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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090910

Dossier : IMM-3608-08

Référence : 2009 CF 891

Ottawa (Ontario), le 10 septembre 2009

En présence de l’honorable Louis S. Tannenbaum

 

 

ENTRE :

Dasha Susan CARUTH

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision par laquelle Jean‑Pierre Duhaime (l’agent, aussi appelé « agent de renvoi » ou « agent d’exécution ») de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a fixé la date du renvoi de la demanderesse au 24 août 2008.

 

[2]               L’autorisation a été accordée par madame la juge Hansen le 9 avril 2009.

 

Faits

[3]               La demanderesse est née le 27 juin 1975 à Kingstown, à Saint‑Vincent.  Elle est arrivée au Canada le 9 mai 2002 et a déposé une demande d’asile le 10 juillet 2003.  Sa demande était fondée sur sa crainte d’un homme qui aurait été obsédé par elle.  Elle le croyait responsable d’un incendie qui s’était déclaré chez sa sœur, où elle vivait à ce moment‑là, et qui avait causé la mort de deux des enfants de celle‑ci.

 

[4]               Le 12 mars 2003, sa demande d’asile a été refusée parce que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a conclu qu’elle n’était pas crédible.  Sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de la décision de la CISR a été rejetée le 18 juillet 2003 parce qu’elle a omis de déposer un dossier de demande.

 

[5]               Le 18 août 2003, une mesure de renvoi prise contre la demanderesse est entrée en vigueur.

 

[6]               Le 21 novembre 2006, la demanderesse ne s’est pas présentée à une réunion visant à mettre à jour son dossier d’immigration et à prendre des arrangements en vue de son renvoi.

 

[7]               Le 8 février 2007, un mandat de l’immigration a été délivré en vue de son arrestation.

 

[8]               En mai 2007, la demanderesse a appris qu’elle souffrait d’insuffisance rénale chronique au stade ultime.  Elle continue à recevoir des traitements de dialyse d’une durée de trois heures 30 minutes trois fois par semaine à l’Hôpital de Verdun.

 

[9]               La demanderesse a travaillé comme domestique dès son arrivée au Canada.  Elle n’a jamais bénéficié d’allocations sociales jusqu’à ce qu’elle tombe malade en mai 2007.

 

[10]           Lorsqu’elle a commencé ses traitements, la demanderesse a utilisé une carte de santé sous une fausse identité.  Une fois la carte expirée, l’hôpital en a exigé une nouvelle et elle a alors révélé sa véritable identité.

 

[11]           Le 20 novembre 2007, la demanderesse a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR).  Sa demande a été refusée le 4 juin 2008.

 

[12]           Le 16 juillet 2008, l’agent a eu une entrevue avec la demanderesse.  Le 30 juillet 2008, il a fixé la date de son départ au 24 août 2008.  C’est cette décision qui fait l’objet d’un examen dans le cadre de la présente demande.

 

[13]           Le 21 août 2008, madame la juge Hansen a accordé un sursis à l’exécution du renvoi de la demanderesse jusqu’au règlement de la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

[14]           La demanderesse a deux sœurs, Andrea et Laverne, des immigrantes ayant reçu le droit d’établissement qui vivent à Montréal.  La demanderesse vit avec sa sœur Andrea et les cinq enfants de celle‑ci.  Les deux enfants de la demanderesse vivent à Saint‑Vincent avec une autre de ses sœurs.  La mère de la demanderesse est décédée à Saint‑Vincent l’année dernière, et la demanderesse affirme n’avoir jamais été proche de son père qui vit à New York.

 

Dispositions législatives pertinentes

[15]           Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

48. (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

(2) L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit immédiatement quitter le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

 

48. (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

 

(2) If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

 

Décision faisant l’objet du présent contrôle

[16]           Le 30 juillet 2008, l’agent a fixé la date du renvoi de la demanderesse au 24 août 2008.

 

[17]           Les motifs de l’agent se composent des notes qu’il a prises lors de son entrevue avec la demanderesse.  Les notes mentionnent ceci :

1.                  La personne concernée s’est présentée seule à son entrevue.  Résultat communiqué.

2.                  Une date de départ du Canada a également été fixée.

3.                  Elle maintient avoir des problèmes de santé.

4.                  J’ai envoyé le rapport du médecin traitant à notre médecin à Ottawa.

5.                  Nouvelle date de réunion communiquée à la personne concernée.

6.                  Réponse du médecin au dossier. Traitement à la Barbade ou en Jamaïque.

7.                  J’ai communiqué une date de départ à la personne concernée.

 

[18]           Dans son affidavit, Dr Walter Waddell, le médecin agréé par le Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration qui a examiné le dossier de la demanderesse, confirme que le traitement par dialyse n’existe pas à Saint‑Vincent, mais que la demanderesse pourrait se faire traiter à la Barbade ou en Jamaïque où des soins tant publics que privés sont disponibles.

