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Cour fédérale

Federal Court

 

 

Date : 20090508

 

Dossier : T-2481-03

 

Référence : 2009 CF 481

TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE

 

ENTRE :

PREMIÈRE NATION DE LAC SEUL,

représentée par le chef et le conseil

 

 

demanderesse

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA

 

 

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE.

 

[1]               La Cour est saisie d’une action intentée par la demanderesse, la Première Nation de Lac Seul (la PNLS ou la bande), représentée par son chef et son conseil, contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada (le Canada).

 

[2]               Dans sa déclaration, la demanderesse demande à la Cour de condamner la défenderesse :

            a)         à lui verser des dommages-intérêts généraux et majorés, dont la nature et l’étendue ne sont pas encore établies avec certitude, mais qui totalisent dans tous les cas plus de 50 000 $ et dont les détails seront communiqués avant le procès, découlant du manquement à des obligations fiduciales, du manquement à des obligations découlant de traités et de la loi, et de la responsabilité accessoire aux manquements suivants à des obligations fiduciales :

                        (i)         le défaut de la défenderesse de percevoir la part de la demanderesse du prix qui a été payé, ou qui aurait dû être payé, en vertu de la loi, des règlements, de la cession par la demanderesse et de permis délivrés à des tiers pour la récolte de bois dans la réserve indienne no 28 de Lac Seul;

                        (ii)        le défaut de la défenderesse de protéger et gérer les ressources forestières dans la réserve indienne no 28 de Lac Seul d’une manière raisonnablement prudente, pour le compte et au profit de la demanderesse;

                        (iii)       la perte d’occasions de développement économique découlant du fait que la demanderesse n’a pas eu accès aux capitaux auxquels elle aurait eu accès n’eût été la négligence de la défenderesse ou son manquement à des obligations fiduciales ou légales envers la demanderesse;

            b)         des dommages-intérêts spéciaux, dont la nature et l’étendue n’ont pas encore été déterminées avec certitude, mais qui totalisent plus de 50 000 $ et dont les détails seront communiqués avant le procès;

            c)         des dommages-intérêts punitifs totalisant plus de 40 000 $, dont les détails seront communiqués avant le procès;

            d)         des intérêts avant et après jugement, composés annuellement au taux que la demanderesse aurait obtenu au moyen d’investissements de capitaux qu’elle aurait dû obtenir, n’eût été les manquements de la défenderesse, exposés aux présentes, ou, subsidiairement, des intérêts avant et après jugement en vertu de la loi;

            e)         les dépens dans la présente action sur une base d’indemnité substantielle;

            f)         toute autre réparation que la Cour estime juste.

 

[3]               La Première nation de Lac Seul est une bande indienne au sens de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I-5, située dans le nord-ouest de l’Ontario, qui compte environ 2500 membres. David Gordon est le chef dûment élu de la Première nation de Lac Seul, et il est un « Indien » au sens de la Loi sur les Indiens, tout comme le sont les conseillers et les membres de la Première Nation demanderesse.

 

[4]               La demanderesse intente la présente action contre la Couronne du chef du Canada au nom de Sa Majesté la Reine. À toutes les dates pertinentes, le ministère des Affaires indiennes ou la Division des Affaires indiennes (les Affaires indiennes), selon la manière dont il était désigné, a représenté la défenderesse et agi pour son compte.

 

[5]               Le 9 juin 1874, les chefs et conseillers ont signé une adhésion au Traité no 3 au lac Seul. L’adhésion incorporait par renvoi les dispositions du Traité no 3 qui prévoyaient qu’une réserve devait être mise de côté pour la Première Nation de Lac Seul. La réserve indienne n28 de Lac Seul créée conformément à ces dispositions est une réserve au sens de la Loi sur les Indiens, précitée.

 

[6]               Le bois marchand dans la réserve a été cédé à la Couronne en vertu d’un acte de cession daté du 2 juillet 1919. La cession a été approuvée par le décret C.P. 1666 daté du 9 août 1919.

 

[7]               La bande a cédé le bois dans la réserve à la Couronne, étant entendu que la Couronne devait vendre ce bois [TRADUCTION] « [s]elon les conditions que le gouvernement du Canada peut juger les plus appropriées pour assurer notre bien-être et celui de notre peuple ».

 

[8]               Après que le terrain forestier exploitable de la réserve eut été cédé à la Couronne, Henry J. Bury, un fonctionnaire du ministère maintenant connu sous le nom de ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (le MAINC ou le ministère), a fait un inventaire sur les terres de la réserve en 1919.

 

[9]               Au terme de son inventaire, M. Bury a conclu que la partie nord de la réserve était trop reculée pour que son exploitation forestière soit intéressante du point de vue économique à cette époque. Il recommandait que la réserve soit divisée en deux concessions forestières, une concession nord et une concession sud. Il recommandait également que la concession sud soit vendue en premier.

 

[10]           Lorsqu’un permis a été délivré pour la coupe de bois situé dans les terres cédées, les titulaires de permis ont été tenus de payer différents montants et frais, conformément au Règlement sur le bois de construction des Indiens (RBCI) en vigueur à l’époque.

 

[11]           Avant qu’une concession forestière fasse l’objet d’un appel d’offres, la concession doit faire l’objet d’un inventaire, et sa valeur et ses limites doivent être établies. L’évaluation était utilisée pour fixer un prix de départ dans le cadre du processus d’appel d’offres. De manière générale, ce montant représentait la valeur minimale du bois (en plus des droits de coupe qui étaient payés à mesure que le bois était coupé). Le prix offert devait être supérieur au prix de départ.

 

[12]           Les titulaires de permis étaient également tenus de payer un loyer foncier établi en fonction de la superficie de la concession forestière. En 1888, le taux était de 3 $ le mille carré, et il a été augmenté à 5 $ le mille carré en 1923.

 

[13]           En 1920, la Keewatin Lumber Company (Keewatin) a décroché un contrat pour l’enlèvement du bois marchand de la partie (concession) sud de la réserve. Le prix de l’offre était de 26 000 $. Le loyer foncier exigé était de 3 $ le mille carré. Comme je l’ai indiqué précédemment, le loyer foncier a été majoré à 5 $ le mille carré en 1923. Le loyer foncier de Keewatin est demeuré à 3 $ le mille carré jusqu’à ce qu’elle termine ses activités en 1949.

 

[14]           La durée de validité du permis de Keewatin a été prolongée de dix ans en juin 1923 pour la période de 1924 à 1934. Elle a de nouveau été prolongée d’encore cinq ans en 1933 pour la période de 1934 à 1939, puis de dix ans pour la période de 1939 à 1949.

 

[15]           En 1926, un permis pour la partie (concession) nord a été délivré à Charles W. Cox, au prix offert de 26 000 $ plus un loyer foncier de 5 $ le mille carré.

 

[16]           La durée de validité du permis délivré à M. Cox a été prolongée de dix ans pour la période de 1937 à 1947. Un nouveau permis a été délivré pour la période de 1947 à 1952.

 

Questions en litige

 

[17]           Voici les questions en litige :

1.                  La défenderesse a-t-elle une obligation fiduciale envers la demanderesse relativement à la gestion des terres ou ressources forestières cédées de la bande?

2.                  Les actes ou omissions des fonctionnaires du ministère constituent-ils des manquements à une obligation fiduciale envers la bande relativement aux ressources forestières pour ce qui concerne les questions suivantes :

                        a)         La vente du bois brûlé à la suite de l’incendie de 1907.

b)         Le Canada a-t-il ignoré les conditions auxquelles la PNLS avait cédé le bois?

                                    (i)         en ignorant le désir d’emploi de la PNLS?

3.         Le Canada a-t-il omis d’obtenir un prix convenable pour la concession forestière de la PNLS?

a)         Évaluation erronée de la concession forestière et défaut de corriger le problème.

                        b)         Défaut de percevoir un loyer foncier adéquat.

                        c)         Défaut de percevoir des prix adéquats.

4.         Le Canada a-t-il omis de lancer de nouveaux appels d’offres relativement au bois?

                        a)         Les prolongations de la durée de validité du permis de Keewatin.

                        b)         Les prolongations de la durée de validité du permis du permis de M. Cox.

5.         Le Canada a-t-il contrevenu au Règlement sur le bois de construction des Indiens (le RBCI ou le Règlement)?

                        a)         Contraventions à l’article 18 du RBCI de 1888.

                        b)         Contraventions à l’article 12 du RBCI de 1888.

                        c)         Contraventions à l’article 22 du RBCI de 1923.

                        d)         Contraventions aux articles 10 et 23 du RBCI de 1923.

                        e)         Contraventions aux articles 7 et 8 du RBCI de 1923.

            6.         Le Canada a-t-il omis de gérer prudemment les titulaires de permis?

            7.         Le Canada a-t-il omis d’imposer des droits de coupe appropriés?

a)         Le Canada maintient les droits de coupe peu élevés pour M. Cox et Keewatin.

                        b)         Comparaison avec les droits de coupe de l’Ontario.

                        c)         Exemption des droits d’exportation.

                        d)         Le Canada a omis de corriger une erreur dans l’intérêt de la bénéficiaire.

 

[18]           Première question

            Droit général relatif aux obligations fiduciales à la charge de la Couronne

            La jurisprudence établit clairement que la Couronne peut être tenue à des dommages-intérêts envers les peuples autochtones pour avoir manqué à ses obligations fiduciales envers ceux-ci (voir Guerin c La Reine, [1984] 2 RCS 335).

 

[19]           Dans l’arrêt Bande indienne Wewaykum c Canada, [2002] 4 RCS 245, au paragraphe 85, la Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit :

Je ne prétends pas que l’existence d’une obligation de droit public exclut nécessairement la création de rapports fiduciaires. Toutefois, pour que naissent de tels rapports, il faut qu’il existe un droit indien identifiable et que la Couronne exerce, à l’égard de ce droit, des pouvoirs discrétionnaires d’une manière entraînant une responsabilité « de la nature d’une obligation de droit privé », comme nous le verrons plus loin.

 

 

La Cour suprême a également affirmé, au paragraphe 81 :

 L’« obligation de fiduciaire » est toutefois assortie de limites. Les appelantes semblent parfois invoquer cette obligation comme si elle imposait à la Couronne une responsabilité totale à l’égard de tous les aspects des rapports entre la Couronne et les bandes indiennes. C’est aller trop loin. L’obligation de fiduciaire incombant à la Couronne n’a pas un caractère général, mais existe plutôt à l’égard de droits particuliers des Indiens.

 

 

Et, au paragraphe 83 :

[...] mais il convient selon moi que la Cour confirme le principe, mentionné plus tôt, selon lequel les obligations liant des parties ayant des rapports fiduciaires n’ont pas toutes un caractère fiduciaire (Lac Minerals, précité, p. 597), et que ce principe s’applique aux rapports entre la Couronne et les peuples autochtones. Par conséquent, il est nécessaire de s’attacher à l’obligation ou droit particulier qui est l’objet du différend et de se demander si la Couronne exerçait ou non à cet égard un pouvoir discrétionnaire suffisant pour faire naître une obligation de fiduciaire.

 

 

La Cour doit examiner les droits particuliers en cause dans chaque affaire afin de décider s’il existe une obligation fiduciale.

 

[20]           En l’espèce, la question à trancher concerne du bois sur des terres de réserve qui ont été cédées à la Couronne. Il s’agit d’un droit protégé par le droit des fiducies. La Cour suprême a affirmé ce qui suit, aux paragraphes 84 et 85 de l’arrêt Guerin, précité :

Le rapport fiduciaire entre Sa Majesté et les Indiens découle du concept du titre aborigène, autochtone ou indien. Cependant, le fait que les bandes indiennes possèdent un certain droit sur des terres n'engendre pas en soi un rapport fiduciaire entre les Indiens et Sa Majesté. Pour conclure que Sa Majesté est fiduciaire, il faut aussi que le droit des Indiens sur les terres soit inaliénable, sauf dans le cas d'une cession à Sa Majesté.

