Pakistan. Ces documents se rapportaient à la période de l’assassinat de Benazir Bhutto, la chef du PPP, et ne concernaient pas la période actuelle, d’après les élections de février 2008 qui ont mené le PPP au pouvoir.

 

[14]           La norme de contrôle d’un ERAR est la raisonnabilité, puisqu’il s’agit d’un type de décisions jaugeant l’importance à donner à un élément de preuve présenté à l’appui d’une telle demande. L’agent a reconnu que la lettre fournie par le PPP du Canada confirmait que le demandeur était membre du PPP; il était agent électoral. S’appuyant visiblement sur la conclusion de la SSR selon laquelle seuls les membres importants du PPP sont exposés à la persécution, l’agent a jugé que la lettre ne donnait pas à penser que le demandeur serait pris pour cible à cause de ses activités.

 

[15]           L’agent n’a pas mentionné les ouï-dire contenus dans la lettre du PPP du Canada selon lesquels le groupe local du PPP au Pakistan aurait prétendu que plusieurs de ses membres avaient été persécutés et que M. Elahi serait pris pour cible tant par les membres des partis adverses que par la police. La lettre en soi ne fournit aucune preuve appuyant ces déclarations. Le défendeur affirme qu’étant donné l’absence de détails dans la lettre et le fait qu’elle était antérieure à l’arrivée au pouvoir du PPP en février 2008, le silence de l’agent quand à la lettre n’a pas été néfaste à sa décision. Je suis d’accord.

 

[16]           Je suis d’accord aussi avec le défendeur quand il affirme qu’il était raisonnable pour l’agent de ne pas mentionner la preuve documentaire fournie par le demandeur. L’agent a étudié en détail les changements sur le plan de la situation politique au Pakistan depuis l’arrivée du demandeur au Canada. L’un des éléments les plus importants est l’arrivée au pouvoir du PPP en février 2008. Les preuves documentaires fournies mentionnent qu’il y a eu de la violence pendant les élections, mais elles n’appuient pas l’affirmation selon laquelle le demandeur serait présentement en danger. Le seul article postérieur à février 2008 traitait de la mort d’un important chef de la sécurité, et non d’un membre ordinaire du parti.

 

[17]           Le demandeur n’a pas contesté la conclusion de l’agent concernant la protection de l’État, et ce point serait déterminant dans la présente demande même si j’avais accepté ses autres arguments, ce qui n’est pas le cas. Comme j’ai mentionné, je crois que la décision de l’agent était raisonnable. Il a pris en considération la nouvelle preuve du demandeur, et conclu qu’elle ne suffisait pas au demandeur pour s’acquitter du fardeau de la preuve quant au risque pour l’avenir. Il était loisible à l’agent de tirer cette conclusion, car il s’agissait d’une issue possible basée sur les faits et le droit.

 

[18]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Ni l’une ni l’autre partie n’a proposé la certification d’une question.

 

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

                                                                                                            « Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5588-08

 

INTITULÉ :                                       MAZHAR ELAHI c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                                                                                                                                                   

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 septembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 9 septembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Berger

 

 POUR LE DEMANDEUR

 

David Cranton

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MAX BERGER PROFESSIONAL

LAW CORPORATION

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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