 

Questions en litige

[19]           La demanderesse n’énumère pas expressément les questions en litige, mais elle présente des arguments sous les rubriques suivantes :

-     état de santé et traitement requis;

-     établissement et droit à la protection de la famille;

-     risque de persécution et absence de protection de l’État;

-     obligations du Canada en matière de droits de l’homme.

 

[20]           Le défendeur formule la question en litige de la façon suivante :

-     L’agent a‑t‑il omis d’exercer son pouvoir discrétionnaire, fait abstraction d’éléments de preuve pertinents ou par ailleurs agi de manière contraire à la loi?

 

[21]           Je reformule ainsi les questions en litige :

1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.         La décision de l’agent était‑elle déraisonnable?

 

Position de la demanderesse

[22]           La demanderesse souligne que la dialyse n’existe pas à Saint‑Vincent et que le Dr Marc Ghannoum, chef du service de néphrologie de l’Hôpital de Verdun, déclare qu’elle n’aurait que deux semaines à vivre sans dialyse.

 

[23]           La demanderesse affirme qu’il ressort clairement de la décision de l’agent qu’il n’a pas tenu compte du fait qu’une mort certaine l’attend à son retour à Saint‑Vincent.  Elle attire l’attention sur ce qui est censé constituer une affaire semblable, à savoir l’affaire Blair c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 800, au paragraphe 20.  La demanderesse soutient que l’agent n’a pas pris en considération le préjudice irréparable qu’elle risquerait de subir si elle retournait à Saint‑Vincent.

 

[24]           Dans ses observations en réponse, la demanderesse déclare qu’elle est incapable de se rendre à la Barbade ou en Jamaïque et qu’elle ne peut recevoir de soins médicaux dans ces deux pays sans payer pour ces soins.  Alors que les traitements transfrontaliers au Canada sont payés par le régime d’assurance‑maladie, à Saint‑Vincent, il est impossible que les soins médicaux que la demanderesse recevrait en Jamaïque ou à la Barbade soient payés.

 

[25]           La demanderesse cite l’arrêt D. c. Royaume-Uni, daté du 21 avril 1997, dans lequel la Cour européenne des droits de l’homme a statué que l’expulsion vers Saint‑Kitts d’un homme porteur du VIH/SIDA emporterait violation de l’article 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture. De la même façon, la demanderesse prétend que son renvoi à Saint‑Vincent, jumelé au fait qu’elle ne pourrait recevoir de soins médicaux appropriés, et en mourrait certainement, constitue un traitement inhumain, et donc une violation de la Convention contre la torture.

 

[26]           La demanderesse invoque également une décision du juge MacKay dans laquelle il a accordé un sursis à l’expulsion d’un citoyen des Philippines qui était sous dialyse : Adviento c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 543, [2002] A.C.F. no 717.

 

[27]           Puisqu’elle a obtenu un sursis de la part de la juge Hansen le 21 août 2008, la demanderesse croit qu’elle devrait être autorisée à rester au Canada de façon permanente.

 

Établissement et droit à la protection de la famille

[28]           La demanderesse soutient qu’en rendant sa décision, l’agent n’a pas pris en considération son degré élevé d’établissement à Montréal, pas plus qu’il n’a tenu compte du principe de la protection de la famille.

 

[29]           La demanderesse vit à Montréal depuis six ans et a travaillé comme domestique depuis son arrivée au Canada.  Elle n’a commencé à recevoir des allocations sociales que lorsqu’elle est tombée malade en mai 2007.  Elle vit avec sa sœur Andrea et ses cinq neveux et nièces.  Elle est comme une deuxième mère pour ces enfants.