 

Il est interdit à une bande indienne de céder son droit directement à un tiers. La vente ou la location de terres ne peut avoir lieu qu'à la suite d'une cession et c'est alors Sa Majesté qui agit au nom de la bande. C'est dans la Proclamation royale de 1763 que Sa Majesté a pour la première fois endossé cette responsabilité qui lui est encore reconnue dans les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives aux cessions. L'exigence d'une cession et la responsabilité qui en découle ont pour effet d'imposer à Sa Majesté une obligation de fiduciaire distincte envers les Indiens. [...]

 

[21]           Il est bien établi en droit qu’un manquement aux obligations fiduciales de Sa Majesté peut donner ouverture à des dommages-intérêts. Dans l’arrêt Guerin, précité, au paragraphe 102, la Cour a affirmé ce qui suit :

Je ne me prononce pas sur la question de savoir si cette description est de portée assez large pour comprendre toutes les obligations de fiduciaire. J'estime toutefois que, lorsqu'une loi, un contrat ou peut-être un engagement unilatéral impose à une partie l'obligation d'agir au profit d'une autre partie et que cette obligation est assortie d'un pouvoir discrétionnaire, la personne investie de ce pouvoir devient un fiduciaire. L'equity vient alors exercer un contrôle sur ce rapport en imposant à la personne en question l'obligation de satisfaire aux normes strictes de conduite auxquelles le fiduciaire est tenu de se conformer.

 

 

[22]           Lorsque les terres ou les ressources d’une bande sont cédées à la Couronne en des termes propres aux fiducies, des rapports semblables à ceux créés par une fiducie sont créés. Dans l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry c Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] 4 RCS 344 (Bande indienne de la rivière Blueberry), la Cour suprême a affirmé ce qui suit au sujet des rapports aux paragraphes 12 et 13 :

12.     Même si la thèse de l'« annulation suivie d'une nouvelle cession » proposée par le juge Stone est une interprétation plausible de l'accord de 1945, je crois que la meilleure façon de décrire la nature véritable des opérations de 1945 est de les qualifier de modifications d'une fiducie visant des terres indiennes. En effet, en 1940, la bande a transféré à la Couronne, en fiducie, les droits miniers afférents à la R.I. 172, exigeant de cette dernière qu'elle les loue au profit de la bande. L'accord de 1945 visait également une fiducie, dans laquelle la bande cédait à la Couronne tous les droits qu'elle détenait sur la R.I. 172 à des fins de vente ou de location. L'accord de 1945 subsumait celui de 1940, et il en élargissait la portée à deux points de vue : premièrement, alors que la cession de 1940 ne visait que les droits miniers, celle de 1945 englobait tous les droits afférents à la R.I. 172, y compris les droits miniers et les droits de superficie; deuxièmement, tandis que la cession de 1940 constituait une fiducie [TRADUCTION] « aux fins de [. . .] location », celle de 1945 conférait à la Couronne, en qualité de fiduciaire, le pouvoir discrétionnaire « de vendre ou de louer » les terres visées. Cette double modification de l'acte de fiducie de 1940 conférait à la Couronne un pouvoir beaucoup plus grand d'agir à titre de fiduciaire pour le compte de la bande. Certes, compte tenu des conditions de la fiducie et du rôle de fiduciaire qu'assumait la Couronne lorsqu'elle effectuait des opérations, le MAI était tenu d'exercer ses pouvoirs élargis dans l'intérêt de la bande.

 

13.     Je tiens à ajouter qu'il ne faut pas interpréter mes motifs comme ayant pour effet d'assimiler les fiducies visant des terres indiennes aux fiducies en common law. Je suis bien conscient que cette question n'a pas été tranchée dans Guerin c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 335, et je ne désire pas le faire en l'espèce. Cependant, notre Cour a, dans cet arrêt, reconnu que des obligations et principes « semblable[s] à [ceux d']une fiducie » étaient pertinents dans le cadre de l'analyse d'une cession visant des terres indiennes. Dans le présent cas, tant la cession de 1940 que celle de 1945 étaient conçues comme des fiducies, et les parties avaient en conséquence l'intention de créer des rapports semblables à ceux créés par une fiducie. En conséquence, à défaut d'un meilleur qualificatif, j'estime approprié d'appeler ces cessions des fiducies visant des terres indiennes.

 

[23]           Les obligations de la Couronne découlant de rapports d’ordre fiducial ont été décrites comme suit au paragraphe 86 de l’arrêt Wewaykum, précité :

[...]

2.         Avant de créer une réserve, la Couronne accomplit une fonction de droit public prévue par la Loi sur les Indiens, laquelle fonction est assujettie au pouvoir de supervision des tribunaux compétents pour connaître des recours de droit public. Des rapports fiduciaires peuvent également naître à cette étape, mais l’obligation de la Couronne à cet égard se limite aux devoirs élémentaires de loyauté, de bonne foi dans l’exécution de son mandat, de communication complète de l’information, eu égard aux circonstances, et d’exercice de la prudence ordinaire dans l’intérêt des bénéficiaires autochtones de l’obligation.

 

3.         Après la création de la réserve, la portée de l’obligation de fiduciaire de la Couronne s’élargit et vise la préservation de l’intérêt quasi propriétal de la bande dans la réserve et la protection de la bande contre l’exploitation à cet égard.

 

[...]

 

 

Par ailleurs, au paragraphe 116 de l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry, précité, la Cour a affirmé ce qui suit :

L'obligation du MAI était celle qui incombe habituellement à un fiduciaire, c'est‑à‑dire l'obligation de faire montre de diligence raisonnable à l'égard du droit en cause des Indiens. [...]

 

 

[24]           Dans ses observations écrites, la demanderesse a affirmé ce qui suit, au paragraphe 18 :

[TRADUCTION]

Par conséquent, selon l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry, lorsque des terres de réserve sont cédées en fiducie à des fins privées, à titre de fiduciale, la Couronne doit :

 

a.       garder à l’esprit son rôle de fiduciaire et agir uniquement dans l’intérêt du bénéficiaire;

 

b.      exercer tous droits et pouvoirs élargis pour le compte du bénéficiaire;

 

c.  faire preuve d’une loyauté absolue envers le bénéficiaire;

 

d.  intervenir entre le bénéficiaire et des tiers qui souhaitent conclure des accords abusifs;

 

e.  agir « avec le soin et la diligence qu’un bon père de famille apporte à l’administration de ses propres affaires »;

 

f.  corriger une erreur dans l’intérêt du bénéficiaire.

 

Après avoir examiné l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry, précité, je modifierais légèrement les points a et c de manière à ce qu’ils se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

a.  garder à l’esprit son rôle de fiduciaire et agir dans l’intérêt du bénéficiaire;

 

c.  Exercer le pouvoir avec loyauté et diligence;

 

Pour le reste, je souscris à l’énoncé de la demanderesse.

 

[25]           En bref, je suis d’avis que la défenderesse avait effectivement une obligation fiduciale envers la demanderesse.

 

[26]           Deuxième question

            Les actes ou omissions des fonctionnaires du ministère constituent-ils un manquement à une obligation fiduciale envers la bande relativement aux ressources forestières pour ce qui concerne les questions suivantes :

                        a)         La vente du bois brûlé à la suite de l’incendie de 1907.

            Il y a eu un incendie dans la réserve en 1907 qui a détruit du bois. Cela s’est produit avant la cession par la bande à la Couronne. La Couronne s’est appuyée sur l’article 48 de la Loi sur les Indiens, LRC 1906, c 81, lequel dispose :

Sauf les restrictions prévues par la présente Partie, nulle réserve ou portion de réserve ne peut être vendue, aliénée ou affermée, avant d'avoir été cédée ou abandonnée à la Couronne pour les objets prévus en la présente Partie; mais le surintendant général peut donner à bail, au profit de tout sauvage, sur sa demande, le terrain auquel celui-ci a droit, sans formalité préalable de cession ou d'abandon, et il peut sans qu'il y ait eu abandon, disposer de la manière la plus avantageuse possible pour les sauvages, des graminées sauvages et du bois mort ou abattu par le vent.

 

Cet article de la Loi conférait au Canada un contrôle discrétionnaire sur l’aliénation du bois brûlé. Aucune renonciation ou cession de la part de la bande n’était nécessaire.

 

[27]           En conséquence, le Canada a attribué un marché à Eastern Consruction en décembre 1907 pour la récolte du bois brûlé. Le marché était notamment assujetti aux conditions suivantes :

a.  le bois devait être enlevé dans un délai de deux ans;

 

b.  un dépôt de garantie de 500 $ devait être versé, et ce dépôt serait confisqué si le titulaire du permis ne respectait pas les conditions du marché;

 

c.  des [TRADUCTION] « déclarations assermentées du nombre de traverses et de poteaux enlevés seront requises, ainsi qu’en ce qui a trait aux nombres et aux dimensions des billots de pin rouge, et les prix convenus à cet égard seront payés avant que le bois soit retiré de la réserve ».

(Tiré du paragraphe 40 des observations écrites de la demanderesse.)

 

[28]           L’inspecteur de la défenderesse a estimé que 56 000 traverses pourraient être récupérées et que 407 d’entre elles seraient des traverses « numéro 1 ». En fin de compte, la société a déclaré qu’elle avait récolté 12 132 traverses et 1000 « rebuts » (traverses de qualité inférieure). La société avait obtenu le marché en 1907, mais elle a seulement déclaré le nombre de traverses en 1913. Elle a seulement payé les traverses en 1916.

 

[29]           Eastern Construction n’a pas fourni à la défenderesse une déclaration assermentée indiquant le nombre de traverses récoltées, comme l’exigeaient les conditions du marché.

 

[30]           À ce stade-ci, la question en litige est celle de savoir si la défenderesse a manqué à l’obligation fiduciale qu’elle avait envers la demanderesse.

 

[31]           À mon avis, la défenderesse n’a pas agi avec une diligence raisonnable dans ses rapports avec Eastern Construction. Elle n’a pas obtenu une déclaration assermentée d’Eastern Construction concernant le nombre de traverses enlevées. J’ai tenu compte du fait qu’après l’attribution du marché, Eastern Construction avait avisé la défenderesse qu’il y avait moins de traverses que ce qui avait été estimé. Étant donné qu’Eastern Construction a dit avoir coupé seulement 12 132 traverses et 1000 traverses rebuts par opposition à la quantité estimée de 56 000 traverses, il aurait été tout à fait indiqué à mon avis que la Couronne demande la déclaration assermentée requise. Elle ne l’a pas fait.

 

[32]           Par conséquent, je conclus que la défenderesse a manqué à l’obligation fiduciale qu’elle avait envers la demanderesse parce qu’elle n’a pas exigé une déclaration assermentée d’Eastern Construction quant à la quantité de bois effectivement récoltée.

 

[33]           Deuxième question

            b)         le Canada a-t-il ignoré les conditions auxquelles la PNLS avait cédé le bois?

                        (i)         en ignorant le désir d’emploi de la PNLS?

            La demanderesse a soutenu que le Canada avait ignoré les conditions auxquelles la cession avait été faite puisqu’elle n’avait pas fait en sorte que l’entrepreneur choisi emploie des membres de la bande et elle n’avait pas fait en sorte que les membres de la bande puissent acheter du bois à bon marché. La demanderesse a affirmé que c’était ces considérations qui l’avaient motivée à céder le bois.

 

[34]           En août 1918, l’agent des Indiens R. S. McKenzie a confirmé à ses supérieurs que le chef de la Première Nation de Lac Seul partageait son avis communiqué auparavant selon lequel [TRADUCTION] « les Indiens profiteraient de l’opération dans une mesure appréciable puisqu’ils trouveraient des emplois dans les camps de bûcherons ».

 

[35]           Dans la lettre qu’il a envoyée à ses supérieurs en août 1918, M. McKenzie indiquait notamment :

[TRADUCTION]

Le chef John Ackewance est arrivé ici aujourd’hui, et il affirme que sa bande a très hâte de céder le bois dans sa réserve au ministère et qu’une partie du bois devrait être vendue tout de suite à M. Farlinger ou à d’autres, de sorte qu’ils puissent avoir du travail durant l’hiver pour assurer leur subsistance.

 

Monsieur McKenzie joignait également à sa lettre l’en-tête d’une pétition du chef Ackewance où figuraient les noms de 106 membres de la bande de Lac Seul, lequel était ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

Nous, soussignés, membres de la bande de la réserve indienne numéro 28, nous adressons à vous parce que nous souhaitons qu’une partie du bois dans la réserve soit vendu, afin que les membres de notre bande puissent être employés à couper le bois et puissent également acheter du bois à meilleur marché pour la construction de nos maisons et tirer un certain revenu du bois situé dans la réserve. Nous vous prions d’accueillir favorablement notre pétition et de prendre des dispositions pour la vente d’une partie du bois.

 

[36]           À mon avis, sa lettre démontre que la bande cédait son bois marchand, à tout le moins en partie, pour que des membres de la bande puissent trouver de l’emploi, puissent acheter du bois à bon marché et puissent gagner un certain revenu.

 

[37]           Dans l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry, précité, la Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit au sujet de l’interprétation des cessions, au paragraphe 6 :

[...] Voilà pourquoi le caractère juridique de la cession de 1945 et son effet sur celle de 1940 doivent être déterminés au regard de l'intention de la bande. Hormis quelque empêchement prescrit par la loi (ce qui, comme nous l'avons vu précédemment, n'est pas le cas en l'espèce), il faut laisser l'intention des membres de la bande produire ses effets juridiques.

 

Et, au paragraphe 7 :

Selon moi, l'application d'une analyse fondée sur l'intention des parties offre un avantage important. Ainsi que l'a fait remarquer la juge McLachlin, la loi traite les peuples autochtones comme des acteurs autonomes en ce qui concerne l'acquisition et la cession de leurs terres, il faut donc respecter leurs décisions. En conséquence, il est préférable de s'en remettre à l'intention des membres de la bande et à leur compréhension de la situation en 1945, plutôt que de conclure que, quelle qu'ait été cette intention, c'est par un coup de chance ‑‑ résultant de règles et autres formalités procédurales applicables aux transferts fonciers ‑‑ qu'est invalidée la cession des droits miniers en 1945. Dans un cas comme celui-ci, l'application d'une analyse plus formaliste est à l'avantage des peuples autochtones. Cependant, il est facile d'imaginer des cas où cette même analyse serait préjudiciable aux autochtones et ferait obstacle à leurs plans mûrement réfléchis. À mon avis, dans l'examen des effets juridiques des opérations conclues par les peuples autochtones et la Couronne relativement à des terres faisant partie de réserves, il ne faut pas oublier que, compte tenu du caractère sui generis du titre autochtone, les tribunaux doivent faire abstraction des restrictions habituelles imposées par la common law afin de donner effet à l'objet véritable de ces opérations.

 

 

[38]           Le RBCI conférait à la défenderesse le pouvoir d’assujettir la vente des concessions forestières à des conditions. De même, le permis renouvelé de M. Cox pour la réserve de Gull Bay exigeait que M. Cox emploie des membres de la PNLS de la réserve dans le cadre de ses activités de récolte de bois.

 

[39]           Je conclus que la défenderesse a manqué à l’obligation fiduciale qu’elle avait envers la bande en ne protégeant pas les intérêts de la bande en matière d’emplois ni le désir de la bande d’acheter du bois à meilleur marché pour construire des maisons dans la réserve.

 

[40]           Troisième question

            Le Canada a-t-il omis d’obtenir un prix convenable pour la concession forestière de la PNLS?

            a)         Évaluation erronée de la concession forestière et défaut de corriger le problème

            La demanderesse a soutenu que la défenderesse n’avait pas obtenu un prix convenable pour le bois de la bande de Lac Seul. Dans le jugement Bande Alexander (no 134) c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1991] 2 CF 3 (1re inst.), la Cour a affirmé ce qui suit à la page 14 :

En ce qui concerne la première question, compte tenu de l'historique des rapports entre Sa Majesté et les Indiens, j'estime que l'obligation du fiduciaire de faire preuve d'une « loyauté absolue envers son commettant » oblige Sa Majesté, de manière générale, à tenter de tirer des biens du bénéficiaire de l'obligation de fiduciaire le meilleur rendement pouvant être raisonnablement et légalement obtenu. [...]

 

 

[41]           Un commentaire semblable a été formulé dans l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry, précité, où la Cour suprême a affirmé ce qui suit au paragraphe 104 :

Voilà à quoi se résume la question. En tant que fiduciaire, la Couronne avait l'obligation d'agir avec le soin et la diligence « qu'un bon père de famille apporte à l'administration de ses propres affaires » : Fales c. Canada Permanent Trust Co., [1977] 2 R.C.S. 302, à la p. 315. Une personne raisonnable ne se départit pas par inadvertance d'un bien qui peut avoir de la valeur et dont la capacité de produire un revenu a déjà été démontrée. Une personne raisonnable ne se départit pas non plus, sans contrepartie, d'un bien qui ne lui coûte rien à conserver et qui, aussi mince que cette possibilité puisse être, pourrait un jour avoir de la valeur. Dans la gestion de ses propres affaires, la Couronne réservait ses droits miniers. Elle aurait dû faire de même pour la bande.

 

 

[42]           Le RBCI exigeait que la concession forestière soit évaluée afin de déterminer le prix de départ aux fins du processus d’appel d’offres. Le prix de départ représenterait le prix minimal de l’offre que le ministère des Affaires indiennes accepterait. Évidemment, la bande percevrait également des droits de coupe.

 

[43]           Monsieur Bury, l’inspecteur de bois d’œuvre de la défenderesse, a établi la superficie de la réserve à 49 000 acres, soit la même superficie que celle établie par M. Vaughan en 1882 à l’époque où M. Vaughan calculait la superficie de la réserve aux fins d’un traité. En réalité, la réserve faisait 66 000 acres. D’après la preuve, M. Bury n’a pas passé beaucoup de temps à évaluer la réserve.

 

[44]           La Couronne a appris l’erreur concernant la superficie de la réserve de l’Arpenteur général de l’Ontario en 1929. La Couronne a admis la nouvelle superficie.

 

[45]           L’erreur touchant la superficie de la réserve allait entraîner un prix de vente inférieur des concessions forestières et, comme j’en traiterai plus loin, un montant de loyer foncier inférieur.

 

[46]           À mon avis, cette conduite de la défenderesse constituait un autre manquement à son obligation fiduciale envers la bande.

 

[47]           La conduite de la défenderesse ne satisfait pas à la norme énoncée dans le jugement Bande Alexander (no 134), précité, et dans l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry, précité.

 

[48]           Troisième question

            b)         Défaut de percevoir un loyer foncier adéquat

            La défenderesse a perçu un loyer foncier de M. Cox relativement à la concession nord de la réserve en fonction de la superficie erronée de 31 milles carrés. La superficie réelle était de 59 milles carrés. Lorsque M. Cox a obtenu la concession nord en 1926, il a seulement payé un loyer foncier en fonction d’une superficie de 31 milles carrés. La Couronne a découvert en février 1929 qu’un loyer foncier devrait être exigé en fonction d’une superficie de 59 milles carrés, mais elle n’a pas corrigé le montant de loyer foncier exigible de M. Cox. La Couronne a seulement corrigé le montant du loyer foncier en octobre 1940, mais même là, seulement pour l’avenir. Aucun loyer foncier additionnel n’a été perçu pour la période de 1926 à 1940.

 

[49]           Dans l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry, précité, madame la juge McLachlin a statué que l’article 64 de la Loi sur les Indiens créait une obligation fiduciale « pour corriger les erreurs qui portaient préjudice aux intérêts des Indiens ». Elle a affirmé ce qui suit au paragraphe 115 : 

À mon avis, le MAI était tenu d'exercer ce pouvoir pour corriger les erreurs qui portaient préjudice aux intérêts des Indiens vu l'obligation de fiduciaire continue qu'il avait envers ces derniers. Même si l'obligation de fiduciaire touchant l'administration des terres des Indiens a pu cesser au moment de la vente des terres en 1948, on peut néanmoins inférer du caractère exceptionnel de l'art. 64 le maintien d'une obligation de fiduciaire d'agir dans l'intérêt des Indiens afin de corriger une erreur. Cette disposition conférait au MAI le pouvoir d'annuler le transfert de terres en cas d'erreur, même à l'égard d'acheteurs de bonne foi. Il n'est pas déraisonnable d'inférer que le législateur voulait que le MAI exerce ce pouvoir dans l'intérêt des Indiens. Si le texte précité de l'art. 64 ne suffit pas à établir l'existence d'une obligation de fiduciaire de corriger l'erreur, il paraît certainement avoir cet effet lorsqu'on l'interprète en corrélation avec la jurisprudence sur les obligations de fiduciaire. Lorsqu'une partie se voit conférer certains pouvoirs touchant les droits d'une autre partie et que cette dernière se voit privée des pouvoirs en question ou est « vulnérable », la première partie, celle qui détient les pouvoirs, a l'obligation de fiduciaire de les exercer dans l'intérêt de l'autre : Frame c. Smith, précité, le juge Wilson; et Hodgkinson c. Simms, précité. L'article 64 conférait au MAI le pouvoir de corriger l'erreur qui avait eu pour conséquence de transférer à tort au DTAC les droits miniers de la bande. La bande elle‑même ne possédait pas ce pouvoir; elle était vulnérable. Dans de telles circonstances, il existe une obligation de fiduciaire de corriger l'erreur.

 

Je crois que la Couronne a manqué à son obligation fiduciale envers la bande lorsqu’elle n’a même pas tenté de corriger le problème avant d’en être avisée une deuxième fois en octobre 1940, et encore là l’a-t-elle fait seulement pour l’avenir. Je tiens à faire remarquer que la durée de validité du permis de M. Cox a été prolongée pour la période de 1937 à 1947.

 

[50]           La demanderesse allègue qu’un loyer foncier inadéquat a été perçu de Keewatin lorsque le loyer foncier fixé par règlement à 3 $ le mille carré en 1888 a été majoré à 5 $ le mille carré. Cette augmentation n’a jamais été appliquée à Keewatin malgré les prolongations ou les renouvellements de son contrat ou de la durée de validité de son permis.

 

[51]           Après avoir les principes exposés dans l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry, précité, je suis d’avis que la Couronne a manqué à son obligation fiduciale envers la bande à cet égard aussi.

 

[52]           Troisième question

            c)         Défaut de percevoir des prix adéquats

            La valeur du bois dans la partie nord de la réserve a été diminuée parce qu’en juin 1926, M. Bury a affirmé qu’un incendie avait détruit environ sept milles carrés de forêt. Cela représentait moins de 12 % des 59 milles carrés de cette partie de la réserve. En outre, M. Bury avait affirmé en avril 1926 qu’aucun incendie n’avait été rapporté dans la réserve depuis qu’il avait fait l’inventaire des terres forestières de la réserve en 1919.