 

[30]           La demanderesse affirme que le droit à une vie familiale constitue un droit fondamental tant en droit canadien qu’en droit international : alinéa 3(1)d) de la LIPR; articles 23 et 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies; et article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

 

Risque de persécution et absence de protection de l’État

[31]           La demanderesse dit craindre Mikey Dirotee, un obsédé qui la suivait et la menaçait à Saint‑Vincent.  Elle affirme avoir porté plainte plusieurs fois à la police au sujet du harcèlement de M. Dirotee, mais que rien n’a jamais été fait.  Il n’existerait aucune protection à Saint‑Vincent pour les victimes de violence conjugale.  Sur ce point, la demanderesse cite le Country Report for St. Vincent and the Grenadines du Département d’État des É.‑U. (2007), le Rapport 2005 de Freedom House et l’arrêt Codogan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 739.

 

[32]           La demanderesse prétend qu’il n’y a aucune possibilité de refuge intérieur pour les femmes à Saint‑Vincent et cite des extraits des directives du HCNUR sur la protection de l’État, la situation personnelle et le traumatisme psychologique.  Elle soutient que conclure à l’existence d’une protection de l’État sur la foi d’une preuve aussi mince est déraisonnable et constitue une erreur de droit manifeste.

 

Obligations du Canada en matière de droits de l’homme

[33]           La demanderesse fait valoir que la décision viole :

-     les articles 7 et 12 de la Charte;

-     l’article 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984);

-     le droit du réfugié de ne pas être renvoyé dans un territoire où sa vie ou sa liberté seraient menacées en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques, comme le prévoit la Convention relative au statut des réfugiés;

-     le droit à une procédure simple et brève permettant aux tribunaux de protéger le demandeur contre les actes d’autorité qui, à son détriment, violent des droits constitutionnels fondamentaux, comme l’exige l’article 18 de la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme;

-     le droit de n’être expulsé qu’en vertu d’une décision rendue conformément au droit, comme le prévoit l’article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

 

Pour ces motifs, la demanderesse soutient que la décision de l’agent devrait être annulée et l’affaire renvoyée pour nouvel examen.

 

Position du défendeur

[34]           Le défendeur affirme qu’il est bien établi en droit que les agents d’exécution ont un pouvoir discrétionnaire très limité.  Ce pouvoir discrétionnaire ne permet le report du renvoi qu’en présence de circonstances impérieuses, et il n’appartient pas à l’agent d’effectuer un examen CH complet : Griffiths c. Canada (Solliciteur général), 2006 CF 127, aux paragraphes 26 et 28.  Si les agents ont le pouvoir discrétionnaire de fixer de nouvelles dates de renvoi, ils ne sont pas censés reporter les renvois à des dates indéterminées.  La portée du pouvoir discrétionnaire de l’agent ne saurait changer en fonction du type de demande qui a été faite : Baron c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CAF 81, aux paragraphes 80 et 81.

 

[35]           En réponse au fait que la demanderesse se fonde sur l’arrêt Adviento, le défendeur rappelle que l’affaire a ensuite été rejetée à l’étape du contrôle judiciaire.  Au paragraphe 37 de la décision, on dit ceci au sujet de la portée du pouvoir discrétionnaire de l’agent : « Il serait contraire aux buts et objectifs de la Loi d’étendre, au moyen d’une déclaration judiciaire, le pouvoir discrétionnaire restreint que possède l’agent chargé du renvoi, de façon à exiger un « mini » examen des raisons d’ordre humanitaire avant le renvoi ».

 

[36]           Le défendeur signale que l’agent a fait preuve de diligence et a sollicité l’avis d’un médecin agréé, le Dr Waddell, qui possède l’expertise nécessaire pour évaluer les problèmes de santé de la demanderesse et qui s’y connaît en maladies rénales.  Le Dr Waddell a reconnu la gravité des problèmes de santé de la demanderesse mais a confirmé que le traitement dont elle a besoin est disponible et accessible à la Barbade ou en Jamaïque dans le cadre d’un régime de soins de santé public ou privé.  L’agent aurait manifestement refusé de reporter le renvoi parce que le traitement existait à la Barbade ou en Jamaïque.

 

[37]           Selon le défendeur, l’existence d’un traitement transfrontalier n’équivaut pas à une absence de traitement.

 

[38]           Le défendeur soutient que le fait de tolérer indéfiniment la présence d’un étranger sans statut au Canada outrepasse le pouvoir discrétionnaire de l’agent : Mekarbèche c. M.C.I., 2007 CF 566, au paragraphe 40.

 

Les allégations de risques d’abus ne sont pas pertinentes

[39]           Quant aux allégations de violence conjugale, le défendeur fait observer que la SPR a exprimé de sérieux doutes au sujet de la crédibilité de la demanderesse à cet égard.  Cette dernière ne peut aujourd’hui s’appuyer sur des allégations auxquelles on n’a pas ajouté foi.