 

[53]           Par suite des dommages allégués résultant de l’incendie de 1923, M. Bury a réduit de 60 % son évaluation quant au pin rouge et au pin blanc, et il a réduit de six millions à quatre millions de pieds-planche son estimation quant au pin gris, et de huit millions à six millions de pieds-planche son estimation quant à l’épinette et quant au sapin baumier. À supposer même qu’il y ait eu un incendie dans cette région en 1923, ce sont là d’importantes réductions pour des dommages qui n’avaient touché tout au plus que 12 % de la réserve.

 

[54]            Il y avait un autre problème touchant le calcul du prix de départ pour la partie nord de la réserve. Monsieur Bury a affirmé qu’il y avait seulement 13 000 traverses de chemin de fer disponibles. Les billes de sciage de pin gris qui se trouvaient dans la partie nord de la réserve auraient été transformées en 130 000 traverses de chemin de fer valant six cents chacune, pour une valeur totale de 7800 $. Monsieur Bury a toutefois employé le chiffre de 13 000 traverses, pour une valeur totale de 780 $. En conséquence de cela, M. Bury a calculé un prix de départ de 20 380 $ au lieu de 27 400 $.

 

[55]           La défenderesse a reçu deux offres à la suite de son appel d’offres, une de 21 500 $ et l’autre de 26 000 $, dont aucune n’aurait été supérieure au prix de départ si ce prix avait été calculé correctement.

 

[56]           Il est intéressant de signaler l’affirmation suivante contenue dans un rapport d’enquête relatif à cette question en 1938 :

[TRADUCTION]

L’évaluation du bois présentée au ministère aux fins de la fixation de prix totalisait 20 380 $. Dans le cadre de cette évaluation, le nombre estimé de traverses de pin gris était de 13 000. Le chiffre correct était 130 000 et, compte tenu d’une valeur de six cents par traverse, cela aurait augmenté la valeur en argent du bois de 7020 $, de sorte que l’évaluation totale aurait dû être de 27 400 $ au lieu de 20 380 $.

 

 

[57]           La défenderesse a soutenu que la Couronne avait pris des mesures raisonnables de 1907 à 1926 pour faire en sorte que la bande reçoive un prix équitable pour son bois. La défenderesse a affirmé que le MAI avait arpenté les deux parties de la réserve et avait fait des appels d’offres publics.

 

[58]           Compte tenu de la preuve, et notamment du fait que la Couronne a appris l’erreur de M. Bury en 1938 mais n’a rien fait pour y remédier, je ne puis convenir que la Couronne n’a pas manqué à son obligation fiduciale envers la bande. Il y avait une erreur de 7020 $ dans le prix de départ qui n’a pas été corrigée.

 

[59]           Quatrième question

            Le Canada a-t-il omis de lancer de nouveaux appels d’offres relativement aux concessions forestières?

            Selon le procédé employé pour octroyer les concessions forestières, le soumissionnaire devait présenter une soumission relativement à l’enlèvement du bois, disons pendant une période de quatre ans. Le soumissionnaire dont la soumission était acceptée devait ensuite demander chaque année le renouvellement de son permis annuel. La soumission présentée devait prévoir un prix au moins égal au prix de départ fixé par le MAI. En outre, le soumissionnaire dont la soumission serait acceptée devait payer des frais additionnels prévus au RBCI, c’est-à-dire un loyer foncier et des droits de coupe.

 

[60]           Lorsqu’ils demandaient le renouvellement annuel, les titulaires de permis devaient avoir payé tous les frais applicables. Le RBCI exigeait également que l’auteur d’une demande de renouvellement exploite la concession chaque année ou qu’il donne sous serment les raisons pour lesquelles il n’avait pas exploité la concession. Cette exigence était énoncée à l’article 12 du Règlement, qui est ainsi rédigé :

Il ne sera pas accordé de renouvellement de licence, à moins que les travaux convenables n'aient été faits sur la limite pendant la saison précédente, ou que des raisons suffisantes ne soient données à la satisfaction du Surintendant Général des Affaires des Sauvages, pourquoi les travaux n'ont pas été faits sur la limite, et à moins que la rente foncière et tous frais d'arpentage, et toutes sommes dues sur le bois, les billots ou autre bois coupé en vertu d'une licence autre que la précédente, n'aient été d'abord payés.

 

 

[61]           Quatrième question

            a)         Les prolongations de la durée de validité du permis de Keewatin

            Dans la présente affaire, la soumission de Keewatin a été acceptée en 1920 pour une période de quatre ans. Elle a fait l’objet de trois prolongations, sans aucun nouvel appel d’offres, soit de 1924 à 1934, de 1934 à 1939 et de 1939 à 1949. Le loyer foncier est demeuré le même, à 3 $ le mille carré, bien que le RBCI ait majoré le loyer foncier de 3 $ à 5 $ le mille carré en 1923. Aucun nouveau prix n’a été fixé, et il n’y a eu aucune adjudication publique ni aucune enchère publique.

 

[62]           Quatrième question

            b)         Les prolongations de la durée de validité du permis de M. Cox

            Charles Cox a remporté son premier appel d’offres en 1926 pour récolter le bois dans la partie nord de la réserve de Lac Seul. La durée était de dix ans. En 1936, le permis de M. Cox a été renouvelé pour dix autres années sans appel d’offres, jusqu’en 1946. En 1947, de nouveaux droits de récolte ont été accordés à M. Cox pour une période additionnelle de cinq ans, jusqu’en 1952. Ces prolongations ont été accordées sans aucunes enchères publiques ni adjudication publique et sans perception d’aucun nouveau prix.

 

[63]           Dans l’acte de cession, le bois était désigné comme du bois marchand. Au moment de la cession, il était accepté que le bois marchand s’entendait du bois d’œuvre de dix pouces de diamètre ou plus, conformément à ce que précisait le RBCI. Par la suite, le RBCI a été modifié de manière à permettre l’abattage d’arbres d’un diamètre inférieur à dix pouces. En fait, le permis de M. Cox lui permettait de récolter des arbres d’un diamètre de six pouces ou plus.

 

[64]           De plus, la croissance des arbres avait pour effet d’augmenter au fil du temps le volume de bois marchand pouvant être récolté.

 

[65]           Étant donné que les concessions n’ont pas fait l’objet de nouveaux appels d’offres, aucun nouveau prix n’a été perçu au profit de la bande. Si un nouvel appel d’offres avait été lancé à la fin de la période visée par la soumission, au lieu que les droits de récolte des exploitants forestiers soient tout simplement prolongés, un nouveau prix ou prix de départ aurait été fixé, ce qui aurait procuré davantage de revenus à la bande. Cela aurait également eu pour effet que les exploitants auraient dû payer pour la croissance des arbres au cours des années précédentes.

 

[66]           En outre, les éléments de preuve démontrent que les périodes de récolte ont été prolongées alors que des droits d’années antérieures n’avaient pas été payés et qu’aucune déclaration assermentée n’avait été fournie pour expliquer pourquoi la concession n’avait pas été exploitée au cours de l’année précédente.

 

[67]           Les éléments de preuve démontrent également que l’agent des Indiens de la défenderesse lui-même avait des préoccupations. L’agent Frank Edwards a écrit à Ottawa concernant la décision de permettre à Keewatin de reporter l’exploitation de sa concession pour la septième année de suite. Voici ce qu’il disait dans sa lettre :

[TRADUCTION]

Réponse à votre lettre no 30130-6, datée du 24 du mois précédant, concernant l’exploitation par la Keewatin Lumber Company de la partie sud de la réserve de Lac Seul.

 

La Société ne pouvait pas faire grand-chose dans la réserve, et expédier son bois à Kenora, avant qu’un chemin de fer soit construit, mais du bois à pâte et des traverses pouvaient être coupés et expédiés aux scieries à Fort William, et je propose, avec égards, que, si la Société n’exploite pas la concession elle-même l’hiver prochain, elle devrait à tout le moins permettre aux Indiens de couper des traverses et du bois à pâte eux-mêmes à des fins de vente, et ainsi leur procurer du travail, au lieu que les ressources demeurent inexploitées pendant si longtemps.

 

À mon avis, il faudra attendre encore plusieurs années avant qu’un chemin de fer soit mis en service qui permettrait d’expédier le bois à Kenora. Je crois comprendre que des arpenteurs-géomètres ont travaillé sur le terrain, mais le trajet exact n’a pas encore été déterminé, et aucune construction n’a encore été entreprise même à partir de Kenora, ils n’ont pas encore commencé à dégager l’emprise. La Société est fiable, et je ne souhaite pas être déraisonnable envers elle, puisqu’à mon avis, elle a toujours bien traité les Indiens, mais il me semble que l’on devrait insister pour qu’une certaine exploitation ait lieu l’hiver prochain, puisqu’il est impossible de terminer le chemin de fer d’ici là.

 

(Caractères gras ajoutés)

 

 

[68]           À mon avis, la Couronne n’a pas agi d’une manière prudente et dans l’intérêt de la bande. Elle n’a pas vendu les droits de coupe [TRADUCTION] « [s]elon les conditions que le gouvernement du Canada peut juger les plus appropriées pour assurer notre bien-être et celui de notre peuple » comme l’énonçait le document de cession.

 

[69]           En omettant de lancer de nouveaux appels d’offres pour les concessions, la Couronne ne s’est pas acquittée de son obligation fiduciale de « tenter de tirer des biens du bénéficiaire de l'obligation de fiduciaire le meilleur rendement pouvant être raisonnablement et légalement obtenu ».

 

[70]           Je ne souscris pas aux observations de la défenderesse concernant la prolongation des durées de validité des permis ou, plus précisément, des périodes de récolte. Ces observations sont exposées aux pages 206 et 207 du plan de plaidoirie de la défenderesse. Cette méthode permettrait de réserver la concession forestière pendant de nombreuses années; dans le cas de Keewatin, il n’y a eu aucun nouvel appel d’offres de 1920 à 1949. La bande perdrait l’avantage financier lié au calcul de nouveaux prix de départ pour tenir compte de la croissance des arbres et de l’augmentation des volumes récoltés en raison de la diminution de dix pouces à six pouces du diamètre minimal des arbres qui pouvaient être abattus.

 

[71]           Je suis d’avis que la Couronne a manqué à l’obligation fiduciale qu’elle avait envers la bande en ne lançant pas de nouveaux appels d’offres relativement aux concessions forestières.

 

[72]           Cinquième question

            Le Canada a-t-il contrevenu au Règlement sur le bois de construction des Indiens?

            a)         Contravention à l’article 18 du RBCI de 1888.

b)         Contravention à l’article 12 du RBCI de 1888.

            c)         Contravention à l’article 22 du RBCI de 1923.

            d)         Contravention aux articles 10 et 23 du RBCI de 1923.

            e)         Contravention aux articles 7 et 8 RBCI de 1923.

            Au paragraphe 236 des observations écrites de la demanderesse, la demanderesse soutient que le Canada n’a pas respecté les normes énoncées au RBCI en ce que :

 

a.         elle a omis d’obtenir des cautionnements de garantie des titulaires de permis en contravention à l’article 18 du Règlement;

 

b.         elle a accordé des renouvellements de permis annuels malgré le fait que, bien souvent, les titulaires de permis ne fournissaient pas la documentation exigée en vertu de l’article 12 du Règlement;

 

c.         elle a permis des pratiques de récolte dangereuses dans la réserve en contravention à l’article 22 du Règlement;

 

d.         elle a permis que des droits de coupe soient payés sans qu’un mesureur autorisé vérifie les volumes et les espèces de bois coupé, et elle a permis que des exploitants forestiers négligent de marquer leur bois en contravention aux articles 23 et 10 du Règlement sur le bois de construction de 1923;

 

e.         elle a autorisé des renouvellements de permis malgré que des droits n’aient pas été payés dans les délais impartis, en contravention à l’article 7 du Règlement;

 

f.          elle a autorisé des renouvellements de permis malgré qu’elle ait reçu des demandes de renouvellement tardives à répétition, en contravention à l’article 8 du Règlement.

 

Les éléments de preuve présentés au procès prouvent que ces types de manquements ont été commis. La question en litige est celle de savoir si cette conduite constitue des manquements à l’obligation fiduciale de la Couronne envers la bande. J’en suis arrivé à la conclusion que le RBCI existe pour contribuer à assurer une saine gestion des concessions forestières après qu’elles ont été octroyées. Par exemple l’exigence de marquage du bois fournit un moyen d’identifier le bois qui est retiré de la réserve. Il y avait un problème en l’espèce parce que certaines pièces de bois n’étaient pas marquées et, par conséquent, il était impossible de déterminer si elles venaient de terres de réserve ou d’autres terres.

 

[73]           J’en suis arrivé à la conclusion que le respect du Règlement permet une saine gestion des concessions forestières après qu’elles sont octroyées. La Couronne a manqué à son obligation fiduciale envers la bande lorsqu’elle ne s’est pas conformée au RBCI.

 

[74]           Sixième question

            Le Canada a-t-il omis de gérer prudemment les titulaires de permis?

            Au paragraphe 290 de ses observations écrites, la demanderesse allègue que la défenderesse a également manqué à son obligation fiduciale de gérer prudemment les ressources de la demanderesse par les omissions suivantes :

a.         la défenderesse n’a pas perçu le bon loyer foncier pour la concession forestière;

 

b.         la défenderesse ne s’est pas assurée que l’exploitant de la concession forestière exploitait la concession;

 

c.       la défenderesse n’a pas perçu régulièrement des droits de coupe;

 

d.         la défenderesse n’a ni surveillé ni sanctionné les pratiques des titulaires de permis.

 

J’ai déjà traité de ces questions, mais j’aimerais souligner ce qui suit en rapport avec le point d ci-dessus. L’historien expert de la demanderesse, James Morrison, a affirmé ce qui suit, au paragraphe 358 de son rapport d’expert :

[TRADUCTION]

Le mesureur de bois George Hynes a envoyé au ministère une autre lettre datée du 4 mai 1931, en réponse à la lettre de l’administration centrale du 14 avril qu’il venait tout juste de recevoir. Monsieur Hynes expliquait que le type de vérification qu’il venait de faire était à peu près inutile. La seule façon d’assurer une supervision adéquate du bois d’une réserve indienne, disait-il, consistait à mesurer chaque pièce retirée par un titulaire de permis :

 

[...]

 

J’aimerais également mentionner que ce que j’estime être une vérification ne vous mènera nulle part. D’abord, qui êtes-vous censé vérifier? Il n’y a qu’une bonne façon de vérifier l’exploitation de la forêt dans les réserves indiennes, et c’est en mesurant chaque pièce qui est retirée par les titulaires de permis. J’estime que j’ai accompli le travail beaucoup plus rapidement que le ministère des Terres et des Forêts de la province de l’Ontario le voudrait, mais comme l’hiver approchait et commençait à montrer des signes d’un hiver très précoce, j’ai dû travailler fort, y compris les dimanches, pour mener à bien ma vérification. Je regrette d’ailleurs que le temps que j’ai dû consacrer au rapport avant de le transmettre vous ait amené à me rappeler à l’ordre, mais je vous assure que cette longue période était inévitable.

 

J’estime que la Couronne a manqué à son obligation fiduciale envers la bande en ne gérant pas convenablement les concessions forestières après qu’elles eurent été octroyées.

 

[75]           Septième question

            Le défaut du Canada de percevoir des droits de coupe appropriés

            a)         Le Canada maintient les droits de coupe peu élevés pour M. Cox et Keewatin

            Il y a eu trois barèmes différents de droits de coupe de bois au cours de la période pertinente. Ces taux sont résumés à l’annexe 2 du rapport d’expert du 30 juin 2008 de Price Waterhouse Coopers LLP (pièce D-4) :

 

 

   Résumé des barèmes de droits de coupe de bois du Canada

 

Taux de 1909 13 octobre 1909

Taux de 1923 1er mai 1923

Taux de 1926 12 octobre 1926

Pin rouge (le Mpmp)

2,50 $

2,60 $

2,50 $

Pin blanc (le Mpmp)

2,50 $

2,50 $

2,50 $

Pin gris (le Mpmp)

2,50 $

2,50 $

2,60 $

Épinette (le Mpmp)

1,25 $

1,50 $

1,50 $

Sapin baumier (le Mpmp)

0,80 $

1,00 $

1,50 $

Peuplier (le Mpmp)

0,80 $

1,00 $

1,50 $

Bois à pâte (la corde)

0,40 $

0,40 $

1,50 $ (épinette)

0,75 $ (sapin baumier)

Traverses (la traverse)

0,04 $

0,04 $

0,10 $

 

 

[76]           J’ai examiné les dispositions législatives applicables et la formule de permis prévue par le Règlement. Il importe de souligner que chaque permis est valide pour une année seulement et peut être renouvelé seulement si les droits et tout loyer pour les années de coupe antérieures ont été payés et la concession a été exploitée au cours de la saison précédente ou une déclaration assermentée convaincante est fournie pour expliquer pourquoi la concession n’a pas été exploitée (article 7 du RBCI de 1923).

 

[77]           Un examen des décrets modifiant les barèmes de droits permet de constater que chaque fois que le barème a été modifié, le barème original a été abrogé. Il n’y avait aucune disposition ni dans l’avis d’appel d’offres, ni dans le permis et ni dans le RBCI qui indiquait que le barème de droits en vigueur à la date de délivrance du premier permis annuel, ou à la date d’attribution du marché, s’appliquerait jusqu’à ce que les entrepreneurs cessent leurs activités sur les terres de la bande (noter le paragraphe 79 en rapport avec les quatre premières années d’exploitation de Keewatin).

 

[78]           Si le seul barème de droits en vigueur lorsque le nouveau permis est délivré est le nouveau barème, j’en déduis que le nouveau barème doit être utilisé à ce moment.

 

[79]           Les éléments de preuve documentaire comprennent l’avis d’appel d’offres relatif à la concession forestière de Keewatin, et les taux précis sont énoncés dans l’avis même. Je suis donc d’avis que les taux mentionnés précisément dans l’avis d’appel d’offres devraient s’appliquer jusqu’à la première prolongation, c’est-à-dire pendant les quatre premières années.

 

[80]           En l’espèce, Keewatin paierait les taux de 1909 jusqu’au renouvellement pour la période de 1923 à 1924 inclusivement. Pour les renouvellements de 1924 à 1925 et de 1925 à 1926, les taux de droits de 1923 s’appliqueraient. Pour les renouvellements ultérieurs, les taux de 1926 s’appliqueraient.

 

[81]           Pour M. Cox, le taux de 1923 s’appliquerait pour la période de 1926 à 1927. Pour les renouvellements ultérieurs de son premier permis, les taux de 1926 s’appliqueraient. Pour son deuxième permis, les taux de 1926 s’appliqueraient également. Je tiens à faire remarquer que bien qu’il ait convenu de payer 10 $ le Mpmp pour le bois de sciage dans le cadre de son deuxième permis, les éléments de preuve démontrent qu’il ne coupait pas des grumes de sciage à cette époque mais coupait en fait du bois à pâte pour lequel il payait un droit de coupe de 1,00 $ pour 128 pieds cubes alors que le droit de coupe selon le barème était de 1,50 $ pour 128 pieds cubes ou la corde (voir les rapports de GSW, pièce P-5, à la page 61).

 

[82]           Dans l’arrêt Booth c Canada (1915), 51 RCS 20, la Cour suprême, qui commentait un type semblable de permis délivré en vertu de la Loi sur les Indiens, LRC 1886, c 43, a affirmé ce qui suit, à la page 24 :

[TRADUCTION]

Il est concédé qu’à la fin d’une année, l’intimé pouvait insister pour augmenter le montant des droits de coupe qui seraient exigibles à l’avenir.

 

Et, à la page 25 :

[TRADUCTION]

En bref, il me semble que donner un effet juridique à cet article 5 du Règlement comme l’appelant le prétend reviendrait à lui conférer un permis à perpétuité, ce qui serait certainement inadmissible, même venant du Parlement, si l’on tient compte de la confiance qui lui est faite de par les opérations qui ont mené au contrôle canadien sur la matière que constituent les Indiens et les terres dites « des Indiens ».

 

 

[83]           Ainsi que je l’ai souligné, cette affaire concernait un permis délivré en vertu de la Loi sur les Indiens qui était un permis annuel renouvelable. Le titulaire de permis, en vertu du règlement pris en vertu de la Loi sur les Indiens, avait droit au renouvellement du permis s’il se conformait à toutes les exigences du règlement en vigueur. Le renouvellement du permis avait été refusé, et le titulaire du permis soutenait qu’il avait droit au renouvellement en vertu du règlement malgré le fait que la Loi disait que les permis étaient valides seulement pour un an. La Cour a essentiellement statué que le pouvoir discrétionnaire conféré au surintendant général de délivrer un permis ne pouvait pas être modifié par le règlement relatif aux renouvellements.

 

[84]           Il ne serait pas dans l’intérêt supérieur de la bande de ne pas appliquer les augmentations de droits de coupe à la période suivante de validité du permis (exception faite des quatre premières années d’activité de Keewatin). La Couronne n’a pas agi comme une personne prudente à cet égard et elle a manqué à son obligation fiduciale envers la bande.

 

 

[85]           Septième question

            b)         Comparaison avec les droits de coupe de l’Ontario

            Selon ce que je comprends de l’argument de la demanderesse sur ce point, la défenderesse aurait dû augmenter ses taux de droits plus souvent qu’elle ne l’a fait de manière à ce que ses taux se rapprochent davantage de ceux de l’Ontario. Comme la Couronne ne l’a pas fait, elle a manqué à son obligation fiduciale envers la bande.

 

[86]           Je ne partage pas le point de vue de la demanderesse. À mon avis, la Couronne était seulement tenue d’appliquer correctement les taux de droits qui étaient prévus sous le régime du RBCI.

 

[87]           Si la demanderesse dit que le ministère aurait dû appliquer un taux de droits majorés supérieur aux droits fixés par le barème, ma réponse est la même que plus haut.

 

[88]           Je conclus qu’il n’y a eu aucun manquement à une obligation fiduciale en rapport avec les taux à cet égard.

 

[89]           Septième question

            c)         Exemption des droits d’exportation

            La demanderesse soutient que lorsqu’une exemption des droits d’exportation sur le bois à pâte non ouvré a été accordée à M. Cox et à Keewatin, la défenderesse aurait dû augmenter les droits exigibles. Cette exemption a été accordée afin d’inciter M. Cox et Keewatin à récolter du bois sur la rive éloignée du lac Seul. Lorsque cela ne s’est pas matérialisé, la défenderesse a tenté de faire récolter le bois par des travailleurs au chômage dans le cadre d’un programme ponctuel de création d’emplois. La demanderesse affirme que M. Cox et Keewatin demeuraient autorisés à vendre ce bois sans engager aucun coût de récolte.

 

[90]           Lorsque ni l’une ni l’autre mesure n’a pleinement fonctionné, le bois a été inondé et M. Cox et Keewatin ont été payés par la défenderesse pour la perte de l’occasion de récolter le bois inondé. Aucun droit n’a été payé à la bande pour le bois inondé.

 

[91]           Je ne puis voir aucune obligation fiduciale à la charge de la Couronne envers la bande à ces égards. Il s’agissait de questions qui intéressaient la Couronne et ses entrepreneurs. Quoi qu’il en soit, même s’il y avait eu une obligation fiduciale, je ne constate aucun manquement à cette obligation.