 

[40]           En outre, à l’étape de l’ERAR, la demanderesse s’est fondée exclusivement sur ses problèmes de santé et n’a soulevé l’existence d’aucun autre risque.  La décision défavorable prise par l’agent d’ERAR, laquelle n’a pas été contestée par la demanderesse, est maintenant définitive.

 

Les allégations d’établissement ne sont pas pertinentes

[41]           Le défendeur affirme qu’il est difficile de comprendre pourquoi la demanderesse n’a pas présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations humanitaires.  Au lieu de cela, elle a utilisé la carte de santé de quelqu’un d’autre et s’est adressée aux autorités de l’immigration une fois la carte expirée.

 

[42]           De plus, le défendeur fait observer que la demanderesse a choisi de son propre chef de rester au Canada après que sa demande d’asile eut été refusée en mars 2003 et que l’ordonnance de renvoi fut entrée en vigueur le 18 août 2003.  Il ne s’agit manifestement pas d’un cas où la prolongation du séjour au Canada ne dépendait pas de la volonté de la demanderesse.

 

[43]           En outre, la demanderesse a de la famille à Saint‑Vincent, dont une sœur et ses deux enfants nés en 1994 et 1999.

 

[44]           Le défendeur prétend que les allégations de la demanderesse reviennent à blâmer l’agent de ne pas avoir effectué un examen CH et un examen des risques alors que ces examens échappent à sa compétence.  Selon lui, la décision de l’agent était fondée sur les faits et n’était pas déraisonnable.

 

Analyse

Quelle est la norme de contrôle applicable?

[45]           S’exprimant au nom de la majorité de la Cour d’appel fédérale, le juge Nadon a récemment affirmé ne pas savoir comment on pouvait contester que la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent d’exécution de refuser de reporter le renvoi du Canada d’un demandeur soit celle de la décision raisonnable.  Voir Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81; (2009), 387 N.R. 278, au paragraphe 25.

 

La décision de l’agent était‑elle raisonnable?

[46]           Le défendeur a raison de dire que le pouvoir discrétionnaire de l’agent est limité.  Dans l’arrêt Baron, le juge Nadon a affirmé, avec le concours du juge Desjardins, qu’il [traduction] « est bien établi en droit que le pouvoir discrétionnaire de l’agent d’exécution de reporter un renvoi est limité » (voir au paragraphe 49).  Le juge Nadon a cité ses propres motifs tirés de l’arrêt Simoes c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 936, au paragraphe 12 (1re inst.), où il a affirmé ceci :

À mon avis, le pouvoir discrétionnaire que l’agent chargé du renvoi peut exercer est fort restreint et, de toute façon, il porte uniquement sur le moment où une mesure de renvoi doit être exécutée.  En décidant du moment où il est « raisonnablement possible » d’exécuter une mesure de renvoi, l’agent chargé du renvoi peut tenir compte de divers facteurs comme la maladie, d’autres raisons à l’encontre du voyage et les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire qui ont été présentées en temps opportun et qui n’ont pas encore été réglées à cause de l’arriéré auquel le système fait face.

 

[47]           Quant à l’état de santé de la demanderesse, il ressort clairement de la preuve qu’il est grave et nécessite des traitements réguliers de dialyse.  L’agent a avec raison demandé l’avis d’un médecin agréé.  L’élément de preuve qu’a reçu le médecin agréé, le Dr Waddell, indiquait que la demanderesse pourrait se faire traiter à la Barbade ou en Jamaïque.

 

[48]           Il faut souligner que la demanderesse est une citoyenne de Saint‑Vincent.  Elle est expulsée vers Saint‑Vincent.  Alors que l’agent a soumis le problème médical de la demanderesse au Dr Waddell de C.I.C. pour obtenir une confirmation de l’avis du médecin de celle‑ci à Montréal, il semble que le Dr Waddell, après avoir confirmé les opinions du médecin de la demanderesse concernant sa maladie, soit allé au‑delà de la demande pour informer l’agent que le traitement, s’il n’existait pas à Saint‑Vincent, pourrait être obtenu à la Barbade ou en Jamaïque.

 

[49]           Bien qu’il puisse être vrai qu’un tel traitement est disponible à la Barbade ou en Jamaïque, le fait est qu’elle est expulsée vers Saint‑Vincent, et non vers la Barbade ou la Jamaïque.  En outre, rien dans le dossier ne permet d’établir que la demanderesse a des liens avec la Barbade ou la Jamaïque.