 

[92]           Septième question

            d)         Le Canada a omis de corriger une erreur dans l’intérêt de la bénéficiaire

            Les questions soulevées sous cette rubrique ont été examinées dans des parties précédentes de la décision, à l’exception de la poursuite de M. Cox, qui concerne uniquement la période de 1947 à 1952. La poursuite est pertinente, seulement parce que la demanderesse a réclamé, au titre de ses dommages historiques, le montant de 1428,34 $ de frais juridiques imputés à la bande pour la conduite de cette affaire.

 

[93]           Si un titulaire de permis ne paie pas les droits exigibles, la Couronne peut le poursuivre et faire exécuter tout jugement obtenu. En l’espèce, il n’y avait plus de permis à délivrer à M. Cox, de sorte que cela ne pouvait pas être utilisé pour l’inciter à payer.

 

[94]           Compte tenu des faits de la présente espèce, je suis d’avis qu’il est non seulement juste mais aussi équitable de déduire le montant des frais juridiques de tout montant reçu de M. Cox.

 

[95]           Étant donné cette conclusion, j’estime que les frais juridiques ne peuvent pas faire partie des dommages historiques de la demanderesse. Il n’y a aucune raison de tenir la Couronne responsable de ces frais. Ils ont résulté des efforts déployés par la Couronne pour tenter de recouvrer l’argent de la bande

 

La règle du manque de diligence

 

[96]           Il ne fait aucun doute que la règle du manque de diligence peut être invoquée à l’encontre de la réclamation présentée par une bande indienne. Dans l’arrêt Wewaykum, précité, la Cour suprême a affirmé ce qui suit, au paragraphe 110 :

Dans des circonstances appropriées, la règle du manque de diligence peut être invoquée à l’encontre de réclamations présentées par des bandes [...]

 

 

[97]           Pour que la règle du manque de diligence s’applique et fasse échec à une réclamation présentée par une bande indienne, la demanderesse doit avoir connaissance de l’opération contestée ou, ainsi que la Cour d’appel de l’Ontario l’a affirmé dans l’arrêt Chippewas of Sarnia Band c Canada (Attorney General) (2000), 51 OR (3d) 641, au paragraphe 300 :

[TRADUCTION]

Le juge des requêtes a refusé d’appliquer le moyen de défense du manque de diligence au motif qu’aucun élément de preuve ne démontrait que les Chippewas connaissaient les modalités véritables de l’opération Cameron et « [i]l ressort clairement de l’arrêt Guerin que le manque de diligence ne peut pas faire échec à une réclamation présentée par une bande indienne à moins que l’auteur de la réclamation connaisse les modalités véritables de l’opération contestée ». Le passage pertinent du jugement du juge Dickson dans l’arrêt Guerin figure à la page 390 du Recueil de la Cour suprême 

 

Il n'est pas nécessaire de s'attarder sur le moyen subsidiaire de Sa Majesté portant que l'action de la bande doit être rejetée pour cause de manque de diligence. Puisque la conduite du personnel de la direction des Affaires indiennes a constitué une fraude d'equity, puisque ce n'est qu'en mars 1970 que la bande a vraiment pris connaissance des conditions véritables du bail consenti au club de golf et puisque Sa Majesté n'a subi aucun préjudice en raison du délai qui s'est écoulé entre mars 1970 et l'engagement des poursuites en décembre 1975, il n'y a pas lieu d'appliquer la doctrine d'equity du manque de diligence.

 

 

[98]           Je ne suis pas convaincu que la bande connaissait les faits nécessaires qui justifient sa cause d’action.

 

[99]           Premièrement, il faut rappeler que la demanderesse et la défenderesse avaient des rapports d’ordre fiducial. La défenderesse avait un contrôle total sur les rapports avec les entrepreneurs forestiers. La défenderesse exerçait son pouvoir discrétionnaire sans consulter la demanderesse.

 

[100]       Pour ce qui concerne les documents sur lesquels la réclamation est fondée, l’historienne experte de la défenderesse, Mme Betsey Baldwin, a affirmé ce qui suit dans son témoignage :

[...] À l’onglet 1400, donc le premier onglet, il y a un document intitulé « Fonds en fiducie de la bande de Lac Seul, entrées relatives au bois ».

 

            Je crois comprendre, Mme Baldwin, que vous avez créé ce document?

 

R         Oui.

 

Q         Pourriez-vous expliquer à la Cour comment vous vous y être prise?

 

R         Ce document est fondé sur les comptes de fonds en fiducie pour la bande de Lac Seul, et ces comptes de fonds en fiducie sont des pages qui, sont des documents que nous avons récupérés du bureau principal des dossiers du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Et j’ai examiné soigneusement chacun de ces documents, et j’ai relevé les opérations relatives au bois dans les documents.

 

Les comptes de fonds en fiducie comportent une section réservée à une description de l’opération, de sorte que mon appréciation de la pertinence est fondée sur cette description de l’opération.

 

            Et pour chaque document pertinent, j’ai transcrit cette opération au complet, le montant de l’opération et sa date et sa description telle que rédigée et d’autres renseignements. Dans le cas des documents plus récents, un code est employé pour préciser l’objet de l’opération.

 

            J’ai transcrit toutes ces opérations relatives au bois, dont l’objet était ainsi précisé, que j’avais repérées dans un document MS Excel, et j’ai imprimé une copie, que voici, de ce document Microsoft Excel.

 

Q         Plusieurs experts ont déjà mentionné ce registre relatif au bois et, de manière générale, les autres experts s’y fient.

            Pour revenir au recueil de documents, pourriez-vous nous dire environ combien de documents sont inclus dans ce recueil?

 

R         Je crois qu’il y en a 3263. Il se peut que je me trompe, mais je crois que ce recueil compte environ 3200 documents.

 

Q         Dans votre rapport, vous mentionnez des copies existantes des permis de coupe de bois de Keewatin et de M. Cox pour certaines années. Comment avez-vous réussi à repérer ces documents?

 

R         Ces documents sont conservés par Bibliothèque et Archives Canada, et j’ai trouvé ces documents – ils n’étaient pas dans les dossiers des Affaires indiennes, dans les dossiers principaux des Affaires indiennes reliés à la présente affaire, mais ils se trouvaient dans d’autres dossiers conservés par Bibliothèque et Archives Canada, dans les dossiers historiques du ministère des Forêts dans un cas et dans un autre cas dans les dossiers historiques du ministère du Travail.

 

            Cela s’explique par le fait que le ministère du Travail a pris part à des projets d’exploitation des forêts dans le nord-ouest de l’Ontario durant la grande dépression, et il avait donc une copie de ce document.

 

            Et aussi parmi les papiers d’Andrew McNaughton, un fonctionnaire qui avait participé à des projets en matière de travail du ministère du Travail et de la Défense nationale durant la grande dépression, et ses papiers personnels comprenaient également une copie du permis de M. Cox.

 

Q         Ces permis font-ils partie du recueil de documents?

 

R         Oui, ils en font partie.

 

 

(Transcription des témoignages, volume 8, aux pages 997 à 999)

 

Q         Je ne vous interroge pas au sujet de l’accès public. Vous en traitez également à la première note infrapaginale. Je vous interroge seulement au sujet de la réponse que vous avez donnée à votre client, le Canada. Vous avez dit que les documents clés sont ceux-ci, n’est-ce pas? Peut-être sont-ils, effectivement, des documents importants, je ne dis pas le contraire.

 

R         Oui.

 

Q         Mais vous, en tant qu’historienne, vous avez cherché bien au-delà de cela, n’est-ce pas?

 

R         Oui.

 

Q         M. Morrison aussi a cherché bien au-delà de cela, n’est-ce pas?

 

R         Oui.

 

Q         Quiconque ferait des recherches en rapport avec la présente réclamation, pour déterminer s’il existe des motifs d’intenter une action contre la Couronne, ferait - - tout professionnel ferait ce que vous et M. Morrison avez fait, ils chercheraient bien au-delà de ces neuf dossiers clés - -

 

R         Oui, c’est ce que je crois.

 

Q         - - vous dites des dossiers clés relatifs au bois?

 

R         Oui.

 

Q         N’avons-nous pas été informés, en fait, que certains des permis, d’après ce que M. Morrison nous a dit, n’étaient pas dans les bons dossiers - -

 

R         Oui, c’est exact.

 

Q         - - ils étaient dans d’autres dossiers? Et avez-vous tenu compte de ces autres dossiers, en particulier en rapport avec l’inondation? Si je prends la page 3, vous tenu compte de nombreux dossiers qui avaient été créés pour évaluer la réclamation relative à l’inondation, n’est-ce pas?

 

R         Oui, c’est exact.

 

Q         De sorte que si vous demandez à un membre de la bande dans la réserve de Lac Seul en 1970 ou en 1980 ou en 1990 ou en 2000 ou aujourd’hui, puisque vous avez été engagée je crois en 2006 ou en 2005 - -

 

R         2005, oui, oui.

 

Q         - - où il faut chercher, votre réponse est droit devant nous. C’est l’annexe C, et elle tient compte de beaucoup plus de documents que ceux que vous mentionnez dans votre première note infrapaginale?

 

R         C’est exact.

 

Q         C’est exact, n’est-ce pas?

 

            En fait, pour les besoins de cet exercice, vous faites appel à vos compétences spécialisées d’historienne?

 

R         Oui.

 

Q         Tout comme le fait M. Morrison?

 

R         Oui.

 

Q         Ce sont des compétences spécialisées. La Cour a admis qu’il s’agissait de compétences spécialisées. Vous êtes une historienne, une historienne professionnelle. Vous avez un doctorat, et il y a une raison à cela, parce que vous avez acquis une formation, des connaissances et une expérience, et vous possédez des compétences spécialisées.

 

R         Oui.

 

Q         Et n’est-il pas vrai qu’une personne qui voudrait réaliser le travail que vous avez réalisé devrait posséder des compétences spécialisées semblables?

 

R         Je suis d’accord. Je pense que ces neuf dossiers dévoileraient une partie de l’essentiel de l’histoire, mais je suis d’accord que toute cette recherche additionnelle qui a été effectuée - - ajoute une plus-value à l’histoire et une meilleure compréhension de l’histoire.

 

Q         C’est le produit de votre travail - -

 

R         Oui.

 

Q         - - en qualité d’experte?

 

R         Oui.

 

 

(Transcription des témoignages, volume 8, aux pages 114 à 116)

 

[101]       L’on trouve un autre exemple de l’ignorance de la bande quant à ce qui se passait dans une lettre que le chef Ackewance a adressée à Alfred McCue pour lui demander de soulever certaines questions lors de la réunion du Grand conseil des Indiens. La lettre était datée du 13 juin 1922, et voici une partie de son texte :

[TRADUCTION]

[...] 4 $. La dernière question que nous poserions est celle qui nous importe, puisqu’elle touche chacun des membres de notre bande dans la réserve. Qu’advient-il de l’argent tiré de la vente de bois dans une réserve indienne? Pour que vous saisissiez bien la question, je vais vous exposer les faits de l’affaire. Notre agent des Indiens nous a dit qu’il y avait des entreprises forestières qui s’intéressaient au bois dans notre réserve. Il s’agit de la réserve de Frenchman’s Head. Nous avons tenu une réunion, et convenu de vendre le bois. Nous n’en avons plus entendu parler. J’ai alors écrit à l’agent des Indiens pour lui demander s’il avait été donné suite à la vente du bois. Il m’a écrit une lettre dans laquelle il disait que le bois avait été vendu à la Keewatin Lumber Company de Kenora, mais il ne m’a pas dit quel était le prix. J’ai fait des démarches, et j’ai appris d’un autre homme que le bois avait été vendu pour 50 000 $. Nous n’avons toujours pas reçu un cent de cet argent, et la vente a été réalisée il y a maintenant plus d’un an. Un de mes conseillers a écrit à l’agent des Indiens l’été dernier et lui a demandé un attelage de chevaux pour servir dans la réserve. On lui a dit qu’il ne pouvait pas l’avoir puisqu’aucun argent n’était perçu au profit de la bande. Monsieur, je ne prendrai pas davantage de votre précieux temps puisque je sais que vous devez être très occupé. Et je suis désolé de vous dire qu’il me sera impossible d’assister à la réunion, car il y a de nombreuses choses dont j’aimerais parler. Par exemple, nous n’avons pas d’écoles ni d’hôpitaux pour nos enfants et nos malades, et bien d’autres choses de ce genre. Nous aurons notre traité bientôt, et nous aurons peut-être plus de renseignements sur les points qui nous troublent.

 

(Pièce P-2, Rapport de M. Morrison, au paragraphe 102)

 

[102]       On peut dégager de la lettre du 30 juin 1930 que Kenneth MacDougall a adressée au sous-ministre des Affaires indiennes, dont voici un extrait, le fait que la bande n’était pas informée des contrats relatifs à la vente de son bois :

[TRADUCTION]

Les Indiens de la réserve indienne de Frenchman’s Head m’ont demandé de vous écrire pour leur obtenir tous les détails relatifs aux contrats conclus relativement à la vente de leur bois à M. C.W. Cox et à la Keewatin Lumber Co Ltd. [...]

(Caractères gras ajoutés)

 

(Pièce P-2, Rapport de M. Morrison, au paragraphe 322)

 

[103]       Voici la réponse du ministère :

[TRADUCTION]

En réponse à votre lettre du 5 du mois courant dans laquelle vous demandiez, pour le compte des Indiens de la bande de Lac Seul, des précisions concernant le bois d’œuvre, je dois dire que l’agent des Indiens local, M. Frank Edwards, à Kenora, possède tous les renseignements à ce sujet, et il est en mesure d’expliquer aux Indiens intéressés tous les détails relatifs au bois appartenant à la bande de Lac Seul. Inutile de vous assurer que les droits des Indiens sont pleinement protégés.

 

(Caractères gras ajoutés)

 

(Pièce J-1, volume 5, onglet 486)

Il me semble que cet échange a mené la bande à croire que tout allait bien et qu’ils n’avaient pas besoin de prendre quelque mesure que ce soit.

 

[104]       Les rapports entre la défenderesse et l’exploitant forestier étaient régis par le RBCI. La bande ne connaissait pas la teneur de ce règlement, de sorte qu’elle ne pouvait pas savoir quels manquements la défenderesse avait commis, le cas échéant.

 

[105]       Bien que la bande se soit plainte qu’elle n’était pas payée, le ministère assurait que [TRADUCTION] « les droits des Indiens sont pleinement protégés ».

 

[106]       Dans l’arrêt M.(K.) c M.(H.), [1992] 3 RCS 6, monsieur le juge La Forest a résumé comme suit la règle du manque de diligence aux pages 76 à 79 :

96.     Historiquement, les lois sur la prescription des actions ne s'appliquaient pas aux actions fondées sur l'equity et c'est ainsi que les tribunaux d'equity ont formulé leurs propres moyens de défense fondés sur la prescription. L'application de la prescription par analogie en est un exemple, mais le progrès plus important a été le moyen de défense fondé sur le manque de diligence. Même s'il faut examiner ici la question du manque de diligence comme dans le cas de toute réclamation tardive en equity, j'estime qu'elle n'est d'aucun secours à l'intimé.

 

97.     L'arrêt de principe sur le manque de diligence semblerait être Lindsay Petroleum Co. c. Hurd (1874), L.R. 5 P.C. 221, dans lequel cette règle est expliquée aux pp. 239 et 240 :

 

[TRADUCTION]  . . . dans les cours d'equity, la règle du manque de diligence n'est ni arbitraire, ni technique. Lorsqu'il serait pratiquement injuste d'accorder un redressement, soit parce que, par sa conduite, l'intéressé a fait quelque chose qu'on pourrait justement considérer comme équivalant à une renonciation audit redressement, ou lorsque, n'ayant peut‑être pas renoncé à ce redressement, il a par sa conduite et sa négligence mis la partie adverse dans une situation dans laquelle il ne serait pas raisonnable de la placer si le redressement devait par la suite être revendiqué, le laps de temps et le retard sont très importants dans chacun de ces deux cas. Mais, dans tous les cas, si une opposition au redressement, juste par ailleurs, se fonde simplement sur le retard, pourvu, bien entendu, que ce retard n'entraîne pas la prescription en vertu d'une loi quelconque, la validité de ce moyen de défense doit être décidée surtout selon des principes d'equity. Deux circonstances, toujours importantes en pareils cas, sont la longueur du retard et la nature des actes accomplis dans l'intervalle, éléments qui peuvent avoir des conséquences pour l'une ou l'autre partie et faire pencher la balance du côté de la justice ou de l'injustice selon qu'on adopte une solution ou l'autre, ce qui a trait au redressement.

 

Cette explication a été approuvée par lord Blackburn dans Erlanger c. New Sombrero Phosphate Co. (1878), 3 App. Cas. 1218 (H.L.), où, après avoir cité le passage qui précède, il ajoute ce qui suit, aux pp. 1279 et 1280 :

 

[TRADUCTION] J'ai vainement cherché dans les arrêts et les ouvrages une règle plus claire et précise et vu la nature de la question à examiner, je crois que pour décider si la balance de la justice ou de l'injustice favorise l'attribution du redressement ou son refus, il s'agira toujours de se fonder plus ou moins sur la diligence raisonnablement requise ou le changement survenu. La décision de cette question doit dépendre en grande partie de la tournure d'esprit de ceux qui sont chargés de décider et, par conséquent, elle est nécessairement sujette à l'incertitude; mais cela, je crois, est inhérent à un examen de cette nature.

 

Notre Cour a à son tour appliqué cette formulation; voir les arrêts Canada Trust Co. c. Lloyd, [1968] R.C.S. 300; Blundon c. Storm, [1972] R.C.S. 135.

 

98.     La règle élaborée dans l'arrêt Lindsay est certainement informe, et ce peut‑être admirablement. Toutefois, la jurisprudence nous permet de dégager une certaine structure. On trouve une bonne analyse de cette règle et de la règle du manque de diligence dans Meagher, Gummow et Lehane, op. cit., aux pp. 755 à 765; les auteurs y résument ainsi la théorie, à la p. 755 :

 

[TRADUCTION] C'est un moyen de défense qui permet à un défendeur de s'opposer avec succès à une réclamation en equity (quoique non légale) faite contre lui s'il peut établir que le demandeur, en tardant à intenter des poursuites, a) a acquiescé à la conduite du défendeur ou b) a amené le défendeur à changer sa position parce qu'il croyait raisonnablement que le demandeur avait accepté le statu quo ou qu'il avait permis une situation qu'il serait injuste de changer.

 

En conséquence, la règle du manque de diligence comporte deux éléments distincts et l'un ou l'autre suffit comme moyen de défense à une réclamation en equity. Il ressort immédiatement de l'ensemble de la jurisprudence que le simple retard ne suffit pas à déclencher l'application de l'un ou l'autre des éléments de la règle du manque de diligence. Il s'agit plutôt de déterminer si le retard du demandeur constitue un acquiescement ou crée des circonstances qui rendent déraisonnables les poursuites. En fin de compte, le manque de diligence doit être réglé comme une question de justice entre les parties, comme c'est le cas de toute règle d'equity.

 

99.     En l'espèce, on n'a pas à se demander si l'intimé a « changé sa position » à cause du retard de l'appelante. Ces considérations ne sont évidemment pas applicables dans un cas comme celui‑ci. Par ailleurs, le retard n'a pas pour effet de rendre déraisonnables les poursuites. En conséquence, si le manque de diligence a pour effet d'empêcher la demande de l'appelante, ce doit être à cause de l'acquiescement, le premier élément de la règle énoncée dans l'arrêt Lindsay.

 

100.     L'acquiescement est un terme imprécis dont le sens peut varier selon le contexte dans lequel il est utilisé. Meagher, Gummow et Lehane, op. cit., aux pp. 765 et 766, donnent trois sens différents à ce terme, le premier étant synonyme d'irrecevabilité, soit le cas où la partie demanderesse se rend compte qu'on la prive de ses droits, mais ne fait rien. On a dit que c'est là le sens principal de l'acquiescement. Le sens secondaire constitue un élément de la règle du manque de diligence : la partie demanderesse, qui est parfaitement consciente de ses droits et qui sait qu'elle en est privée, tarde à intenter une action, ce qui amène à conclure qu'elle a renoncé à ses droits. C'est là le sens de l'acquiescement aux fins du présent pourvoi. Le dernier sens de l'acquiescement est vague et est parfois associé au deuxième élément de la règle du manque de diligence dans le contexte d'un changement de position du défendeur du fait qu'il s'est fié à l'inaction de la partie demanderesse.

 

101.     Comme le laissent entendre les définitions principale et secondaire de l'acquiescement, un aspect important du concept est la connaissance que la partie demanderesse a de ses droits. Il ne suffit pas qu'elle connaisse les faits qui justifient une réclamation en equity; encore faut‑il qu'elle sache que lesdits faits donnent naissance à cette réclamation : Re Howlett, [1949] Ch. 767. Toutefois, notre Cour a statué que la connaissance de l'existence d'une réclamation doit être évaluée en fonction d'une norme objective; voir l'arrêt Taylor c. Wallbridge, (1879), 2 R.C.S. 616, à la p. 670. En d'autres termes, il s'agit de déterminer s'il est raisonnable qu'une partie demanderesse ignore ses droits lorsqu'elle connaît les faits sous‑jacents qui peuvent donner lieu à un recours en justice.

 

102.     Il est intéressant de constater que, du point de vue pratique, l'analyse sous l'angle de l'acquiescement se rapproche très étroitement de la façon dont on aborde la règle de la possibilité raisonnable de découvrir le préjudice subi en matière délictuelle. Comme nous l'avons vu, il faut dans ce dernier cas plus qu'une simple connaissance des actes délictuels ‑‑ le demandeur doit aussi être conscient du caractère répréhensible de ces actes. C'est essentiellement la même chose que de savoir qu'un recours en justice est possible. Il n'est guère étonnant que ces considérations en common law et en equity soient similaires et c'est là un progrès louable compte tenu des impératifs de principe similaires qui commandent les deux analyses.

 

 

[107]       Dans la présente affaire, la demanderesse n’a certainement pas acquiescé à la conduite de la défenderesse puisque la demanderesse n’avait pas connaissance de l’existence des documents reliés à la conduite de la défenderesse. Chaque fois qu’elle s’est plainte, la défenderesse l’a assurée qu’elle veillait à la protection de ses droits. Par exemple, la demanderesse ne savait pas que les droits de coupe avaient été augmentés ou que la défenderesse avait omis de lancer un nouvel appel d’offres lorsqu’elle avait prolongé la durée de validité du permis ni qu’elle n’avait pas exigé le paiement de nouveaux prix lorsqu’elle avait prolongé la période de validité du permis. La défenderesse n’a pas non plus informé la demanderesse que M. Cox pouvait récolter à titre de bois marchand les arbres d’un diamètre de six pouces ou plus.

 

[108]       Ainsi que le juge La Forest l’a fait remarquer, le demandeur doit avoir connaissance de ses droits. Par souci de commodité, je cite de nouveau ce qu’il a affirmé : 

Il ne suffit pas qu'elle connaisse les faits qui justifient une réclamation en equity; encore faut‑il qu'elle sache que lesdits faits donnent naissance à cette réclamation : [...]