 

[50]           Comme l’avocat de la demanderesse l’a fait valoir devant le soussigné, le traitement dont la demanderesse a besoin pour échapper à une mort certaine à très brève échéance est aussi disponible en France et au Japon, voire même aux États‑Unis.  Mais cela n’a aucune importance puisqu’elle est expulsée vers Saint‑Vincent, et non vers la Barbade, la Jamaïque, la France, le Japon ou les États‑Unis.

 

[51]           Je pense que la décision de l’agent de ne pas reporter le renvoi sans avoir obtenu l’assurance que les autorités de la Barbade étaient prêtes à recevoir la demanderesse pour lui administrer les traitements requis trois fois par semaine était déraisonnable.  Rien dans l’affidavit du Dr Waddell n’indique qu’il a pris contact avec les autorités médicales de la Barbade pour s’assurer qu’elle serait acceptée, ni pour vérifier comment les traitements seraient payés.

 

[52]           Il y a également la question du transport à destination et en provenance de la Barbade trois fois par semaine.  Comment la demanderesse qui, selon la preuve, est maintenant sans emploi, s’arrangera‑t‑elle?

 

[53]           S’il est vrai que l’agent ne pouvait reporter indéfiniment le renvoi, il aurait pu fixer une autre date pour permettre que les questions susmentionnées soient réglées avant l’expulsion de la demanderesse.

 

[54]           Pour les motifs qui précèdent, je suis disposé à accueillir la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la décision de l’agent de renvoi Jean-Pierre Duhaime, datée du 30 juillet 2008, soit annulée et infirmée à toutes fins que de droit.  L’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.  Dans le cadre de ce nouvel examen, l’agent devra tenir compte des questions mentionnées aux paragraphes 51 et 52 des présents motifs.  Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Louis S. Tannenbaum »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B.


ARRÊTS ET OUVRAGES CONSULTÉS PAR LA COUR

 

1.      Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680, 7 Imm. L.R. (2d) 169 (C.A.)

 

2.      Blair c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 800

 

3.      D. c. Royaume-Uni, Cour européenne des droits de l’homme, 146/1996/767/964, 21 avril 1997

 

4.      Adviento c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 543, [2002] A.C.F. no 717

 

5.      Country Report for Saint Vincent and the Grenadines, Département d’État des É.‑U., 2007

 

6.      Doreitha Codogan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 739

 

7.      Simoes c. M.C.I., [2000] A.C.F. no 936, par. 12 (CF) (QL)

 

8.      Williams c. M.C.I., [2002] A.C.F. no 1133, par. 21 (QL), 2002 CFPI 853

 

9.      Prasad c. M.C.I., [2003] A.C.F. no 805, par. 32 (QL), 2003 CFPI 614

 

10.  Adviento c. M.C.I., [2003] A.C.F. no 1837, par. 45 (QL), 2003 CF 1430

 

11.  Griffith c. Canada (Solliciteur général), [2006] A.C.F. no 182, par. 26 (QL), 2006 CF 127

 

12.  Uthayakumar c. M.S.P.P.C., [2007] A.C.F. no 1318, par. 12 à 14 (QL), 2007 CF 998

 

13.  Gyan c. M.S.P.P.C., [2007] A.C.F. no 1023, par. 10 à 12 (QL), 2007 CF 771

 

14.  Griffiths c. Canada (Solliciteur général), 2006 CF 127, par. 26 et 28

 

15.  Mekarbèche c. M.C.I., 2007 CF 566, par. 40

 

16.  Bains c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1990), 109 N.R. 239, par. 2‑3 (C.A.F.)

 

17.  Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Golebiewski, [1992] A.C.F. no 270, par. 3 (C.A.) (QL)

 

18.  Krishnapillai c. Canada, [2002] 3 C.F. 74, 2001 CAF 378, par. 10

 

19.  Baron c. Canada (Sécurité publique et Protection civile). 2009 CAF 81, par. 80 à 81, 387 N.R. 278, par. 25

 

20.  Wang c. M.C.I., 2001 CFPI 148, par. 31, 32 et 45

 

21.  Huerto c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 172

 

22.  Jimenez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 8997 (C.F.)

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3608-08

 

INTITULÉ :                                       Dasha Susan CARUTH c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION et

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 juillet 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE TANNENBAUM (J.S.)

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 10 septembre 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stewart Istvanffy

 

POUR LA DEMANDERESSE

Patricia Nobl

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stewart Istvanffy

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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