 

[109]       Je suis d’avis que la demanderesse n’avait pas connaissance des faits qui donnaient naissance à sa réclamation jusqu’à ce qu’elle reçoive le rapport de l’historien Mark Kuhlberg en juillet 2003.

 

[110]       La demanderesse n’a pas amené la défenderesse à modifier sa position du fait qu’elle s’était raisonnablement fiée à l’acceptation du statu quo par la demanderesse, et la demanderesse n’a pas permis qu’une situation soit créée qu’il serait injuste de modifier. La défenderesse mentionne qu’elle aurait peut-être pu poursuivre M. Cox mais que celui-ci avait fait faillite en 1955.

 

[111]       Une autre question concerne la connaissance qu’avait la bande du fait que M. Cox n’avait pas payé ses droits de coupe aux environs de 1949 à 1950 et le désir de la bande que la défenderesse perçoive ces droits. Le ministère a avisé la demanderesse, par l’intermédiaire de l’agent des Indiens, M.  Swartman, qu’une action avait été intentée dans la Cour de l’Échiquier pour forcer M. Cox à payer ses droits de coupe. Cette action visait uniquement les droits de coupe en souffrance et ne traitait pas des différentes questions qui se posaient sous le régime du RBCI comme les droits applicables ou les prolongations des périodes de validité des permis. Il convient également de souligner que la présente action est une action intentée contre la défenderesse du fait de ses manquements à ses obligations fiduciales envers la bande.

 

[112]       La défenderesse a invoqué le moyen de défense fondé sur le manque de diligence uniquement en rapport avec M. Cox.

 

[113]       En conclusion, je suis d’avis que la règle du manque de diligence ne s’applique pas de manière à faire échec à la réclamation présentée par la demanderesse.

 

 

Contestation indirecte et préclusion relative à une question déjà tranchée

 

[114]       La défenderesse soutient essentiellement qu’aucune réclamation concernant la période de validité du deuxième permis n’est recevable parce que la Cour de l’Échiquier a rendu jugement contre M. Cox au sujet des montants dus en rapport avec cette période après avoir demandé une reddition de comptes concernant tout le bois d’œuvre, le bois à pâte, les traverses et les autres produits du bois coupé ou non coupé et enlevés de sa concession forestière dans la réserve de Lac Seul par M. Cox ou ses préposés, ouvriers, mandataires, employés ou entrepreneurs, ou dont ces personnes auraient disposé autrement.

 

[115]       Dans l’arrêt Danyluk c Ainsworth Technologies Inc., [2001] A.C.S. no 46, monsieur le juge Binnie, s’exprimant au nom de la Cour, a affirmé ce qui suit, aux paragraphes 20, 24 et 25 :

20.     Le droit s’est doté d’un certain nombre de moyens visant à prévenir les recours abusifs. L’un des plus anciens est la doctrine de la préclusion per rem judicatem, qui tire son origine du droit romain et selon laquelle, une fois le différend tranché définitivement, il ne peut être soumis à nouveau aux tribunaux : Farwell c. La Reine (1894), 22 R.C.S. 553, p. 558, et Angle c. Ministre du Revenu national, [1975] 2 R.C.S. 248, p. 267-268. La doctrine est opposable tant à l’égard de la cause d’action ainsi décidée (on parle de préclusion fondée sur la demande, sur la cause d’action ou sur l’action) que des divers éléments constitutifs ou faits substantiels s’y rapportant nécessairement (on parle alors généralement de préclusion découlant d’une question déjà tranchée) : G. S. Holmested et G. D. Watson, Ontario Civil Procedure (feuilles mobiles), vol. 3 suppl., 21§17 et suiv. Un autre aspect de la politique établie par les tribunaux en vue d’assurer le caractère définitif des instances est la règle qui prohibe les contestations indirectes, c’est‑à‑dire la règle selon laquelle l’ordonnance rendue par un tribunal compétent ne doit pas être remise en cause dans des procédures subséquentes, sauf celles prévues par la loi dans le but exprès de contester l’ordonnance : Wilson c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 594; R. c. Litchfield, [1993] 4 R.C.S. 333; R. c. Sarson, [1996] 2 R.C.S. 223.

 

[...]

24.     La préclusion découlant d’une question déjà tranchée a été définie de façon précise par le juge Middleton de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt McIntosh c. Parent, [1924] 4 D.L.R. 420, p. 422 :

[TRADUCTION]  Lorsqu’une question est soumise à un tribunal, le jugement de la cour devient une décision définitive entre les parties et leurs ayants droit. Les droits, questions ou faits distinctement mis en cause et directement réglés par un tribunal compétent comme motifs de recouvrement ou comme réponses à une prétention qu’on met de l’avant, ne peuvent être jugés de nouveau dans une poursuite subséquente entre les mêmes parties ou leurs ayants droit, même si la cause d’action est différente. Le droit, la question ou le fait, une fois qu’on a statué à son égard, doit être considéré entre les parties comme établi de façon concluante aussi longtemps que le jugement demeure. [Je souligne.]

 

Le juge Laskin (plus tard Juge en chef) a souscrit à cet énoncé dans ses motifs de dissidence dans l’arrêt Angle, précité, p. 267-268. Cette description des aspects visés par la préclusion (« [l]es droits, questions ou faits distinctement mis en cause et directement réglés ») est plus exigeante que celle utilisée dans certaines décisions plus anciennes à l’égard de la préclusion fondée sur la cause d’action (par exemple [TRADUCTION] « toute question ayant été débattue ou qui aurait pu à bon droit l’être », Farwell, précité, p. 558). S’exprimant au nom de la majorité dans l’arrêt Angle, précité, p. 255, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a également fait sienne la définition plus exigeante de l’objet de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. « Il ne suffira pas », a‑t‑il dit, « que la question ait été soulevée de façon annexe ou incidente dans l’affaire antérieure ou qu’elle doive être inférée du jugement par raisonnement. » La question qui est censée donner naissance à la préclusion doit avoir été « fondamentale à la décision à laquelle on est arrivé » dans l’affaire antérieure. En d’autres termes, comme il est expliqué plus loin, la préclusion vise les faits substantiels, les conclusions de droit ou les conclusions mixtes de fait et de droit (« les questions ») à l’égard desquels on a nécessairement statué (même si on ne l’a pas fait de façon explicite) dans le cadre de l’instance antérieure.

 

25.     Les conditions d’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ont été énoncées par le juge Dickson dans l’arrêt Angle, précité, p. 254 :

 

(1)  que la même question ait été décidée;

 

(2)  que la décision judiciaire invoquée comme créant la [préclusion] soit finale; et

 

(3)  que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l’affaire où la [préclusion] est soulevée, ou leurs ayants droit.

 

 

 

[116]       La question qui doit être tranchée dans la présente affaire n’est pas la même que celle que la Cour de l’Échiquier a tranchée dans le cadre de la poursuite contre M. Cox. Cette affaire concernait le volume de bois coupé et les droits dus au titre du bois qui avait été coupé durant la période de 1945 à 1952. La présente affaire concerne d’autres questions en rapport avec cette période, comme la question de savoir quels taux de droits de coupe auraient dû être appliqués. Puisque la défenderesse avait le contrôle de la teneur de la réclamation présentée contre M. Cox, la demanderesse a encore le droit de dire que la défenderesse n’a pas réclamé tout ce qu’elle aurait dû réclamer et, par conséquent, elle a manqué à l’obligation fiduciale qu’elle avait envers la demanderesse. Conclure le contraire aurait pour effet de permettre à un fiduciaire de se dégager de toute responsabilité simplement en obtenant un jugement accordant une partie de ce qui était dû au demandeur.

 

[117]       Étant donné ma conclusion selon laquelle nous n’avons pas affaire à la même question en l’espèce, je ne traiterai pas des autres conditions d’admissibilité de la défense de préclusion relative à une question déjà tranchée.

 

[118]       Je ne traiterai pas non plus de l’argument relatif à une contestation indirecte puisque la demanderesse ne conteste pas le jugement de la Cour de l’Échiquier contre M. Cox. La demanderesse affirme que son action vise la défenderesse, et non M. Cox. La décision de la Cour de l’Échiquier diminuerait tous les dommages-intérêts que la défenderesse pourrait devoir à la demanderesse dans le cadre de son action contre la défenderesse au titre de manquements à son obligation fiduciale.

 

[119]       En ce qui concerne l’évaluation des témoignages d’expert, j’ai examiné les commentaires figurant aux pages 43 à 47 du plan de plaidoirie de la défenderesse, et, de manière générale, je souscris à ces commentaires.

 

[120]       Les deux historiens experts étaient James Morrison pour le compte de la demanderesse et Betsey Baldwin pour le compte de la défenderesse. Les conclusions de fait des deux experts étaient généralement concordantes. Toutefois, concernant la question de savoir si les membres de la bande s’étaient vu promettre du bois d’œuvre à bon marché pour construire leurs habitations, Mme Baldwin a affirmé dans son témoignage qu’elle n’était pas d’accord pour dire que la bande s’était vu promettre du petit bois d’œuvre à bon marché pour la construction d’habitations. Cependant, au paragraphe 32 de son rapport, M. Morrison mentionne la pétition de la bande de Lac Seul datée du 24 août 1918 dans laquelle des membres de la bande affirmaient qu’ils voulaient vendre une partie du bois de manière à ce qu’ils puissent avoir accès à du petit bois d’œuvre à bon marché pour la construction de leurs maisons.

 

[121]       Là où les témoignages d’experts sont contradictoires, j’accorderais plus de poids au témoignage de James Morrison. Il a beaucoup d’expérience dans le domaine et il a produit un rapport historique détaillé. Je prends acte de l’affirmation de la défenderesse selon laquelle M. Morrison n’avait pas démontré qu’il était [TRADUCTION] « modéré, équitable et strictement professionnel » en raison de ses remarques au sujet de M. Cox. J’ai examiné ces remarques et je constate que les éléments de preuve historique présentés par M. Morrison demeurent valides, et, par conséquent, je ne suis pas d’accord pour dire qu’il n’a pas été [TRADUCTION] « modéré, équitable et strictement professionnel » en rapport avec ces éléments de preuve.

 

[122]       La présente décision concerne la question de la responsabilité. Ma décision concernant les dommages-intérêts suivra après que j’aurai rencontré les avocats des parties car je crois qu’il est nécessaire de discuter de certaines questions relatives aux dommages-intérêts avec les avocats des parties avant de rendre ma décision à cet égard.

 

[123]       J’examinerai la question de savoir si le manque de diligence devrait avoir pour effet de réduire le montant des dommages-intérêts dans mes motifs relatifs aux dommages-intérêts.

 

[124]       J’examinerai également de la question des dommages-intérêts punitifs ou majorés dans mes motifs relatifs aux dommages-intérêts.

 

[125]       La question des dépens sera tranchée dans les motifs relatifs aux dommages-intérêts.

 

[126]       Je demeure compétent pour statuer sur les questions des dommages, l’incidence du manque de diligence sur le montant des dommages-intérêts, les dommages-intérêts punitifs (majorés), les dépens et toute autre question dont je n’aurais pas tenu compte dans les présents motifs.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 


 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2481-03

 

INTITULÉ :                                      PREMIÈRE NATION DE LAC SEUL

                                                            représentée par le chef et le conseil

 

                                                            - et -

 

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                            DU CHEF DU CANADA

                                                           

LIEU DE L’AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Les 3, 4, 9, 10, 11 et 30 septembre

et les 2, 3, 7, 8, 9, 21, 22, 23 et 24 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 8 mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

William J. Major

David Leitch

 

POUR LA DEMANDERESSE

Michael Roach

Jennifer Francis

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Keshen & Major

Kenora (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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